Richard Dogni a obtenu le Bac en 1993 à l'âge de 17 ans. Il est entré à l'université de Cocody à la Fac de droit et a été affecté à la cité universitaire de Yopougon I. Il a été successivement secrétaire à l'éducation puis à l'organisation de la section de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d'Ivoire (Fesci) dirigée par Faya. Il a été membre de cette section où il s'est fait appeler Général Lokoko, jusqu'à ce que la cité soit rétrocédée en 1997 aux policiers. Aujourd'hui titulaire d'une maîtrise en droit, il travaille comme conseil dans des cabinets "de bonne volonté", selon sa propre expression. Fin 2009, lui et certains anciens fescistes ont créé le Cafes : Congrès des anciens de la Fesci.
Un appel aux fescistes, envoyé dans l'adresse électronique de notre journal et signé par vous, invite les anciens responsables de la Fesci comme les actuels militants de ce mouvement estudiantin, à se détourner du camp présidentiel parce que, soutenez-vous, Laurent Gbagbo aurait trahi la jeunesse ivoirienne. Sur quoi vous fondez-vous pour tenir ce genre de langage ?
Le mot trahison est beaucoup plus faible. Il y a quelques années, Gbagbo était la lumière, l'ombrage. Il est même arrivé un moment où nous autres pouvions accepter de mourir pour lui. C'est ainsi que des amis sont morts. Akpélé Akpélé, Elelé Rages, tombés pour l'amour de Gbagbo. Ce n'est pas que la trahison. C'est un dérapage. Je me pose des questions sur ce qui a bien pu se passer. Peut-être que c'est le poste de président de la République qui ne lui sied pas. Peut-être que ses compétences ne peuvent pas être mises à épreuve. Peut-être qu'il est encore opposant professionnel et qu'il n'est pas apte à gouverner. Bref, on ne le retrouve pas. Et donc, nous en tant que syndicalistes, ne pouvons pas et ne devons pas nous retrouver à la soupe de ce pouvoir.
Un syndicaliste, à vous entendre, devrait donc se retrouver du côté de l'opposition. Pour quelles raisons objectives ?
Je me rappelle que quand il était dans l'opposition, Laurent Gbagbo disait à Bédié qu'il risquait d'avoir en face de lui un Kabila. C'était en 1999. Il trouvait que les urnes n'étaient pas assez transparentes, que les conditions d'une véritable démocratie n'étaient pas réunies, etc. Il y a eu un coup d'Etat. Mais en 2002, il y a eu une rébellion qui a coupé le pays en deux. C'est un message qui a été envoyé à Gbagbo. Un autre Kabila est venu sous la forme de Soro Guillaume, un ancien de la Fesci. Mais que fait Gbagbo ? Il ne se remet pas en cause. Jusqu'à présent, il estime être la victime et les autres sont les oppresseurs. Pour nous, la question ne se pose pas. La population a besoin des anciens de la Fesci parce que nous avons mené un combat pour que la Côte d'Ivoire soit un pays démocratique. Aujourd'hui, Gbagbo ne peut pas venir confisquer ces libertés que nous avons acquises. Je prends le cas des marches. Nous ne pouvons pas voir cela et accepter d'être appelés à la soupe. Pour nous, l'heure est arrivée pour dire à ceux qui sont à la soupe ou qui y vont qu'on a besoin d'élections. On ne peut pas vivre sans élections dix ans durant. Le pays est étouffé. Mon appel s'adresse aux Ahipeaud, Blé Goudé et autres.
Pourquoi travaillez-vous pour l'opposition ?
Y a-t-il un mal à travailler pour l'opposition ? Pourquoi devrait-on se censurer ? Voulez-vous qu'on dise à Gbagbo : " Non, on ne travaille pour personnel on ne fait que t'interpeller " ? Soyons francs : on interpelle pour quoi ? Le fait est qu'en Côte d'Ivoire, il n'y a pas de société civile pour interpeller Gbagbo.
Vous définissez-vous comme membre de la société civile ou militant de l'opposition, notamment du Rdr ?
Je n'ai pas encore de carte de parti politique. Ma position est cependant claire : le combat de l'opposition mérite d'être soutenu. Il faut le dire aussi clairement : j'ai soutenu le combat du Rdr. J'ai soutenu le combat du Pdci. Récemment j'ai participé à la marche des jeunes. Pour moi, le Rhdp est un grand parti. Mais seuls, ils ne peuvent pas mener ce combat face à Gbagbo parce que celui-ci a appris à les connaître tandis qu'eux ne le connaissent pas. Le problème de l'opposition ivoirienne est qu'elle est justement trop responsable. Quand tu écoutes des gens comme Djédjé Mady ou Alassane Ouattara, on entend des gens qui n'ont pas envie de détruire la Côte d'Ivoire. Ils n'ont pas envie de se mettre au même niveau que Laurent Gbagbo. Sinon, Alassane Ouattara peut sortir, crier et ses partisans cassent tout en Côte d'Ivoire. Bédié crie, les gens vont tout casser. Bédié a été Président de la République de Côte d'Ivoire. Pendant son mandat, il y a eu des marches. Mais en six ans, bien qu'il y a eu des bavures, on n'a pas enregistré autant de morts que sous Gbagbo. Mais voyez récemment, une petite manifestation à Gagnoa. 5 morts. Aujourd'hui, il y a des coupures de courant en Côte d'Ivoire. Mon père ne comprendra pas. Puisqu'il a vécu cela en 1983 et a vu la réaction du parti au pouvoir à l'époque pour éviter le pire aux Ivoiriens. On nous donne même un programme de délestage. On fait un programme de délestage dans un pays moderne. Et on nous demande de choisir entre le colonialisme et la liberté. C'est anachronique ! Non, les gens ne savent pas gouverner. Et notre rôle est d'éveiller les consciences. Nous, on nous menace. On nous dit " on va finir avec vous " mais Gandhi est mort. Aujourd'hui, on peut nous tuer mais des voix vont toujours s'élever pour dire comme nous que Gbagbo gère mal le pays. Regardez l'école, les détournements. Regardez la Fesci. Elle est transformée en direction nationale de campagne du candidat Gbagbo. Notre Fesci. Est-ce que c'est normal ? Le pauvre Mian, qui a de bonnes idées mais qui, malheureusement, n'a pas le choix.
Pourquoi n'a-t-il pas le choix ?
Mais derrière lui, il a des gens qui sont de véritables pythons. Il est très intelligent mais il est pris en otage. Aujourd'hui, l'université est devenue autre chose. Tout le monde peut y aller sauf l'opposition.
Pourquoi la Fesci n'arrive pas à se démarquer du Fpi ?
C'est le Fpi qui ne veut pas laisser la Fesci en paix. Ce n'est pas la Fesci qui refuse de se démarquer. Les Mian, Zagol et autres qui sont nos jeunes frères, ont de bonnes idées pour la Fesci, dans le sens de la défense des intérêts des élèves et étudiants de Côte d'Ivoire. Dans un régime normal, il est important d'avoir des structures pour défendre les intérêts des étudiants. Mais quand le pouvoir veut tout caporaliser en instrumentalisant la pauvreté des étudiants, cela est dangereux. Qu'ont les étudiants ivoiriens ? Rien ! Alors quand vous donnez une 4X4, une maison, de l'argent à un étudiant qui est en licence, en ce temps-là, parce qu'il est responsable de la Fesci, quel intérêt des étudiants voulez-vous que ce dernier défende ? Regardez la fortune de certains leaders patriotiques. On leur donne des moyens énormes pour qu'ils puissent se prendre pour de grands types. Il y en a qui disent qu'ils ont souffert pour être là. Soit. Moi, il y a une question que je pose à Blé : est-ce que la ligne que tu as choisie est celle qui prend en compte l'intérêt général et non seulement celui de ton ventre ?
Aujourd'hui, je vous apprends que je reçois des menaces. Mais je ne désespère pas. Le tribunal de l'histoire est juste et efficace. Je demande aux jeunes ivoiriens de se ressaisir. Ils ne doivent pas suivre aveuglément des gens qui se limitent à leur ventre et qui ont bâti leur fortune en se servant de leur mobilisation.
Quelle est la philosophie du Cafes ?
Nous luttons pour que la Côte d'Ivoire soit véritablement démocratique. Nous autres étions gamins quand on a été intoxiqués et qu'on a crié "Houphouët voleur !". Aujourd'hui, on se rend compte qu'il avait une réelle vision et a construit ce pays. Le combat que nous propose Gbagbo est un combat qui a été déjà mené par nos grands-parents. Il nous demande de choisir entre le colonialisme et la liberté. Mais, moi mon grand père était un ancien combattant. Aujourd'hui, on doit plutôt mener le combat du développement, des nouvelles technologies, le combat du modernisme. Gbagbo veut nous renvoyer en arrière. Il faut que les Ivoiriens disent non à cela. Le Cafes veut mener ce combat. La refondation est périmée et quand un remède est périmé, il ne faut pas l'utiliser.
Quelle est votre appréciation de la mise sur pied d'un groupe d'anciens fescistes amenés par Martial Ahipeaud qui affiche son soutien à Laurent Gbagbo ?
Aujourd'hui, le problème de la Côte d'Ivoire, c'est un peu cela. Prenez le cas de Fologo. Il a été un grand journaliste, un grand collaborateur du Président Houphouët pendant plusieurs années. Il aurait été un occidental, il aurait créé une école de journalisme pour transmettre son savoir. Mais que fait Fologo ? Il célèbre Blé Goudé. Il célèbre Gbagbo. Cela vaut autant pour Fologo que pour certains de nos aînés à la Fesci.
Interview réalisée par Prince Béganssou
Un appel aux fescistes, envoyé dans l'adresse électronique de notre journal et signé par vous, invite les anciens responsables de la Fesci comme les actuels militants de ce mouvement estudiantin, à se détourner du camp présidentiel parce que, soutenez-vous, Laurent Gbagbo aurait trahi la jeunesse ivoirienne. Sur quoi vous fondez-vous pour tenir ce genre de langage ?
Le mot trahison est beaucoup plus faible. Il y a quelques années, Gbagbo était la lumière, l'ombrage. Il est même arrivé un moment où nous autres pouvions accepter de mourir pour lui. C'est ainsi que des amis sont morts. Akpélé Akpélé, Elelé Rages, tombés pour l'amour de Gbagbo. Ce n'est pas que la trahison. C'est un dérapage. Je me pose des questions sur ce qui a bien pu se passer. Peut-être que c'est le poste de président de la République qui ne lui sied pas. Peut-être que ses compétences ne peuvent pas être mises à épreuve. Peut-être qu'il est encore opposant professionnel et qu'il n'est pas apte à gouverner. Bref, on ne le retrouve pas. Et donc, nous en tant que syndicalistes, ne pouvons pas et ne devons pas nous retrouver à la soupe de ce pouvoir.
Un syndicaliste, à vous entendre, devrait donc se retrouver du côté de l'opposition. Pour quelles raisons objectives ?
Je me rappelle que quand il était dans l'opposition, Laurent Gbagbo disait à Bédié qu'il risquait d'avoir en face de lui un Kabila. C'était en 1999. Il trouvait que les urnes n'étaient pas assez transparentes, que les conditions d'une véritable démocratie n'étaient pas réunies, etc. Il y a eu un coup d'Etat. Mais en 2002, il y a eu une rébellion qui a coupé le pays en deux. C'est un message qui a été envoyé à Gbagbo. Un autre Kabila est venu sous la forme de Soro Guillaume, un ancien de la Fesci. Mais que fait Gbagbo ? Il ne se remet pas en cause. Jusqu'à présent, il estime être la victime et les autres sont les oppresseurs. Pour nous, la question ne se pose pas. La population a besoin des anciens de la Fesci parce que nous avons mené un combat pour que la Côte d'Ivoire soit un pays démocratique. Aujourd'hui, Gbagbo ne peut pas venir confisquer ces libertés que nous avons acquises. Je prends le cas des marches. Nous ne pouvons pas voir cela et accepter d'être appelés à la soupe. Pour nous, l'heure est arrivée pour dire à ceux qui sont à la soupe ou qui y vont qu'on a besoin d'élections. On ne peut pas vivre sans élections dix ans durant. Le pays est étouffé. Mon appel s'adresse aux Ahipeaud, Blé Goudé et autres.
Pourquoi travaillez-vous pour l'opposition ?
Y a-t-il un mal à travailler pour l'opposition ? Pourquoi devrait-on se censurer ? Voulez-vous qu'on dise à Gbagbo : " Non, on ne travaille pour personnel on ne fait que t'interpeller " ? Soyons francs : on interpelle pour quoi ? Le fait est qu'en Côte d'Ivoire, il n'y a pas de société civile pour interpeller Gbagbo.
Vous définissez-vous comme membre de la société civile ou militant de l'opposition, notamment du Rdr ?
Je n'ai pas encore de carte de parti politique. Ma position est cependant claire : le combat de l'opposition mérite d'être soutenu. Il faut le dire aussi clairement : j'ai soutenu le combat du Rdr. J'ai soutenu le combat du Pdci. Récemment j'ai participé à la marche des jeunes. Pour moi, le Rhdp est un grand parti. Mais seuls, ils ne peuvent pas mener ce combat face à Gbagbo parce que celui-ci a appris à les connaître tandis qu'eux ne le connaissent pas. Le problème de l'opposition ivoirienne est qu'elle est justement trop responsable. Quand tu écoutes des gens comme Djédjé Mady ou Alassane Ouattara, on entend des gens qui n'ont pas envie de détruire la Côte d'Ivoire. Ils n'ont pas envie de se mettre au même niveau que Laurent Gbagbo. Sinon, Alassane Ouattara peut sortir, crier et ses partisans cassent tout en Côte d'Ivoire. Bédié crie, les gens vont tout casser. Bédié a été Président de la République de Côte d'Ivoire. Pendant son mandat, il y a eu des marches. Mais en six ans, bien qu'il y a eu des bavures, on n'a pas enregistré autant de morts que sous Gbagbo. Mais voyez récemment, une petite manifestation à Gagnoa. 5 morts. Aujourd'hui, il y a des coupures de courant en Côte d'Ivoire. Mon père ne comprendra pas. Puisqu'il a vécu cela en 1983 et a vu la réaction du parti au pouvoir à l'époque pour éviter le pire aux Ivoiriens. On nous donne même un programme de délestage. On fait un programme de délestage dans un pays moderne. Et on nous demande de choisir entre le colonialisme et la liberté. C'est anachronique ! Non, les gens ne savent pas gouverner. Et notre rôle est d'éveiller les consciences. Nous, on nous menace. On nous dit " on va finir avec vous " mais Gandhi est mort. Aujourd'hui, on peut nous tuer mais des voix vont toujours s'élever pour dire comme nous que Gbagbo gère mal le pays. Regardez l'école, les détournements. Regardez la Fesci. Elle est transformée en direction nationale de campagne du candidat Gbagbo. Notre Fesci. Est-ce que c'est normal ? Le pauvre Mian, qui a de bonnes idées mais qui, malheureusement, n'a pas le choix.
Pourquoi n'a-t-il pas le choix ?
Mais derrière lui, il a des gens qui sont de véritables pythons. Il est très intelligent mais il est pris en otage. Aujourd'hui, l'université est devenue autre chose. Tout le monde peut y aller sauf l'opposition.
Pourquoi la Fesci n'arrive pas à se démarquer du Fpi ?
C'est le Fpi qui ne veut pas laisser la Fesci en paix. Ce n'est pas la Fesci qui refuse de se démarquer. Les Mian, Zagol et autres qui sont nos jeunes frères, ont de bonnes idées pour la Fesci, dans le sens de la défense des intérêts des élèves et étudiants de Côte d'Ivoire. Dans un régime normal, il est important d'avoir des structures pour défendre les intérêts des étudiants. Mais quand le pouvoir veut tout caporaliser en instrumentalisant la pauvreté des étudiants, cela est dangereux. Qu'ont les étudiants ivoiriens ? Rien ! Alors quand vous donnez une 4X4, une maison, de l'argent à un étudiant qui est en licence, en ce temps-là, parce qu'il est responsable de la Fesci, quel intérêt des étudiants voulez-vous que ce dernier défende ? Regardez la fortune de certains leaders patriotiques. On leur donne des moyens énormes pour qu'ils puissent se prendre pour de grands types. Il y en a qui disent qu'ils ont souffert pour être là. Soit. Moi, il y a une question que je pose à Blé : est-ce que la ligne que tu as choisie est celle qui prend en compte l'intérêt général et non seulement celui de ton ventre ?
Aujourd'hui, je vous apprends que je reçois des menaces. Mais je ne désespère pas. Le tribunal de l'histoire est juste et efficace. Je demande aux jeunes ivoiriens de se ressaisir. Ils ne doivent pas suivre aveuglément des gens qui se limitent à leur ventre et qui ont bâti leur fortune en se servant de leur mobilisation.
Quelle est la philosophie du Cafes ?
Nous luttons pour que la Côte d'Ivoire soit véritablement démocratique. Nous autres étions gamins quand on a été intoxiqués et qu'on a crié "Houphouët voleur !". Aujourd'hui, on se rend compte qu'il avait une réelle vision et a construit ce pays. Le combat que nous propose Gbagbo est un combat qui a été déjà mené par nos grands-parents. Il nous demande de choisir entre le colonialisme et la liberté. Mais, moi mon grand père était un ancien combattant. Aujourd'hui, on doit plutôt mener le combat du développement, des nouvelles technologies, le combat du modernisme. Gbagbo veut nous renvoyer en arrière. Il faut que les Ivoiriens disent non à cela. Le Cafes veut mener ce combat. La refondation est périmée et quand un remède est périmé, il ne faut pas l'utiliser.
Quelle est votre appréciation de la mise sur pied d'un groupe d'anciens fescistes amenés par Martial Ahipeaud qui affiche son soutien à Laurent Gbagbo ?
Aujourd'hui, le problème de la Côte d'Ivoire, c'est un peu cela. Prenez le cas de Fologo. Il a été un grand journaliste, un grand collaborateur du Président Houphouët pendant plusieurs années. Il aurait été un occidental, il aurait créé une école de journalisme pour transmettre son savoir. Mais que fait Fologo ? Il célèbre Blé Goudé. Il célèbre Gbagbo. Cela vaut autant pour Fologo que pour certains de nos aînés à la Fesci.
Interview réalisée par Prince Béganssou