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Politique Publié le jeudi 27 mai 2010 | Le Patriote

45es Assemblées annuelles de la BAD : Adresse des jeunes de Côte d’Ivoire aux experts

© Le Patriote Par DR
Politique / Coalition pour le changement (Cpc): Le président Touré Mamadou, face à la presse
Mercredi 28 avril 2010. Abidjan, Hôtel du Golf
Mesdames et Messieurs les Experts,

La Coalition Pour le Changement (CPC), organisation de la société civile regroupant plus d’une vingtaine de structures de jeunesse, voudrait, au nom de la jeunesse ivoirienne, vous souhaiter la traditionnelle « Akwaba » sur les bords de la lagune Ebrié. Par la même occasion, la CPC s’en voudrait de ne pas vous donner de nouvelles d’Abidjan, les bonnes et les moins bonnes

À l’heure où vous foulez le sol ivoirien, et où s’ouvrent les assises de notre institution commune, vous devez savoir qu’Abidjan s’est parée de ses plus beaux habits, pour vous accueillir. N’est-ce pas vrai qu’en Afrique il est de coutume de faire le grand ménage et une profonde toilette pour accueil un illustre et lui être agréable ? Vous arrivez donc dans un pays qui a fait sa toilette des grands jours. Rien que pour vous, l’Hôtel Ivoire a été rénové à coup de milliards de francs CFA. Les trottoirs des principales artères de notre capitale ont été débarrassés de tous « les parasites » et les nombreux « nids-de-poule » qui les tapissaient ont été refermés. Certains véhicules de transports en commun communément appelés « wôrô wôrô », qui permettent de transporter les travailleurs les plus modestes, sont dorénavant interdits d’accès au Plateau, le centre des affaires. Les mendiants, les malades mentaux et même les prostituées ont été « encasernés », rien que pour rendre votre séjour agréable et vous préserver de toutes les nuisances visuelles. Bref, à la faveur de la tenue des assises des 45es assemblées annuelles de votre institution, Abidjan s’est employé se faire une bonne toilette et surtout un maquillage des grandes occasions. Mais hélas ! un maquillage reste un maquillage. Ce visage relativement reluisant que vous présente Abidjan pendant votre réunion fait penser à une tombe blanchie renfermant des ossements, caractérisant un immense océan de misère et de désespoir celui dans lequel baigne le peuple ivoirien, en particulier sa jeunesse.

Votre arrivée, qui avait suscité un peu d’espoir dans le cœur de toute cette population vivant de petits boulots et qui devrait être une occasion pour certains de faire de petites affaires, a été au contraire une autre source de désolation. Le nombre de chômeurs dans ce pays qui vous accueille, selon les chiffres officiels de la Chambre de commerce et d’industrie de Côte d’Ivoire, a franchi la barre de 5 millions de personnes. Parmi ces 5 millions de « naufragés sociaux », ceux qui vivent d’expédient, de petits commerces ont développé de petits commerces aux abords des différentes artères ont été « dégagés » manu militari pour faire place nette. Pour vous présenter un beau visage de notre capitale, ces jeunes diplômés au chômage, gérants de cabines téléphoniques, de kiosques ou de station de lavage de véhicule, cordonniers ou cireurs ont été déguerpis, sans autre forme de procès. Ces nombreux autres jeunes, « déchets » de notre système social et éducatif, appelés communément « enfants de la rue », ont été interdits de séjour, sans préavis, dans les seuls endroits que la société leur a réservés, les rues. Notre système éducatif totalement inopérant est devenu, ces dix dernières années, producteur de chômeurs. Le manque de perspectives a poussé certains d’entre nous (les jeunes) à se réfugier dans la violence et d`autres dans la prostitution. Demandez que l’on vous fasse voir « la rue princesse de yopougon » ou « les mille maquis » de la commune de marcory. Vous y trouverez des petites filles de 10 ans à peine qui s’adonnent au plus vieux métier du monde : la prostitution.

Vous arrivez dans un pays où la corruption a été érigée en vertu et gangrène toute la société. Plus aucun secteur n’y échappe : des hautes sphères de l’État, en passant l’administration publique qui devient de plus en plus inefficace. Comment alors s’étonner que le taux de pauvreté ait atteint un niveau jamais égalé. En 2002, date à laquelle vous aviez délocalisé vos services, ce taux était de 38,4 %. Aujourd’hui, au moment où vont se tenir vos assemblées, ce taux, selon les documents officiels fournis par le Ministère du plan et du Développement, est de 48,9 %. Le Document de stratégie de réduction de la pauvreté (Dsrp) élaboré par le gouvernement de Côte d’Ivoire indique qu’une personne sur deux est pauvre aujourd’hui en Côte d’Ivoire, contre une personne sur dix en 1985. Ce qui marque le plus et qu’on veut vous cacher, à travers le déguerpissement de populations de certains endroits de la capitale économique, est le contraste qui existe dans notre société. Car, au même au moment où la majorité des populations s’appauvrit un peu plus chaque jour, une minorité de vrais prédateurs s’enrichit un peu plus chaque jour. Pour cause, la gestion des ressources générées par l’exploitation du pétrole et du gaz reste des plus ténébreuses, quand la filière café-cacao, socle de l’économie nationale, se trouve dans la tourmente provoquée par a connu les détournements massifs comme jamais la Côte d’Ivoire n’en avait souffert : plus de 300 milliards de Francs CFA, selon un rapport d’audit de la Banque mondiale. Cette somme représente un manque à gagner considérable pour les pauvres paysans qui vivent dans une totale précarité. Nous demeurons d’ailleurs, depuis 23 mois, en attente d’un procès pour mieux comprendre cette affaire et ses implications.

Vous arrivez dans un pays qui, depuis 38 mois, peine à organiser des élections pour sortir de l’État informel, là où la Guinée, un de ses plus proches voisins l’a réussi en moins de douze mois. Pour ces élections, les Ivoiriens auraient dépensé, selon notre ministère de l’économie et des finances, environ 249 milliards de francs CFA dans le financement du processus de sortie de crise et des élections, faisant ainsi de celle-ci les plus chères au monde. C’est autant d’argent qui aurait pu être investi dans l’éducation, le développement des infrastructures et dans le domaine de la santé. C’est pourquoi, au moment où vous vous apprêtez à retourner sur les bords de la lagune Ebrié, le seul service que la jeunesse ivoirienne vous serait reconnaissante de lui rendre est de peser de tout votre poids pour l’organisation rapide des élections pour sortir le pays des incertitudes et le préserver du chaos, avec un pouvoir légal et légitime.

Au terme de vos assises, nous serons très heureux d’accueillir à nouveau la BAD à son siège naturel qu’est Abidjan. Cela aura immanquablement un impact sur l’économie de notre pays et matérialisera le soutien de votre institution à un pays et sa population qui souffrent de 10 ans de crise et tentent d’en sortir. Mais vous conviendrez avec nous que tous ces efforts seront vains si l’environnement politique, institutionnel et économique n’est pas assaini et apaisé. Elle est en tout cas pour nous jeune le vrai gage pour permettre à ce pays de retrouver sa place dans le concert des nations. Cela passe inexorablement par l’organisation d’élections libres, transparentes, justes et ouvertes à tous. Ces élections, pour la jeunesse, doivent ouvrir la voie à la lutte contre la pauvreté, la corruption et la mauvaise gouvernance, afin que les ressources que vous prêterez à notre État aillent réellement dans l’éducation, la santé et les infrastructures et permettent à notre pays d’amorcer son développement. Autant de choses que le gouvernement actuel, qui est un gouvernement de transition et de sortie de crise, n’a ni les moyens, ni la légitimité de faire.

Les jeunes de Côte d’Ivoire vous renouvellent leur « Akwaba » et souhaitent plein succès à vos travaux, tout en espérant qu’ils aboutissent à des résolutions fortes en faveur continent et de son développement.

Pour la Coalition pour le changement

Le président

Mamadou Touré,
Diplômé en Affaires internationales à l’école des hautes études internationales de Paris.
Diplômé en diplomatie au centre d’études diplomatiques et stratégiques de Paris
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