La principale source de revenus pour un écrivain est constituée des droits d’auteur que lui rapportent les ventes de son livre. Chaque fois qu’est écoulé un exemplaire de son oeuvre, l’auteur a droit à un pourcentage, fixé par contrat, de son prix hors taxe. Ce pourcentage varie d’un éditeur à l’autre. Mais il est, généralement fixé à 10% pour un roman, un essai ou une nouvelle, et d’environ 5% pour un livre, nettement plus onéreux. En général, les maisons d’éditions, les plus cossues, ne descendent pas en- dessous du seuil de 8% de droits d’auteur, alors qu’un petit éditeur peut même descendre jusqu’à 5, voire 3%. Il existe, cependant, un code de bonne conduite éditoriale qui peut proposer aussi que les droits augmentent avec les ventes.
Ainsi un auteur peut percevoir entre 8% et 10% jusqu’à 10 000 exemplaires vendus, et prétendre obtenir entre 12 et 14% pour des ventes de 15.000 exemplaires. La fixation du pourcentage se rapportant aux droits d’auteur tient compte de plusieurs caractéristiques :
l’auteur est-il connu ou pas, est-ce à la maison d’édition que revient la charge de produire, de distribuer et de vendre le livre ? « Devoir de mensonges, crise à l’ivoirienne », essai de Faustin Toha paru en octobre 2008 a déjà vendu 1575 exemplaires. Ces ventes lui ont permis d’engranger la somme de 551.250 f Cfa sur la base des 10% du chiffre d’affaires de sa maison d’édition qui lui sont dûs. Un gain tout à fait dérisoire sur une période de douze mois, ce qui représenterait un revenu mensuel d’environ 45 940 f, pour une personne ayant des charges familales.
L’écriture comme un sacerdoce
Pourquoi écrire si à première vue il n’y a rien à retirer. Selon l’auteur Flore Hazoumé, l’écriture, surtout en Côte d’Ivoire, est comparable à un sacerdoce. Ainsi, à l’image de l’homme de Dieu qui fait vœu de pauvreté pour se consacrer entièrement à sa mission, l’écrivain tire une satisfaction personnelle de ses publications. Il est animé par sa passion d’écrire, de traduire les sentiments qui foisonnent en lui, et de les partager avec les lecteurs. Ce n’est que par ce moyen qu’il a la ferme conviction d’apporter sa pierre à la construction de sa société. Il transmet de ce fait des valeurs du savoir, ce qui ne saurait se monnayer. Cette satisfaction et cette passion sont renforcées dans la mesure où certains milieux rendent bien aux écrivains, l’honneur et le mérite qui leur sont dûs. Le carnet d’adresse d’un point de vue relationnel s’en trouve fourni et la notoriété pourrait être au rendez-vous, ce qui a pour effet de procurer certaines faveurs et d’ouvrir des portes. Au-delà de ce plaisir sans prix, l’écriture est une lutte, celle qui consiste à amener les Ivoiriens non seulement à lire, mais aussi et surtout à créer les conditions favorables à une éclosion littéraire. En d’autres termes, l’objectif visé est de ne pas donner l’occasion aux Ivoiriens de dire qu’ils ne lisent pas à défaut d’œuvres littéraires ivoiriennes. Si l’on admet de manière générale que dans la vie, chaque individu doit pouvoir marquer son temps, la voie choisie par les écrivains, est la production littéraire.
Vivre de son écriture, un vœu pieux ?
En réalité, la littérature ne nourrit pas souvent son homme. La vente d’un bon livre peut rapporter jusqu’à 3 mois de salaire alors qu’il faut en moyenne une année pour l’écrire. Pour pouvoir véritablement accroître ses gains et vivre décemment de sa plume, l’écrivain peut (s’il en a les moyens), soit financer l’édition de son ouvrage, ce qui lui permettra de bénéficier d’un pourcentage plus important que s’il se confiait à un éditeur (environ 50% du chiffre d’affaire à gagner ), soit procéder à sa distribution et sa vente (il récupérerait 30% du chiffre d’affaires qui devraient être reversés à sa maison d’édition), ou appliquer les deux possibilités (ses gains s’élèveraient alors approximativement entre 70 et 90% du chiffre d’affaires). L’écrivain, en fait, doit s’imposer pour atteindre le pic des droits d’auteur qui semble être plafonné à 14%, histoire de grappiller des revenus supplémentaires. Faustin Toha affirme que s’il avait pu prendre en charge la distribution de son œuvre, cela lui rapporterait trois fois plus, soit le montant de 1.653.750 f en un an (137.815 f/ mois). L’écrivain a, par ailleurs, la possibilité de vivre de sa plume, s’il arrive à publier régulièrement (de préférence une fois par an), des œuvres. La condition, ici, est qu’il arrive à en écouler, au moins 10 000 exemplaires. Mais quel écrivain, aujourd’hui, peut être certain que son oeuvre sera vendu à 10 000 exemplaires ? En 2009, à la deuxième édition du Prix Littéraire des meilleures ventes de la Librairie de France, la lauréate Anzata Ouattara n’a totalisé que 5003 exemplaires vendus (dans le circuit de la LDF). Les best-sellers ivoiriens tournent généralement autour de 5.000 à 10.000 exemplaires), le livre, lui, s’écoule entre 500 et 2000 exemplaires. Aucun auteur, même le plus célèbre, et le plus reconnu, ne peut être assuré de vendre son prochain ouvrage aussi bien que le précédent. A priori, le seul qui pourrait vivre de sa plume en Côte d’Ivoire, est vraisemblablement, Isaïe Biton Koulibaly pour sa régularité. Lui qui a écoulé en 2008, plus 4818 exemplaires de deux de ses parutions et 5.455 exemplaires au cours de l’année 2009 avec 3 publications, uniquement dans le réseau LDF. Adulé des lecteurs, il réussit à produire au moins une œuvre par an, quand bien même que les précédentes continuent de se vendre. Pour vivre et faire vivre leur famille, certains écrivains ivoiriens exercent d’autres activités génératrices de revenus, dans lesquelles ils excellent. Le “métier” d’écrivain est exercé généralement par des gens issus des classes supérieures et moyennes et la plupart d’entre eux ont donc une deuxième activité rémunérée. Suzanne Tanella Boni a été professeur de philosophie à l’Université d’Abidjan Cocody, avant de s’installer en France depuis 2004. Idem pour Camara Nangala, enseignant de mathématiques au Lycée, Serge Bilé, journaliste,… Flore Hazoumé est aujourd’hui, Directrice de publication de Scrib Magazine après avoir exercé 10 années aux nations Unies. Isaïe Bitton et Venance Konan sont les chroniqueurs de presse les plus célèbres en Côte d’Ivoire. Chacun a d’autres cordes à son arc, et l’écriture, peu rémunératrice, apparaît en second choix.
Conflit écrivains- éditeurs
Il ne date pas d’aujourd’hui le conflit qui oppose souvent les écrivains à leur maison d’édition. Les premiers reprochant aux seconds de leur octroyer des droits trop faibles et de ne rien faire pour booster les ventes, une fois la présentation officielle terminée. C’est, en effet, l’un des problèmes récurrents dans ce milieu, le déficit de promotion et de communication autour du livre.
L’auteur devra, en outre patienter avant de pouvoir toucher ses droits. Les éditeurs traînent beaucoup des pieds quand il s’agit de payer et il n’est pas rare de devoir leur réclamer son dû.
Elle est également révolue la période où l’on pouvait assister à de véritable débats littéraires télévisés où dans les pages des journaux. Les écrivains, tout comme les éditeurs pensent qu’il est temps de songer à la création de grands prix littéraires avec à la clé des primes conséquentes pour récompenser vraiment le mérite des premiers. Des prix qui devraient permettre de déceler les graines d’écrivains et susciter une émulation pour cet art qui sous d’autres cieux nourrit bien son homme.
Par Constant guey
constant.guey@jde-ci.com
Ainsi un auteur peut percevoir entre 8% et 10% jusqu’à 10 000 exemplaires vendus, et prétendre obtenir entre 12 et 14% pour des ventes de 15.000 exemplaires. La fixation du pourcentage se rapportant aux droits d’auteur tient compte de plusieurs caractéristiques :
l’auteur est-il connu ou pas, est-ce à la maison d’édition que revient la charge de produire, de distribuer et de vendre le livre ? « Devoir de mensonges, crise à l’ivoirienne », essai de Faustin Toha paru en octobre 2008 a déjà vendu 1575 exemplaires. Ces ventes lui ont permis d’engranger la somme de 551.250 f Cfa sur la base des 10% du chiffre d’affaires de sa maison d’édition qui lui sont dûs. Un gain tout à fait dérisoire sur une période de douze mois, ce qui représenterait un revenu mensuel d’environ 45 940 f, pour une personne ayant des charges familales.
L’écriture comme un sacerdoce
Pourquoi écrire si à première vue il n’y a rien à retirer. Selon l’auteur Flore Hazoumé, l’écriture, surtout en Côte d’Ivoire, est comparable à un sacerdoce. Ainsi, à l’image de l’homme de Dieu qui fait vœu de pauvreté pour se consacrer entièrement à sa mission, l’écrivain tire une satisfaction personnelle de ses publications. Il est animé par sa passion d’écrire, de traduire les sentiments qui foisonnent en lui, et de les partager avec les lecteurs. Ce n’est que par ce moyen qu’il a la ferme conviction d’apporter sa pierre à la construction de sa société. Il transmet de ce fait des valeurs du savoir, ce qui ne saurait se monnayer. Cette satisfaction et cette passion sont renforcées dans la mesure où certains milieux rendent bien aux écrivains, l’honneur et le mérite qui leur sont dûs. Le carnet d’adresse d’un point de vue relationnel s’en trouve fourni et la notoriété pourrait être au rendez-vous, ce qui a pour effet de procurer certaines faveurs et d’ouvrir des portes. Au-delà de ce plaisir sans prix, l’écriture est une lutte, celle qui consiste à amener les Ivoiriens non seulement à lire, mais aussi et surtout à créer les conditions favorables à une éclosion littéraire. En d’autres termes, l’objectif visé est de ne pas donner l’occasion aux Ivoiriens de dire qu’ils ne lisent pas à défaut d’œuvres littéraires ivoiriennes. Si l’on admet de manière générale que dans la vie, chaque individu doit pouvoir marquer son temps, la voie choisie par les écrivains, est la production littéraire.
Vivre de son écriture, un vœu pieux ?
En réalité, la littérature ne nourrit pas souvent son homme. La vente d’un bon livre peut rapporter jusqu’à 3 mois de salaire alors qu’il faut en moyenne une année pour l’écrire. Pour pouvoir véritablement accroître ses gains et vivre décemment de sa plume, l’écrivain peut (s’il en a les moyens), soit financer l’édition de son ouvrage, ce qui lui permettra de bénéficier d’un pourcentage plus important que s’il se confiait à un éditeur (environ 50% du chiffre d’affaire à gagner ), soit procéder à sa distribution et sa vente (il récupérerait 30% du chiffre d’affaires qui devraient être reversés à sa maison d’édition), ou appliquer les deux possibilités (ses gains s’élèveraient alors approximativement entre 70 et 90% du chiffre d’affaires). L’écrivain, en fait, doit s’imposer pour atteindre le pic des droits d’auteur qui semble être plafonné à 14%, histoire de grappiller des revenus supplémentaires. Faustin Toha affirme que s’il avait pu prendre en charge la distribution de son œuvre, cela lui rapporterait trois fois plus, soit le montant de 1.653.750 f en un an (137.815 f/ mois). L’écrivain a, par ailleurs, la possibilité de vivre de sa plume, s’il arrive à publier régulièrement (de préférence une fois par an), des œuvres. La condition, ici, est qu’il arrive à en écouler, au moins 10 000 exemplaires. Mais quel écrivain, aujourd’hui, peut être certain que son oeuvre sera vendu à 10 000 exemplaires ? En 2009, à la deuxième édition du Prix Littéraire des meilleures ventes de la Librairie de France, la lauréate Anzata Ouattara n’a totalisé que 5003 exemplaires vendus (dans le circuit de la LDF). Les best-sellers ivoiriens tournent généralement autour de 5.000 à 10.000 exemplaires), le livre, lui, s’écoule entre 500 et 2000 exemplaires. Aucun auteur, même le plus célèbre, et le plus reconnu, ne peut être assuré de vendre son prochain ouvrage aussi bien que le précédent. A priori, le seul qui pourrait vivre de sa plume en Côte d’Ivoire, est vraisemblablement, Isaïe Biton Koulibaly pour sa régularité. Lui qui a écoulé en 2008, plus 4818 exemplaires de deux de ses parutions et 5.455 exemplaires au cours de l’année 2009 avec 3 publications, uniquement dans le réseau LDF. Adulé des lecteurs, il réussit à produire au moins une œuvre par an, quand bien même que les précédentes continuent de se vendre. Pour vivre et faire vivre leur famille, certains écrivains ivoiriens exercent d’autres activités génératrices de revenus, dans lesquelles ils excellent. Le “métier” d’écrivain est exercé généralement par des gens issus des classes supérieures et moyennes et la plupart d’entre eux ont donc une deuxième activité rémunérée. Suzanne Tanella Boni a été professeur de philosophie à l’Université d’Abidjan Cocody, avant de s’installer en France depuis 2004. Idem pour Camara Nangala, enseignant de mathématiques au Lycée, Serge Bilé, journaliste,… Flore Hazoumé est aujourd’hui, Directrice de publication de Scrib Magazine après avoir exercé 10 années aux nations Unies. Isaïe Bitton et Venance Konan sont les chroniqueurs de presse les plus célèbres en Côte d’Ivoire. Chacun a d’autres cordes à son arc, et l’écriture, peu rémunératrice, apparaît en second choix.
Conflit écrivains- éditeurs
Il ne date pas d’aujourd’hui le conflit qui oppose souvent les écrivains à leur maison d’édition. Les premiers reprochant aux seconds de leur octroyer des droits trop faibles et de ne rien faire pour booster les ventes, une fois la présentation officielle terminée. C’est, en effet, l’un des problèmes récurrents dans ce milieu, le déficit de promotion et de communication autour du livre.
L’auteur devra, en outre patienter avant de pouvoir toucher ses droits. Les éditeurs traînent beaucoup des pieds quand il s’agit de payer et il n’est pas rare de devoir leur réclamer son dû.
Elle est également révolue la période où l’on pouvait assister à de véritable débats littéraires télévisés où dans les pages des journaux. Les écrivains, tout comme les éditeurs pensent qu’il est temps de songer à la création de grands prix littéraires avec à la clé des primes conséquentes pour récompenser vraiment le mérite des premiers. Des prix qui devraient permettre de déceler les graines d’écrivains et susciter une émulation pour cet art qui sous d’autres cieux nourrit bien son homme.
Par Constant guey
constant.guey@jde-ci.com