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Art et Culture Publié le mardi 23 mars 2010 | Nord-Sud

Reportage - Arrestation de trafiquants de drogue à Adjamé : Comme si vous y étiez !

A la direction de la police des stupéfiants et drogues (Dpsd), il est 17h30 ce mercredi 17 février lorsque le lieutenant de police K. Mathieu reçoit à son bureau un informateur. Celui-ci préfère garder l’anonymat pour des raisons de sécurité. L’interlocuteur de l’officier de police lui parle de son désamour avec des voisins désagréables. Ce sont des individus, selon la source, qui se livrent à la vente et à la consommation de drogue dans la commune du maire Issouf Sylla, précisément au quartier Bracodi Bar. « Je suis prêt à vous conduire la nuit tombée au lieu indiqué », affirme l’interlocuteur à l’officier de police. C’est ainsi qu’une équipe composée d’hommes de terrain appartenant à la Dpsd se rend discrètement sur les lieux, à Bracodi, un haut-lieu de la prostitution.

Le film de l’interpellation de la bande

L’informateur se retire du groupe d’intervention après avoir renseigné les flics. L’endroit indiqué s’apparente à un couloir malpropre aménagé entre deux cagibis et couvert de bâches noires. Cette nuit-là, à 22 h, les éléments postés prennent quartier au bout du couloir où des prostituées moitié nues déployaient leurs atours pour s’arracher le premier venu. Nous sommes non loin du commissariat de police du 27ème arrondissement. Mais, l’obscurité ambiante complique la mission. Et les flics battent en retraite pour revenir dès le lendemain matin c’est-à-dire le 18 février à 6 heures. Cette fois-ci, le coup de filet est chic. Connaissant déjà les voies d’accès du fumoir pour les avoir identifiés la veille, K. Mathieu et ses hommes se déploient et bouclent rapidement le périmètre.
L’équipe d’intervention est scindée en deux. Ainsi, à l’entrée du couloir servant de fumoir, précise l’officier, un détachement de l’équipe interpelle trois individus tandis que le second avance dans le couloir proprement dit. Ils prennent en sandwich trois suspects. Palpés et fouillés au corps ces quidams à savoir Konaté Mamadou, 20 ans, frigoriste ; Ouattara Aboubacar, 20 ans et Koné Fousséni, 20ans, ne portent aucun indice intéressant l’enquête des flics. Ils sont néanmoins conduits à la Dpsd. Continuant l’opération, le second groupe de policiers apostrophe neuf individus, certains assis sur des bancs et d’autres à même le sol, tenant des pipes desquelles s’échappe une épaisse fumée mêlée à une musique peu audible. Tout ce beau monde est passé au peigne fin. «Nous découvrons sur certains des indices intéressant notre enquête », indique la source policière. Ainsi sur le nommé Konaté Kaba, 21 ans, sans emploi, domicilié à Adjamé-Château, les flics découvrent dans ses poches cinq grammes de cannabis. Sur Diakité Cheick Ahmed, 35 ans, commerçant, l’équipe saisit huit grammes de cannabis. Quant à Doumbia Sékou, 20 ans, il a dix grammes de cannabis et une pipe. Koné Bakary, 24 ans, se fait prendre avec six grammes d’herbe et Doumbia Siaka, 20 ans, en a onze grammes. Poursuivant les investigations, les hommes du lieutenant Mathieu parviennent à un grand fût derrière lequel se cachent quatre autres individus. Seuls les nommés Diallo Yaya, 17 ans, et Sidibé Issouf, 19 ans, possèdent respectivement vingt-un grammes et vingt-cinq grammes de cannabis destinés à la vente. Les nommés Koumaré Oumar et Sangaré Abou sont exemptés. D’ailleurs, les mis en cause déclarent que Diallo Yaya et Sidibé Issouf sont les principaux vendeurs du fumoir, thèse que ces derniers ne réfutent pas. Selon l’officier de police, le fût contenait deux kilogrammes de cannabis, douze doses de cocaïne d’un poids de 1,2 gramme, sept comprimés de Rivotril et trois pipes. Par ailleurs, Diallo Yaya et Sidibé Issouf ne font aucune difficulté pour reconnaître les faits de vente, de détention et de consommation de drogue. Ils indiquent qu’ils sont effectivement les deux principaux vendeurs du fumoir. L’équipe d’intervention de la Dpsd croit avoir terminé sa mission lorsqu’à 7 heures et contre toute attente, trois individus pénètrent brusquement dans le fumoir. Voulant rebrousser chemin, ils sont pris en tenailles. Il s’agit de Kundé Towaché, 27 ans, de Kamagaté Ibrahim, 19 ans et de Konaté Lacina, 23 ans, vigile. Fait notoire : tous les prévenus résident dans la commune du maire Issouf Sylla. « Après avoir terminé toutes les interpellations, nous avons détruit le fumoir. Nous avons conduit les personnes appréhendées à la direction pour leur audition », souligne l’officier de police dans son rapport.

L’audition commence et…

L’audition des prévenus se déroulent à la direction de la police des stupéfiants et drogue (Dpsd) au Plateau. Conduite par l’officier de police S. Abou, c’est Diallo Yaya qui ouvre le bal. Il a 18 ans, habite Château, un quartier d’Adjamé situé derrière la grande mosquée. Diallo prétend être un footballeur sans préciser l’équipe pour laquelle il chausse les crampons. Selon lui, le 18 février tôt le matin il se rendait à Williasmville pour rejoindre son coéquipier afin qu’ils partent tous deux aux entraînements. «Arrivé à Bracodi bar, j’ai entendu des tirs d’arme à feu. Aussitôt, deux individus se présentant comme étant des policiers antidrogues m’ont demandé de ne pas bouger. Ils m’ont saisi, m’ont fouillé, les agents n’ont pas découvert de la drogue en ma possession. Pourtant ils m’ont menotté et ajouté aux autres personnes interpellées avant moi», affirme-t-il, en précisant qu’il a été appréhendé devant le commissariat de police du 27ème arrondissement, à Bracodi. A la question de savoir ce qu’il faisait dans le fumoir lors de la descente des policiers. La réponse de l’accusé est claire : «C’est faux. Je n’étais dans un fumoir en train de vendre de la drogue. Je n’étais pas de passage. Je ne suis pas un trafiquant de drogue ». Selon lui, il n’a pas connaissance de l’existence du fumoir de drogue à Bracodi. « Je ne vends pas la drogue. Je n’en consomme pas aussi», se défend-il. Mais, les flics cuisinent encore et encore le footballeur. «Connaissez-vous le nommé Bébé, propriétaire du fumoir de Bracodi ? Et à qui appartient la drogue retrouvée en votre possession ?», interroge l’officier. L’accusé indique qu’il ne connaît pas le nommé Bébé et que les agents n’ont pas trouvé de cannabis en sa possession lors de la fouille corporelle. Mais certains consommateurs de drogue, poursuit l’enquêteur, confirment que vous êtes bien leur fournisseur, comment expliquez-vous cela ? Le mis en cause se dit surpris et choqué par cette déclaration. «Je suis footballeur et non vendeur de drogue. Lors de mon interpellation sur le terrain, je n’ai jamais avoué que j’étais vendeur de drogue », laisse-t-il entendre. Sidibé Issouf adopte la même ligne de défense que son «frangin».

Les prévenus donnent leur langue au chat

Il affirme qu’il a été appréhendé seul dans un kiosque à café par les agents de police en civil. « Ils m’ont fouillé et n’ont rien découvert sur moi, ensuite j’ai été menotté et conduit au violon. Je ne sais pas pourquoi c’est moi seul qui ai été appréhendé au kiosque alors qu’il y avait assez de monde », fait remarquer Issouf, conscient de l’existence du fumoir car il habite non loin de là. A la différence de Diallo, il soutient qu’il connaît bien le nommé Bébé, identifié comme le propriétaire du fumoir. « Oui, je le connais c’est un vieux père du quartier », précise-t-il. Suivons la suite des échanges entre lui et l’enquêteur :
Vous avez été identifié comme étant un vendeur de drogue du fumoir et il est prouvé que vous travaillez pour le compte de Bébé. Est-ce exact ?
Non, je ne suis pas vendeur de drogue. Je ne consomme rien du tout.
A qui appartiennent les 25 grammes de cannabis dont vous vous êtes débarrassés promptement au moment de votre interpellation ?
Je n’avais rien sur moi. J’étais assis au kiosque en train de prendre mon petit-déjeuner.
Les treize autres prévenus nient aussi les faits de détention de cannabis en vue de sa consommation. Ils affirment tous que les palpations et les fouilles corporelles n’ont rien donné dans la mesure où les agents de police n’ont rien découvert. « Ils nous ont fouillés sans rien trouver en notre possession. Il n’y avait pas de drogue. On ne fume pas le cannabis. On n’en vend pas aussi », soutiennent-ils unanimes. Mais le lieutenant K. Mathieu est formel dans son rapport transmis au parquet. « Nous avons interpellé au total quinze individus et saisi 2,05 kilogrammes de cannabis, douze doses de cocaïne, sept comprimés de Rivotri. Les analyses ont permis de savoir que ce comprimé a pour principe actif le clonazepam dosé à 2 milligrammes. C’est un dépresseur de la famille des benzodiazepines classé au tableau IV des substances placées sous contrôles internationales. Disons qu’un échantillon de trente grammes de cannabis, de deux doses de cocaïne et deux comprimés de Rivotril prélevés sur la drogue saisie a été mis sous scellés pour servir de pièce à conviction », souligne le lieutenant de police. C’est d’ailleurs cette pièce à conviction que le parquet remet au juge le 4 mars. Ce jour-là, les accusés comparaissent à la barre du tribunal des flagrants délits du Plateau. Diallo Yaya et Sidibé Issouf sont poursuivis pour détention de drogue en vue de sa vente. Quant au treize autres prévenus, ils sont accusés de détention de cannabis en vue de sa consommation. Comme à l’enquête préliminaire, ils se défendent comme de beaux diables, le tribunal n’écoute pas les bla-bla-bla des mis en cause. Issouf et Yaya sont condamnés à cinq ans fermes pour vente de drogue. Leur peine est assortie d’une amende individuelle de 200.000 Fcfa. Les autres accusés sont punis par le juge à douze mois de prison assortis d’une amende de 100.000 Fcfa chacun. Les gardes pénitentiaires commis à la police d’audience du tribunal ont veillé au grain en conduisant les nouveaux détenus au violon du parquet. Puis, ils sont transportés dans le panier à salade jusqu’à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca). L’on se rappelle du feuilleton de l’évasion de N’guetta Kouakou Julien après sa condamnation à cinq de prison pour vente de cannabis. Le détenu avait profité de l’inattention de son geôlier pour s’élargir dans la lagune. Il est porté disparu.

Un reportage réalisé par Ouattara Moussa
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