Monsieur le Président de la République
Distingués Chefs d’Etat et de gouvernement
Monsieur le Président du Conseil des gouverneurs,
Eminentes personnalités
Mesdames et Messieurs les gouverneurs,
Mesdames, Messieurs,
Je joins ma voix à celle du Président du Conseil des gouverneurs pour vous
souhaiter à tous la bienvenue.
Monsieur le Président, je tiens à vous remercier, ainsi que votre gouvernement,
le peuple ivoirien tout entier et la ville d’Abidjan, pour cette invitation, l’excellente
préparation et la chaleureuse hospitalité.
Je tiens à remercier les distingués Chefs d’Etat et de gouvernement de nous
avoir honorés de leur présence.
Il s’agit là d’un signal fort de leur appui et de l’intérêt qu’ils portent à la Banque.
Nous sommes très heureux de tenir notre première Assemblée ici à notre siège
depuis dix ans.
Je mesure l’ampleur des efforts que la nation ivoirienne a déployés pour organiser
cette rencontre. Nous vous en sommes reconnaissants.
Nous savons que vous attendez avec impatience notre retour.
Nous sommes persuadés que le peuple ivoirien trouvera une solution durable,
et mettra bientôt un terme définitif à la crise qu’il traverse, pour permettre à la
Banque de retourner à son siège.
Je remercie une fois encore le Gouvernement et le peuple tunisiens pour
l’hospitalité qu’ils nous accordent, depuis notre relocalisation temporaire à Tunis.
J’adresse mes remerciements aux éminentes personnalités ici présentes, aux
responsables des institutions ivoiriennes, aux responsables d’organisations
régionales, continentales et internationales, aux anciens Présidents de la
Banque, pour avoir trouvé le temps d’être avec nous.
Au cours de cette Assemblée, des décisions majeures seront envisagées.
Certaines d’entre elles détermineront probablement la trajectoire de la Banque
sur une longue période : l’augmentation générale du capital, l’élection du Conseil
et sa reconfiguration, l’élection du Président et, enfin, les avant-dernières
négociations relatives au FAD-12.
Incertitudes résiduelles
Depuis notre dernière rencontre à Dakar, beaucoup d’événements se sont
produits dans le monde économique sur le continent et à la Banque.
L’économie mondiale donne des signes de redressement mais son évolution
demeure incertaine.
Elle est en proie à divers maux : déficits record, la crise de la dette publique,
déséquilibre mondial, chômage, bilan des banques, encore fragilisé, risques
de bulles sur les grands marchés émergents.
Ces facteurs sont sources d’incertitudes pour tous, y compris l’Afrique.
Pour nos économies, ces deux dernières années ont été éprouvantes,
confrontées qu’elles étaient à trois crises qui se sont succédé rapidement : la
flambée des prix des denrées alimentaires, la crise pétrolière et l’impact des
turbulences financières.
Ces crises ont provoqué des dégâts économiques, interrompant
momentanément la croissance, en particulier pour trois catégories de pays :
les pays à revenu intermédiaires, les pays riches en ressources naturelles et
les pays aux économies déjà vulnérables.
“Vigoureuse reprise – capacité de résistance – succès
des réformes”
Cependant, depuis le troisième trimestre de l’année 2009, les prix des matières
premières, tirés par la reprise de la croissance dans les grands pays émergents,
ont rebondi et se sont raffermis.
Le cours du cuivre qui, au début de l’année, était tombé en dessous de 3 000
dollars EU la tonne - entraînant la fermeture de mines et des pertes d’emplois
– revient à ses niveaux d’avant-crise, à plus de 7 000 dollars EU.
Les perturbations des apports extérieurs ont été limitées, les envois de fonds
par les travailleurs émigrés ayant enregistré une baisse inférieure à 5 %.
Bien qu’ils aient été marqués dans certains pays, les effets de la crise ont été
de courte durée, et la plupart des pays africains ont échappé à une longue et
profonde récession.
Par rapport aux crises antérieures, nombre de pays africains à faible revenu
ont, cette fois-ci, fait preuve d’une remarquable capacité de résistance.
La preuve, s’il en était besoin, est que les réformes engagées sur plusieurs
années ont porté leurs fruits - et devraient être poursuivies.
“Une bien meilleure perspective”
Certes les statistiques sont sujettes à de fréquentes révisions, mais les
perspectives pour 2010 et au delà se sont nettement améliorées.
Le taux de croissance économique sera de l’ordre de 5,5 % en 2010 et
progressera peut-être de 1 % de plus en 2011.
Ce taux est encore inférieur à ce qui est requis, mais il est encourageant.
Des signes montrent qu’il faudra sans doute un peu de temps pour retrouver
le taux de croissance record d’avant-crise, mais nous sommes sur la bonne
voie.
Cependant, la question majeure doit être abordée : comment devonsnous
mieux gérer les recettes provenant de nos matières premières,
financer nos infrastructures, en multiplier les retombées, en bref, pour
bâtir des économies diversifiées, autosuffisantes plutôt que des économies
extraverties.
“La réponse de la Banque”
Face aux turbulences successives, vous nous avez demandé de proposer une
réponse contra cyclique, ce que nous avons fait.
C’est ce que vous attendiez de nous. Nous avons joué notre rôle. Nous avons
plus que doublé le volume de nos opérations en 2009.
À la fin de l’année 2009, notre concours s’élevait à 12,6 milliards de dollars
EU, contre 5,5 milliards l’année précédente.
Nous avons fourni en début de période, des appuis budgétaires
supplémentaires, financé le commerce et mis à disposition de la liquidité.
Notre guichet du secteur privé a comblé l’écart laissé par les promoteurs des
principaux projets d’infrastructure.
En apportant cet appui, nous avons fait montre de flexibilité, d’innovation et
d’anticipation.
Nous avons réduit considérablement notre temps de réaction.
Le guichet FAD, à lui seul, a augmenté ses décaissements de 53 % en
2009.
« Une Banque solide et saine »
Si la Banque a su réagir promptement, c’est grâce à son efficacité croissante.
Une efficacité croissante sous-tendue par les différents changements opérés
pendant la décennie en cours et en particulier durant les trois dernières
années.
Une efficacité résultant de la décentralisation de l’écoute des clients, du
recentrage marqué sur nos priorités, fondée sur notre situation financière solide,
et traduisant notre avantage comparatif croissant.
Monsieur le Président
Excellences
Mesdames et Messieurs les gouverneurs
« Situation financière solide »
Le Rapport annuel devant vous et la présentation financière de mardi vous
donnent une idée de la situation de votre Banque aujourd’hui, et qui se résume
en un mot : forte : des finances solides, des opérations ciblées et efficaces et
une institution en mutation.
Une Banque qui continue de jouir de sa note AAA que lui décernent toutes
les grandes agences de notation, une Banque dont les trois guichets affichent,
cette année encore, des résultats positifs, en dépit de la turbulence des
marchés.
Pour vous en convaincre, songez que, même au plus fort de la crise
dans les systèmes financiers mondiaux, nous avons continué à avoir
accès aux marchés des capitaux pour exécuter notre programme
d’emprunt.
C’est cette force financière qui nous permet de continuer à déployer
efficacement notre bilan.
C’est ce bon résultat qui nous permet cette année de déployer 165 millions
de dollars, prélevés sur le revenu net 2009 de 346 millions de dollars, pour
soutenir un certain nombre d’initiatives de développement, notamment par
une contribution accrue au FAD.
Mais si nous sommes forts, c’est aussi grâce à votre soutien.
Il y a trois ans, vous avez reconstitué le guichet concessionnel de la Banque,
le FAD, par une augmentation record de 50 %.
En dépit de vos propres contraintes budgétaires, vous avez permis une
certaine marge de manoeuvre pour accroître notre budget afin que nous
puissions renforcer notre capacité interne en recrutant davantage de
personnel pour consolider notre capacité d’exécution.
Et aujourd’hui, vous avez devant vous la proposition du CCG et du Comité
directeur, de tripler le capital de l’institution.
Nous sommes humblement honorés par la confiance que traduit cette mesure
historique.
Mais, au-delà de la Banque, cette décision de renforcer la Banque de l’Afrique
est une marque de confiance en une Afrique renaissante.
Le moment de bâtir des institutions africaines solides, de stature mondiale à
l’heure où l’Afrique se repositionne, pour libérer son potentiel intérieur et s’intégrer
plus étroitement dans l’économie mondiale.
« Un portefeuille en croissance et un profil de risque plus faible »
En 2005, vous m’avez fait l’honneur et accordé le privilège de diriger cette
grande institution.
Je m’étais alors engagé, m’appuyant sur le travail fait par mes prédécesseurs,
à qui je tiens à rendre hommage, à consolider la situation financière de la
Banque, à accroître son efficacité et à lui donner une nouvelle orientation
stratégique.
Je suis très conscient de l’ampleur du travail qui reste à faire. Mais, ensemble,
nous avons accompli de grandes réalisations.
Je suis fier d’avoir conduit une équipe d’hommes et de femmes qui ont
contribué à la solidité d’une Banque dont l’Afrique peut être aujourd’hui fière.
En effet :
• Le portefeuille du guichet BAD a doublé, passant de 8,5 milliards de
dollars à 15,6 milliards de dollars en quatre ans.
• Les approbations du FAD ont augmenté de 68 % en quatre ans – et
l’encours de ses prêts (hors IADM) a doublé.
Et, fait peut-être plus important encore, ce doublement du portefeuille est allé
de pair avec l’amélioration de la qualité.
Les actifs non performants de la Banque ont diminué de 62 % et ne représentent
aujourd’hui que 4 % du portefeuille total des prêts.
Cette réduction est le fruit d’un suivi minutieux du portefeuille et de la mise en
oeuvre d’un mécanisme d’apurement des arriérés des États fragiles.
Pour l’avenir, les projections laissent entrevoir une forte croissance du portefeuille
au cours des cinq prochaines années, pour les deux guichets de la Banque :
• En ce qui concerne la BAD, avec une AGC-VI et en tablant sur un volume
de prêts d’environ 5,5 milliards de dollars par an, l’encours des prêts et
prises de participations atteindra 30,2 milliards de dollars en 2015.
• Pour le FAD, en supposant un volume annuel de prêts de 3,6 milliards
de dollars, l’encours total des prêts passera de 9,8 milliards de dollars
à 16,5 milliards.
Mais nos opérations ne font pas que croître en volume ; ayant doublé en quatre
ans, elles sont plus efficaces.
• En faisant des choix stratégiques appropriés et nous concentrant sur
un petit nombre de domaines où nous avons acquis ou pouvons
acquérir un avantage comparatif, tels que l’infrastructure, le secteur
privé et l’intégration économique, nous avons accru notre efficacité ;
nous nous efforçons constamment d’être utiles à tous les pays à revenu
intermédiaire, les pays à faible revenu et les États fragiles.
« Renforcement de la gestion du risque pour un portefeuille
en croissance »
Nous sommes conscients qu’un portefeuille en croissance exige une gestion
de risque encore plus rigoureuse.
C’est la raison pour laquelle, l’année dernière, j’ai fait effectuer par des experts
externes une évaluation de nos systèmes et pratiques de gestion du risque.
Comme il fallait s’y attendre, l’évaluation a confirmé que nos systèmes sont
solides, mais elle a formulé quelques recommandations que nous mettrons en
oeuvre.
Nous sommes en train de réexaminer nos systèmes et processus internes,
d’affecter davantage de personnel sur le terrain et d’étudier une feuille de route
de la décentralisation pour renforcer la capacité des bureaux extérieurs de la
Banque à assister les pays.
« Honorer nos engagements »
Aujourd’hui, alors que vous envisagez de prendre cette décision historique de
tripler le capital de la Banque, nous avons conscience que vous le faites à un
moment où, dans le monde entier, les pays sont confrontés à des choix
budgétaires difficiles.
Nous sommes pleinement conscients de la responsabilité qui nous incombe
à cet égard : à savoir, optimiser les ressources mises à notre disposition.
Nos résultats devraient cependant vous rassurer dans une certaine mesure.
Vous êtes en droit d’exiger que nous honorions les obligations inscrites dans
la matrice que la Banque a acceptée dans le cadre de cette AGC.
Il est légitime que vous vous attendiez à de bons résultats dans deux ans.
Nous avons convenu d’accomplir des progrès tangibles sur toutes ces
questions, notamment, l’approfondissement de la décentralisation, le modèle
d’affaires et un cadre hermétique de gestion des risques.
Vous souhaitez nous voir adopter et mettre en oeuvre une politique de diffusion
de l’information plus explicite et améliorer notre communication.
Nous sommes conscients de la nécessité d’être de plus en plus comptable
de nos actions.
Nous voulons veiller à recueillir les avis des personnes que nous servons pour
savoir dans quelle mesure nous influons sur leur vie, si nous nous conformons
à nos politiques et si nous prenons toutes les précautions nécessaires.
Dans le monde des entreprises, il est impératif d’effectuer des sondages réguliers
auprès de ses clients.
Le moment est peut-être venu pour la Banque, comme elle le fait auprès de son
personnel pour recueillir ses réactions, de mener des enquêtes auprès de ses
partenaires, y compris ceux de la communauté des affaires et de la société civile.
Monsieur le Président,
Excellences,
Mesdames, Messieurs,
« Cadre de résultats »
S’il est vrai que la Banque a obtenu des résultats tangibles, nous devons, à
tout moment, être prêts à repenser nos stratégies quand nous ne répondons
pas aux attentes.
Il nous faut donc un cadre d’évaluation qui nous permette de mesurer notre
efficacité en tant qu’institution.
Notre nouveau cadre de résultats à quatre niveaux constitue un pas important
dans la transformation de la Banque en une organisation axée sur les résultats.
« Mesures pour lutter contre la corruption »
Il va sans dire que pour obtenir des résultats sur le terrain, nous devons
constamment faire preuve de vigilance dans la lutte contre la corruption au
niveau des projets que nous finançons.
Il existe désormais un nouveau département entièrement consacré à cette
question, qui vient consolider le travail effectué depuis 2005 par la division
chargée de la lutte contre la corruption.
Nous avons le plaisir de vous annoncer qu’au cours de la réunion ordinaire
des Chefs des banques multilatérales de développement, nous avons conclu
un accord visant l’exécution mutuelle des décisions d’exclusion. Cette décision
constitue une avancée majeure.
En effet, cela signifie qu’une entreprise exclue par l’une de nos institutions se
verra automatiquement interdire l’obtention des marchés financés par d’autres
institutions financières internationales.
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
« Maintenir le FAD fort » « Composante de l’AGC »
Cette semaine, vous entamez l’avant-dernier cycle de négociations du FAD-12.
Le Fonds connaît un succès incontestable. Même s’il n’a peut-être pas
l’envergure de ses pairs, il a identifié son créneau dans l’architecture de l’aide
internationale.
La plupart des pays représentés dans cette salle sont encore totalement
tributaires du FAD. C’est un complément fondamental et essentiel de l’AGC.
Gardons le Fonds solide. Il obtient des résultats.
Il a beaucoup apporté et a su montrer la flexibilité dont les pays avaient tant
besoin durant la crise, et vient de reclasser le Cap-Vert - que j’ai visité le mois
dernier.
Je saisis cette occasion pour remercier les États participants au FAD qui ont
soutenu le Fonds durant toutes ces années.
Je voudrais, tout particulièrement, saluer les pays membres régionaux comme
l’Afrique du Sud, qui est un contributeur régulier au Fonds.
Je me félicite de l’intention exprimée par l’Égypte d’en faire autant et invite
d’autres PMR en mesure de contribuer à y penser.
Je sais qu’en ce moment les choix budgétaires sont difficiles, néanmoins, j’ose
croire que, comme nous l’avons fait pour le FAD-11, le FAD-12 sera lui aussi
couronné de succès.
La Banque elle-même s’engage à augmenter sa contribution et devrait
continuera sur cette voie.
« Une Banque recentrée »
Lors de nos assises de Maputo, en 2008, vous avez adopté les
recommandations du Panel d’éminentes personnalités dirigé par l’ancien
Président du Mozambique, Joaquim Chissano, et l’ancien Premier ministre du
Canada, Paul Martin.
Les membres de ce Panel ont fermement plaidé pour une Banque africaine
de développement forte.
Ils ont soutenu l’idée d’une banque orientée stratégiquement sur cinq domaines
phares interdépendants – et qui sont critiques dans cette phase pour les
perspectives de croissance de l’Afrique :
- l’intégration économique ;
- l’investissement dans l’infrastructure, l’énergie, les transports, les NTIC
et les réseaux d’adduction d’eau ;
- le renforcement des institutions de gouvernance et l’appui aux États
fragiles ;
- la promotion du secteur privé ; et
- le développement de l’enseignement de haut niveau pour des
compétences requises par une l’économie compétitive.
Je crois que nous avons accompli des progrès en recentrant la Banque dans
ce sens.
Aujourd’hui, la Banque est reconnue comme un acteur de premier plan de
l’intégration économique.
Rien que l’an dernier, nous avons engagé 1,8 milliard de dollars pour ouvrir
des corridors de transport régionaux, les pools d’énergie électrique, et pour
soutenir les Communautés économiques régionales.
« Le grand déficit d’infrastructures »
L’infrastructure, tous types confondus, représente à présent 52 % de notre
portefeuille.
Nous avons accordé une attention particulière à l’énergie, qui représente
57 % de nos engagements dans le secteur de l’infrastructure, afin de
répondre aux pannes d’électricité.
« Le guichet en développement du secteur privé »
Nos prêts du secteur privé n’ont cessé de croître, pour atteindre un montant
total de 1,8 milliard de dollars en 2009, contre un peu moins de 400 millions
de dollars quatre ans auparavant.
Ces prêts ont notamment financé des opérations telles que les ports maritimes
de Dakar et Djibouti, l’énergie renouvelable au Cap-Vert.
Il convient de rappeler que cet accroissement des opérations non souveraines
s’est accompagné d’un profil de risque très modéré.
Je sais que nous devons élargir notre intervention à davantage de pays, accroître
les prêts du secteur privé en faveur des pays à faible revenu – qui bénéficient
déjà de 42 % des prêts de ce guichet.
Je sais également que nous devons faire plus pour le développement des
entreprises africaines.
C’est pourquoi, l’accent que nous avons mis sur le renforcement des capacités
institutionnelles, afin de promouvoir la gouvernance, est indispensable pour
créer un climat propice à l’investissement et réduire les risques sur le continent.
« États fragiles »
Sans conteste, l’initiative en faveur des États fragiles a été une des réussites
les plus visibles de la Banque, notamment par l’apurement d’arriérés, la
reconstruction de l’infrastructure essentielle au Liberia et au Burundi, et le
développement des capacités en République centrafricaine.
La Facilité en faveur des États fragiles aide au redressement de bon nombre
de pays sortant d’un conflit et à la normalisation de leurs relations avec le
système financier international.
« Sélectivité n’est pas synonyme de négligence »
Vous serez en droit de vous demander si la concentration accrue sur des
priorités ne s’est pas traduite par la relégation au second plan d’autres secteurs
clés. Soyez rassurés que la réponse est NON à cette question.
En collaboration avec d’autres acteurs, nous avons fait en sorte que la sélectivité
ne soit pas synonyme de négligence, en nouant des partenariats stratégiques
avec la Commission européenne, la Banque mondiale, le FIDA et bien d’autres
organismes bilatéraux.
La meilleure illustration en est nos programmes phares du secteur de l’eau,
qui ont continué d’améliorer l’accès à l’eau potable en milieu rural, la situation
sanitaire des populations et la rétention des filles à l’école.
Je voudrais saisir cette occasion pour remercier ceux qui n’ont cessé de soutenir
l’Initiative d’alimentation en eau potable et d’assainissement en milieu rural et
la Facilité africaine de l’eau.
Vous serez heureux de constater l’impact considérable de votre action sur le
terrain et l’amélioration des conditions de vie de millions de personnes en
Afrique.
« Vers la phase suivante – la stratégie à long terme »
Le monde d’après-crise ne pourra pas être le même qu’auparavant – le paysage
n’est plus le même.
La Banque devra intégrer certains des enseignements des crises récentes et
indiquer comment elle traitera de certains des nouveaux enjeux.
L’institution opère dans un contexte dynamique – et doit donc s’adapter en
permanence.
Elle ne doit pas cesser de mettre à l’épreuve la pertinence de ses stratégies,
l’adaptabilité de ses instruments, et sa propre évolution.
Avec le recul, il faut l’espérer, de la crise mondiale, la Banque reviendra à sa
mission première, à savoir, s’attaquer aux obstacles structurels à la croissance
économique, qui limitent sa capacité à sortir de la pauvreté et de la dépendance.
Ces obstacles n’ont pas changé :
• L’énorme déficit infrastructurel
• Les marchés fragmentés peu développés (en raison du faible niveau
d’intégration)
• L’insuffisance des compétences de haut niveau dans une économie
compétitive
• La faiblesse des institutions, qui résulte de la mauvaise gouvernance
et de l’instabilité, et qui renforce ces fléaux.
Permettez-moi de revenir sur certains de ces domaines :
« Le marché intérieur de l’Afrique »
Monsieur le Président,
Excellences,
Mesdames, Messieurs,
L’Afrique est le continent le plus jeune, le continent qui s’urbanise le plus
rapidement. Cela signifie que c’est une opportunité. Mais c’est aussi un défi.
Comment pouvons-nous donner de l’espoir à la majorité des Africains, la
jeunesse de l’Afrique ? Nous y parviendrons en libérant le potentiel de notre
marché.
Au moment où la géographie économique se reconfigure après la crise et prend
forme, de nombreux analystes soulignent l’émergence du monde économique
dit multipolaire.
L’argument est le suivant : pour l’instant et d’une manière générale, l’Afrique
est toujours perçue à travers le prisme des ressources naturelles.
Et non pas en tant qu’un autre cadre de demande - ce dont l’économie mondiale
a actuellement besoin plus que jamais.
À titre d’exemple, il y a 10 ans, 15 000 personnes seulement avaient un
téléphone portable au Kenya.
Le pays en compte à présent quinze millions et demi. Ce n’est pas un exemple
isolé en Afrique.
Et le cas ne se limite pas non plus au téléphone portable. L’urbanisation
croissante entraîne l’explosion de la demande de tous les types de services,
d’infrastructures, d’assainissement, d’énergie, de biens de consommation
durables.
Et cette demande ne fera qu’augmenter.
Mais comment à la prochaine décennie allons-nous faire en sorte que ce
nouveau marché devienne une réalité ? Comment allons-nous libérer ce
potentiel ?
Relier l’Afrique à elle-même et, ce faisant, au reste du monde. Le point de
départ nécessaire que nous avons adopté a été exactement de mettre en place
des corridors, des pools énergétiques, des ports maritimes, etc.
La semaine dernière, un important câble sous-marin, que nous finançons en
partie, est arrivé au Ghana voisin et peu de temps après au Nigeria.
Cette réalisation réduira le coût de la pratique des affaires dans la région et le
coût de l’accès au monde, au monde de l’éducation, des affaires, de
l’information, etc.
Cette réalisation ne représente toutefois qu’une partie de ce qu’il y a lieu de faire.
Le deuxième élément essentiel est le rôle des grandes économies de la région,
les locomotives régionales.
Voyez ce qui s’est passé au plus fort de la crise.
Comme il fallait s’y attendre, ils ont été les premiers touchés, car ils sont plus
intégrés dans l’économie mondiale.
Six de ces pays à revenu intermédiaire représentent 70 % du PIB de l’Afrique
subsaharienne.
Avec l’approfondissement de la récession, l’effet domino, c’est-à-dire les
répercussions sur les voisins ne se sont pas fait attendre : diminution des
recettes, rétrécissement des marchés et réduction des opportunités d’emploi.
En revanche, lorsque ces économies prospèrent, l’effet multiplicateur est
puissant.
« Compétences »
L’Asie a beaucoup à nous apprendre, et nous tirons des leçons de son
expérience récente, notamment concernant le rôle de l’État, l’échelonnement
des politiques, etc.
Mais l’une des leçons importantes à retenir est la suivante : il faut constituer
une masse critique de compétences de haut niveau pour concevoir et engager
le type de processus de transformation dont nous avons besoin.
L’assistance technique ne peut le faire. Or il faut du temps pour réussir à faire
revenir les membres de la diaspora.
Le moment est venu pour l’Afrique de se décider à donner un nouveau souffle
à ses institutions d’enseignement supérieur.
Nombre de ces institutions sont accablées par l’accroissement des inscriptions
et l’insuffisance des capacités.
Nous Africains devront nous engager sur les voies des solutions sur cette
question, tenant compte des besoins des économies, de la durabilité des
programmes de financement ; la Banque doit être le chef de file de ces initiatives
nouvelles.
C’est ainsi que l’on pourra donner de l’espoir aux jeunes Africains, les moyens
de transformer leur vie, et libérer le potentiel du continent.
Notre stratégie actuelle a déterminé qu’il était nécessaire de déployer des efforts
particuliers pour renforcer les capacités de l’Afrique dans le domaine de
l’enseignement supérieur, surtout en science et en technologie.
L’apport du secteur privé à cet égard ne peut combler qu’une infime partie
des besoins.
L’an dernier, nous avons convenu avec le gouvernement gabonais de financer
une nouvelle université et d’en rénover une autre.
Essayer d’entreprendre une telle démarche pays par pays serait fastidieux.
Nous devrons progresser dans la mise en place des Centres régionaux
d’excellence, dans le cadre de nos Politiques d’intégration économique.
« Sécurité alimentaire »
Il y a deux ans, en 2008, la flambée des prix des denrées alimentaires de 2008
a mis en évidence notre vulnérabilité aux changements intervenant dans la
structure de la demande et de l’offre alimentaires dans le monde.
La crise s’est quelque peu atténuée depuis lors, mais le problème demeure.
La Banque africaine de développement a été, de tout temps, un acteur de
premier plan dans l’agriculture, alors même que d’autres partenaires y réduisaient
leurs portefeuilles.
Nous continuons aujourd’hui d’assumer le rôle qui nous revient, plus
particulièrement dans l’irrigation et la gestion des ressources en eau, domaine
dans lequel nous avons une excellente expérience.
Mais notre continent n’est toujours pas sorti de l’insécurité alimentaire, bien
que nos exploitants agricoles travaillent plus durement et plus longtemps que
leurs homologues d’ailleurs.
Les études sur les raisons de l’échec et sur ce qu’il y aurait lieu de faire sont
bien connues. Les solutions technique et scientifique sont connues.
Certes, il fut un temps ou les distorsions des politiques macroéconomiques et
les interventions excessives de l’État ont déprimé les revenus agricoles, mais
depuis, des mesures correctives ont été adoptées.
Mais, ce qui constituait alors un problème pourrait, paradoxalement, faire partie
de la solution.
L’urbanisation rapide à travers le continent, et les politiques à effet de distorsion
désormais corrigées offrent des opportunités exceptionnelles aux exploitants
agricoles.
Les termes de l’échange ont évolué en faveur du monde agricole.
Alors que manque-t-il donc ? L’État. Le programme global de développement
agricole pour l’Afrique a expliqué pourquoi et comment.
Nombre de gouvernements sont en train d’élaborer des programmes nationaux.
Il est à présent temps pour l’État d’intervenir de nouveau, de manière énergique,
pour donner au secteur agricole l’appui dont il a besoin.
Oui, il lui faut des routes, des réseaux d’irrigation, des services de
financement, de recherche et de vulgarisation, et oui, pourquoi pas des
mesures d’incitation ciblées et à durée déterminée pour les facteurs de
production et les engrais.
La nature et les moyens de fournir cet appui de l’Etat seront bien évidemment
spécifiques à chaque pays.
Mais en renforçant l’appui de l’Etat, nous ne devons rien ignorer de trois lacunes
importantes du passé.
A l’attention des donateurs, il demeure la question de la mauvaise division du
travail entre les IFI.
Pour ce qui est des pouvoirs publics, les questions de gouvernance dans
les entreprises parapubliques qui avaient pour mission d’appuyer, mais qui
ont fini par étouffer l’agriculture. Et pour nous tous, quelle est la plus grosse
des lacunes ?
L’attention insuffisante qui a été accordée aux exploitants agricoles femmes,
qui représentent la majorité des exploitants agricoles, pour leur permettre
de réaliser un niveau de productivité plus élevé, accéder au crédit, améliorer
la valeur ajoutée et gérer des PME agricoles aux côtés des hommes.
Il ne sera pas possible de réaliser la sécurité alimentaire – des gains de
productivité agricole – tant que la problématique homme-femme n’occupera
pas une place centrale dans une agriculture modernisée.
Nous l’avons appris à nos dépens, et pouvons désormais remédier à cette
situation.
Au moment où nous nous remobilisons pour soutenir l’agriculture, notre
continent devient à la fois plus chaud et plus sec, les pluies deviennent encore
plus imprévisibles, à cause du changement climatique. Je reviendrai sur cette
question un peu plus tard.
« Pays à faible revenu et secteur privé »
Partout dans le monde, ce sont les PME de l’agriculture et d’autres secteurs
qui donnent le ton. On suppose à juste titre que les pays à faible revenu seront
les principaux bénéficiaires de l’AGC.
Ils tireront parti des niveaux supérieurs de transferts au FAD, de produits
novateurs proposés et des retombées des activités menées par les grandes
économies.
Mais incontestablement, ils profiteront du renforcement de la participation du
secteur privé dans les pays.
Les opportunités ne manquent pas. Les risques sont parfois élevés, mais il en
est de même des bénéfices.
La Banque définira notre appétit du risque ; affinera nos outils d’atténuation
des risques, notamment en intervenant davantage pour améliorer le climat
des affaires en vue de réduire les risques.
« Changement climatique »
Au cours des présentes Assemblées, plusieurs sessions de travail, y compris la
concertation des gouverneurs, seront consacrées au changement climatique, et
au coût supplémentaire qu’il impose à l’Afrique.
Conformément aux souhaits des négociateurs africains à Copenhague, nous
allons proposer au Conseil la création d’une Facilité pour le climat à la Banque,
appelé à servir d’instrument de financement des actions destinées à atténuer les
effets du changement climatique en Afrique.
J’ai le privilège d’être membre du Panel du Secrétaire général des Nations Unies
sur le financement du climat.
Notre tâche consiste à proposer les voies et moyens pour mobiliser les 30 milliards
de dollars par an nécessaires en vertu de la déclaration finale de Copenhague.
Ces ressources viennent en supplément à l’aide public au développement, et ne
sont pas pris en compte dans les programmes normaux d’APD. Le succès ou
toute autre issue de notre travail avant Cancun sera vital.
Au fur et à mesure que la Banque consacrera davantage d’attention au changement
climatique dans le contexte de l’adaptation et de la protection des forêts, la
recherche de solutions au déficit énergétique doit être au centre de sa démarche.
L’ensemble du continent africain dispose d’une capacité installée (560 Twh
d’électricité) comparable à celle de l’Espagne, et la consommation énergétique
de l’Afrique sub-saharienne est inférieure à celle du Mexique, ce qui constitue un
obstacle majeur à la réalisation de nos perspectives économiques.
En 2009, nous avons financé un assez grand nombre de projets, et la semaine
dernière, nous avons approuvé un projet d`énergie éolienne d’une valeur de
15 millions de dollars EU pour le Cap-Vert.
Ce projet permettra non seulement d`accroître la disponibilité de l’énergie, mais
aussi de réduire la dépendance à l’égard de combustibles fossiles.
La réserve de projets énergétiques propres est longue et sans cesse croissante
: énergies hydro-électrique, éolienne, solaire, voire géothermique.
Toutes les sources d`énergie seront exploitées de manière appropriée, en
veillant à la protection sociale et environnementale. Un nouveau département
chargé de l`énergie es désormais en place à cet effet.
Monsieur le Président,
Excellences,
Mesdames, Messieurs,
« La Banque a accompli des progrès »
Nous avons parcouru un long chemin, qui s’inscrit dans une évolution positive
dans laquelle les institutions régionales prennent la place qui leur revient.
Il suffit de se rappeler que la BAD a vu le jour avec un capital de 250 millions
de dollars EU. Si l’AGC-VI est approuvé, son capital passera à 100 milliards
de dollars EU.
Ce capital permettra de répondre aux besoins actuels de l`Afrique, en comblant
le déficit en infrastructures, en se concentrant sur ses routes, ses lignes
ferroviaires, ses voies d’eau, le haut débit, les dispositifs d’adduction d’eau
relatif au changement climatique.
Il permettra à la Banque d’aider le continent à se nourrir, en accélérant
l`intégration et la présence du secteur privé dans les pays à faible revenu, et
en réhabilitant nos centres d’enseignement supérieur.
Tout comme mes prédécesseurs, tout comme les dirigeants d’institutions
comparables, nous avons été confronté à un double défi : piloter la Banque
dans des conditions incertaines et difficiles et en même temps d’instiller l’espoir
et de donner des orientations.
Au début de la crise, lors de votre réunion de Tunis, vous avez mis en place
un comité, le C10, chargé de suivre en permanence son impact et de faire des
recommandations pour l’avenir.
Au cours de ces mois tumultueux, la Banque - aux côtés d’institutions
africaines soeurs telles que l`UA et la CEA qui soutiennent le C10 - était
présente pour défendre les préoccupations économiques de l’Afrique dans
diverses enceintes, dont le G20, la conférence de Copenhague et dans
d`autres forums.
Nous croyons savoir que le G20 deviendra de plus en plus le point de contact
pour les discussions multilatérales relatives aux questions économiques
internationales majeures. Une représentation efficace de l’Afrique est cruciale.
Nous ne revendiquons pas le monopole du savoir, ni le rôle de porte-voix unique
du continent pour ce qui est des enjeux de l’Afrique. Tout ce que nous voulons,
c`est que vos opinions et la vision de l’Afrique soient prises en compte lors de
ces débats.
Monsieur le Président,
Excellences,
Mesdames et Messieurs les Gouverneurs
Permettez-moi de conclure qu’au cours des cinq dernières années, vous m`avez
fait l`honneur et donner la chance de diriger cette grande institution.
Je vous remercie, Mesdames et Messieurs les gouverneurs, ainsi que les pays
que vous représentez, pour la confiance que vous m’avez faite et pour le soutien
que vous m’avez apporté tout au long de cette période.
Je tiens à rendre hommage à la direction et au personnel de la Banque, dont
40 % des membres ont rejoint la Banque ces trois dernières années, enrichissant
ainsi de leurs talents et de leurs diversités culturelles notre travail.
Je remercie notre Conseil d`administration sortant, dont les membres ont été
d’excellents représentants de leur pays et des partenaires efficaces de la
direction.
Certes, dans ce processus, j`ai été le premier responsable et le capitaine, mais
nos réalisations sont collectives.
Je remercie les institutions soeurs, l`UA, les CER, la CEA, les institutions
financières internationales et les partenaires de la Banque à travers le monde
pour leur collaboration loyale.
Au cours des récentes turbulences, l’Afrique a montré sa capacité de résistance.
Et la Banque africaine de développement a fait ses preuves, et a montré
l’avantage comparatif qu’elle présente pour l`Afrique. Elle a aussi montré qu’elle
était une institution mûre qui sait ce qu’il faut faire.
Une Banque, capable de gérer le changement, confronter les incertitudes, et
de saisir les opportunités en temps normal comme en temps de crise.
Et maintenant, la Banque est prête pour la phase suivante.
Je vous souhaite de fructueuses délibérations.
Je vous remercie de votre attention.
Distingués Chefs d’Etat et de gouvernement
Monsieur le Président du Conseil des gouverneurs,
Eminentes personnalités
Mesdames et Messieurs les gouverneurs,
Mesdames, Messieurs,
Je joins ma voix à celle du Président du Conseil des gouverneurs pour vous
souhaiter à tous la bienvenue.
Monsieur le Président, je tiens à vous remercier, ainsi que votre gouvernement,
le peuple ivoirien tout entier et la ville d’Abidjan, pour cette invitation, l’excellente
préparation et la chaleureuse hospitalité.
Je tiens à remercier les distingués Chefs d’Etat et de gouvernement de nous
avoir honorés de leur présence.
Il s’agit là d’un signal fort de leur appui et de l’intérêt qu’ils portent à la Banque.
Nous sommes très heureux de tenir notre première Assemblée ici à notre siège
depuis dix ans.
Je mesure l’ampleur des efforts que la nation ivoirienne a déployés pour organiser
cette rencontre. Nous vous en sommes reconnaissants.
Nous savons que vous attendez avec impatience notre retour.
Nous sommes persuadés que le peuple ivoirien trouvera une solution durable,
et mettra bientôt un terme définitif à la crise qu’il traverse, pour permettre à la
Banque de retourner à son siège.
Je remercie une fois encore le Gouvernement et le peuple tunisiens pour
l’hospitalité qu’ils nous accordent, depuis notre relocalisation temporaire à Tunis.
J’adresse mes remerciements aux éminentes personnalités ici présentes, aux
responsables des institutions ivoiriennes, aux responsables d’organisations
régionales, continentales et internationales, aux anciens Présidents de la
Banque, pour avoir trouvé le temps d’être avec nous.
Au cours de cette Assemblée, des décisions majeures seront envisagées.
Certaines d’entre elles détermineront probablement la trajectoire de la Banque
sur une longue période : l’augmentation générale du capital, l’élection du Conseil
et sa reconfiguration, l’élection du Président et, enfin, les avant-dernières
négociations relatives au FAD-12.
Incertitudes résiduelles
Depuis notre dernière rencontre à Dakar, beaucoup d’événements se sont
produits dans le monde économique sur le continent et à la Banque.
L’économie mondiale donne des signes de redressement mais son évolution
demeure incertaine.
Elle est en proie à divers maux : déficits record, la crise de la dette publique,
déséquilibre mondial, chômage, bilan des banques, encore fragilisé, risques
de bulles sur les grands marchés émergents.
Ces facteurs sont sources d’incertitudes pour tous, y compris l’Afrique.
Pour nos économies, ces deux dernières années ont été éprouvantes,
confrontées qu’elles étaient à trois crises qui se sont succédé rapidement : la
flambée des prix des denrées alimentaires, la crise pétrolière et l’impact des
turbulences financières.
Ces crises ont provoqué des dégâts économiques, interrompant
momentanément la croissance, en particulier pour trois catégories de pays :
les pays à revenu intermédiaires, les pays riches en ressources naturelles et
les pays aux économies déjà vulnérables.
“Vigoureuse reprise – capacité de résistance – succès
des réformes”
Cependant, depuis le troisième trimestre de l’année 2009, les prix des matières
premières, tirés par la reprise de la croissance dans les grands pays émergents,
ont rebondi et se sont raffermis.
Le cours du cuivre qui, au début de l’année, était tombé en dessous de 3 000
dollars EU la tonne - entraînant la fermeture de mines et des pertes d’emplois
– revient à ses niveaux d’avant-crise, à plus de 7 000 dollars EU.
Les perturbations des apports extérieurs ont été limitées, les envois de fonds
par les travailleurs émigrés ayant enregistré une baisse inférieure à 5 %.
Bien qu’ils aient été marqués dans certains pays, les effets de la crise ont été
de courte durée, et la plupart des pays africains ont échappé à une longue et
profonde récession.
Par rapport aux crises antérieures, nombre de pays africains à faible revenu
ont, cette fois-ci, fait preuve d’une remarquable capacité de résistance.
La preuve, s’il en était besoin, est que les réformes engagées sur plusieurs
années ont porté leurs fruits - et devraient être poursuivies.
“Une bien meilleure perspective”
Certes les statistiques sont sujettes à de fréquentes révisions, mais les
perspectives pour 2010 et au delà se sont nettement améliorées.
Le taux de croissance économique sera de l’ordre de 5,5 % en 2010 et
progressera peut-être de 1 % de plus en 2011.
Ce taux est encore inférieur à ce qui est requis, mais il est encourageant.
Des signes montrent qu’il faudra sans doute un peu de temps pour retrouver
le taux de croissance record d’avant-crise, mais nous sommes sur la bonne
voie.
Cependant, la question majeure doit être abordée : comment devonsnous
mieux gérer les recettes provenant de nos matières premières,
financer nos infrastructures, en multiplier les retombées, en bref, pour
bâtir des économies diversifiées, autosuffisantes plutôt que des économies
extraverties.
“La réponse de la Banque”
Face aux turbulences successives, vous nous avez demandé de proposer une
réponse contra cyclique, ce que nous avons fait.
C’est ce que vous attendiez de nous. Nous avons joué notre rôle. Nous avons
plus que doublé le volume de nos opérations en 2009.
À la fin de l’année 2009, notre concours s’élevait à 12,6 milliards de dollars
EU, contre 5,5 milliards l’année précédente.
Nous avons fourni en début de période, des appuis budgétaires
supplémentaires, financé le commerce et mis à disposition de la liquidité.
Notre guichet du secteur privé a comblé l’écart laissé par les promoteurs des
principaux projets d’infrastructure.
En apportant cet appui, nous avons fait montre de flexibilité, d’innovation et
d’anticipation.
Nous avons réduit considérablement notre temps de réaction.
Le guichet FAD, à lui seul, a augmenté ses décaissements de 53 % en
2009.
« Une Banque solide et saine »
Si la Banque a su réagir promptement, c’est grâce à son efficacité croissante.
Une efficacité croissante sous-tendue par les différents changements opérés
pendant la décennie en cours et en particulier durant les trois dernières
années.
Une efficacité résultant de la décentralisation de l’écoute des clients, du
recentrage marqué sur nos priorités, fondée sur notre situation financière solide,
et traduisant notre avantage comparatif croissant.
Monsieur le Président
Excellences
Mesdames et Messieurs les gouverneurs
« Situation financière solide »
Le Rapport annuel devant vous et la présentation financière de mardi vous
donnent une idée de la situation de votre Banque aujourd’hui, et qui se résume
en un mot : forte : des finances solides, des opérations ciblées et efficaces et
une institution en mutation.
Une Banque qui continue de jouir de sa note AAA que lui décernent toutes
les grandes agences de notation, une Banque dont les trois guichets affichent,
cette année encore, des résultats positifs, en dépit de la turbulence des
marchés.
Pour vous en convaincre, songez que, même au plus fort de la crise
dans les systèmes financiers mondiaux, nous avons continué à avoir
accès aux marchés des capitaux pour exécuter notre programme
d’emprunt.
C’est cette force financière qui nous permet de continuer à déployer
efficacement notre bilan.
C’est ce bon résultat qui nous permet cette année de déployer 165 millions
de dollars, prélevés sur le revenu net 2009 de 346 millions de dollars, pour
soutenir un certain nombre d’initiatives de développement, notamment par
une contribution accrue au FAD.
Mais si nous sommes forts, c’est aussi grâce à votre soutien.
Il y a trois ans, vous avez reconstitué le guichet concessionnel de la Banque,
le FAD, par une augmentation record de 50 %.
En dépit de vos propres contraintes budgétaires, vous avez permis une
certaine marge de manoeuvre pour accroître notre budget afin que nous
puissions renforcer notre capacité interne en recrutant davantage de
personnel pour consolider notre capacité d’exécution.
Et aujourd’hui, vous avez devant vous la proposition du CCG et du Comité
directeur, de tripler le capital de l’institution.
Nous sommes humblement honorés par la confiance que traduit cette mesure
historique.
Mais, au-delà de la Banque, cette décision de renforcer la Banque de l’Afrique
est une marque de confiance en une Afrique renaissante.
Le moment de bâtir des institutions africaines solides, de stature mondiale à
l’heure où l’Afrique se repositionne, pour libérer son potentiel intérieur et s’intégrer
plus étroitement dans l’économie mondiale.
« Un portefeuille en croissance et un profil de risque plus faible »
En 2005, vous m’avez fait l’honneur et accordé le privilège de diriger cette
grande institution.
Je m’étais alors engagé, m’appuyant sur le travail fait par mes prédécesseurs,
à qui je tiens à rendre hommage, à consolider la situation financière de la
Banque, à accroître son efficacité et à lui donner une nouvelle orientation
stratégique.
Je suis très conscient de l’ampleur du travail qui reste à faire. Mais, ensemble,
nous avons accompli de grandes réalisations.
Je suis fier d’avoir conduit une équipe d’hommes et de femmes qui ont
contribué à la solidité d’une Banque dont l’Afrique peut être aujourd’hui fière.
En effet :
• Le portefeuille du guichet BAD a doublé, passant de 8,5 milliards de
dollars à 15,6 milliards de dollars en quatre ans.
• Les approbations du FAD ont augmenté de 68 % en quatre ans – et
l’encours de ses prêts (hors IADM) a doublé.
Et, fait peut-être plus important encore, ce doublement du portefeuille est allé
de pair avec l’amélioration de la qualité.
Les actifs non performants de la Banque ont diminué de 62 % et ne représentent
aujourd’hui que 4 % du portefeuille total des prêts.
Cette réduction est le fruit d’un suivi minutieux du portefeuille et de la mise en
oeuvre d’un mécanisme d’apurement des arriérés des États fragiles.
Pour l’avenir, les projections laissent entrevoir une forte croissance du portefeuille
au cours des cinq prochaines années, pour les deux guichets de la Banque :
• En ce qui concerne la BAD, avec une AGC-VI et en tablant sur un volume
de prêts d’environ 5,5 milliards de dollars par an, l’encours des prêts et
prises de participations atteindra 30,2 milliards de dollars en 2015.
• Pour le FAD, en supposant un volume annuel de prêts de 3,6 milliards
de dollars, l’encours total des prêts passera de 9,8 milliards de dollars
à 16,5 milliards.
Mais nos opérations ne font pas que croître en volume ; ayant doublé en quatre
ans, elles sont plus efficaces.
• En faisant des choix stratégiques appropriés et nous concentrant sur
un petit nombre de domaines où nous avons acquis ou pouvons
acquérir un avantage comparatif, tels que l’infrastructure, le secteur
privé et l’intégration économique, nous avons accru notre efficacité ;
nous nous efforçons constamment d’être utiles à tous les pays à revenu
intermédiaire, les pays à faible revenu et les États fragiles.
« Renforcement de la gestion du risque pour un portefeuille
en croissance »
Nous sommes conscients qu’un portefeuille en croissance exige une gestion
de risque encore plus rigoureuse.
C’est la raison pour laquelle, l’année dernière, j’ai fait effectuer par des experts
externes une évaluation de nos systèmes et pratiques de gestion du risque.
Comme il fallait s’y attendre, l’évaluation a confirmé que nos systèmes sont
solides, mais elle a formulé quelques recommandations que nous mettrons en
oeuvre.
Nous sommes en train de réexaminer nos systèmes et processus internes,
d’affecter davantage de personnel sur le terrain et d’étudier une feuille de route
de la décentralisation pour renforcer la capacité des bureaux extérieurs de la
Banque à assister les pays.
« Honorer nos engagements »
Aujourd’hui, alors que vous envisagez de prendre cette décision historique de
tripler le capital de la Banque, nous avons conscience que vous le faites à un
moment où, dans le monde entier, les pays sont confrontés à des choix
budgétaires difficiles.
Nous sommes pleinement conscients de la responsabilité qui nous incombe
à cet égard : à savoir, optimiser les ressources mises à notre disposition.
Nos résultats devraient cependant vous rassurer dans une certaine mesure.
Vous êtes en droit d’exiger que nous honorions les obligations inscrites dans
la matrice que la Banque a acceptée dans le cadre de cette AGC.
Il est légitime que vous vous attendiez à de bons résultats dans deux ans.
Nous avons convenu d’accomplir des progrès tangibles sur toutes ces
questions, notamment, l’approfondissement de la décentralisation, le modèle
d’affaires et un cadre hermétique de gestion des risques.
Vous souhaitez nous voir adopter et mettre en oeuvre une politique de diffusion
de l’information plus explicite et améliorer notre communication.
Nous sommes conscients de la nécessité d’être de plus en plus comptable
de nos actions.
Nous voulons veiller à recueillir les avis des personnes que nous servons pour
savoir dans quelle mesure nous influons sur leur vie, si nous nous conformons
à nos politiques et si nous prenons toutes les précautions nécessaires.
Dans le monde des entreprises, il est impératif d’effectuer des sondages réguliers
auprès de ses clients.
Le moment est peut-être venu pour la Banque, comme elle le fait auprès de son
personnel pour recueillir ses réactions, de mener des enquêtes auprès de ses
partenaires, y compris ceux de la communauté des affaires et de la société civile.
Monsieur le Président,
Excellences,
Mesdames, Messieurs,
« Cadre de résultats »
S’il est vrai que la Banque a obtenu des résultats tangibles, nous devons, à
tout moment, être prêts à repenser nos stratégies quand nous ne répondons
pas aux attentes.
Il nous faut donc un cadre d’évaluation qui nous permette de mesurer notre
efficacité en tant qu’institution.
Notre nouveau cadre de résultats à quatre niveaux constitue un pas important
dans la transformation de la Banque en une organisation axée sur les résultats.
« Mesures pour lutter contre la corruption »
Il va sans dire que pour obtenir des résultats sur le terrain, nous devons
constamment faire preuve de vigilance dans la lutte contre la corruption au
niveau des projets que nous finançons.
Il existe désormais un nouveau département entièrement consacré à cette
question, qui vient consolider le travail effectué depuis 2005 par la division
chargée de la lutte contre la corruption.
Nous avons le plaisir de vous annoncer qu’au cours de la réunion ordinaire
des Chefs des banques multilatérales de développement, nous avons conclu
un accord visant l’exécution mutuelle des décisions d’exclusion. Cette décision
constitue une avancée majeure.
En effet, cela signifie qu’une entreprise exclue par l’une de nos institutions se
verra automatiquement interdire l’obtention des marchés financés par d’autres
institutions financières internationales.
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
« Maintenir le FAD fort » « Composante de l’AGC »
Cette semaine, vous entamez l’avant-dernier cycle de négociations du FAD-12.
Le Fonds connaît un succès incontestable. Même s’il n’a peut-être pas
l’envergure de ses pairs, il a identifié son créneau dans l’architecture de l’aide
internationale.
La plupart des pays représentés dans cette salle sont encore totalement
tributaires du FAD. C’est un complément fondamental et essentiel de l’AGC.
Gardons le Fonds solide. Il obtient des résultats.
Il a beaucoup apporté et a su montrer la flexibilité dont les pays avaient tant
besoin durant la crise, et vient de reclasser le Cap-Vert - que j’ai visité le mois
dernier.
Je saisis cette occasion pour remercier les États participants au FAD qui ont
soutenu le Fonds durant toutes ces années.
Je voudrais, tout particulièrement, saluer les pays membres régionaux comme
l’Afrique du Sud, qui est un contributeur régulier au Fonds.
Je me félicite de l’intention exprimée par l’Égypte d’en faire autant et invite
d’autres PMR en mesure de contribuer à y penser.
Je sais qu’en ce moment les choix budgétaires sont difficiles, néanmoins, j’ose
croire que, comme nous l’avons fait pour le FAD-11, le FAD-12 sera lui aussi
couronné de succès.
La Banque elle-même s’engage à augmenter sa contribution et devrait
continuera sur cette voie.
« Une Banque recentrée »
Lors de nos assises de Maputo, en 2008, vous avez adopté les
recommandations du Panel d’éminentes personnalités dirigé par l’ancien
Président du Mozambique, Joaquim Chissano, et l’ancien Premier ministre du
Canada, Paul Martin.
Les membres de ce Panel ont fermement plaidé pour une Banque africaine
de développement forte.
Ils ont soutenu l’idée d’une banque orientée stratégiquement sur cinq domaines
phares interdépendants – et qui sont critiques dans cette phase pour les
perspectives de croissance de l’Afrique :
- l’intégration économique ;
- l’investissement dans l’infrastructure, l’énergie, les transports, les NTIC
et les réseaux d’adduction d’eau ;
- le renforcement des institutions de gouvernance et l’appui aux États
fragiles ;
- la promotion du secteur privé ; et
- le développement de l’enseignement de haut niveau pour des
compétences requises par une l’économie compétitive.
Je crois que nous avons accompli des progrès en recentrant la Banque dans
ce sens.
Aujourd’hui, la Banque est reconnue comme un acteur de premier plan de
l’intégration économique.
Rien que l’an dernier, nous avons engagé 1,8 milliard de dollars pour ouvrir
des corridors de transport régionaux, les pools d’énergie électrique, et pour
soutenir les Communautés économiques régionales.
« Le grand déficit d’infrastructures »
L’infrastructure, tous types confondus, représente à présent 52 % de notre
portefeuille.
Nous avons accordé une attention particulière à l’énergie, qui représente
57 % de nos engagements dans le secteur de l’infrastructure, afin de
répondre aux pannes d’électricité.
« Le guichet en développement du secteur privé »
Nos prêts du secteur privé n’ont cessé de croître, pour atteindre un montant
total de 1,8 milliard de dollars en 2009, contre un peu moins de 400 millions
de dollars quatre ans auparavant.
Ces prêts ont notamment financé des opérations telles que les ports maritimes
de Dakar et Djibouti, l’énergie renouvelable au Cap-Vert.
Il convient de rappeler que cet accroissement des opérations non souveraines
s’est accompagné d’un profil de risque très modéré.
Je sais que nous devons élargir notre intervention à davantage de pays, accroître
les prêts du secteur privé en faveur des pays à faible revenu – qui bénéficient
déjà de 42 % des prêts de ce guichet.
Je sais également que nous devons faire plus pour le développement des
entreprises africaines.
C’est pourquoi, l’accent que nous avons mis sur le renforcement des capacités
institutionnelles, afin de promouvoir la gouvernance, est indispensable pour
créer un climat propice à l’investissement et réduire les risques sur le continent.
« États fragiles »
Sans conteste, l’initiative en faveur des États fragiles a été une des réussites
les plus visibles de la Banque, notamment par l’apurement d’arriérés, la
reconstruction de l’infrastructure essentielle au Liberia et au Burundi, et le
développement des capacités en République centrafricaine.
La Facilité en faveur des États fragiles aide au redressement de bon nombre
de pays sortant d’un conflit et à la normalisation de leurs relations avec le
système financier international.
« Sélectivité n’est pas synonyme de négligence »
Vous serez en droit de vous demander si la concentration accrue sur des
priorités ne s’est pas traduite par la relégation au second plan d’autres secteurs
clés. Soyez rassurés que la réponse est NON à cette question.
En collaboration avec d’autres acteurs, nous avons fait en sorte que la sélectivité
ne soit pas synonyme de négligence, en nouant des partenariats stratégiques
avec la Commission européenne, la Banque mondiale, le FIDA et bien d’autres
organismes bilatéraux.
La meilleure illustration en est nos programmes phares du secteur de l’eau,
qui ont continué d’améliorer l’accès à l’eau potable en milieu rural, la situation
sanitaire des populations et la rétention des filles à l’école.
Je voudrais saisir cette occasion pour remercier ceux qui n’ont cessé de soutenir
l’Initiative d’alimentation en eau potable et d’assainissement en milieu rural et
la Facilité africaine de l’eau.
Vous serez heureux de constater l’impact considérable de votre action sur le
terrain et l’amélioration des conditions de vie de millions de personnes en
Afrique.
« Vers la phase suivante – la stratégie à long terme »
Le monde d’après-crise ne pourra pas être le même qu’auparavant – le paysage
n’est plus le même.
La Banque devra intégrer certains des enseignements des crises récentes et
indiquer comment elle traitera de certains des nouveaux enjeux.
L’institution opère dans un contexte dynamique – et doit donc s’adapter en
permanence.
Elle ne doit pas cesser de mettre à l’épreuve la pertinence de ses stratégies,
l’adaptabilité de ses instruments, et sa propre évolution.
Avec le recul, il faut l’espérer, de la crise mondiale, la Banque reviendra à sa
mission première, à savoir, s’attaquer aux obstacles structurels à la croissance
économique, qui limitent sa capacité à sortir de la pauvreté et de la dépendance.
Ces obstacles n’ont pas changé :
• L’énorme déficit infrastructurel
• Les marchés fragmentés peu développés (en raison du faible niveau
d’intégration)
• L’insuffisance des compétences de haut niveau dans une économie
compétitive
• La faiblesse des institutions, qui résulte de la mauvaise gouvernance
et de l’instabilité, et qui renforce ces fléaux.
Permettez-moi de revenir sur certains de ces domaines :
« Le marché intérieur de l’Afrique »
Monsieur le Président,
Excellences,
Mesdames, Messieurs,
L’Afrique est le continent le plus jeune, le continent qui s’urbanise le plus
rapidement. Cela signifie que c’est une opportunité. Mais c’est aussi un défi.
Comment pouvons-nous donner de l’espoir à la majorité des Africains, la
jeunesse de l’Afrique ? Nous y parviendrons en libérant le potentiel de notre
marché.
Au moment où la géographie économique se reconfigure après la crise et prend
forme, de nombreux analystes soulignent l’émergence du monde économique
dit multipolaire.
L’argument est le suivant : pour l’instant et d’une manière générale, l’Afrique
est toujours perçue à travers le prisme des ressources naturelles.
Et non pas en tant qu’un autre cadre de demande - ce dont l’économie mondiale
a actuellement besoin plus que jamais.
À titre d’exemple, il y a 10 ans, 15 000 personnes seulement avaient un
téléphone portable au Kenya.
Le pays en compte à présent quinze millions et demi. Ce n’est pas un exemple
isolé en Afrique.
Et le cas ne se limite pas non plus au téléphone portable. L’urbanisation
croissante entraîne l’explosion de la demande de tous les types de services,
d’infrastructures, d’assainissement, d’énergie, de biens de consommation
durables.
Et cette demande ne fera qu’augmenter.
Mais comment à la prochaine décennie allons-nous faire en sorte que ce
nouveau marché devienne une réalité ? Comment allons-nous libérer ce
potentiel ?
Relier l’Afrique à elle-même et, ce faisant, au reste du monde. Le point de
départ nécessaire que nous avons adopté a été exactement de mettre en place
des corridors, des pools énergétiques, des ports maritimes, etc.
La semaine dernière, un important câble sous-marin, que nous finançons en
partie, est arrivé au Ghana voisin et peu de temps après au Nigeria.
Cette réalisation réduira le coût de la pratique des affaires dans la région et le
coût de l’accès au monde, au monde de l’éducation, des affaires, de
l’information, etc.
Cette réalisation ne représente toutefois qu’une partie de ce qu’il y a lieu de faire.
Le deuxième élément essentiel est le rôle des grandes économies de la région,
les locomotives régionales.
Voyez ce qui s’est passé au plus fort de la crise.
Comme il fallait s’y attendre, ils ont été les premiers touchés, car ils sont plus
intégrés dans l’économie mondiale.
Six de ces pays à revenu intermédiaire représentent 70 % du PIB de l’Afrique
subsaharienne.
Avec l’approfondissement de la récession, l’effet domino, c’est-à-dire les
répercussions sur les voisins ne se sont pas fait attendre : diminution des
recettes, rétrécissement des marchés et réduction des opportunités d’emploi.
En revanche, lorsque ces économies prospèrent, l’effet multiplicateur est
puissant.
« Compétences »
L’Asie a beaucoup à nous apprendre, et nous tirons des leçons de son
expérience récente, notamment concernant le rôle de l’État, l’échelonnement
des politiques, etc.
Mais l’une des leçons importantes à retenir est la suivante : il faut constituer
une masse critique de compétences de haut niveau pour concevoir et engager
le type de processus de transformation dont nous avons besoin.
L’assistance technique ne peut le faire. Or il faut du temps pour réussir à faire
revenir les membres de la diaspora.
Le moment est venu pour l’Afrique de se décider à donner un nouveau souffle
à ses institutions d’enseignement supérieur.
Nombre de ces institutions sont accablées par l’accroissement des inscriptions
et l’insuffisance des capacités.
Nous Africains devront nous engager sur les voies des solutions sur cette
question, tenant compte des besoins des économies, de la durabilité des
programmes de financement ; la Banque doit être le chef de file de ces initiatives
nouvelles.
C’est ainsi que l’on pourra donner de l’espoir aux jeunes Africains, les moyens
de transformer leur vie, et libérer le potentiel du continent.
Notre stratégie actuelle a déterminé qu’il était nécessaire de déployer des efforts
particuliers pour renforcer les capacités de l’Afrique dans le domaine de
l’enseignement supérieur, surtout en science et en technologie.
L’apport du secteur privé à cet égard ne peut combler qu’une infime partie
des besoins.
L’an dernier, nous avons convenu avec le gouvernement gabonais de financer
une nouvelle université et d’en rénover une autre.
Essayer d’entreprendre une telle démarche pays par pays serait fastidieux.
Nous devrons progresser dans la mise en place des Centres régionaux
d’excellence, dans le cadre de nos Politiques d’intégration économique.
« Sécurité alimentaire »
Il y a deux ans, en 2008, la flambée des prix des denrées alimentaires de 2008
a mis en évidence notre vulnérabilité aux changements intervenant dans la
structure de la demande et de l’offre alimentaires dans le monde.
La crise s’est quelque peu atténuée depuis lors, mais le problème demeure.
La Banque africaine de développement a été, de tout temps, un acteur de
premier plan dans l’agriculture, alors même que d’autres partenaires y réduisaient
leurs portefeuilles.
Nous continuons aujourd’hui d’assumer le rôle qui nous revient, plus
particulièrement dans l’irrigation et la gestion des ressources en eau, domaine
dans lequel nous avons une excellente expérience.
Mais notre continent n’est toujours pas sorti de l’insécurité alimentaire, bien
que nos exploitants agricoles travaillent plus durement et plus longtemps que
leurs homologues d’ailleurs.
Les études sur les raisons de l’échec et sur ce qu’il y aurait lieu de faire sont
bien connues. Les solutions technique et scientifique sont connues.
Certes, il fut un temps ou les distorsions des politiques macroéconomiques et
les interventions excessives de l’État ont déprimé les revenus agricoles, mais
depuis, des mesures correctives ont été adoptées.
Mais, ce qui constituait alors un problème pourrait, paradoxalement, faire partie
de la solution.
L’urbanisation rapide à travers le continent, et les politiques à effet de distorsion
désormais corrigées offrent des opportunités exceptionnelles aux exploitants
agricoles.
Les termes de l’échange ont évolué en faveur du monde agricole.
Alors que manque-t-il donc ? L’État. Le programme global de développement
agricole pour l’Afrique a expliqué pourquoi et comment.
Nombre de gouvernements sont en train d’élaborer des programmes nationaux.
Il est à présent temps pour l’État d’intervenir de nouveau, de manière énergique,
pour donner au secteur agricole l’appui dont il a besoin.
Oui, il lui faut des routes, des réseaux d’irrigation, des services de
financement, de recherche et de vulgarisation, et oui, pourquoi pas des
mesures d’incitation ciblées et à durée déterminée pour les facteurs de
production et les engrais.
La nature et les moyens de fournir cet appui de l’Etat seront bien évidemment
spécifiques à chaque pays.
Mais en renforçant l’appui de l’Etat, nous ne devons rien ignorer de trois lacunes
importantes du passé.
A l’attention des donateurs, il demeure la question de la mauvaise division du
travail entre les IFI.
Pour ce qui est des pouvoirs publics, les questions de gouvernance dans
les entreprises parapubliques qui avaient pour mission d’appuyer, mais qui
ont fini par étouffer l’agriculture. Et pour nous tous, quelle est la plus grosse
des lacunes ?
L’attention insuffisante qui a été accordée aux exploitants agricoles femmes,
qui représentent la majorité des exploitants agricoles, pour leur permettre
de réaliser un niveau de productivité plus élevé, accéder au crédit, améliorer
la valeur ajoutée et gérer des PME agricoles aux côtés des hommes.
Il ne sera pas possible de réaliser la sécurité alimentaire – des gains de
productivité agricole – tant que la problématique homme-femme n’occupera
pas une place centrale dans une agriculture modernisée.
Nous l’avons appris à nos dépens, et pouvons désormais remédier à cette
situation.
Au moment où nous nous remobilisons pour soutenir l’agriculture, notre
continent devient à la fois plus chaud et plus sec, les pluies deviennent encore
plus imprévisibles, à cause du changement climatique. Je reviendrai sur cette
question un peu plus tard.
« Pays à faible revenu et secteur privé »
Partout dans le monde, ce sont les PME de l’agriculture et d’autres secteurs
qui donnent le ton. On suppose à juste titre que les pays à faible revenu seront
les principaux bénéficiaires de l’AGC.
Ils tireront parti des niveaux supérieurs de transferts au FAD, de produits
novateurs proposés et des retombées des activités menées par les grandes
économies.
Mais incontestablement, ils profiteront du renforcement de la participation du
secteur privé dans les pays.
Les opportunités ne manquent pas. Les risques sont parfois élevés, mais il en
est de même des bénéfices.
La Banque définira notre appétit du risque ; affinera nos outils d’atténuation
des risques, notamment en intervenant davantage pour améliorer le climat
des affaires en vue de réduire les risques.
« Changement climatique »
Au cours des présentes Assemblées, plusieurs sessions de travail, y compris la
concertation des gouverneurs, seront consacrées au changement climatique, et
au coût supplémentaire qu’il impose à l’Afrique.
Conformément aux souhaits des négociateurs africains à Copenhague, nous
allons proposer au Conseil la création d’une Facilité pour le climat à la Banque,
appelé à servir d’instrument de financement des actions destinées à atténuer les
effets du changement climatique en Afrique.
J’ai le privilège d’être membre du Panel du Secrétaire général des Nations Unies
sur le financement du climat.
Notre tâche consiste à proposer les voies et moyens pour mobiliser les 30 milliards
de dollars par an nécessaires en vertu de la déclaration finale de Copenhague.
Ces ressources viennent en supplément à l’aide public au développement, et ne
sont pas pris en compte dans les programmes normaux d’APD. Le succès ou
toute autre issue de notre travail avant Cancun sera vital.
Au fur et à mesure que la Banque consacrera davantage d’attention au changement
climatique dans le contexte de l’adaptation et de la protection des forêts, la
recherche de solutions au déficit énergétique doit être au centre de sa démarche.
L’ensemble du continent africain dispose d’une capacité installée (560 Twh
d’électricité) comparable à celle de l’Espagne, et la consommation énergétique
de l’Afrique sub-saharienne est inférieure à celle du Mexique, ce qui constitue un
obstacle majeur à la réalisation de nos perspectives économiques.
En 2009, nous avons financé un assez grand nombre de projets, et la semaine
dernière, nous avons approuvé un projet d`énergie éolienne d’une valeur de
15 millions de dollars EU pour le Cap-Vert.
Ce projet permettra non seulement d`accroître la disponibilité de l’énergie, mais
aussi de réduire la dépendance à l’égard de combustibles fossiles.
La réserve de projets énergétiques propres est longue et sans cesse croissante
: énergies hydro-électrique, éolienne, solaire, voire géothermique.
Toutes les sources d`énergie seront exploitées de manière appropriée, en
veillant à la protection sociale et environnementale. Un nouveau département
chargé de l`énergie es désormais en place à cet effet.
Monsieur le Président,
Excellences,
Mesdames, Messieurs,
« La Banque a accompli des progrès »
Nous avons parcouru un long chemin, qui s’inscrit dans une évolution positive
dans laquelle les institutions régionales prennent la place qui leur revient.
Il suffit de se rappeler que la BAD a vu le jour avec un capital de 250 millions
de dollars EU. Si l’AGC-VI est approuvé, son capital passera à 100 milliards
de dollars EU.
Ce capital permettra de répondre aux besoins actuels de l`Afrique, en comblant
le déficit en infrastructures, en se concentrant sur ses routes, ses lignes
ferroviaires, ses voies d’eau, le haut débit, les dispositifs d’adduction d’eau
relatif au changement climatique.
Il permettra à la Banque d’aider le continent à se nourrir, en accélérant
l`intégration et la présence du secteur privé dans les pays à faible revenu, et
en réhabilitant nos centres d’enseignement supérieur.
Tout comme mes prédécesseurs, tout comme les dirigeants d’institutions
comparables, nous avons été confronté à un double défi : piloter la Banque
dans des conditions incertaines et difficiles et en même temps d’instiller l’espoir
et de donner des orientations.
Au début de la crise, lors de votre réunion de Tunis, vous avez mis en place
un comité, le C10, chargé de suivre en permanence son impact et de faire des
recommandations pour l’avenir.
Au cours de ces mois tumultueux, la Banque - aux côtés d’institutions
africaines soeurs telles que l`UA et la CEA qui soutiennent le C10 - était
présente pour défendre les préoccupations économiques de l’Afrique dans
diverses enceintes, dont le G20, la conférence de Copenhague et dans
d`autres forums.
Nous croyons savoir que le G20 deviendra de plus en plus le point de contact
pour les discussions multilatérales relatives aux questions économiques
internationales majeures. Une représentation efficace de l’Afrique est cruciale.
Nous ne revendiquons pas le monopole du savoir, ni le rôle de porte-voix unique
du continent pour ce qui est des enjeux de l’Afrique. Tout ce que nous voulons,
c`est que vos opinions et la vision de l’Afrique soient prises en compte lors de
ces débats.
Monsieur le Président,
Excellences,
Mesdames et Messieurs les Gouverneurs
Permettez-moi de conclure qu’au cours des cinq dernières années, vous m`avez
fait l`honneur et donner la chance de diriger cette grande institution.
Je vous remercie, Mesdames et Messieurs les gouverneurs, ainsi que les pays
que vous représentez, pour la confiance que vous m’avez faite et pour le soutien
que vous m’avez apporté tout au long de cette période.
Je tiens à rendre hommage à la direction et au personnel de la Banque, dont
40 % des membres ont rejoint la Banque ces trois dernières années, enrichissant
ainsi de leurs talents et de leurs diversités culturelles notre travail.
Je remercie notre Conseil d`administration sortant, dont les membres ont été
d’excellents représentants de leur pays et des partenaires efficaces de la
direction.
Certes, dans ce processus, j`ai été le premier responsable et le capitaine, mais
nos réalisations sont collectives.
Je remercie les institutions soeurs, l`UA, les CER, la CEA, les institutions
financières internationales et les partenaires de la Banque à travers le monde
pour leur collaboration loyale.
Au cours des récentes turbulences, l’Afrique a montré sa capacité de résistance.
Et la Banque africaine de développement a fait ses preuves, et a montré
l’avantage comparatif qu’elle présente pour l`Afrique. Elle a aussi montré qu’elle
était une institution mûre qui sait ce qu’il faut faire.
Une Banque, capable de gérer le changement, confronter les incertitudes, et
de saisir les opportunités en temps normal comme en temps de crise.
Et maintenant, la Banque est prête pour la phase suivante.
Je vous souhaite de fructueuses délibérations.
Je vous remercie de votre attention.