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Santé Publié le mardi 16 mars 2010 |

Santé / Femmes: Comprendre les fausses couches

Une fausse couche est une interruption naturelle ou accidentelle de la grossesse encore appelée avortement spontané. Les fausses couches spontanées sont dites primaires si la femme n’a pas d’enfant vivant déjà né ou secondaires si elle a déjà eu un enfant.

Si l’on peut dire que la femme qui ne peut avoir d’enfant pour cause de stérilité partage le même destin commun de grand deuil que la femme qui vient de perdre son enfant, il pourrait en être autrement pour celle qui perd un espoir d’enfantement par fausse couche.

Quand on perd un proche, on a d'ordinaire des éléments auxquels on peut s’accrocher, un corps à honorer, des traces matérielles à explorer, des souvenirs à cultiver. Mais que reste-t-il d'un enfant jamais né, jamais tenu dans les bras, jamais caressé. C'est non pas le deuil d'un passé que l'on est appelé à faire, mais bien le deuil de tout un avenir.

Une fausse couche représente toujours un traumatisme dans la vie d’une femme. Peur, doutes, culpabilité qui entretiennent une blessure difficile à cicatriser, au point que certaines redoutent d’être à nouveau enceintes par crainte d’un nouvel échec. En Afrique, où la place de l’enfant conditionne la destinée d’un couple, d’une famille et même de la société, on imagine le traumatisme qui peut être celui d’une femme qui vient de subir une fausse couche.

Pour toute femme, l'interruption accidentelle de grossesse est une expérience douloureuse, même lorsqu'elle intervient au cours des premières semaines. Comprendre comment cela se produit et comment éviter que cela ne se répète, permet de mieux accepter cet accident de parcours.

Une grossesse sur cinq se termine par une fausse couche et une femme sur trois environ fera une fausse couche dans sa vie. Plus la femme sera âgée et plus ce risque sera élevé. Ainsi, à 20 ans, le risque de fausse couche est de 9%, alors qu'il atteint 40 % chez les femmes de plus de 40 ans.

La première cause de fausses couches spontanées est génétique et essentiellement due à des anomalies chromosomiques dans plus de 60% des cas.

Anomalie chromosomique et fausses couches

Si la définition de la fausse couche peut paraître plus accessible à la compréhension de tous, il n’en est pas de même pour la définition de l’anomalie chromosomique qui reste, pour le commun du mortel, une barbarie de terminologie savante que nous allons essayer de clarifier.

Le mot anomalie désigne toute dysfonction, tout phénomène qui s'éloigne de ce qui est considéré comme normal. Le chromosome est l'élément porteur de l'information génétique. C’est la structure de l'organisme qui porte toute l’information génétique codée sous la forme d’ADN et qui se trouve dans le noyau de chaque cellule. L’examen de laboratoire qui permet de visualiser les chromosomes sous forme de bâtonnets (voir image du caryotype) d’un individu s’appelle caryotype

Les cellules sexuelles ou cellules germinales qui sont, l’ovule chez la femme et le spermatozoïde chez l’homme contiennent dans leur noyau, pour l’espèce humaine, 23 chromosomes chacun avec 22 chromosomes appelés autosome qui se ressemblent aussi bien dans l’ovule que dans le spermatozoïde et 1 chromosome appelé chromosome sexuel ou gonosome qui peut se présenter sous deux formes différentes X ou Y dans le spermatozoïde et toujours X dans l’ovule de la femme. C’est pourquoi le sexe masculin ou féminin d’un bébé dépend exclusivement de l’homme et non de la femme. Au cours de la fécondation il y a fusion de l’ovule et du spermatozoïde pour donner l’embryon qui va être le futur bébé. L’embryon sera constitué de 22 paires de chromosomes autosomes et une paire de chromosome sexuel qui peut être soit XX (c’est une fille) soit XY (c’est un garçon). C’est à partir de ce moment que la survie de l’œuf (embryon, bébé) va se jouer. Une sélection rigoureuse, effectuée par dame nature va s’opérer. Toute anomalie de l’ovule ou du spermatozoïde peut compromettre soit la fécondation elle-même (certaines formes de stérilité), soit la viabilité de l’embryon et peut aboutir selon le terme de la grossesse à :

-une fausse couche ultra précoce : Dès la fécondation, l’œuf est éliminé avant ou juste après la nidation qui est l’implantation de l’embryon dans l’utérus qui survient vers le 6ème jour de fécondation). Selon certaines études ce sont plus de 70% d’œufs normalement fécondés qui seraient expulsés très peu de temps après leur implantation.

-une fausse couche précoce (avant le premier trimestre de grossesse) : Ici les anomalies chromosomiques sont responsables pour près de 60%. Dans la survenue des fausses couches précoces, c'est l'œuf qui est en cause la plupart du temps. L'embryon est porteur d'une anomalie chromosomique. Dans ce cas, la fausse couche n'est qu'un processus naturel qui permet d'éliminer un embryon non viable. C'est l'organisme maternel qui, dans une action de protection, « décode » cette anomalie du développement et se sépare de l'œuf devenu inapte à la vie utérine.

-soit enfin une fausse couche tardive, survenant après le troisième trimestre de grossesse : Les causes seraient plutôt d’origine utérine donc maternelles qui inclut les malformations utérines, les insuffisances hormonales, les carences alimentaires, les maladies infectieuses et les intoxications

D’une façon générale, les fausses couches ultra précoces et les fausses couches précoces sont d’origine ovulaire (dues à des anomalies chromosomiques) et les fausses couches tardives d’origine utérine.

Avec l’âge de la femme les mécanismes de sélection et d’élimination des embryons porteurs d’anomalies chromosomiques majeures sont quelque peu moins efficaces et donc moins sélectif. Ce qui explique que les femmes un peu plus âgés (à partir de 35 ans) aient non seulement une fréquence plus élevés de fausses couches mais aussi ont une probabilité plus élevée de donner naissances à des enfants porteurs d’anomalies chromosomiques car ayant ainsi échappé aux mailles de sélection et d’élimination des embryons porteurs d’anomalie.

Quelques exemples de maladies dues à des anomalies chromosomiques

Les prévalences et fréquences données ici concernent les enfants nés malgré l’anomalie chromosomique. La très grande majorité des trisomies sont létales (non viables), souvent très tôt au cours du développement embryonnaire. Plus de 90% de ces enfants sont éliminés par les fausses couches spontanées.

La trisomie 13 ou syndrome de Patau se caractérise par la présence d'un chromosome supplémentaire sur la paire 13. Cela crée différentes malformations, certaines comme la polydactylie (avoir des doigts en plus) sont peu graves, mais d'autres, qui touchent le cœur ou le cerveau, sont létales (mortelles) : 97% des enfants atteints meurent avant l'âge de 6 mois.

La trisomie 18 ou syndrome d’Edwards (une naissance sur 8.000, 4 fois plus de filles que de garçons) est une anomalie chromosomique due à la présence d'un chromosome supplémentaire sur la paire 18. L'enfant naît avec de telles malformations (des yeux, des muscles, des mains et des pieds, des reins, du cœur etc.) que la majorité des enfants atteints décèdent avant l'âge d'un an.
La trisomie 21 ou mongolisme ou syndrome de Down est une maladie congénitale due à la présence d'un chromosome en trop pour la vingt-et-unième paire. C'est la plus fréquente des trisomies (une naissance sur 700 ; la fréquence réelle est très supérieure mais 6 embryons ou fœtus sur 7 porteurs de trisomie 21 meurent dans l'utérus).

On observe un déficit intellectuel, associé à des modifications morphologiques (petite taille, membres courts, visage caractéristique). Les garçons sont souvent stériles alors que les filles sont parfois fertiles

La trisomie 22 est une anomalie chromosomique avec présence d'un chromosome supplémentaire sur la paire 22.

S'il y a trois chromosomes 22 entiers, l'enfant meurt mais il pourrait survivre dans certaines formes avec deux chromosomes 22 entiers + une partie de chromosome 22 ou trois chromosomes 22 dans certaines cellules et deux dans d'autres (trisomie en mosaïque). On observe un retard du développement, des troubles de la croissance. Il y a aussi des malformations du visage, du cœur, des poumons, du tube digestif. Il y a surtout des problèmes oculaires : une cataracte ou un strabisme ou un "colobome de l'iris" : l'aspect rappelle la forme de la pupille du chat. La maladie peut alors s'appeler la maladie des yeux de chat "cat-eye".

La maladie de Klinefelter (0,2 % des nouveaux nés) est une trisomie des chromosomes sexuels : au moins deux chromosomes X + un chromosome Y ; l'individu est mâle mais stérile.

La maladie Triplo X est une autre trisomie des chromosomes sexuels : trois chromosomes X ; l'individu atteint est une femme stérile.

Le syndrome YYX, les personnes porteuses de cette anomalie ont une prédisposition à la violence et à la criminalité. On en dénombre beaucoup en milieu carcéral.

Exemple de quelques monosomies

Le syndrome de Turner (4 individus de sexe féminin sur 10.000) est une monosomie au niveau de la paire de chromosomes sexuels : la personne atteinte ne possède qu'un chromosome X, ou bien elle a certaines cellules normales et d'autres qui n'ont qu'un chromosome X (on parle de syndrome de Turner en Mosaïque), ou encore les cellules ont un chromosome X normal et un autre qui est anormal. Cette personne est une femme stérile, généralement de petite taille.

Le syndrome du cri du chat ou monosomie 5p (une naissance sur 20.000 à 50.000) est une anomalie chromosomique dans laquelle il manque un bras court du chromosome 5 (on peut aussi dire délétion 5p). On observe un ensemble de malformations de la tête et du larynx (organe situé dans la gorge permettant de parler et d'émettre des sons, d'où des cris qui ressemblent au miaulement d'un chaton) associées à un retard mental (parmi les handicapés mentaux ayant un QI < 50, un sur 350 ont la maladie du cri du chat).

Dans le syndrome de DiGeorge et le syndrome velocardiofacial (une naissance sur 5.000), on observe un ensemble de malformations (du visage, du cœur et d'autres organes comme le thymus) et des troubles de l'apprentissage. Si on observe attentivement le caryotype, on remarque qu'un chromosome 22 est un peu plus court : les scientifiques parlent de microdélétion 22q11.

Ces anomalies chromosomiques sont révélées par l'établissement du caryotype

Les causes non chromosomiques de fausse couche

-Les malformations utérines (utérus bicorne, présence de myomes ou de polypes, parois accolées suite à la cicatrice d’un curetage, utérus rétroversé...). Certaines de ses pathologies peuvent être traitées chirurgicalement.

-Les infections locales (col et vagin) ou générales (grippe, typhoïde, scarlatine, oreillons, paludisme,). Toute infection locale chronique peut être responsable de fausses-couches à répétition si elles ne sont pas découvertes et traitées.

-Une insuffisance lutéale (insuffisance de sécrétions hormonales par le corps jaune). Peuvent être diagnostiquées par une prise de sang et traitées par l’administration de progestérone ou d’HCG en deuxième phase de cycle.

-Les causes immunologiques : la femme présente des cellules cytotoxiques qui détruisent l’embryon, à la manière d’un rejet de greffe.

-Certains médicaments et vaccins peuvent également être mis en cause.

-Les grossesses multiples.

-Un surmenage physique, une malnutrition, un choc psychologique, les grossesses rapprochées ont également été évoquées comme facteurs favorisants. Néanmoins, dans certains cas, la cause n’est pas retrouvée et l’origine de la fausse-couche peut rester inexpliquée.

Les autres causes, moins fréquentes :

Endométrite

Un syndrome infectieux maternel fébrile : Grippe, Listéria,

Toxoplasmose, Cytomégalovirus, vaginose bactérienne, Syphilis

Radiations ionisantes

Malformation congénitale de l’utérus, utérus cloisonné, utérus

Distilbène (médicament), hypoplasie utérine, fibromes utérins, synéchie utérine

Maladie maternelle chronique : lupus, maladie auto immune, diabète, hypothyroïdie, fibromes, syndrome des ovaires polykystiques, drépanocytose

Béance cervico-isthmique (concerne essentiellement les fausses couches tardives, après 15 semaines d’aménorrhée)

Insuffisance ovarienne précoce

Il existe enfin des causes plus rares : un examen de dépistage « invasif » comme l'amniocentèse présente un risque d'environ 0,5 à 1 %. L'âge ou la consommation abusive de tabac augmentent aussi légèrement le risque.

Bilan d’une fausse couche à répétition

Il s’agit de femmes ayant subit plus de deux fausses couches successives

L’exploration comportera :

-Un caryotype parental (analyse des chromosomes des 2 parents) afin de rechercher des anomalies.

-Une hystérographie ou hystéroscopie à la recherche de malformations utérines que l’on pourrait traiter chirurgicalement.

-Recherche d’une infection chez la femme et son conjoint.

-Recherche d’anomalies de la coagulation (protéine C réactive et facteur V de Leyden) qui favorisent la formation de caillots sanguins dans la circulation placentaire.

-Présence dans le sang de la mère de cellules cytotoxiques qui agiraient sur l’embryon à la manière d’un rejet de greffe. Dans ce cas, l’administration de corticoïdes pourrait empêcher une récidive.

-Une analyse de l’activité du corps jaune par dosages hormonaux en deuxième phase de cycle.
Fertilité après une fausse couche spontanée

La survenue d’une fausse couche spontanée est un évènement relativement fréquent. Il n’implique pas la recherche d’une cause particulière. On parle de « fausses couches spontanées à répétition » à partir de trois fausses couches successives.

L'enchainement d'une nouvelle grossesse après une fausse couche spontanée est possible. Certains spécialistes recommandent une contraception pendant 2 à 3 mois avant d'envisager une nouvelle grossesse.

La prise en charge psychologiques d’une femme ayant fait une fausse couche est importante.
Conclusion

La génétique est une cause importante (plus de 60% des fausses couches). Parmi les autres causes possibles, mentionnons les infections, l’incompatibilité sanguine ou des facteurs environnementaux ou physiques. Ces causes sont associées à une augmentation du nombre de fausses couches, mais il est peu probable qu’elles puissent provoquer des fausses couches à répétition.

Souvent, une fausse couche constitue une façon naturelle de mettre fin à une grossesse si le fœtus ne se développe pas normalement. Des facteurs génétiques ou familiaux sont des causes fréquentes d’anomalies congénitales et de fausses couches. Les anomalies génétiques se produisent souvent de façon aléatoire, mais peuvent également être de famille. Il est important de se faire conseiller en matière de génétique si on est au courant d’une maladie ou d’une anomalie familiale, ou si des fausses couches se produisent à plusieurs reprises.

Cette revue scientifique est une contribution du CRIE (Centre de Recherches Interactives et d’Expertise)

Dr COULIBALY Foungotin Hamidou
Spécialiste Génétique Humaine Cytogénétique et Biologie de la Procréation
Attaché de Recherches Cliniques
Laboratoire de Génétique
Université de Côte d’Ivoire
Email : cfoungh@yahoo.fr
Site web : www.crieafrique.net
Responsable du C.R.I.E d’Afrique (Centre de Recherches Interactives et d’Expertise)
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