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Art et Culture Publié le jeudi 25 février 2010 | Demain

Interview - Justin Oussou : "Alpha Blondy n’a pas le droit d’afficher son appartenance politique"

N’goran Oussou Justin, plus connu sous le nom de Justin Oussou, est l’un des peintres les plus significatifs de sa génération. Artiste dans l’âme, il se considère comme un témoin de son temps. Il n’a d’ailleurs pas hésité, malgré les qu’en-dira-t-on, à fixer sur la toile, les moments forts, mais également les personnages qui ont marqué l’histoire de la Côte d’Ivoire, ces 10 dernières années. Il nous parle ici de sa passion pour la peinture qui, malheureusement, ne rencontre pas dans notre pays un public attentif.

Quelle est l’actualité de Justin Oussou ?

En ce moment, je travaille sur le thème de la Paix. C’est en fait, la continuité de ce que j’ai déjà fait sur la guerre. Je me suis inspiré des évènements que le pays a traversé depuis le coup d’Etat en 1999 ; ensuite la rébellion du 19 septembre, les évènements de novembre 2004 avec l’armée française, l’Accord de Ouaga. C’est tout cela qui m’a inspiré.

Vous parlez de l’art Kangourou. Qu’est-ce que c’est ?

C’est un concept. Il consiste à créer une symbiose, une certaine complémentarité entre différents matériaux, pris çà et là pour en faire des collages afin d’obtenir un tout indissociable, comme la mère kangourou et son petit qu’elle met dans sa poche ventrale. Quand on voit la mère kangourou et son petit, on croirait ne voir qu’un seul être. Pourtant, ce sont deux éléments distincts. C’est donc cette complicité entre la mère kangourou et son petit que les créateurs kangourou essaient de recréer dans leurs œuvres.

Qu’est-ce qui distingue Justin Oussou des autres peintres?

Mes touches personnelles, les thèmes que je développe. Ces dix dernières années, je suis inscrit dans la peinture de l’histoire de l’actualité politique de la Côte d’Ivoire. C’est ce qui me différencie fondamentalement des autres artistes.

Pensez-vous qu’un artiste devrait se mêler de politique ?

Non. Je pense qu’un artiste ne devrait pas le faire. Ceux qui le font, je les considère comme des artistes alimentaires. En fait, c’est la pauvreté qui pousse les artistes à quémander et à lécher les bottes des hommes politiques. A priori, on croirait que je fais de la politique, mais je n’en fais pas; je suis un observateur de la vie socio-politique. Je ne suis pas un acteur politique.

Mais vous travaillez sur des thèmes politiques non ?

Je m’en inspire, parce que c’est le rôle de l’artiste que je suis de témoigner de son temps. J’essais d’immortaliser ce que les politiciens font de mon temps. C’est cela la différence fondamentale entre certains artistes et moi. Un homme comme Alpha Blondy, à qui on demande son parti répond ouvertement qu’il est du Fpi, ne devrait pas faire cela. Un artiste doit chanter pour la paix en Côte d’Ivoire ; il ne doit pas soutenir un président de République, ni un ministre, encore moins un parti politique. Le jour de l’élection, tu prends le bulletin du parti que tu veux, tu le mets dans l’urne. Mais c’est ta cuisine interne et ça ne regarde personne, c’est privé. Et c’est ainsi qu’un artiste doit se comporter. Moi, je ne dévoilerais jamais mon parti en public. Je pense que cela n’intéresse personne.

On dit que généralement les grands artistes ont un vice. C’est quoi le votre ?

Le vice n’est pas propre aux artistes, même si l’artiste pour pouvoir créer, a besoin de se mettre dans un état second. Soit il boit, soit il fume beaucoup ; il peut aussi se droguer ou s’adonner aux femmes. Je ne fume ni ne me drogue ; je ne bois pas non plus.

Qu’est-ce qui vous inspire ?

Les choses de la vie, le quotidien.

Selon vous, pourquoi les Ivoiriens ne s’intéressent pas à la peinture ?

Il y a deux raisons essentielles. La première est que les Ivoiriens ne sont pas un public intellectuel. La seconde, ils n’ont pas les moyens financiers de s’offrir des tableaux.

Qu’est-ce qui fait qu’une peinture coûte aussi chère ?

L’œuvre d’art n’a de valeur que par sa singularité. Un tableau est unique ; il y a aussi le matériel à acheter et le temps qu’on met à concevoir l’œuvre. Ce n’est pas comme à la chanson où tu peux sortir 100 000 exemplaires d’une casette. Si tu as un tableau de Oussou Justin, sache que tu es le seul à l’avoir.

C’est le nom de l’artiste, ou c’est la beauté de l’œuvre qui fait le plus vendre ?

C’est la signature du peintre. Quand un jeune peintre commence dans le métier, il va vendre moins cher ses œuvres. Avec le temps, il expose un peu partout, il gagne en maturité et en talent, il est reconnu comme un peintre sérieux qui fait du travail de qualité. Tout cela réuni, donne de la valeur à l’artiste et ce dernier commence à coûter cher. On dit que sa côte monte, son nom et ses œuvres deviennent donc une référence. Maintenant, ce n’est pas le contenu de l’œuvre qui fait que ses tableaux vont coûter cher. Il peut même gribouiller quelque chose sur la toile, mais qui va quand même coûter cher. Picasso, même s’il a déféqué sur la toile, parce que justement c’est un Picasso, va être hors de prix. Ce n’est pas normal, mais il en est ainsi.

Le tableau le plus cher qu’Oussou ait vendu est estimé à combien ?

En fait, c’est un ensemble de 26 œuvres qui ont été achetées par l’Etat de Côte d’Ivoire ; et le montant est estimé autour de 100 millions de francs cfa. C’est une chance que j’ai eu. Cela n’est pas donné à tout le monde.

fatim camara
safa8182@yahoo.fr
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