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Politique Publié le lundi 8 mars 2010 | Nord-Sud

Angèle Gnonsoa, vice-pdte du Pit : “Attention, le peuple grogne”

A la suite de l'analyse que nous avons faite, la semaine dernière, intitulée : « Où va le Pit » et dans laquelle nous nous interrogions sur les choix politiques et les alliances stratégiques du parti de Francis Wodié, la vice-présidente du Parti ivoirien des travailleurs (Pit) nous a accordé cette interview. Tout en apportant les réponses à notre questionnement, Angèle Gnonsoa n'a pas moins mis en garde les dirigeants du pays contre un soulèvement du peuple qui n'en peut plus, selon elle, de souffrir.


De quel bord est finalement le Parti ivoirien des travailleurs qui n'hésite plus à nouer des alliances avec des partis de droite et de centre?

Le parti ivoirien des travailleurs est de son propre bord. Ce que nous avons du mal à comprendre, c'est que les gens veulent absolument nous mettre dans les blocs. Or, un parti qui se crée, ne se crée pas pour être en alliance avec un autre parti de façon définitive. Si cela doit se faire, on parle dans ce cas de fusion. Et comme les gens s'interrogent très souvent de savoir pourquoi nous créons des alliances qui ne durent. Se sont-ils une fois demandé pourquoi ceux qui avec nous créons ces alliances nous quittent aussi ?



Avez-vous vous-même un début d'explication ?

Avant le retour du multipartisme, beaucoup d'Ivoiriens militaient dans des partis clandestins. Quand nous sommes sortis au grand jour, nous avons vu que nous avons pratiquement les mêmes programmes. Nous avions donc mis sur pied la coordination des quatre partis de gauche qui a fait à cette époque, une déclaration à Korhogo. Nous sommes convenus de ne pas aller aux élections tant que ne se tient pas la conférence nationale. A notre grande surprise, le Fpi a déclaré qu'il irait aux élections. A cette époque déjà, personne ne s'est posé la question de savoir pourquoi le Fpi a décidé de faire cavalier seul. Doit-on finalement déduire que si le Pit est tant critiqué, c'est parce qu'il représente le modèle que tout le monde est appelé à suivre ? Ce qui est sûr, c'est que chaque fois qu'il y a un objectif commun, nous nous mettons ensemble avec les partis qui poursuivent ce même objectif. Dans la plate-forme que nous avions avec le Rhdp, il n'y avait qu'un seul point qui concernait le retour aux Accords, notamment pour la remise sur pied de la Commission électorale indépendante et du gouvernement.



Les Ivoiriens ont vu votre alliance avec le Rhdp comme un revirement de position de départ. Les gens ne vous suivent pas.

Ce sont les propositions du Pit, c'est-à-dire le départ de Mambé et le retour aux Accords qui nous ont permis de nous sortir de l'impasse. Ce sont ces propositions que le facilitateur est venu imposer en fin de compte. Cela veut dire que nous avons l'expertise en Côte d'Ivoire. Malheureusement, on veut aller chercher cette expertise ailleurs. Ce que nous avons défendu, nous l'avons obtenu. Et chaque fois qu'un problème s'est posé, le Pit a toujours dit sa vérité qui a fini par être la vérité de tous.



Qu'en est-il du boycott actif de 1995 et de votre entrée au gouvernement par la suite ?

Nous étions au Front républicain pour apporter des aménagements au code électoral de cette époque-là. Nous avons obtenu quelques acquis. Mais à notre grande surprise, le Fpi et le Rdr se sont entendus pour faire le boycott actif. Ils ne nous ont informés que plus tard.



Qu'entendez-vous par « ils se sont entendus » ?

Ils ont dû tenir des réunions sans nous puisqu'après, ils sont venus nous dire qu'ils veulent nous associer au boycott actif. Or, nous devrions décider ensemble. Qu'à cela ne tienne, nous leur avons demandé de nous en dire davantage concernant ce boycott actif. Ils nous ont dit que non seulement on ne devait pas participer aux élections mais qu'en plus, on devait empêcher que ces élections se tiennent. C'est là que l'option de la lutte pacifique du Pit prend tout sens. Nous sommes donc pour la paix. Depuis qu'il existe, vous ne verrez nulle part du sang sur les mains d'un responsable du Pit. Nous avions donc décliné l'offre de nos alliés d'alors parce que l'idée qui sous-tendait le boycott actif était la violence.



Pourquoi n'avez-vous pas convaincu vos alliés d'abandonner alors la voie active du boycott ?

Si ça n'a pas marché, c'est parce que nous n'avons pas réussi à les convaincre. Ce n'est pas faute d'avoir essayé. Nous leur avions dit que l'Etat a le monopole de la violence. Si on s'avisait à lui opposer la violence, nous allions perdre beaucoup de plumes. Ils nous ont répondu qu'ils tenaient à leur boycott actif qui a fait de nombreux morts comme nous le présagions.



Parlons de l'entrée de Francis Wodié dans le gouvernement Bédié

C'est en 1995 qu'a eu lieu le boycott actif et Francis Wodié est entré au gouvernement en 1998, c'est-à-dire trois ans après les élections. Vous pensez donc que si on avait passé un marché avec Henri Konan Bédié, on aurait eu besoin d'attendre aussi longtemps ?



Malgré tout, les Ivoiriens continuent de voir l'entrée de Francis Wodié dans le gouvernement de M. Bédié comme une récompense.

Chacun est libre d'en penser ce qu'il veut. Mais de là à dire que c'est une traîtrise…Nous n'avions passé de contrat avec personne. Nous avions juste dit que nous ne voulions pas nous associer à des actions de violence. S'agissant de l'entrée au gouvernement, sachez qu'il y a eu des négociations entre tous les partis et le Premier ministre Kablan Duncan. Chacun a refusé à un moment donné. En ce qui nous concerne, c'est en 1998 que les négociations ont abouti et que nous avons accepté d'entrer au gouvernement. Sans doute qu'il faut que je précise que nous ne sommes convenus avec qui que ce soit d'une non-participation de l'opposition au gouvernement de large ouverture voulue par le président Henri Konan Bédié. Regardez tous les partis qui se sont aujourd'hui arrimés au Fpi. Ont-ils été toujours ensemble ? Seront-ils toujours ensemble ? Par ailleurs, vous avez quelqu'un comme Laurent Dona Fologo qui est aujourd'hui avec le Fpi alors que tout le monde sait que pendant longtemps, il a combattu le Fpi et que le Fpi aussi l'a combattu.



Le jugement négatif dont vous êtes l'objet n'est-il pas lié aux différentes alliances, parfois contre-nature que vous nouées ? N'avez-vous pas peur que cela décrédibilise le candidat Wodié lors de la présidentielle ?

Que faites-vous de notre contribution à la résolution de la dernière crise que le pays a connue ? Ça, par exemple, nous pensons que le peuple n'est pas dupe. Il voit. Nous Pit, nous avons dit qu'il fallait que Beugré Mambé démissionne. Nous l'avons obtenu. Nous avons aussi exigé du président Gbagbo qu'il revienne dans les Accords pour la constitution de la Commission électorale indépendante et du gouvernement. Ça aussi, nous l'avons obtenu. Aujourd'hui, l'opinion en Côte d'Ivoire doit savoir qu'il y a une expertise et que cette expertise, c'est le Pit. Lorsque dans une situation particulière ce parti avance des idées, on finit par adhérer à cette idée-là. Le Pit dit depuis longtemps qu'il veut la concertation. On s'est promené à travers le monde, de Lomé à Marcoussis en passant par Pretoria, Accra, etc., sans avoir trouvé quelqu'un qui nous sorte rapidement de la crise. Or, lorsque le Pit proposait la concertation après l'échec des élections en octobre 2005, on disait que le Pit veut faire durer le plaisir.



Il y a eu le forum de réconciliation nationale en 2000 et deux années après, il y a eu la guerre.

Oui mais ce n'était pas ça la concertation que propose le Pit. Savez-vous ce qui s'est passé pendant le forum de réconciliation nationale ? Quand nous parlons de concertation, il s'agit d'un échange. A ce forum de réconciliation nationale, chacun est parti jouer sa scène. Moi, j'y suis intervenue pour dire juste ce que voulait le Pit. Mais en tant que tel, il n'y a pas eu de débat pour qu'on dise au finish, voilà ce qu'il y a à retenir. Manifestement, il y a des gens qui ne veulent pas qu'on se retrouve pour qu'on se parle.



Qui sont ces gens ?

Le Pit est pratiquement seul à vouloir cette concertation. Quand on en parle, le Fpi et le Pdci n'en veulent pas. Et en lieu et place de la concertation que nous proposons, on nous sort l'idée de dialogue direct avec un facilitateur. N'est-il pas mieux qu'on appelle tout le monde pour que de façon définitive régler le problème ? Il y a des candidats qui n'ont rien à dire sur le processus électoral. Ce n'est pas normal que quelqu'un qui pourrait remporter les élections n'ait rien à dire aux Ivoiriens.



Pourquoi ne songez-vous pas à lier une alliance solide avec un parti pour conquérir le pouvoir et pour donner ainsi corps à vos idées ?

On ne peut pas arriver au pouvoir avec une alliance du cheval et du cavalier. Pour nouer une alliance de cette nature, il faudrait que vous ayez les mêmes objectifs.



L'histoire récente nous enseigne que c'est vous qui avez dit au revoir au Rhdp.

On peut aussi considérer que c'est le Rhdp qui nous a dit au revoir. Nous, nous sommes sincères. Nous défendons toujours une cause. Nous voulions le départ de Beugré Mambé et le retour du chef de l'Etat dans les Accords. Que voulez-vous que nous fassions ensemble dans cette alliance dès lors que nous avons obtenu ce que nous voulions.



Qu'est-ce que le Pit a véritablement gagné en participant à tous les gouvernements depuis 1998 ?

Avant de répondre à cette question, permettez-moi de préciser que le Pit n'a pas participé au gouvernement de Robert Guéï. Ceci dit, en termes de dividende, il y a l'expérience. Un parti politique aspire à gouverner. Pour ce faire, il cherche à acquérir de l'expérience et quand vous participez au gouvernement, vous avez l'expérience de la gestion de l'Etat avec tout ce que cela comporte.



Si on vous suit bien, vous n'êtes donc pas très optimistes sur la sortie de crise ?

Je ne suis pas très optimiste parce que lorsque les signataires de l'APO sont revenus de Ouaga, bien que nous étions frustrés pour avoir été écartée de cette table-ronde, nous avons espéré que celle-ci nous sorte enfin de la crise. Malheureusement, nous sommes allés de report en report. Je crains qu'à la prochaine étape, il y ait encore d'autres blocages. C'est pour cela que je suis pessimiste. Mais je voudrais qu'on me fasse mentir. Ce sera pour la gloire de la Côte d'Ivoire qu'au mois de mai ou juin, on aille aux élections. Faisons attention à ne pas encore faire un an. Ce que les hommes politiques ne doivent pas oublier, c'est le peuple. Il grogne parce que la souffrance devient insupportable. Ce qu'ils ne doivent pas oublier, c'est que ce n'est pas les Diderot encore moins les Rousseau ou les d'Alembert qui ont pris la bastille. Ce sont les femmes qui manquaient de pain qui sont allées prendre la bastille. Il ne faut donc pas trop provoquer le peuple qui souffre suffisamment. Il faut que nous arrêtions notre récréation pour revenir au peuple.

Entretien réalisé par Marc Dossa
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