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Politique Publié le lundi 19 avril 2010 | Nord-Sud

Me Doumbia Yacouba, 1er vice-président du Midh:“Nous sommes en pleine insécurité juridique”

Maître Doumbia Yacouba est avocat au barreau d'Abidjan, et 1er vice-président du Mouvement ivoirien des droits humains. Dans un entretien, il dénonce l'interpellation de Kouakou Eugène Koffi, président du comité de base du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (Pdci) d'Adjamé, Saint Michel.


Le président du comité de base du Pdci Saint Michel Notre Dame des Apôtre a été arrêté dans un maquis à Adjamé pour outrage au président de la République. Quel est votre commentaire ?

Dans le code de procédure pénal qui régit les interpellations, je ne vois pas de place où la garde républicaine doit appréhender des citoyens pour leurs opinions. Sur le fond du dossier, j'estime que tout citoyen a le droit de donner son opinion sur la gestion qui est faite de l'Etat. Donc, moi, je suis surpris par un tel événement. Je n'ai pas tous les éléments qui ont pu fonder une décision de condamnation de cet individu avec sursis. En tant que défenseur des droits de l'Homme, on s'insurge contre la pratique selon laquelle quelqu'un qui émet son opinion puisse être interpellé et jugé sur ces faits. Ce sont des cas de délits d'opinions qui ne devraient exister dans un Etat de droit.


Il a été appréhendé suite à une dénonciation du sergent des Fanci Lepko Zouzouko, en service au Groupe de sécurité du président de la République (Gspr). Ce dernier a estimé qu'il a outragé le chef de l'Etat en le rendant responsable du blocage du processus électoral. Peut-on qualifier son acte d'offense au président de la République ?

Nullement. Le simple fait de dire que le blocage est imputable au chef de l'Etat ne peut nullement être interprété comme outrage au président de la République. C'est ce que je disais car c'est son opinion sur ce qui se passe actuellement par rapport à la gestion de l'Etat, de sorte qu'être astreint devant les juridictions pour être condamné pour avoir dit que le chef de l'Etat est à l'origine du blocage actuel. Eh bien, cela me paraît excessif. Mais, en tant que juriste, puisque je n'ai pas été à l'audience, je ne peux émettre un avis définitif. Parce que le juge qui condamne, doit pouvoir fonder sa décision en droit et en faits. C'est-à-dire que les faits doivent exister et ils doivent être susceptibles de recevoir une qualification juridique qui outrage le chef de l'Etat. Tel que vous l'exposez, il ne peut pas exister une telle situation.


Est-ce que les libertés individuelles sont menacées à travers ce cas ?

Si on ne peut plus émettre d'opinion en disant que le chef de l'Etat gère bien ou ne gère pas bien ; il est beau ou il ne l'est pas ; enfin c'est mon opinion. Donc, ce sont des délits d'opinion et de ce fait, il ne peut nullement être interprété comme outrage au chef de l'Etat. Donc, on est en pleine insécurité juridique si tel est que les faits se sont passés. On est pleine insécurité juridique c'est-à-dire qu'au sortir de cet interview, on dira que Me Doumbia a dit que ce n'est pas un délit d'opinion donc il a outragé lui aussi le chef de l'Etat. Je peux être aussi pratiquement mis en insécurité. Donc, il n'est pas acceptable dans un pays de droit que quelqu'un qui émet son opinion soit poursuivi puis condamné. Et puis, la garde républicaine n'est pas l'institution habilitée à intenter des procédures. En pareille occasion, c'est le procureur de la République qui en a la compétence. Ce sont des menaces qui pèsent sur les citoyens s'ils ne peuvent plus donner leur opinion. En France, De Villepin, inaugurait récemment une ferme où il a traité Sarkozy de porc. Cela n'a pas donné lieu à un procès parce que c'est son opinion. Les gens en ont ri et on est passé à autre chose.


En tant que défenseur des droits de l'Homme, que comptez-vous faire pour protéger les citoyens contre ce genre d'agression et de violation de leurs droits?

Nous serons toujours du côté de ceux qui sont opprimés pour leur opinion. Puisque la liberté d'opinion est, à la limite, un droit constitutionnel. C'est comme la liberté d'aller et de venir. On ne peut pas vous priver de cette liberté si vous n'avez pas commis une infraction. Il en est de même pour la liberté d'opinion, la liberté religieuse, la liberté de produire des œuvres intellectuelles. Chaque fois que ces libertés seront menacées dans l'Etat, alors nous serons du côté des victimes. Si nous sommes saisis, alors nous mettrons en place un collège d'avocats pour aller défendre ces personnes. Nous estimons que chacun est libre de donner son opinion par rapport à la gestion des affaires publiques. De telle sorte que si une personne se trouve devant les juridictions parce qu'elle a émis son point de vue nous puissions le défendre parce que ce sont des atteintes aux droits de l'Homme.


Quels sont les éléments constitutifs de l'outrage au chef de l'Etat ?

L'outrage au chef de l'Etat est une infraction qui est bien prévue. Il faut que les éléments consécutifs de cette infraction soient réunis avant qu'on ne parle d'outrage. Ce sont les injures. Mais, vous ne pouvez pas injurier publiquement le chef de l'Etat. Cependant, l'injure publique ne consiste pas à dire que le président de la République a une petite taille ou bien il est frileux parce qu'à chacun occasion, il est obligé de recourir au facilitateur, le président Compaoré. Je ne vois pas en quoi cela constitue l'infraction prévue dans notre arsenal juridique. L'outrage au chef de l'Etat est prévu et puni par l'article 243 du code pénal. Enfin, l'outrage n'est pas défini comme tel. On dit que, quiconque par ses propos dans les conditions, offense le président de la République. Mais à quelle condition on offense le chef de l'Etat ? C'est-à-dire ce n'est pas prévu en tant que tel. On peut le limiter à la discrétion du juge qui dit que les propos que vous tenez sont offensants à l'égard du président de la République. Donner son opinion sur la vie publique ne peut nullement être assimilé à de l'offense.

Interview réalisée par Ouattara Moussa
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