Le libéralisme économique a dérégulé le marché international du café où les pays producteurs et les consommateurs s’entendaient sur des quotas d’exportation dans le cadre de l’Oic. A l’époque, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international admettaient qu’une libéralisation totale du marché mondial du café entraînerait une chute des prix. Ce qui s’est produit. «Mais pas au point, assuraient-ils, de ruiner des millions de caféiculteurs». Ils se sont trompés. Le café ne passe pas dans le filtre du marché. Pis, du producteur au consommateur, la reconstitution financière de la route du café suffit à montrer les dégâts de cette politique de libéralisation sans limites. Plus on s’éloigne du point de départ, les producteurs, plus on trouve les vrais gagnants : les multinationales pour lesquelles le café s’est révélé une véritable mine d’or. Vietnam, Brésil, Madagascar, Ethiopie... C’est presque toujours le même chemin qu’emprunte la fève. En ville, on trouve souvent une entreprise qui représente les intérêts d’une multinationale du secteur. Elles diligentent un pisteur qui ira pendant des mois négocier le prix du sac avec les planteurs. Sous l’argument d’une surproduction, ces pisteurs proposent des prix d’achat bas. Pour ce qui sera un paquet de 250 grammes de café, le paysan ivoirien encaisse aujourd’hui l’équivalent de 90 Fcfa pour son café vert non transformé. Le pisteur empoche 35 Fcfa. Une fois acheminée au port, il faut ajouter le coût du fret, l’assurance, les taxes de douanes et autre TVA qui gonflent la facture de 85 Cfa. Mais c’est une fois arrivé dans les ports des pays importateurs, où sont localisées les multinationales du secteur, que le café va connaître une véritable inflation... La torréfaction en France ou aux Etats-Unis ? Comptez un surplus de 950 Fcfa en moyenne. Quant à la distribution des paquets (de la multinationale aux portes de la grande surface), elle se facture en moyenne 1.600 Fcfa. Résultats, le revenu des caféiculteurs ne cesse de fondre. Et, à l’autre extrémité de la chaîne, des multinationales qui affichent des profits indécents, tant la situation des caféiculteurs s’est dégradée. Ainsi, à la faveur de la dérégulation du marché mondial, les Kraft, Nestlé, Procter & Gamble et Sara Lee ont bâti un véritable marché oligopolistique. Ces quatre entreprises se partagent plus de la moitié de la transformation et du négoce de café. La France est devenue une véritable plaque tournante de la réexportation du café africain vers les Pays-Bas ou les pays de l’Est. Quelle solution pour sortir le café de la crise ? «Un retour aux mécanismes de régulation», disent les uns. Mais la solution est surtout du côté des pays industrialisés. Car, tant que les pays producteurs exportent vers les pays consommateurs un café brut, non transformé, les taxes à l’importation sont quasiment nulles. Par contre, dès qu’il s’agit de transformer sur place la fève pour l’exporter ensuite vers ces mêmes pays industrialisés, les droits de douane explosent. Au point de dissuader les pays producteurs de tenter l’aventure d’investir dans une industrie caféière.
Lanciné Bakayoko
Lanciné Bakayoko