Du 31 mai au 1er juin prochain, se tiendra à Nice le traditionnel sommet Afrique- France. Le président français Nicolas Sarkozy accueillera pour la circonstance une bonne quarantaine de chefs d’Etat et de gouvernement venus du continent noir. Parmi les grands absents à ce sommet, on notera le président Laurent Gbagbo. Contrairement à certaines supputations, le chef de l’Etat ivoirien n’a pas décliné l‘invitation de son homologue français. La Côte d’Ivoire sera représentée par un de ses dignes fils, en l’occurrence le président du Conseil Economique et Social Laurent Dona Fologo. Pour qui connaît l’envergure de cet homme politique blanchi sous le harnois, le président ivoirien ne pouvait choisir meilleur représentant que ce fin connaisseur des arcanes de la politique nationale et internationale. En 22 années de présence sans discontinuer au gouvernement en qualité de ministre, ce disciple de Félix Houphouët- Boigny (15 années dans ses différents gouvernements), connaît nombre des dirigeants africains qui répondront présents au sommet de Nice. Après Houphouët, LDF est toujours resté ce grand serviteur de l’Etat, prêt à se mettre au service de son pays plutôt que des hommes. Le 7décembre 1993, à la mort du père de la Nation, il a soutenu de tout son poids l’application intégrale de l’article 11 de la Constitution qui réglait la question de la succession, coupant ainsi l‘herbe sous les pieds de ceux qui étaient tentés par d’autres voies autre que celle tracée par Félix Houphouët- Boigny. Républicain dans l’âme, il l’a également prouvé le 20 septembre 2002 au lendemain du déclenchement de la rébellion, en appelant à la résistance et à la défense de l’ordre constitutionnel. Lors de son historique appel au sursaut national, il avait lancé à ses compatriotes cette mémorable phrase : « Lorsque le village brûle, toutes les eaux sont bonnes pour éteindre l’incendie ». Ses prises de position courageuses, son amour immodéré pour son pays, expliquent l’hommage que rendent unanimement à chaque occasion, mouvements de jeunesses, associations de femmes, groupements religieux toutes tendances confondues, à cet infatigable artisan de la paix. C’est cet homme de consensus, ce patriote au sens élevé du devoir, que le président Laurent Gbagbo a naturellement choisi pour conduire la délégation gouvernementale aux pourparlers de paix avec l’ex- rébellion à Lomé au Togo d’octobre à décembre 2002. C’est encore ce souci de voir son pays enfin retrouver la paix qui l’a amené à créer le 30 avril 2003, le Rassemblement pour la Paix et le Progrès, (RPP), mouvement qui sera transformé plus tard en parti politique sous le nom de Rassemblement pour la Paix, le Progrès et le Partage, (RPPP). Cet homme politique de grande expérience continue de bénéficier de la confiance du chef de l‘Etat qui le charge d’autres missions plus importantes. C’est ce qui explique justement sa présence à cette rencontre au sommet entre le président français et ses pairs africains à Nice. Le chef de l’Etat ivoirien qui accueille actuellement les Assemblées de la BAD à Abidjan, a choisi pour le représenter, un fin connaisseur des relations franco- africaines. En effet, le personnel politique français, depuis Pompidou et Mitterrand jusqu’à Giscard et Chirac, n’est pas inconnu de Laurent Dona Fologo. Ce journaliste de profession (Tout premier rédacteur en chef à 25 ans de Fraternité matin) que le président Houphouët a appelé au gouvernement à l’âge de 35 ans, est aussi l‘homme des missions délicates, voire difficiles. L’Afrique et le monde entier garderont encore longtemps en mémoire, le souvenir de ce jeune ministre noir accompagné de son épouse blanche, que le père de l’indépendance de la Côte d’Ivoire avait dépêché en septembre 1975 à Pretoria, dans une Afrique du Sud en plein régime de l‘apartheid. Les fruits de ce nécessaire dialogue entre blancs et noirs prôné par le sage de l’Afrique, sont aujourd’hui palpables dans la « Nation arc- en-ciel ». LDF peut valablement s’honorer aujourd’hui d’avoir apporté sa modeste pierre à l’édification de cette Afrique du Sud post apartheid où noirs et blancs vivent désormais en parfaite harmonie. Le choix de Fologo pour représenter la Côte d’Ivoire à ce sommet Afrique- France que Nicolas Sarkozy veut différent des précédents, n’est donc pas fortuit. A l’instar de nombreux hommes politiques africains dont le président Gbagbo, LDF appelle lui aussi de tous ses vœux, à l‘avènement d’un nouvel ordre politique entre la France et ses anciennes colonies. Invité de Fraternité Matin le 11 février 2008, il déclarait à ce propos : « Nous devrions aussi unir nos forces pour examiner ensemble avec nos anciens colonisateurs dans un climat sain, apaisé et serein, les accords tant militaires que commerciaux et diplomatiques vieux de plus de trois décennies. » Propos d’un visionnaire, pourrait-on dire, car depuis un an, à l’initiative du président Sarkozy, plusieurs accords de défense liant l’ancienne puissance coloniale à certains Etats africains ont été revus ou sont en voie de l‘être. Lors de ce sommet Afrique- France qui s’ouvre lundi, Fologo dont le courage et le franc-parler sont connus de tous, sera le porte-voix d’une Côte d’Ivoire et pourquoi pas, d’une Afrique qui veut voir les relations franco- africaines sortir des sentiers battus.
Par Patrick Yéo.
Par Patrick Yéo.