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Société Publié le samedi 10 avril 2010 | Notre Voie

Danané : Les populations se soulèvent contre le pillage des forêts classées

La tension est montée d’un cran depuis quelques jours dans le département de Danané. A l’origine, un soulèvement des populations qui tiennent à déguerpir par tous les moyens, ceux qui occupent illégalement les forêts classées et les parcelles villageoises. Quatre heures d’échange, parfois houleux, de 11 heures à 15 heures, entre le préfet de Danané, Sékou Konaté, assisté de l’ensemble de ses collaborateurs, y compris le commandant du secteur de Danané, le capitaine Eddy Médi, et le collectif des cadres et notables pour la défense des forêts de la sous-préfecture de Kouan-houlé (CCNDF). C’est le temps qu’il a fallu mercredi à la résidence du préfet de Danané pour que les autorités administratives et militaires du département et les représentants des populations des sous-préfectures de Kouan-houlé et de Daleu évitent le pire. C’est-à-dire un affrontement généralisé que tout le monde craint aujourd’hui entre les populations riveraines des nombreuses forêts classées du département et les allogènes, Lobis et Burkinabé pour la plupart, qui se sont rendus maîtres des lieux à la faveur de la crise politico-militaire qui secoue la Côte d’Ivoire depuis septembre 2002. C’est que depuis quelques jours les jeunes de la sous-préfecture de Kouan-houlé ont entrepris de déguerpir tous les occupants des forêts classées du Mont Nimba et de Téapleu. Provoquant des déplacements massifs de populations allogènes estimées à plus de mille personnes. L’action dont l’écho s’est répandu comme une traînée de poudre dans le département, et ayant fait tache d’huile, les populations voisines de la sous-préfecture de Daleu,les forêts classées du Cavally, du Mont Momi sont entrées dans la danse. De conciliabules en concertations, les parties se sont entendu sur la mise sur pied d’une plate forme impliquant l’administration préfectorale, les services du ministère de la l’agriculture, les autorités militaires des forces nouvelles, les cadres, les élus et la notabilité villageoise en vue d’une prise en main urgente de la question de la destruction vertigineuse des forêts classées et des parcelles communautaires en vue de circonscrire le mal. Objectif, arrêter la saignée et éviter une déflagration généralisée aux conséquences imprévisibles. Des populations exaspérées Ce compromis obtenu aux forceps a eu le mérite de faire baisser la tension qui était montée d’un cran lorsque, peu avant midi, la foule de protestataires, lasse d’attendre le début d’une réunion initialement prévue avec le préfet dans la salle de conférence de la préfecture, a décidé de prendre d’assaut la résidence du préfet où se dernier s’était retranché avec les cadres pour s’accorder sur certains points de divergence. Devant la foule compacte qui avançait, les éléments de sécurité ont d’abord tenté de les dissuader. Faisant craindre un affrontement entre les agents de sécurité et les populations. Mais face à la détermination des protestataires qui avançaient en bloc la main dans la main et le nombre important, les agents de sécurité se sont résolus à les laisser entrer au sein de la résidence. Le temps que le préfet ayant accordé ses violons avec la délégation des cadres vienne vers 15 heures annoncer la fumée blanche. En vérité des solutions transitoires acceptées difficilement par les populations autochtones. Tant leur exaspération est grande. “Nos parents sont impatients. Ceux qui occupent nos forêts de façon illégale et anarchique nous narguent tous les jours. Mais le plus grave c’est que si nous ne faisons rien la forêt aura complètement disparue d’ici quelques années. Nous ne pouvons l’accepter. Mieux vaut mourir. Parce que ces forêts sont toute la richesse qui nous reste. Nous ne pouvons pas regarder des individus venus de nulle part nous arracher la terre de nos ancêtres. Nous faisons confiance à l’administration. Mais nous disons clairement que notre patience a des limites. Nous ne pourrons tolérer longtemps cette anarchie. Nous défendrons par tous les moyens notre patrimoine qui est aussi celui de l’Etat de Côte d’Ivoire”, confiait quelque peu irrité le porte- parole des cadres, M. Sohou Vassy. Dans la foule, de nombreux chefs de village, mais surtout de nombreux jeunes ne manquaient pas de manifester publiquement leur désaccord face au compromis trouvé. Pour eux, le mal étant trop profond, il faut une thérapie de choc. Parce que de leur point de vue, la lenteur administrative aidant, la question des forêts classées et du patrimoine foncier rural dans le département qui a été au centre de la visite d’Etat du président de la république en juin 2009, devrait avoir connu un début de solution, si tant est que le problème intéresse les gens. “C’est un véritable drame que nous vivons dans l’indifférence totale. Aujourd’hui, personne ne parle. Nos forêts sont bradées et occupées par des gens que nous ne connaissons pas. Les gens attendent que nous exigions le respect de notre droit de propriété pour qu’on parle de xénophobie où de chasse aux étrangers. Mais soyez en sûr, si dans les semaines à avenir rien n’est fait, nous prendrons nos responsabilités”, a tenu à marteler M. Jean Brice Kessé, membre du collectif des cadres. Les protestataires se disent d’autant plus choqués que des individus identifiés ont affirmé détenir dix kilomètres carrés de forêts où ils font travailler 103 manoeuvres. “Monsieur le préfet, je crois humblement qu’un tel individu doit immédiatement être mis aux arrêts”, a estimé M. Sohou, pour qui de telles mesures préventives pour nécessité d’enquête contribueraient à calmer un peu les populations qui ont de plus en plus le sentiment que l’Etat, s’il n’est pas complice les a abandonnés à leur sort. Au terme des discussions avec l’administration, les protestataires ont accepté de regagner leurs villages respectifs pour y attendre le sous-préfet qui entame à partir du 16 avril prochain une tournée dans les sous-préfectures de Koua-Houlé et de Daleu. En attendant, la fièvre semble être tombée. Mais pour combien de temps ? A Danané, tout le monde sait que la situation peut exploser à tout moment.

Guillaume T. Gbato Envoyé spécial à Danané
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