Le phénomène de la mendicité est en train de prendre une tournure de plus en plus déplorable. A cause de la misère qui fait rage, des mères de famille louent désormais leurs jumeaux à des professionnelles de la mendicité.
Il est 9 heures ce samedi 8 Mai au rond point de la commune d’Abobo. Les femmes mendiantes avec leurs enfants en mains squattent les artères et des feux tricolores. Chaque arrêt des usagers de la route au feu tricolore est une aubaine pour ces dames de collecter quelques jetons. Le feu devient rouge. Et les véhicules s’immobilisent. Tout d’un coup, les voilà, qui viennent s’agglutiner autour du véhicule d'un européen. Pris ‘’en otage’’, ce dernier leur distribue quelques pièces pour s’en sortir. C’était mal connaître le nombre de mendiants qui rôdaient dans les parages. C’est ainsi que d'autres groupes qui étaient un peu à distance, accourent et tendent la main pour réclamer leur part. Pour se tirer d’embarras, l’automobiliste a finalement jeté les pièces qui lui restaient. Les scènes de ce type sont de plus en plus fréquentes dans le District d’Abidjan. Pour plusieurs raisons, des familles ont recours à cette pratique pour subvenir à leurs besoins. Le fait qui a cependant retenu notre attention a été celui relatif aux femmes qui usent de cette pratique avec des jumeaux ou jumelles sous les bras. Les grandes voies, les rues, les places publiques, les lieux de cultes et même les portes de cimetières sont occupés généralement par des femmes mendiantes ou du moins déguisées en mendiantes. En effet, jadis réservée aux enfants talibés et autres personnes présentant des incapacités physiques, la mendicité se généralise de plus en plus. Nous avons pu découvrir une facette honteuse du phénomène. Si, religieusement ou traditionnellement on mendie par nécessité, de nos jours certaines femmes bien portantes en font leur métier pour s’enrichir. Elles vont jusqu’à louer des jumeaux ou de faux jumeaux pour racketter d’honnêtes gens. Nous nous sommes intéressés au phénomène à travers certaines artères d’Abidjan.
Des enfants jumeaux loués à 1000 Fcfa par jour
Cette information pourrait paraître invraisemblable, mais nous la détenons de professionnels de la mendicité. En effet, selon Ibrahim T., un sexagénaire qui exerce dans le domaine et que nous avons rencontré dans la commune d’Adjamé, « toutes les femmes qui se promènent avec des enfants jumeaux sous la main, ne sont pas toutes les génitrices de ces enfants. Elles vont louer ces enfants avec leur vraie génitrice. » Le coût du service varie selon lui, d’une mère à l’autre. La fourchette est de 1000 Fcfa à 1500 Fcfa. Il arrive des fois que les parties s’accordent sur le partage du butin de la journée. Très souvent, il existe un lien familial entre les deux parties. Ce qui a pour avantage de faciliter la transaction. Ces révélations de notre interlocuteur ont été confirmées par son voisin immédiat. « Des femmes qui ont eu la chance d’avoir des enfants qui se ressemblent comme deux gouttes d’eau, exercent également dans le domaine. Avec ces faux jumeaux, elles arrivent à assurer la pitance quotidienne de leur famille », nous a-t-il révélé. Jalousie ou bon sens, nos deux vieux mendiants nous ont tenu ses propos : « Mais ce qui est déplorable, c’est que malgré les fortunes accumulées, ces femmes ne comptent pas abandonner de si tôt cette pratique. Car elles sont déjà habituées à cette manière de se faire facilement de l’argent. A analyser de près, la mendicité sous cette forme doit disparaître.»
Les raisons d’un choix
Mais pourquoi les femmes porteuses de jumeaux ont-elles du succès dans la mendicité ? À cette question, plusieurs interlocuteurs du milieu, qui, après moult hésitations, ont accepté de s’ouvrir à nous, ont donné deux explications fondamentales. La première, c’est la pitié. « Le fait pour un passant de voir une femme avec deux ou trois enfants sous la main et sous le chaud soleil ou la pluie, éveille immédiatement en ce dernier, de la pitié. Pour donc exprimer sa compassion, l’on vient au secours de la mère et ses enfants » a expliqué Ibrahim T. Comme deuxième avantage pour une femme mendiante avec des jumeaux, il y a l’exécution de certains rites de sacrifices. « Il est très courant que des marabouts, des féticheurs, ou des diseurs de bonne aventure, demandent à des personnes qui les consultent, d’offrir en sacrifices à une mère de jumeaux. » Ces deux raisons qui sont loin d’être exhaustives poussent de ‘’fausses mères de jumeaux’’, à envahir les rues du District d’Abidjan. Mme C. Chata, l’une des rares mères de jumeaux et mendiante de son état, s’est voulue très claire : « je fais promener mes enfants à cause de la tradition, mais à côté de ça, je gagne de quoi subvenir à certains de mes besoins. Je peux gagner au minimum 1000 Fcfa par jour. Mon mari n’arrive plus à prendre soin de toute la famille. Contrairement aux fausses mères de jumeaux qui nous font la concurrence, je peux vous démontrer avec papier à l’appui que je suis bel et bien la mère de ces deux enfants que vous voyez. ». À la question de savoir s’il était obligatoire selon la religion ou la coutume pour une mère de jumeaux de mendier dans la rue, les avis ont été beaucoup divergents.
Ce qu’en dit la religion musulmane
Nous avons donc approché un leader religieux musulman de la commune d’Abobo. Répondant au nom de Touré Moussa, il a expliqué que la mendicité reste et demeure religieusement prescrite avec beaucoup de réserve. Des hadiths authentiques en témoignent. Selon lui, dans de nombreux hadiths, il est rapporté que le Prophète Mahomet (Psl) a conseillé à tout homme d’aller chercher du bois mort à vendre pour subvenir à ses besoins que de s’adonner à la mendicité. Un autre hadith du Messager de Dieu (Psl) d’enseigner que la main qui donne est toujours meilleure à celle qui reçoit. Un troisième hadith d’indiquer que dans l’au-delà, les mendiants de ce bas monde , qui ne répondraient pas aux critères prescrits par la religion, se présenteront avec un visage purement décharné. Voilà autant de garde-fous religieux qui devraient, en principe, amener beaucoup de gens à se méfier de la mendicité; mais curieusement de jour en jour, le fléau va grandissant. Mamadou Bamba, sociologue de son état explique pour sa part que : « Certaines personnes mendient réellement pour vivre, mais d’autres sont des mendiants professionnels. Ils ne souffrent d’aucune incapacité physique ni intellectuelle, mais ils font de la mendicité, leur seule activité parce qu’ils veulent gagner de l’argent facile. Cette situation a transformé l’aspect traditionnel de la mendicité en une activité économique aujourd’hui. C’est dommage »
Aboubakar Sangaré
Il est 9 heures ce samedi 8 Mai au rond point de la commune d’Abobo. Les femmes mendiantes avec leurs enfants en mains squattent les artères et des feux tricolores. Chaque arrêt des usagers de la route au feu tricolore est une aubaine pour ces dames de collecter quelques jetons. Le feu devient rouge. Et les véhicules s’immobilisent. Tout d’un coup, les voilà, qui viennent s’agglutiner autour du véhicule d'un européen. Pris ‘’en otage’’, ce dernier leur distribue quelques pièces pour s’en sortir. C’était mal connaître le nombre de mendiants qui rôdaient dans les parages. C’est ainsi que d'autres groupes qui étaient un peu à distance, accourent et tendent la main pour réclamer leur part. Pour se tirer d’embarras, l’automobiliste a finalement jeté les pièces qui lui restaient. Les scènes de ce type sont de plus en plus fréquentes dans le District d’Abidjan. Pour plusieurs raisons, des familles ont recours à cette pratique pour subvenir à leurs besoins. Le fait qui a cependant retenu notre attention a été celui relatif aux femmes qui usent de cette pratique avec des jumeaux ou jumelles sous les bras. Les grandes voies, les rues, les places publiques, les lieux de cultes et même les portes de cimetières sont occupés généralement par des femmes mendiantes ou du moins déguisées en mendiantes. En effet, jadis réservée aux enfants talibés et autres personnes présentant des incapacités physiques, la mendicité se généralise de plus en plus. Nous avons pu découvrir une facette honteuse du phénomène. Si, religieusement ou traditionnellement on mendie par nécessité, de nos jours certaines femmes bien portantes en font leur métier pour s’enrichir. Elles vont jusqu’à louer des jumeaux ou de faux jumeaux pour racketter d’honnêtes gens. Nous nous sommes intéressés au phénomène à travers certaines artères d’Abidjan.
Des enfants jumeaux loués à 1000 Fcfa par jour
Cette information pourrait paraître invraisemblable, mais nous la détenons de professionnels de la mendicité. En effet, selon Ibrahim T., un sexagénaire qui exerce dans le domaine et que nous avons rencontré dans la commune d’Adjamé, « toutes les femmes qui se promènent avec des enfants jumeaux sous la main, ne sont pas toutes les génitrices de ces enfants. Elles vont louer ces enfants avec leur vraie génitrice. » Le coût du service varie selon lui, d’une mère à l’autre. La fourchette est de 1000 Fcfa à 1500 Fcfa. Il arrive des fois que les parties s’accordent sur le partage du butin de la journée. Très souvent, il existe un lien familial entre les deux parties. Ce qui a pour avantage de faciliter la transaction. Ces révélations de notre interlocuteur ont été confirmées par son voisin immédiat. « Des femmes qui ont eu la chance d’avoir des enfants qui se ressemblent comme deux gouttes d’eau, exercent également dans le domaine. Avec ces faux jumeaux, elles arrivent à assurer la pitance quotidienne de leur famille », nous a-t-il révélé. Jalousie ou bon sens, nos deux vieux mendiants nous ont tenu ses propos : « Mais ce qui est déplorable, c’est que malgré les fortunes accumulées, ces femmes ne comptent pas abandonner de si tôt cette pratique. Car elles sont déjà habituées à cette manière de se faire facilement de l’argent. A analyser de près, la mendicité sous cette forme doit disparaître.»
Les raisons d’un choix
Mais pourquoi les femmes porteuses de jumeaux ont-elles du succès dans la mendicité ? À cette question, plusieurs interlocuteurs du milieu, qui, après moult hésitations, ont accepté de s’ouvrir à nous, ont donné deux explications fondamentales. La première, c’est la pitié. « Le fait pour un passant de voir une femme avec deux ou trois enfants sous la main et sous le chaud soleil ou la pluie, éveille immédiatement en ce dernier, de la pitié. Pour donc exprimer sa compassion, l’on vient au secours de la mère et ses enfants » a expliqué Ibrahim T. Comme deuxième avantage pour une femme mendiante avec des jumeaux, il y a l’exécution de certains rites de sacrifices. « Il est très courant que des marabouts, des féticheurs, ou des diseurs de bonne aventure, demandent à des personnes qui les consultent, d’offrir en sacrifices à une mère de jumeaux. » Ces deux raisons qui sont loin d’être exhaustives poussent de ‘’fausses mères de jumeaux’’, à envahir les rues du District d’Abidjan. Mme C. Chata, l’une des rares mères de jumeaux et mendiante de son état, s’est voulue très claire : « je fais promener mes enfants à cause de la tradition, mais à côté de ça, je gagne de quoi subvenir à certains de mes besoins. Je peux gagner au minimum 1000 Fcfa par jour. Mon mari n’arrive plus à prendre soin de toute la famille. Contrairement aux fausses mères de jumeaux qui nous font la concurrence, je peux vous démontrer avec papier à l’appui que je suis bel et bien la mère de ces deux enfants que vous voyez. ». À la question de savoir s’il était obligatoire selon la religion ou la coutume pour une mère de jumeaux de mendier dans la rue, les avis ont été beaucoup divergents.
Ce qu’en dit la religion musulmane
Nous avons donc approché un leader religieux musulman de la commune d’Abobo. Répondant au nom de Touré Moussa, il a expliqué que la mendicité reste et demeure religieusement prescrite avec beaucoup de réserve. Des hadiths authentiques en témoignent. Selon lui, dans de nombreux hadiths, il est rapporté que le Prophète Mahomet (Psl) a conseillé à tout homme d’aller chercher du bois mort à vendre pour subvenir à ses besoins que de s’adonner à la mendicité. Un autre hadith du Messager de Dieu (Psl) d’enseigner que la main qui donne est toujours meilleure à celle qui reçoit. Un troisième hadith d’indiquer que dans l’au-delà, les mendiants de ce bas monde , qui ne répondraient pas aux critères prescrits par la religion, se présenteront avec un visage purement décharné. Voilà autant de garde-fous religieux qui devraient, en principe, amener beaucoup de gens à se méfier de la mendicité; mais curieusement de jour en jour, le fléau va grandissant. Mamadou Bamba, sociologue de son état explique pour sa part que : « Certaines personnes mendient réellement pour vivre, mais d’autres sont des mendiants professionnels. Ils ne souffrent d’aucune incapacité physique ni intellectuelle, mais ils font de la mendicité, leur seule activité parce qu’ils veulent gagner de l’argent facile. Cette situation a transformé l’aspect traditionnel de la mendicité en une activité économique aujourd’hui. C’est dommage »
Aboubakar Sangaré