«On a faim ! On est fatiguées ! Ayez pitié de nous ! ». Ce sont les cris que lançaient hier les femmes, dans les différents marchés d’Abidjan pour exprimer leur ras-le-bol. Au marché de Marcory où nous nous sommes rendus tôt le matin, des femmes, munies de boites de tomate concentrée vide et de sifflets, ont décidé de crier leur exaspération face à la flambée des prix des denrées alimentaires. « Depuis la grève des transporteurs, tout est devenu cher sur le marché. On ne peut plus rien acheter. Le tas de piment et de tomate qui était à 50 FCFA est aujourd’hui à 500 FCFA. La banane plantain commence à manquer. Il n’y a plus de manioc sur le marché. On ne peut plus manger du foutou», fulmine Mme Marguerite Boua, une des ménagères que nous avons rencontrées sur les lieux. Mme Henriette Bouzié, une ménagère qui faisait partie des manifestantes au marché de Belleville à Treichville, ne dit pas le contraire. « On ne sait plus où aller. On est fatiguées. On souffre. Nous, les pauvres femmes que nous sommes, on ne sait plus comment nourrir nos familles. Ayez pitié de nous ! », supplie-t-elle, avec une larme au coin de l’œil. Interrogées sur les raisons de cette flambée des prix, les commerçants et vendeuses sont unanimes. « C’est la dernière augmentation du carburant et la grève des transporteurs qui sont la cause de l’envolée des prix sur les marchés » Face à l’absence de véhicules, certaines vendeuses racontent qu’elles sont obligées de se rendre à pied à Adjamé pour aller chercher la marchandise et les denrées alimentaires. « Une fois à Adjamé, nous sommes obligées de louer les services d’un charretier qui nous prend au moins 10 mille francs pour transporter notre marchandise jusqu’à destination », relate Mme Joséphine Koubouo, vendeuse de condiments au marché de Treichville-Belleville. « J’ai marché d’Adjamé jusqu’ici. Les gens veulent nous tuer cadeau. Qu’ils baissent le prix du carburant. Sinon, nous n’aurons plus rien à manger », plaide-t- elle. Tout juste à quelques mètres d’elle, Mme Antoinette Kassi, la présidente des vendeuses du marché, nous interpelle en nous désignant un tas de bananes plantains. « Regardez ces bananes squelettiques ! Un tas coûte aujourd’hui 300 à 500 F CFA. Alors qu’en temps normal, on ne vend pas ce type de bananes. On en fait plus tôt cadeau aux bonnes clientes ou aux fillettes qui viennent nous aider au marché », explique-t-elle sous le regard approbateur du responsable des grossistes du vivrier du marché de Treichville, M. Sidi Mohamed. Pour ce dernier, ce sont les charges du transport qui sont à la base de cette situation. « Aujourd’hui, il n’y a plus de banane et d’igname. Le manioc est quasi inexistant. Si la situation perdure, les conséquences seront dramatiques d’abord pour nous les commerçants et ensuite pour la population », avertit-il.
Abidjan au bord de l’asphyxie
Même son de cloche chez veuve Oka Aya Victorine, vendeuse de vivriers et de condiments au marché de Belleville : « Avant, on faisait 4 tubercules d’igname à 1000 FCFA. Aujourd’hui, c’est un seul tubercule qui coûte 1000 FCFA. Pour la banane plantain, il faut maintenant débourser mille FCFA pour acheter un tas. Les clients n’achètent plus la banane et l’igname. Or c’est ce que je fais pour nourrir les 12 personnes qui sont à ma charge depuis la mort de mon mari, il y a 15 ans. » Elle nous désigne une vieille femme qui est près d’elle. « Regardez cette pauvre vieille.
Avec son âge, elle est obligée de se lever à 4 h du matin pour rallier le marché. Elle marche du quartier Zimbabwe, derrière Vridi jusqu’ici. Au grand marché de Koumassi et d’Adjouffou-Port-Bouët où notre équipe de reportage s’est rendue, ce sont des femmes en colère qu’il nous a été donné de voir manifester. « Si le gouvernement ne peut rien faire pour nous, qu’il démissionne. Parce que nous sommes fatiguées », a lancé Mme Anna Azilignon. Avec d’autres femmes, cette ménagère a décidé de fustiger le mutisme du chef de l’Etat et du gouvernement qu’elle juge criminel. « Regardez ce petit tas de piment, il coûte 500 FCFA. Alors qu’il y a quelques jours, il coûtait 50 FCFA. On ne peut plus rien acheter aujourd’hui. Vraiment, on est fatiguées. Ca suffit comme ça ! », lance-t-elle entre deux soupirs. Avant de se faufiler ses camarades et elles, dans les dédales et entre les étals vides pour la plupart du marché, pour exhorter les femmes à prendre leurs responsabilités pour que cette situation prenne fin. Quant à Mme Gbané au grand marché de Koumassi, elle a demandé, devant une foule de femmes en colère, à l’Etat de prendre ses responsabilités. Sinon, les femmes prendront les leurs. Pour Honorine Assoa, coordinatrice de tous ces mouvements d’humeur, il faut un changement pour mettre fin à tout ce qui se passe dans le pays. « Il faut aller aux élections pour que cette situation change. Car seules les élections peuvent nous sortir de cette situation grave. Si cela ne change pas, nous allons descendre dans la rue », a-t-elle menacé avant de quitter les lieux, suivie d’une centaine de femmes scandant des propos hostiles au pouvoir en place. Pour l’heure, les étals dans les marchés que nous avons visités se vident. Les denrées alimentaires et les vivriers deviennent de plus en plus rares. Leurs prix ont plus que quadruplé. Les marchandises n’arrivent plus à destination. Et avec l’enlisement de la grève, il faut craindre le pire. Car Abidjan est au bord de la famine.
Jean-Claude Coulibaly
Abidjan au bord de l’asphyxie
Même son de cloche chez veuve Oka Aya Victorine, vendeuse de vivriers et de condiments au marché de Belleville : « Avant, on faisait 4 tubercules d’igname à 1000 FCFA. Aujourd’hui, c’est un seul tubercule qui coûte 1000 FCFA. Pour la banane plantain, il faut maintenant débourser mille FCFA pour acheter un tas. Les clients n’achètent plus la banane et l’igname. Or c’est ce que je fais pour nourrir les 12 personnes qui sont à ma charge depuis la mort de mon mari, il y a 15 ans. » Elle nous désigne une vieille femme qui est près d’elle. « Regardez cette pauvre vieille.
Avec son âge, elle est obligée de se lever à 4 h du matin pour rallier le marché. Elle marche du quartier Zimbabwe, derrière Vridi jusqu’ici. Au grand marché de Koumassi et d’Adjouffou-Port-Bouët où notre équipe de reportage s’est rendue, ce sont des femmes en colère qu’il nous a été donné de voir manifester. « Si le gouvernement ne peut rien faire pour nous, qu’il démissionne. Parce que nous sommes fatiguées », a lancé Mme Anna Azilignon. Avec d’autres femmes, cette ménagère a décidé de fustiger le mutisme du chef de l’Etat et du gouvernement qu’elle juge criminel. « Regardez ce petit tas de piment, il coûte 500 FCFA. Alors qu’il y a quelques jours, il coûtait 50 FCFA. On ne peut plus rien acheter aujourd’hui. Vraiment, on est fatiguées. Ca suffit comme ça ! », lance-t-elle entre deux soupirs. Avant de se faufiler ses camarades et elles, dans les dédales et entre les étals vides pour la plupart du marché, pour exhorter les femmes à prendre leurs responsabilités pour que cette situation prenne fin. Quant à Mme Gbané au grand marché de Koumassi, elle a demandé, devant une foule de femmes en colère, à l’Etat de prendre ses responsabilités. Sinon, les femmes prendront les leurs. Pour Honorine Assoa, coordinatrice de tous ces mouvements d’humeur, il faut un changement pour mettre fin à tout ce qui se passe dans le pays. « Il faut aller aux élections pour que cette situation change. Car seules les élections peuvent nous sortir de cette situation grave. Si cela ne change pas, nous allons descendre dans la rue », a-t-elle menacé avant de quitter les lieux, suivie d’une centaine de femmes scandant des propos hostiles au pouvoir en place. Pour l’heure, les étals dans les marchés que nous avons visités se vident. Les denrées alimentaires et les vivriers deviennent de plus en plus rares. Leurs prix ont plus que quadruplé. Les marchandises n’arrivent plus à destination. Et avec l’enlisement de la grève, il faut craindre le pire. Car Abidjan est au bord de la famine.
Jean-Claude Coulibaly