Très cher grand frère Jean Baptiste Akrou… après votre éditorial intitulé " Houphouétistes ? ", publié à la page 6 du quotidien gouvernemental dont vous êtes, si heureusement, le directeur général, je voudrais m'offrir la liberté de vous adresser ces quelques mots. Je voudrais d'avance m'excuser pour le cas où un mot inapproprié échapperait à la censure de ma conscience juvénile. Remarquez que l'excuse n'est pas le fort de notre génération à nous, la génération refondée. J'ai lu votre éditorial d'hier avec un grand intérêt et le sentiment qui m'anime depuis est le désespoir. Oui grand frère, vos écrits, depuis quelque temps, me désespèrent et me font douter de la capacité des intellectuels de ce pays à assumer leur responsabilité qui est d'avoir une opinion qui n'obéit pas, comme le roseau, aux caprices du vent qui souffle. Du vent politique ambiant qui souffle. Vos écrits me désespèrent parce que j'ai remarqué qu'ils ne pourront pas survivre après vous. Ils sont trop fluctuants. Car, si par extraordinaire demain, je veux dire demain mercredi 21 avril 2010, un nouvel homme fort arrivait à la tête de ce pays et qu'il vous maintenait à votre place actuelle, vous serez capable d'écrire parfaitement le contraire de ce que vous avez écrit hier lundi. C'est ce que j'appelle la volonté des intellectuels ivoiriens de falsifier l'histoire de leur pays sur l'autel de leurs intérêts du moment. En agissant ainsi, vous ne nous laissez aucune perspective, nous autres vos jeunes frères, qui sommes derrière vous. Chaque jour que Dieu fait, et cela depuis pratiquement huit ans, tous nos modèles s'écroulent. Tous ceux que nous prenions comme modèles nous trahissent. Au quotidien. Dans votre éditorial d'hier, vous avez, sans vouloir en donner l'impression, attaqué tous ceux qui ont écrit ou déclaré que le président Gbagbo et le président Houphouët-Boigny ne menaient pas le même combat et ne se ressemblaient pas. Et comme j'ai aussi écrit cela, alors je me sens interpellé. Vous avez tenté, par énumération, de nous faire comprendre que les deux hommes mènent le même combat et qu'ils se ressemblent. Et moi, je voudrais persister dans ma pensée en disant : Non, grand frère ! Le président Gbagbo ne mène pas le même combat qu'Houphouët-Boigny. Non, grand frère, les deux hommes n'ont pas de ressemblance ! Le président Gbagbo, pour parler comme l'autre, c'est le président Gbagbo. Et le président Houphouët, c'est le président Houphouët. Parce que les arguments que vous soulevez pour soutenir votre thèse me semblent trop suspects. Car pour répondre à la question, " c'est quoi l'houphouétisme et qui est donc houphouétiste ? ", vous citez maître Jean Konan Banny qui a dit ceci : " l'houphouétisme, ce n'est pas un outil servant à élire des gens… ". Moi, je ne prétends pas connaître le sens de l'houphouétisme comme maître Jean Konan Banny, mais je pense que cette partie de sa définition que vous citez est justement ce qui pose problème à des gens comme moi, quand on dit que le président Gbagbo est un houphouétiste. Maître Jean Konan Banny dénonce l'opportunisme de ceux qui prétendent être des houphouétistes aujourd'hui. Car, quel est l'objet de l'Union des houphouétistes pour le dialogue (Uhd) que M. Fologo et autres viennent de mettre sur pied ? Pour quelles raisons autres qu'électoralistes, ont-ils créé cette association ? Car, si comme vous l'écrivez, c'est pour véhiculer la philosophie du président Houphouët, M. Fologo ne peut-il pas le faire avec son RPPP ? N'est-ce pas parce qu'il considère que les dirigeants de son ex-parti le Pdci ont abandonné les idéaux du vieux sage de Yamoussoukro qu'il a créé le RPPP ? Donc la création de l'Uhd n'obéit qu'à des raisons électoralistes. D'ailleurs, Roger ouégnin, qui a participé à sa création, ne s'y est pas trompé qui a appelé les Ivoiriens à voter le candidat Gbagbo. Alors de quoi parlez-vous, grand frère ? Mais gardons le pire pour la fin. Vous écrivez et je cite : " Le président Gbagbo reconnaît en Houphouët-Boigny, un combattant de la liberté, de la dignité. ". Non, le président Gbagbo n'a jamais dit cela du vivant d'Houphouët-Boigny. S'il le dit maintenant, c'est à dessein. " Complots fictifs, arrestations arbitraires, bastonnades, assassinats collectifs et individuels, spoliation du peuple, gabegie…, telles sont les méthodes de l'empereur (Houphouët-Boigny Ndlr) sans couronne et de sa troupe… ". Voilà ce qu'il disait hier. Et que des gens comme moi, qui sortaient de l'adolescence, ont applaudi à tout rompre. Dans cette description, ou est donc le combattant de la liberté et de la dignité ? Vous écrivez aussi : " Arrivé au pouvoir d'Etat, il (Gbagbo) a pris l'âme d'un bâtisseur avec le transfert de la capitale ; le prolongement de l'autoroute du Nord jusqu'à Yamoussoukro ; l'extension du terminal à conteneurs ; la réalisation du pont de Jacqueville ; la réhabilitation de l'hôtel Ivoire ; la construction du 3ème pont. ". Et cette énumération de grands travaux vous permet de conclure que les deux hommes mènent le même combat. Non ! D'abord parce que le 3ème pont n'est pas encore construit et que c'est dans les poches des Ivoiriens qu'on prélève chaque jour l'argent pour sa construction, pour ne pas endetter la Côte d'Ivoire comme l'a fait, selon M. Gbagbo, le président Houphouët. Non ! Ensuite parce que aucun de ces grands travaux ne figure dans le programme de gouvernement de la refondation que nous avons applaudi du vivant d'Houphouët qu'on nous a présenté comme " un voleur ". Oui, j'avoue avoir crié aussi " Houphouët voleur ". J'étais en classe de 6ème à cette époque. Et j'ai pensé que c'était vrai jusqu'à ce que le Fpi accède au pouvoir. Non ! Ensuite parce que dans ces grands travaux, il n'y a nulle part, la moindre trace d'une école, d'une université, d'un centre de formation. Alors que la priorité des priorités pour Houphouët-Boigny, c'était la formation des hommes. C'est la raison pour laquelle, il a construit (en endettant la Côte d'Ivoire) les universités et les grandes écoles qui ont formé les cadres qui ont construit ce pays et qui l'ont placé au niveau de développement qui est le sien jusqu'au jour d'aujourd'hui. Avec quels cadres voulez-vous développer ce pays, lutter d'égal à égal avec la France quand il n'y a plus d'école dans ce pays et que cela n'émeut pas outre mesure les nombreux et nouveaux jumeaux d'Houphouët-Boigny ? Non ! Enfin grand frère, je voudrais vous prier de ne plus citer le transfert de la capitale en parlant des actes qui, selon vous, permettent de dire que Houphouët et Gbagbo se ressemblent et mènent le même combat. Et je le dis pour ce qui suit : " Nous avons donc décidé de proposer à la nation un remède capable de nous éviter de tomber dans la spirale de violence ouverte que nous prépare Houphouët avec sa politique faite de frustration, d'amertume, de pillages, de spoliation et de dépersonnalisation. Au moment où j'achève la rédaction de cet ouvrage, j'apprends qu'Houphouët est en train de se démener pour ériger son village de Yamoussoukro en capitale de notre pays. Qu'il y aille donc. Transfert coûteux -à tous les points de vue- et injustifiable, dont l'objectif unique est de satisfaire une lubie ancienne du vieux monarque… ". Dixit Laurent Gbagbo. Alors grand frère Akrou, pour quelles raisons le président Gbagbo est-il si préoccupé de réaliser aujourd'hui la " lubie du vieux monarque " ? Si ce n'est pour des raisons électoralistes ? Simple question, grand frère ! Simple question ! Voici grand frère, les quelques mots que je tenais à échanger avec vous. Mais qu'on se comprenne bien. Je ne suis pas le défenseur des anciens et des nouveaux Houphouétistes. Je refuse tout simplement que, pour des raisons non " scientifiques ", vous tentiez de corrompre nos esprits en falsifiant l'histoire pourtant si récente de notre pays.
Votre petit frère Assalé Tiémoko
a02375898@hotmail.fr
Votre petit frère Assalé Tiémoko
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