x Télécharger l'application mobile Abidjan.net Abidjan.net partout avec vous
Télécharger l'application
INSTALLER
PUBLICITÉ

Société Publié le lundi 15 mars 2010 | Nord-Sud

Alépé - Après 11 ans de conflit sanglant : Le sourire de la réconciliation Ghwa

Samedi, la place sacrée des deux fromagers appelée « N'minsi » en langue locale, ou place de l'entente, réunit des délégations de l'ethnie Ghwa, couramment appelée M'batto. Ces délégations, composées en majorité de chefs de villages et de terre, viennent des 11 villages de la communauté repartis dans les sous-préfectures de Bingerville, d'Alépé et d'Oghlwapo. La scène se déroule à Dabrè, un village de la sous-préfecture d'Oghlwapo à quelques kilomètres d'Alépé. Les rayons gracieux du soleil font oublier les dégâts de la pluie torrentielle de la veille. La réconciliation entre les Ghwa Lablon et les Ghwa Domolon est à l'ordre du jour. Mais l'origine du conflit est sujet-tabou. « Il ne s'agit pas de ressasser les mauvais souvenirs encore moins réveiller les vieux démons », répète le maître de cérémonie. Cependant, l'équipe de reportage est informée que les Ghwa Lablon et Ghwa Domolon vivent heureux depuis des siècles jusqu'au samedi noir du 9 janvier 1999 où un esprit malin sème la division. Les deux groupes se disputent des lopins de terres. Plusieurs morts et blessés sont enregistrés. En novembre 2003, la guerre s'étend aux Akyé de Nougoussi et aux Abouré de Bonoua. Le groupe peine à retrouver son unité et son développement. Le bilan du conflit foncier est lourd. Mais difficile d'avoir les chiffres exacts ! Retour à la place des deux fromagers. L'horloge affiche 12h 13 mn. Un homme peu ordinaire apparaît subitement drapé d'un pagne rouge soigneusement noué autour de ses reins, les pieds nus. Le corps et la face enduits de noir, mais son débardeur garde la clarté de sa blancheur. L'homme singe, pousse des cris, déblaie le passage avec célérité, se traîne à même le sol : c'est le bouffon du roi. Il annonce ainsi par ses faits et gestes l'arrivée du roi d'Ebrah. L'occasion est solennelle. Sa majesté Owla Assemien Nogbou, roi d'Ebrah et par ailleurs président de l'Association nationale des rois de Côte d'Ivoire (Anarci), ne veut pas se faire conter l'événement. Il avance majestueusement, fait un tour d'honneur, toujours orienté par le bouffon, puis regagne son siège. Les cris de guerre fusent de toutes les bâches. Le « Sipè » ou cérémonie de réconciliation peut commencer. Le comité d'organisation, présidé par Koffi Guiraud, chef du village-hôte plante le décor. S'en suit le rituel de boissons versées à terre aux mânes qui dure quelque 10 minutes par deux chefs, membres de la génération Mona, la plus âgée. Ces deux chefs représentent les deux groupes des Ghwa précédemment en rivalité. Aux pieds des deux fromagers, les deux frères s'embrassent. Clou de la réconciliation : sa majesté descend de son perchoir pour sceller la paix à travers une salutation dite de paix. Les deux membres de Mona fondent en larmes. C'est l'extase ! Transes et cris guerriers retentissent à nouveau. Femmes, jeunes et vieux s'embrassent, comme pour ne plus se laisser. Tous répètent en chœur : « nous venons exprimer notre solidarité avec nos morts arrachés à cause de cette guerre stupide que nous nous sommes infligée entre frères. Nous demandons pardon à tous nos blessés et à toutes les familles endeuillées. Que Dieu nous pardonne !». A la cérémonie de réconciliation, le peuple s'engage à ne plus s'affronter à travers un mémorandum. Des sanctions sont prévues en cas de non-respect des différentes dispositions. Le président du conseil général d'Alépé, Ncho Aboya Léon, présent, souhaite que les palabres ne se répètent plus. Il fonde son espoir sur l'article 4 de la charte de non-agression qui privilégie le dialogue. La réconciliation est à mettre à l'actif de la génération Gnondo arrivée au pouvoir, il y a un an à peine. C'est elle qui a réuni les belligérants et amorcé ce processus de paix. C'est ainsi que le chef de l'Etat a désigné sa majesté le roi d'Ebrah pour mener la médiation. Les Gnondo comptent veiller au respect des engagements pris sur la place des deux fromagers par le consensus. Cette génération est, selon la tradition, une génération de paix. Son règne se fait sans effusion de sang. La classe d'âge des Gnondo a encore 20 années à régner. Toutefois, il reste le conflit foncier entre Ghwa et Abouré à régler.

Nesmon De Laure (stagiaire), envoyée spéciale
PUBLICITÉ
PUBLICITÉ

Playlist Société

Toutes les vidéos Société à ne pas rater, spécialement sélectionnées pour vous

PUBLICITÉ