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Économie Publié le jeudi 8 avril 2010 | Le National

M. Aka Boua Victor (Directeur général de ERA) - " En sa qualité de puissance publique investie d`une mission d`intérêt général, l`Etat a un rôle à jouer dans tous les secteurs "

L'hévéa va-t-il supplanter les autres cultures de rente en Côte d'Ivoire ? En tout cas, c'est la question qui revient couramment sur les lèvres de plusieurs observateurs. Dans cet entretien, M. Aka Boua Victor, Directeur Général de la Société d'Exploitation Agricole spécialisée dans l'hévéaculture ou ERA donne son point de vue sur l'évolution de la filière hévéicole et interpelle l'Etat quant à son rôle déterminant dans ce domaine. Entretien :
our nos lecteurs, pouvez - vous présentez ?
Je suis Aka Boua victor , Directeur Général de la Société d'Exploitation Agricole spécialisée dans l'hévéaculture ou ERA. Je suis venu à l'hévéaculture parce qu'à l'école d'ingénieur à l'époque on avait la possibilité de choisir les secteurs où on voulait travailler. On avait le choix entre trois entreprises. Nous avons fait des stages d'orientation. Et c'est à la suite de ces stages que les responsables de la SAPH à l'époque en 1987 ont établi un classement par ordre de mérite. Sur 8 stagiaires, j'ai été le major. Donc la SAPH a adressé un courrier à l'école pour dire que je devrais y travailler à la fin de mes études compte tenu de mes qualités. L'hévéa s'est imposé à moi. Mais aujourd'hui, je ne le regrette pas. Surtout vu ce que l'hévéaculture représente dans le monde et en Côte d'Ivoire. Je suis ingénieur des techniques agronomiques avec 23 ans d'expérience.

L'hévéa est une garantie économique pour les Ivoiriens ?
Oui ! Absolument. Constatez l'engouement qu'il y a autour de l'hévéa et surtout tout autour de notre structure(ERA). Les chiffres aussi parlent d'eux-mêmes. L'hévéaculture est une activité qui procure un revenu mensuel et régulier pendant au moins trente ans. L'hévéa n'a pas un caractère saisonnier. Lorsque votre plantation entre en production, vous avez un revenu mensuel régulier d'au moins cent mille francs par hectare et par mois. Donc l'hévéa est un puissant levier pour la lutte contre la pauvreté. C'est une culture qui améliore les conditions de vie des populations. Actuellement, la recherche scientifique a montré que l'hévéaculture peut se pratiquer partout sur le territoire ivoirien. Il y a des essais qui ont donné de bons résultats dans des régions considérées comme hostiles autrefois. Aujourd'hui, on peut dire que l'hévéa peut pousser partout en Côte d'Ivoire.

L'ERA a-t-elle les moyens de sa politique ?
L'ERA a été créée en 2004. Avec un peu de moyens, nous avons pu créer en propre 500 hectares d'hévéa et environ 400 hectares au profit des plantations villageoises. Nous sommes à la recherche de financement pour étendre ces superficies. Nous n'allons pas nous arrêter là. Nous comptons mettre sur pied une usine de transformation. Nous encadrons les planteurs, en leur apportant des pépinières et des intrants agricoles, sous forme d'avance sur leur prochaine production.

Comment peut-on bénéficier des services de l' ERA ?
Il faut d'abord disposer d'un terrain dénué de tout litige. Il faut apporter la preuve que vous êtes le propriétaire du terrain sur lequel vous voulez travailler. Il vous faut un titre de propriété. Ensuite nos techniciens procèdent à une évaluation pour voir si le terrain est Approprié pour la culture de l'hévéa. Quand toutes les conditions sont réunies, nous avançons des pépinières et l'encadrement de techniciens. Je tiens à préciser que l'ERA dispose de techniciens très expérimentés. Il s'agit de techniciens supérieurs agricoles et des ouvriers agricoles, formés dans des écoles d'agriculture. Nous appuyons le planteur à réaliser sa plantation. Tous nos apports aux planteurs sont une forme de crédit agricole que nous leur accordons en nature. Cela demande beaucoup de moyens. C'est pourquoi, j'explique toujours que l'ERA, lui-même doit avoir beaucoup de moyens pour pouvoir aider les nombreux ivoiriens qui veulent investir dans l'hévéaculture et qui frappent à nos portes. L'hévéaculture, c'est un investissement d'au moins sept ans, avant de rentrer en production.

L'ERA a-t-elle des moyens financiers pour aider les Ivoiriens à cultiver l'hévéa?
Par rapport à la demande, j'avoue que les moyens ne suffisent pas. Les banques ivoiriennes ne répondent pas à nos sollicitations parce qu'elles soutiennent que le cycle de production de l'hévéa est long. Il faut souligner que les banques investissent toujours là où il y a des bénéfices immédiats. Dans ce cas, Il nous faut les banques de développement. Or chez nous, il n'y en a pas beaucoup. Aussi, les banques ne veulent pas prendre des risques à cause de la situation de guerre en Côte d'Ivoire. C'est pour cette raison que je fais le tour du monde pour contacter des partenaires qui sont attentifs mais qui attendent le retour définitif de la paix en Côte d'Ivoire pour venir à notre aide.
Quelles sont les régions qui ont accueilli déjà l'ERA ?
L'ERA est installée à Dabou, à Tiassalé et à Adzopé. Nous ne sommes pas en concurrence avec les sociétés qui existent déjà dans ces zones et qui travaillent dans l'hévéaculture. Il y a de la place pour tout le monde. Il ne faut pas voir notre présence à côté des autres structures en termes de concurrence mais plutôt en terme de complémentarité. La Côte d'Ivoire est le premier producteur de Caoutchouc en Afrique et occupe le septième rang mondial. La Côte d'Ivoire a donc de grandes ambitions pour l'hévéaculture. Donc l'ERA est venue jouer sa partition pour relever ce défi. L'ERA occupe la place qui lui revient. Et nous comptons jouer notre partition à fond. Nous disposons de machines agricoles et nos plantations en propre sont des plantations industrielles. ERA a adopté une voie moderne dans la pratique de l'hévéaculture. L'ERA a l'ambition de réaliser au minimum 5000 hectares et au maximum 15000 hectares à moyen et long terme. L'ERA compte implanter une usine de transformation du caoutchouc. Nous n'attendons pas nous arrêter à la transformation primaire. Nous voulons transformer le latex en produit fini. Je vous informe que sur plus de 200 mille tonnes de caoutchouc que la Côte d'Ivoire produit par an, seulement 3% sont transformés sur place. Il faut envisager qu'on en transforme d'avantage en Côte d'Ivoire pour créer de l'emploi pour apporter de la valeur ajoutée. C'est cela le challenge de l'ERA.

Quelles sont les difficultés que vous rencontrez sur le terrain ?
Nos difficultés sont le fait qu'il est très difficile de trouver aujourd'hui de grandes surfaces à cultiver. Pour une société industrielle d'hévéa, il faut avoir 2000, 4000 hectares de terre. Cela estpresqu'impossible aujourd'hui. On ne peut pas avoir de grandes surfaces d'un seul tenant. La seconde difficulté émane du domaine financier. Les banques locales ne s'intéressent pas à nous parce que nous ne produisons pas immédiatement de l'argent. C'est pourquoi, je profite de cette occasion pour lancer un appel à l'Etat, afin qu'il se penche sur le financement de l'agriculture. La Côte d'Ivoire est un pays à vocation agricole. Il est donc nécessaire d'appuyer ce secteur comme au temps où la BNDA existait. Par le truchement de la BNDA, l'hévéaculture a été vulgarisée en milieu rural à travers le financement des bailleurs de fonds, de la Banque mondiale…En fin de compte l'Etat a initié le projet clé en main qui a permis de sortir l'hévéaculture de sa phase de culture industrielle, concentrée essentiellement entre les mains d'étrangers. Aujourd'hui, les plantations villageoises représentent plus de 50% des plantations que compte le pays. C'est pourquoi, j'invite l'Etat à appuyer l'agriculture par le crédit agricole.

Avez-vous un appel à lancer ?
Il y a un engouement certain autour de l'hévéaculture. Certains ivoiriens détruisent même certaines plantations pour les remplacer par des plantations d'hévéa. Donc, l'appel que je lance va à l'endroit de l'Etat. Sans être un expert en économie, je pense que l'Etat a un rôle à jouer dans ce domaine. Un rôle de régulation et d'appui financier. C'est-à-dire créer des fonds de garantie pour que des jeunes opérateurs puissent se faire aider par d'éventuels investisseurs. On ne demande pas à l'Etat de venir créer des plantations ou des usines. Mais ce qu'il faut c'est une politique volontariste d'appui à la création. Il ne s'agit pas seulement de l'hévéaculture. C'est dans tous les domaines d'activité économique. En sa qualité de puissance publique investie d'une mission d'intérêt général, l'Etat a un rôle à jouer dans tous les secteurs. L'Etat a un rôle d'appui, de contrôle et de régulation. Aussi, je voudrais demander à nos hommes politiques de s'investir entièrement dans la résolution de la crise qui secoue notre pays. J'ai beaucoup voyagé ces dernières années. Et partout, où je suis arrivé, les bailleurs de fonds et autres investisseurs s'interrogent sur la situation socio - politique de la Côte d'Ivoire. Cela freine les bailleurs de fonds qui frappent à nos portes. Il nous appartient de leur garantir la paix pour qu'ils entrent afin que l'économie redémarre. A la jeunesse, je dis que, seul le travail paie. L'hévéa nourrit son homme. C'est un bon créneau pour se prendre en charge. L'ERA se met donc à la disposition de tous ceux qui rêvent d'investir dans l'hévéaculture. Son ambition majeure est de se positionner dans les dix prochaines années, au rang d'acteur clé dans la filière hévéicole en Côte d'Ivoire.

Colbert Kouadjo
Colbert_rna@yahoo.fr


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