Déguerpissement de la Sorbonne/Dacoury Richard : "Akossi Bendjo se trompe, il ne pourra pas"

Pour donner fière allure à sa cité, le premier magistrat de la commune du Plateau compte raser l’espace la Sorbonne le 29 mai. Dans cet entretien, Richard Dacoury, président de la ‘‘Sorbonne Côte d’Ivoire’’, dénonce une « imposture » du maire Akossi Bendjo qui, selon lui, veut tuer politiquement cette agora.

Au cours d’une conférence qu’il a animée ce jeudi, le maire du Plateau, dans le cadre de l’assainissement de la ville d’Abidjan, a décidé de raser la Sorbonne le 29 mai. Avez-vous été informés ?

Je veux que le maire Akossi Bendjo se souvienne que nous avions eu plusieurs rencontres à ce sujet. En son temps, nous avions eu une rencontre avec le deuxième adjoint au maire du nom de Sam N’Guetta, aujourd’hui, décédé. Il nous a été dit que cet espace créait l’insalubrité au Plateau et qu’il fallait mettre fin au commerce et changer d’espace parce que les 60 logements qui sont un patrimoine de l’Etat de Côte d’Ivoire allaient être cédés à l’Organisation des nations unies pour le développement industriel (Onudi). Nous avions marqué notre accord. Nous avions rencontré le maire et nous lui avons dit que la Sorbonne devait ressembler à l’espace de libre expression à Londres qu’on appelle le ‘‘Speaker Corner’’. Il a même ajouté que la Sorbonne faisait partie du patrimoine culturel du Plateau et qu’il fallait la sortir de son insalubrité. Nous avons convenu de nous revoir pour mettre cette décision en application. Malheureusement rien n’a suivi. Pour revenir à la question, j’aimerais dire que ce n’est pas la première fois que le maire fait une telle déclaration. Je regrette, mais ce n’est pas la voie. C’est un élu issu du Pdci où on prône le dialogue. Je pense qu’avant de se répandre dans la presse, monsieur le maire aurait dû nous approcher pour voir comment on peut créer les conditions de la salubrité à la Sorbonne. A la vérité, c’est parce que la Sorbonne dérange, sinon le maire sait que là où y a achalandage, il y a toujours l’insalubrité. Le maire a simplement une idée derrière la tête.

Est-ce que vous êtes prêts à vous soumettre à cette décision du premier magistrat de la commune du Plateau ?

Nous sommes dans un pays de dialogue et nous sommes politiquement mûrs pour comprendre et apprécier les choses. Quand le maire, de façon péremptoire, dit je vais dégager, je vais déguerpir, de sa part, ce n’est pas bien. Quand tu veux chasser quelqu’un, il faut l’informer.

Même quand on devait déguerpir les quartiers précaires, la préfecture d’Abidjan a informé les habitants de ces lieux. Il y a eu une notification. Le maire ne peut donc pas nous déguerpir dans la presse, c’est une menace. Est-ce que le maire a besoin de menacer ? Parce que quand tu menaces, c’est que tu as pris toutes les dispositions utiles et que tu as mené toutes les démarches qui n’ont pas abouti. Tu ne peux pas te lever un matin, tu convoques la presse et tu commences à menacer. Je dis non, le maire Noël Akossi Bendjo ne peut pas mettre fin à la Sorbonne parce que la Sorbonne est un esprit.

Cette mesure de déguerpissement s’inscrit dans un vaste mouvement d’assainissement de la ville d’Abidjan en prélude aux assemblées annuelles de la Bad et à ce niveau tout le monde fait des sacrifices. L’opposition a même accepté de reporter sa marche. Quel est la part de sacrifice des Sorbonnards?

La Bad vient pour un objectif précis. Les experts ne viennent pas pour faire une évaluation de l’insalubrité en Côte d’Ivoire. S’ils viennent pour ça, c’est qu’il va falloir qu’ils visitent aussi les villes de l’intérieur. Il faut que les Forces nouvelles désarment aussi, parce que ça aussi, c’est de l’insalubrité. Je ne crois pas que les experts de la Bad viennent pour contrôler la Sorbonne ou pour contrôler l’insalubrité en Côte d’Ivoire. Si on veut nous déguerpir parce que la Bad arrive, c’est qu’il faudra aussi déguerpir tous les quartiers précaires. Je veux dire que le maire raconte des histoires. Nous sommes conscients que monsieur Akossi Bendjo veut faire du Plateau une commune reluisante mais pour le faire, il y a des conditions parce que nous sommes tous des hommes. Nous ne disons pas que nous n’allons jamais quitter l’espace des 60 logements. Nous voulons être réinstallés dans le jardin qu’il a promis d’aménager pour nous, donc nous n’attendons que le maire. La marche dont vous parlez avait pour but d’enlever Gbagbo du pouvoir. Nous, il y a longtemps que nous parlons. Nous ne sommes pas un problème pour la tenue des assemblées de la Bad. La Sorbonne vivait avant la délocalisation de la Bad, nous sommes au contraire heureux d’accueillir le retour de cette institution panafricaine à Abidjan.

Vous avez le maire sur votre dos ainsi que le Burida. Est-ce qu’enfin de compte ce ne sont pas les sorbonnards qui constituent un problème pour la société ?

Je vais vous apprendre que je suis producteur d’artistes. J’ai produit quatre artistes dont les œuvres sont piratées. Donc la Sorbonne n’a pas un problème avec le Burida. Nous ne sommes pas des commerçants. Ce sont les Ivoiriens qui viennent nous écouter qui créent ce qui se passe autour. Je suis d’accord avec mon ami Serges Kassy pour chasser tous les pirates de la Sorbonne. Le groupe Cekissa que j’ai produit a fait que les pirates sont devenus riches, les œuvres de ce groupe sont piratées. Je ne suis pas maso pour pirater mes propres œuvres, les donner à d’autres personnes pour les revendre. Soyons sérieux ! La Sorbonne n’est pas un problème, elle a plutôt un problème. Elle gène politiquement. L’insalubrité dont on parle est un prétexte pour casser la Sorbonne. Quand on parle de prostitution à la Sorbonne, je tombe des nues ! C’est de quelle prostitution parle le maire ? Ça veut simplement dire qu’Akossi Bendjo veut tuer la Sorbonne, mais il ne pourra pas. Si c’est son intention, il se trompe !

En tant que membre de la galaxie patriotique, quel commentaire faites-vous sur le report de la marche du Rhdp ?

Je voudrais dans un premier temps saluer l’esprit de grandeur du chef de l’Etat qui, en toute humilité, s’est déplacé pour aller voir chez eux à domicile les leaders de l’opposition. Depuis les années 1990, c’est la première fois qu’un chef d’Etat, vu la situation grave du pays, va vers l’opposition pour parler avec elle. Je salue également l’esprit patriotique du président Henri Konan Bédié qui a su ouvrir ses bras à son jeunes frère Gbagbo. Je salue aussi le Dr Alassane Dramane Ouattara qui vient de me surprendre, mais positivement. Il a démontré qu’il mesure la portée des assemblées annuelles de la Bad en Côte d’Ivoire. Les autres, malheureusement n’ont pas compris les intérêts de la Côte d’Ivoire, ils sont rancuniers parce qu’ils ont été chassés du gouvernement. La manne financière ayant pris un coup, il était important pour eux de faire leur marche insurrectionnelle pour profiter d’un gouvernement de transition afin de continuer de se faire encore des sous. Anaky et Mabri Toikeusse sont en train de parler parce qu’ils sont affamés. Mabri qui dit que Bédié n’est pas digne se trompe. Bédié a dirigé ce pays, s’il a décidé de surseoir à la marche, il est digne. Celui qui est au contraire indigne, c’est lui Mabri Toikeusse.

Je me souviens bien d’une interview qu’il a faite dans le journal le Nouveau Réveil du mardi 17 septembre 2002. Voici exactement ce qu’il a dit : « Bientôt le jour va se lever, les gens auront à prendre leurs responsabilités et la Côte d’Ivoire sera libérée », deux jours après cette déclaration, il y a eu le coup d’Etat manqué qui s’est mué en rébellion. Mabri n’est pas un homme digne de confiance parce que ce n’est pas un homme de paix. Si la marche a avorté, cela démontre qu’il n’a pas de militants parce que s’il en avait, il aurait pu faire cette marche. Je salue les présidents Bédié et Alassane qui sont soucieux de la paix en Côte d’Ivoire. Si on continue comme ça, ils seront cités en exemple et ils feront la fierté de la Côte d’Ivoire.

Interview réalisée par Kra Bernard