Quelques jours après l’annonce du report de la marche du RJDP, nous avons rencontré Karamoko Yayoro. Le président de la jeunesse houphouétiste appelle ses militants au calme tout en leur donnant rendez-vous dans les jours à venir.
Le Patriote: La marche que vous avez annoncée pour le 15 mai, a été reportée par la direction du RHDP, c’est-à-dire vos différents leaders. Peut-on savoir ce qui s’est passé très exactement ?
Karamoko Yayoro: Nous avions, au niveau de la jeunesse, pris l’initiative d’engager la marche. Depuis quelques semaines, nous avons commencé à mobiliser et il fallait que la dernière décision soit prise par nos différents responsables. Nous avions rencontré le Directoire qui a fait le point à nos différents présidents et en dernier ressort, la décision que tout le monde connaît, est sortie. Je voudrais dire que nous avons pris acte de la décision. Et que nous l’assumons au même titre que nos différents responsables. Les arguments qu’ils ont avancés sont des arguments pertinents. C’est-à-dire que nous autres jeunes, nous avons pour nous, notre fougue, notre vitalité. Mais nos aînés et nos différentes directions ont pour eux, la sagesse et la somme des expériences. Vous savez bien que les présidents Bédié et Ouattara sont des hommes d’Etat. Ils savent ce que c’est que l’Etat.
Ils ont décidé de commun accord.
L.P: C’est une décision qui n’a pas du tout plu à la base. Pensez-vous que cette colère de vos militants est justifiée ou pas?
K.Y: Tout d’abord, je voudrais rendre un vibrant hommage à nos militants. Leur dire aussi merci et félicitation. Parce que de par leur réaction, à l’issue du report, nous avons compris que le peuple ivoirien a soif de changement. Nous avons compris que le peuple ivoirien veut le changement positif. Il veut une nouvelle Côte d’Ivoire basée sur l’unité nationale, la cohésion et surtout une Côte d’Ivoire où la démocratie est une réalité. Une Côte d’Ivoire où le mérite sera désormais la règle. Mais nous leur demandons surtout de rester concentrés et mobilisés. Le mot d’ordre n’est pas levé. Il n’est que suspendu. Et comme l’a dit le Directoire, nous allons rapidement nous retrouver pour reprogrammer toutes les activités qui étaient annoncées. Nous avons des appels de toutes les viles où les militants étaient en pleurs. Mais nous leur disons que nous avons compris le message fort qu’ils nous lancent. Ils veulent nous dire que désormais, les Ivoiriens veulent le changement, ils veulent les élections. Ce que je peux leur dire, c’est que le prochain mot d’ordre qui ne saurait tarder, avant de le lancer, nous prendrons toutes les précautions, pour qu’il soit effectivement exécuté. Et je peux leur garantir qu’il n’y aura plus de remise en cause, parce qu’à ce moment, ce sont les leaders eux-mêmes qui vont prendre en charge ce travail, pour lancer le mot d’ordre. Donc, nous leur avons transmis le flambeau qu’il nous avait prêté. Désormais le Directoire va se réunir et nous donnera les orientations nécessaires. Il n’est donc pas question de laisser tomber la mobilisation, parce que les problèmes sont là, ils sont réels.
L.P: Vous dites que le report est justifié parce que des dispositions n’avaient pas été prises. Quelles sont les dispositions qui auraient dû être prises et qui ne l’ont pas été?
K.Y: Nous aurions dû, dès le départ, prendre langue avec nos différentes directions. Il est vrai que nous avons le droit d’avoir des initiatives, mais il est toujours bon d’avoir la bénédiction des responsables et faire le point avec eux à chaque étape. Pour qu’on puisse tenir compte des situations nationales ou internationales pour agir et donner l’impulsion nécessaire. En tout cas, pour ce qui nous a été dit maintenant, toutes les actions qui seront menées, seront placées sous les auspices et la bénédiction du RHDP. Mais je précise que les jeunes ne vont pas pour autant baisser les bras. Nous devons prendre de plus en plus d’initiatives. Mais qui auront la caution de la direction. Parce que nous les jeunes, volons jouer leur partition qui est d’arracher les élections à Gbagbo. Nous savons que le chien ne change jamais sa façon de s’asseoir. On voudrait que rapidement démarre le contentieux, avoir la date de la publication de la liste électorale définitive et la date du premier tour des élections. Ce sont des données importantes et nous savons que, comme à son habitude, Gbagbo va vouloir ruser. Il n’aura plus d’alibi. Il n’y aura plus d’excuses. Par conséquent, le peuple pourra manifester sa réprobation, sa colère. Une colère qui sera grande et qui emportera le régime FPI.
L.P: L’une des raisons du report de la marche est la tenue des Assemblées annuelles de la BAD. Certaines personnes pensent à tort ou à raison que le report fait suite à la visite de Gbagbo au président Bédié?
K.Y: Ce serait faire une injure à nos leaders que de faire croire que c’est Laurent Gbagbo qui leur a fait prendre conscience de l’importance de la BAD. Ils en sont conscients. Le président Bédié a été l’un de ceux qui ont négocié pour que la BAD soit ici. Il a été président de la République de Côte d’Ivoire. Le président Ouattara a été Premier ministre, lui-même grand financier. Ils savent mieux que quiconque ce que c’est que la BAD. C’est pourquoi, ils se sont appuyés sur cet important événement pour montrer une fois de plus à l’opinion nationale et internationale que contrairement à ce que le FPI faisait croire, à savoir que nous n’aimons pas la Côte d’Ivoire, que les présidents ADO et Bédié ne veulent pas du retour de la BAD, tout cela est un faux argument. Les deux présidents ont démontré leur amour pour leur pays.
L.P: Comparaison n’est peut-être pas raison, mais lorsqu’il était dans l’opposition, Laurent Gbagbo a marché justement pour empêcher la tenue de certains grands événements. Pourquoi ne pas lui appliquer ses propres leçons?
K.Y: Nous l’avons toujours dit devant tout le monde. Aux policiers, aux militaires, à toute la Côte d’Ivoire que nos présidents aiment profondément leur pays. Ils font suffisamment de sacrifices pour ce pays. Et nous aussi. Tout le monde sait que Gbagbo a marché pour empêcher la tenue de certains grands événements. Mais, en décidant de surseoir à la marche de leur jeunesse pour ne pas gêner les Assemblées annuelles de la BAD, le RHDP donne à Gbagbo, une belle leçon de patriotisme. Un patriotisme vrai qui n’a rien à avoir avec celui des Refondateurs et des jeunes patriotes qui consiste à piller, à détruire, les entreprises en provoquant le chômage des leurs propres frères. C’est une belle leçon qui devrait servir d’exemple à tous, surtout aux tenants du pouvoir. Toute la Côted’Ivoire sait que nous aimons ce pays et que nous faisons suffisamment de sacrifices pour ce pays. A maintes occasions, nous avons fait des sacrifices. Nous avons fait des sacrifices extrêmes pour obtenir les audiences foraines. Nous avons fait autant pour les inscriptions sur la liste électorale et le contentieux. Nous sommes souvent allés contre la décision de la base. C’est important. Aujourd’hui, il faut faire en sorte que la base puisse revenir. C’est une donnée importante. Il faut que les Ivoiriens retiennent que nos leaders n’ont jamais posé d’acte qui aille à l’encontre de l’unité et le développement de la Côte d’Ivoire. C’est plutôt le FPI et ceux qu’ils appellent « jeunes patriotes » qui en novembre 2004 ont cassé des entreprises en faisant perdre des emplois en Côte d’Ivoire. Je constate que pour le prochain mot d’ordre, il n’y aura pas d’excuse et il ne saurait y avoir d’excuse. Il faut que les Ivoiriens restent mobilisés et qu’ils sachent ce que nous faisons, en définitive est pour le bien de la Côte d’Ivoire. Nous voulons que la Côte d’Ivoire reste debout. Nous ne voulons pas contribuer à accentuer la parenthèse honteuse de la gestion calamiteuse du FPI. Nous prenons conscience de cela et invitons nos militants à rester mobilisés. Jamais, nos leaders de sauraient les trahir.
L.P. : A la lecture du communiqué final, on a constaté deux absences, celles des présidents du MFA et de l’UDPCI. Ces absences vous interpellent-elles ?
K.Y. : je crois que c’est à eux qu’il faudrait poser cette question pour en connaître la signification profonde. En tant que membre du RHDP, ce que je souhaite, c’est que notre cohésion ne soit pas ébranlée. Il ne faut pas faire une fière chandelle à Laurent Gbagbo qui depuis longtemps a décidé de casser le RHDP. La marche n’était pas l’objectif de notre vision. Elle n’en n’est qu’un élément. C’est un moyen pour atteindre notre but. Ce n’est pas les moyens, c’est la tactique. Il faut que tout le monde revienne à la maison, qu’on règle nos problèmes. Le principe d’adoption des décisions au niveau du RHDP c’est le consensus. Il faut qu’on revienne au consensus, qu’on mène les discussions et que cela prenne le temps qu’il faut. Je crois que ce n’est qu’un petit moment de flottement. Je suis sûr qu’à la prochaine réunion, nos camarades seront là et qu’ensemble, main dans la main, nous allons continuer à œuvrer pour construire une Côte d’Ivoire unie et prospère.
L.P. : Qu’ont obtenu vos leaders en échange du report du mot d’ordre de marche?
K.Y. : ils ont tenu compte de l’environnement sociopolitique. Contrairement à certains qui pensent que l’argument de l’arrivée de la BAD n’est pas solide, je dis moi que c’est un argument solide. Parce que la BAD est une grande banque, c’est une banque centrale qui peut faire venir beaucoup d’investisseurs. On a un pays sinistré, économiquement essoufflé, à terre. Il serait donc important que cette structure internationale soit dans notre pays. Nous demandons que nos structures soient fortes. Ailleurs, lorsqu’il y a eu le 11 septembre, l’ONU n’a pas déménagé, l’OUA n’a pas non plus déménagé de l’Ethiopie malgré les nombreuses années de guerre. On ne saurait comprendre que pour une crise, on puisse déplacer le siège de la BAD. Il faut donc que dans un combat unitaire, tous ensemble, nous fassions ensemble comme nous l’ont demandé nos leaders faire revenir cette banque en Côte d’Ivoire. Le faisant, nous allons démontrer que nous sommes unis. Cela pour le bien de la Côte d’Ivoire. Il faut que nos militants s’en rendent compte. Ils n’ont pas à être frustrés, ils n’ont pas à se sentir moins patriotes que ceux qui s’autoproclament patriotes. Il y a certes des gens qui se font appeler patriotes mais ne le sont pas réellement. Qui sont ceux qui pillent les caisses de l’Etat ? Ce sont les soi-disant patriotes. Qui sont ceux qui ne déclarent pas les revenus du pétrole ? Ce sont encore eux. Ce sont eux qui, pour faire un meeting vont piller les caisses de l’Etat. Ce sont eux qui mettent à mal la cohésion nationale. Aujourd’hui ce sont eux qui classifient les Ivoiriens selon leur nom, leur religion, leur région. Ce sont eux qui n’ont encore pas compris qu’une patrie, c’est l’aboutissement de tout un cheminement historique et que la patrie, c’est le respect des règles qu’on se donne, c’est-à-dire des lois. Cette loi, pour la nationalité est contenue et consignée dans le Code de la nationalité qui donne des conditions claires pour avoir le statut d’Ivoirien. Voici des débats que nous pensons qu’il faut mener. C’est pour cela que très rapidement nous allons nous réunir.
L.P. : Que ferez-vous sur le terrain de la remobilisation ?
K.Y. : Au niveau du RJR, dès la semaine prochaine, nous allons tenir une Assemblée générale pour dégager toutes les perspectives, ensuite au niveau du RJDP dégager toutes les perspectives pour déjà reprogrammer les activités, les soumettre d’abord à l’approbation du directoire ensuite de nos présidents et les lancer au niveau national. Voila les précautions que nous allons prendre pour que cette fois-ci, il n’y ait plus de report et qu’aucune excuse ne soit trouvée. Parce ce qu’en ce moment, la base pourra nous désavouer. Pour nous, c’est une donnée importante. La marche est maintenue, elle est reportée. Nous allons faire en sorte que les Ivoiriens qui sont fâchés et qui ont exprimé leur désapprobation en pleurant, dans toutes les villes de Côte d’Ivoire puissent enfin démontrer qu’ils sont mobilisés. C’est pour cela que nous demandons à nos militants, à tous les démocrates, à tous les Ivoiriens, à tous ceux qui aiment ce pays qui veulent le voir se mettre débout et à se remettre à marcher, à être le leader de l’Afrique de l’ouest et compter dans le concert des nations de se mettre en ordre de bataille. Il ne faudrait pas qu’ils se laissent décourager, il ne faudrait pas qu’ils se laissent abuser. Il faut qu’ils sachent que la décision du report qui vient d’être prise l’a été dans l’intérêt de la Côte d’Ivoire. Il ne faudrait pas en rajouter à la pauvreté des Ivoiriens, à leur souffrance. C’est pour cela que nos leaders ont pris cette décision. C’est vrai que nous, au niveau du ministère de l’intérieur, on avait opposé un refus catégorique. Mais, il faut aujourd’hui comprendre que les présidents Henri Konan Bédié et ADO ont plus d’expérience que nous. Nous comprenons la décision qu’ils ont eu à prendre. Nous l’assumons. Nous disons que la prochaine fois sera la bonne. Parce que d’abord la décision qui sortira sera leur inspiration. Elle aura leur caution et l’exécution se fera sur le terrain par nous-mêmes.
L.P. : Il y a d’abord eu les manifestations pour protester contre la double dissolution du gouvernement et de la CEI qui ont été stoppées. Il y a eu ensuite, la marche du 15 qui vient d’être reportée. Quels sont les arguments pour convaincre à nouveau vos militants ?
K.Y. : la prochaine manifestation qui sera reportée sera, je le souhaite, celle d’une joie débordante des Ivoiriens qui vont voir que ce régime s’est écroulé. Nos présidents voudront après 2 semaines de manifestation de joie, appeler à arrêter pour que le pays se mette au travail. C’est pour moi la seule manifestation qui sera arrêtée. Sinon, une manifestation pour arracher les élections, ne sera jamais arrêtée. Parce qu’il y va de l’intérêt de notre pays.
L.P. : La marche, selon des indiscrétions, aurait été reportée parce que le budget s’élèverait à des centaines de millions. Qu’en dites-vous?
K.Y. : Non, il n’a pas été question d’argent. Il ne s’agit pas de cela. Il s’agit de raisons objectives. L’une de ces raisons, outre la BAD, nous avons nous-mêmes, au cours de nos tournées, indiqué que le RHDP puisse accélérer la mise en place du front contre la dictature en l’ouvrant à toute la Côte d’Ivoire. Parce que c’est ensemble que nous allons remettre la Côte d’Ivoire sur les rails. Nous ne pouvons pas marcher pour des questions d’argent. A ma connaissance, ce n’est pas pour une question d’argent que notre marche a été reportée. C’est ce qu’il faut retenir. Les questions d’argent, il faut les mettre de côté. Le jour que nous aurons des problèmes d’argent, qui vont nous bloquer, nous allons saisir les gens pour leur dire que pour une question d’argent, nous ne pouvons pas marcher. Ce n’est pas un argument de poids et ça n’a jamais été un argument. Ce n’est pas pour cela que nous avons été appelés. Nous avons été appelés pour parler de la manifestation et non pas d’argent.
L.P. : Que deviennent donc les revendications sur la date de l’élection, de la liste électorale?
K.Y. : Les revendications demeurent. Ces revendications sont intactes parce qu’elles n’ont pas encore été résolues. Pour nous, ces revendications sont encore d’actualité. Nous ferons en sorte qu’elles aboutissent. Nous maintenons la pression. Vous allez le voir, dans les jours à venir nous allons re-parcourir la Côte d’Ivoire. Nous allons faire en sorte qu’il y ait des meetings, des assemblées générales, des tournées d’abord et interne et au niveau du RHDP. Pour tous ceux qui veulent le changement nous serons sur le terrain pour continuer la conscientisation de la Côte d’Ivoire. C’est pour cela que la dernière fois j’avais lancé un appel à la partie saine du FPI. Vous qui vous êtes battus depuis des années pour le socialisme, pour un partage équitable des richesses, pour la fraternité universelle, pour le respect des droits humains, en premier le respect à la vie, pour les droits économiques, je vous invite à vos mobiliser pour voir la Côte d’Ivoire de votre rêve. Ceux qui sont porteurs d’un tel projet, c’est le RHDP. Pour nous, il faut que tous s’unissent pour le grand front qui sera bientôt mis en place en tant que citoyen pour demander cette Côte d’Ivoire de leur rêve. C’est le sens de notre combat. Je voudrais encore une fois dire merci aux militants, félicitations à eux. Nous comptons sur eux et nous savons pouvoir toujours compter sur eux. Parce que grâce à leur mobilisation extraordinaire, grâce à leur prise de conscience, leur engagement, leur détermination, le FPI a reculé. Laurent Gbagbo s’est levé pour aller voir le président Henri Konan Bédié. Je crois qu’il ira voir le président Alassane Ouattara. Nous avons compris que quand on se mobilise, tout bouge. Et nous ferons bouger l’arbre. Si le fruit ne tombe pas, nous l’arracherons. C’est par la mobilisation générale de tous les Ivoiriens que nous obtiendrons ce résultat. Pour dire trop c’est trop. La refondation est un échec.
L.P. : A quand le prochain mot d’ordre?
K.Y. : Comme je l’ai dit, nous prenons toutes les précautions, cette fois-ci nous le ferons avec l’inspiration et la caution du RHDP, du directoire et de nos présidents. Cela ne saurait tarder. Parce que comme je l’ai dit, déjà la semaine prochaine au niveau du RJR nous serons en assemblée générale, il y aura ensuite des assemblées générales au niveau du RHDP. Des missions vont ensuite partir en contact avec nos militants pour leur parler et leur dire que le combat continue. La mobilisation doit rester intacte parce que le combat doit continuer jusqu’à l’objectif final. L’objectif final est clair et net, l’obtention des élections, de la liste électorale pour faire en sorte que le premier tour de l’élection soit connu pour qu’il y ait enfin un pouvoir légitime. C’est le sens du combat. C’est une donnée cardinale aujourd’hui que d’avoir des élections justes et transparentes pour battre Laurent Gbagbo par les urnes.
Réalisée par YVes M. Abiet
Le Patriote: La marche que vous avez annoncée pour le 15 mai, a été reportée par la direction du RHDP, c’est-à-dire vos différents leaders. Peut-on savoir ce qui s’est passé très exactement ?
Karamoko Yayoro: Nous avions, au niveau de la jeunesse, pris l’initiative d’engager la marche. Depuis quelques semaines, nous avons commencé à mobiliser et il fallait que la dernière décision soit prise par nos différents responsables. Nous avions rencontré le Directoire qui a fait le point à nos différents présidents et en dernier ressort, la décision que tout le monde connaît, est sortie. Je voudrais dire que nous avons pris acte de la décision. Et que nous l’assumons au même titre que nos différents responsables. Les arguments qu’ils ont avancés sont des arguments pertinents. C’est-à-dire que nous autres jeunes, nous avons pour nous, notre fougue, notre vitalité. Mais nos aînés et nos différentes directions ont pour eux, la sagesse et la somme des expériences. Vous savez bien que les présidents Bédié et Ouattara sont des hommes d’Etat. Ils savent ce que c’est que l’Etat.
Ils ont décidé de commun accord.
L.P: C’est une décision qui n’a pas du tout plu à la base. Pensez-vous que cette colère de vos militants est justifiée ou pas?
K.Y: Tout d’abord, je voudrais rendre un vibrant hommage à nos militants. Leur dire aussi merci et félicitation. Parce que de par leur réaction, à l’issue du report, nous avons compris que le peuple ivoirien a soif de changement. Nous avons compris que le peuple ivoirien veut le changement positif. Il veut une nouvelle Côte d’Ivoire basée sur l’unité nationale, la cohésion et surtout une Côte d’Ivoire où la démocratie est une réalité. Une Côte d’Ivoire où le mérite sera désormais la règle. Mais nous leur demandons surtout de rester concentrés et mobilisés. Le mot d’ordre n’est pas levé. Il n’est que suspendu. Et comme l’a dit le Directoire, nous allons rapidement nous retrouver pour reprogrammer toutes les activités qui étaient annoncées. Nous avons des appels de toutes les viles où les militants étaient en pleurs. Mais nous leur disons que nous avons compris le message fort qu’ils nous lancent. Ils veulent nous dire que désormais, les Ivoiriens veulent le changement, ils veulent les élections. Ce que je peux leur dire, c’est que le prochain mot d’ordre qui ne saurait tarder, avant de le lancer, nous prendrons toutes les précautions, pour qu’il soit effectivement exécuté. Et je peux leur garantir qu’il n’y aura plus de remise en cause, parce qu’à ce moment, ce sont les leaders eux-mêmes qui vont prendre en charge ce travail, pour lancer le mot d’ordre. Donc, nous leur avons transmis le flambeau qu’il nous avait prêté. Désormais le Directoire va se réunir et nous donnera les orientations nécessaires. Il n’est donc pas question de laisser tomber la mobilisation, parce que les problèmes sont là, ils sont réels.
L.P: Vous dites que le report est justifié parce que des dispositions n’avaient pas été prises. Quelles sont les dispositions qui auraient dû être prises et qui ne l’ont pas été?
K.Y: Nous aurions dû, dès le départ, prendre langue avec nos différentes directions. Il est vrai que nous avons le droit d’avoir des initiatives, mais il est toujours bon d’avoir la bénédiction des responsables et faire le point avec eux à chaque étape. Pour qu’on puisse tenir compte des situations nationales ou internationales pour agir et donner l’impulsion nécessaire. En tout cas, pour ce qui nous a été dit maintenant, toutes les actions qui seront menées, seront placées sous les auspices et la bénédiction du RHDP. Mais je précise que les jeunes ne vont pas pour autant baisser les bras. Nous devons prendre de plus en plus d’initiatives. Mais qui auront la caution de la direction. Parce que nous les jeunes, volons jouer leur partition qui est d’arracher les élections à Gbagbo. Nous savons que le chien ne change jamais sa façon de s’asseoir. On voudrait que rapidement démarre le contentieux, avoir la date de la publication de la liste électorale définitive et la date du premier tour des élections. Ce sont des données importantes et nous savons que, comme à son habitude, Gbagbo va vouloir ruser. Il n’aura plus d’alibi. Il n’y aura plus d’excuses. Par conséquent, le peuple pourra manifester sa réprobation, sa colère. Une colère qui sera grande et qui emportera le régime FPI.
L.P: L’une des raisons du report de la marche est la tenue des Assemblées annuelles de la BAD. Certaines personnes pensent à tort ou à raison que le report fait suite à la visite de Gbagbo au président Bédié?
K.Y: Ce serait faire une injure à nos leaders que de faire croire que c’est Laurent Gbagbo qui leur a fait prendre conscience de l’importance de la BAD. Ils en sont conscients. Le président Bédié a été l’un de ceux qui ont négocié pour que la BAD soit ici. Il a été président de la République de Côte d’Ivoire. Le président Ouattara a été Premier ministre, lui-même grand financier. Ils savent mieux que quiconque ce que c’est que la BAD. C’est pourquoi, ils se sont appuyés sur cet important événement pour montrer une fois de plus à l’opinion nationale et internationale que contrairement à ce que le FPI faisait croire, à savoir que nous n’aimons pas la Côte d’Ivoire, que les présidents ADO et Bédié ne veulent pas du retour de la BAD, tout cela est un faux argument. Les deux présidents ont démontré leur amour pour leur pays.
L.P: Comparaison n’est peut-être pas raison, mais lorsqu’il était dans l’opposition, Laurent Gbagbo a marché justement pour empêcher la tenue de certains grands événements. Pourquoi ne pas lui appliquer ses propres leçons?
K.Y: Nous l’avons toujours dit devant tout le monde. Aux policiers, aux militaires, à toute la Côte d’Ivoire que nos présidents aiment profondément leur pays. Ils font suffisamment de sacrifices pour ce pays. Et nous aussi. Tout le monde sait que Gbagbo a marché pour empêcher la tenue de certains grands événements. Mais, en décidant de surseoir à la marche de leur jeunesse pour ne pas gêner les Assemblées annuelles de la BAD, le RHDP donne à Gbagbo, une belle leçon de patriotisme. Un patriotisme vrai qui n’a rien à avoir avec celui des Refondateurs et des jeunes patriotes qui consiste à piller, à détruire, les entreprises en provoquant le chômage des leurs propres frères. C’est une belle leçon qui devrait servir d’exemple à tous, surtout aux tenants du pouvoir. Toute la Côted’Ivoire sait que nous aimons ce pays et que nous faisons suffisamment de sacrifices pour ce pays. A maintes occasions, nous avons fait des sacrifices. Nous avons fait des sacrifices extrêmes pour obtenir les audiences foraines. Nous avons fait autant pour les inscriptions sur la liste électorale et le contentieux. Nous sommes souvent allés contre la décision de la base. C’est important. Aujourd’hui, il faut faire en sorte que la base puisse revenir. C’est une donnée importante. Il faut que les Ivoiriens retiennent que nos leaders n’ont jamais posé d’acte qui aille à l’encontre de l’unité et le développement de la Côte d’Ivoire. C’est plutôt le FPI et ceux qu’ils appellent « jeunes patriotes » qui en novembre 2004 ont cassé des entreprises en faisant perdre des emplois en Côte d’Ivoire. Je constate que pour le prochain mot d’ordre, il n’y aura pas d’excuse et il ne saurait y avoir d’excuse. Il faut que les Ivoiriens restent mobilisés et qu’ils sachent ce que nous faisons, en définitive est pour le bien de la Côte d’Ivoire. Nous voulons que la Côte d’Ivoire reste debout. Nous ne voulons pas contribuer à accentuer la parenthèse honteuse de la gestion calamiteuse du FPI. Nous prenons conscience de cela et invitons nos militants à rester mobilisés. Jamais, nos leaders de sauraient les trahir.
L.P. : A la lecture du communiqué final, on a constaté deux absences, celles des présidents du MFA et de l’UDPCI. Ces absences vous interpellent-elles ?
K.Y. : je crois que c’est à eux qu’il faudrait poser cette question pour en connaître la signification profonde. En tant que membre du RHDP, ce que je souhaite, c’est que notre cohésion ne soit pas ébranlée. Il ne faut pas faire une fière chandelle à Laurent Gbagbo qui depuis longtemps a décidé de casser le RHDP. La marche n’était pas l’objectif de notre vision. Elle n’en n’est qu’un élément. C’est un moyen pour atteindre notre but. Ce n’est pas les moyens, c’est la tactique. Il faut que tout le monde revienne à la maison, qu’on règle nos problèmes. Le principe d’adoption des décisions au niveau du RHDP c’est le consensus. Il faut qu’on revienne au consensus, qu’on mène les discussions et que cela prenne le temps qu’il faut. Je crois que ce n’est qu’un petit moment de flottement. Je suis sûr qu’à la prochaine réunion, nos camarades seront là et qu’ensemble, main dans la main, nous allons continuer à œuvrer pour construire une Côte d’Ivoire unie et prospère.
L.P. : Qu’ont obtenu vos leaders en échange du report du mot d’ordre de marche?
K.Y. : ils ont tenu compte de l’environnement sociopolitique. Contrairement à certains qui pensent que l’argument de l’arrivée de la BAD n’est pas solide, je dis moi que c’est un argument solide. Parce que la BAD est une grande banque, c’est une banque centrale qui peut faire venir beaucoup d’investisseurs. On a un pays sinistré, économiquement essoufflé, à terre. Il serait donc important que cette structure internationale soit dans notre pays. Nous demandons que nos structures soient fortes. Ailleurs, lorsqu’il y a eu le 11 septembre, l’ONU n’a pas déménagé, l’OUA n’a pas non plus déménagé de l’Ethiopie malgré les nombreuses années de guerre. On ne saurait comprendre que pour une crise, on puisse déplacer le siège de la BAD. Il faut donc que dans un combat unitaire, tous ensemble, nous fassions ensemble comme nous l’ont demandé nos leaders faire revenir cette banque en Côte d’Ivoire. Le faisant, nous allons démontrer que nous sommes unis. Cela pour le bien de la Côte d’Ivoire. Il faut que nos militants s’en rendent compte. Ils n’ont pas à être frustrés, ils n’ont pas à se sentir moins patriotes que ceux qui s’autoproclament patriotes. Il y a certes des gens qui se font appeler patriotes mais ne le sont pas réellement. Qui sont ceux qui pillent les caisses de l’Etat ? Ce sont les soi-disant patriotes. Qui sont ceux qui ne déclarent pas les revenus du pétrole ? Ce sont encore eux. Ce sont eux qui, pour faire un meeting vont piller les caisses de l’Etat. Ce sont eux qui mettent à mal la cohésion nationale. Aujourd’hui ce sont eux qui classifient les Ivoiriens selon leur nom, leur religion, leur région. Ce sont eux qui n’ont encore pas compris qu’une patrie, c’est l’aboutissement de tout un cheminement historique et que la patrie, c’est le respect des règles qu’on se donne, c’est-à-dire des lois. Cette loi, pour la nationalité est contenue et consignée dans le Code de la nationalité qui donne des conditions claires pour avoir le statut d’Ivoirien. Voici des débats que nous pensons qu’il faut mener. C’est pour cela que très rapidement nous allons nous réunir.
L.P. : Que ferez-vous sur le terrain de la remobilisation ?
K.Y. : Au niveau du RJR, dès la semaine prochaine, nous allons tenir une Assemblée générale pour dégager toutes les perspectives, ensuite au niveau du RJDP dégager toutes les perspectives pour déjà reprogrammer les activités, les soumettre d’abord à l’approbation du directoire ensuite de nos présidents et les lancer au niveau national. Voila les précautions que nous allons prendre pour que cette fois-ci, il n’y ait plus de report et qu’aucune excuse ne soit trouvée. Parce ce qu’en ce moment, la base pourra nous désavouer. Pour nous, c’est une donnée importante. La marche est maintenue, elle est reportée. Nous allons faire en sorte que les Ivoiriens qui sont fâchés et qui ont exprimé leur désapprobation en pleurant, dans toutes les villes de Côte d’Ivoire puissent enfin démontrer qu’ils sont mobilisés. C’est pour cela que nous demandons à nos militants, à tous les démocrates, à tous les Ivoiriens, à tous ceux qui aiment ce pays qui veulent le voir se mettre débout et à se remettre à marcher, à être le leader de l’Afrique de l’ouest et compter dans le concert des nations de se mettre en ordre de bataille. Il ne faudrait pas qu’ils se laissent décourager, il ne faudrait pas qu’ils se laissent abuser. Il faut qu’ils sachent que la décision du report qui vient d’être prise l’a été dans l’intérêt de la Côte d’Ivoire. Il ne faudrait pas en rajouter à la pauvreté des Ivoiriens, à leur souffrance. C’est pour cela que nos leaders ont pris cette décision. C’est vrai que nous, au niveau du ministère de l’intérieur, on avait opposé un refus catégorique. Mais, il faut aujourd’hui comprendre que les présidents Henri Konan Bédié et ADO ont plus d’expérience que nous. Nous comprenons la décision qu’ils ont eu à prendre. Nous l’assumons. Nous disons que la prochaine fois sera la bonne. Parce que d’abord la décision qui sortira sera leur inspiration. Elle aura leur caution et l’exécution se fera sur le terrain par nous-mêmes.
L.P. : Il y a d’abord eu les manifestations pour protester contre la double dissolution du gouvernement et de la CEI qui ont été stoppées. Il y a eu ensuite, la marche du 15 qui vient d’être reportée. Quels sont les arguments pour convaincre à nouveau vos militants ?
K.Y. : la prochaine manifestation qui sera reportée sera, je le souhaite, celle d’une joie débordante des Ivoiriens qui vont voir que ce régime s’est écroulé. Nos présidents voudront après 2 semaines de manifestation de joie, appeler à arrêter pour que le pays se mette au travail. C’est pour moi la seule manifestation qui sera arrêtée. Sinon, une manifestation pour arracher les élections, ne sera jamais arrêtée. Parce qu’il y va de l’intérêt de notre pays.
L.P. : La marche, selon des indiscrétions, aurait été reportée parce que le budget s’élèverait à des centaines de millions. Qu’en dites-vous?
K.Y. : Non, il n’a pas été question d’argent. Il ne s’agit pas de cela. Il s’agit de raisons objectives. L’une de ces raisons, outre la BAD, nous avons nous-mêmes, au cours de nos tournées, indiqué que le RHDP puisse accélérer la mise en place du front contre la dictature en l’ouvrant à toute la Côte d’Ivoire. Parce que c’est ensemble que nous allons remettre la Côte d’Ivoire sur les rails. Nous ne pouvons pas marcher pour des questions d’argent. A ma connaissance, ce n’est pas pour une question d’argent que notre marche a été reportée. C’est ce qu’il faut retenir. Les questions d’argent, il faut les mettre de côté. Le jour que nous aurons des problèmes d’argent, qui vont nous bloquer, nous allons saisir les gens pour leur dire que pour une question d’argent, nous ne pouvons pas marcher. Ce n’est pas un argument de poids et ça n’a jamais été un argument. Ce n’est pas pour cela que nous avons été appelés. Nous avons été appelés pour parler de la manifestation et non pas d’argent.
L.P. : Que deviennent donc les revendications sur la date de l’élection, de la liste électorale?
K.Y. : Les revendications demeurent. Ces revendications sont intactes parce qu’elles n’ont pas encore été résolues. Pour nous, ces revendications sont encore d’actualité. Nous ferons en sorte qu’elles aboutissent. Nous maintenons la pression. Vous allez le voir, dans les jours à venir nous allons re-parcourir la Côte d’Ivoire. Nous allons faire en sorte qu’il y ait des meetings, des assemblées générales, des tournées d’abord et interne et au niveau du RHDP. Pour tous ceux qui veulent le changement nous serons sur le terrain pour continuer la conscientisation de la Côte d’Ivoire. C’est pour cela que la dernière fois j’avais lancé un appel à la partie saine du FPI. Vous qui vous êtes battus depuis des années pour le socialisme, pour un partage équitable des richesses, pour la fraternité universelle, pour le respect des droits humains, en premier le respect à la vie, pour les droits économiques, je vous invite à vos mobiliser pour voir la Côte d’Ivoire de votre rêve. Ceux qui sont porteurs d’un tel projet, c’est le RHDP. Pour nous, il faut que tous s’unissent pour le grand front qui sera bientôt mis en place en tant que citoyen pour demander cette Côte d’Ivoire de leur rêve. C’est le sens de notre combat. Je voudrais encore une fois dire merci aux militants, félicitations à eux. Nous comptons sur eux et nous savons pouvoir toujours compter sur eux. Parce que grâce à leur mobilisation extraordinaire, grâce à leur prise de conscience, leur engagement, leur détermination, le FPI a reculé. Laurent Gbagbo s’est levé pour aller voir le président Henri Konan Bédié. Je crois qu’il ira voir le président Alassane Ouattara. Nous avons compris que quand on se mobilise, tout bouge. Et nous ferons bouger l’arbre. Si le fruit ne tombe pas, nous l’arracherons. C’est par la mobilisation générale de tous les Ivoiriens que nous obtiendrons ce résultat. Pour dire trop c’est trop. La refondation est un échec.
L.P. : A quand le prochain mot d’ordre?
K.Y. : Comme je l’ai dit, nous prenons toutes les précautions, cette fois-ci nous le ferons avec l’inspiration et la caution du RHDP, du directoire et de nos présidents. Cela ne saurait tarder. Parce que comme je l’ai dit, déjà la semaine prochaine au niveau du RJR nous serons en assemblée générale, il y aura ensuite des assemblées générales au niveau du RHDP. Des missions vont ensuite partir en contact avec nos militants pour leur parler et leur dire que le combat continue. La mobilisation doit rester intacte parce que le combat doit continuer jusqu’à l’objectif final. L’objectif final est clair et net, l’obtention des élections, de la liste électorale pour faire en sorte que le premier tour de l’élection soit connu pour qu’il y ait enfin un pouvoir légitime. C’est le sens du combat. C’est une donnée cardinale aujourd’hui que d’avoir des élections justes et transparentes pour battre Laurent Gbagbo par les urnes.
Réalisée par YVes M. Abiet