“Patron, il faut vivre dans les cours communes pour voir vraiment comment les Ivoiriens souffrent actuellement».
Ainsi s’exprimait un chauffeur de taxi abidjanais avec qui il m’a été donné d’échanger, il n’y a pas si longtemps. Et les cris de détresse de cette nature, c’est à longueur de journée qu’on les entend, sous des formes variées.
La quasi-totalité des Ivoiriens souffrent le martyre aujourd’hui. A coté d’eux, les refondateurs apparaissent comme des bienheureux, tellement l’écart est grand entre leurs conditions de vie et celles des autres Ivoiriens.
C’est pourquoi, aveuglée par son nombrilisme, la clique des refondateurs ne cesse de pérorer : " Tout va bien, tout va très bien. Tout irait encore mieux s’il n’y avait pas eu la guerre… Mais donnez-nous encore cinq ans. Grâce à la politique clairvoyante de notre chef, la Côte d’Ivoire sera un vrai paradis sur terre…". Et patati, et patata. Tous ceux qui ont des yeux pour voir et qui vivent dans notre " grande cour commune nationale", savent que c’est du blabla tout cela. Tous ceux qui ont une mémoire, tous ceux qui ont un cœur et qui n’en peuvent plus de souffrir, savent que la seule alternative qui s’offre à eux, c’est de chasser les refondateurs du pouvoir. Conscients de cela, ils rusent continuellement avec le processus électoral. La conservation du pouvoir est, pour eux, la fin qui justifie les moyens.
En raison de tout cela donc, il faut lutter. Il faut se préparer à la lutte. Il faut s’en tenir aux moyens démocratiques de pression autorisés par la loi et que nul ne doit amoindrir. Il nous faut respecter nos valeurs propres de démocratie et de paix. Il nous faut agir conformément à nos objectifs et à nos moyens. C’est le lieu de rappeler que dès sa naissance le 18 mai 2005 à Paris, le RHDP (Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix) a bien indiqué ses objectifs et les moyens qu’il entendait mettre en œuvre pour les atteindre.
Au titre de ses objectifs, le RHDP précise : "les partis du Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP) visent comme objectif principal la conquête et l’exercice du pouvoir d’Etat par la victoire à la présidentielle… et l’obtention d’une majorité parlementaire".
S’agissant des moyens, le RHDP précise également : "Pour atteindre leurs objectifs majeurs, les partis du Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP) s’engagent fermement à utiliser tous les moyens démocratiques prévus par les lois et règlements en vigueur".
C’est donc en totale conformité avec ses objectifs et les moyens pour les atteindre que le RHDP agit depuis sa naissance.
Ainsi, après la dissolution du gouvernement et de la CEI le 12 Février 2010 par le chef de l’Etat, le RHDP a lancé un mot d’ordre de manifestations pour protester contre cette double dissolution.
Pour rappel, voici ce que déclarait le Directoire du RHDP à cette occasion : " le RHDP appelle les Ivoiriens et les Ivoiriennes, les forces politiques et sociales, la société civile, les travailleurs de Côte d’Ivoire, les opérateurs économiques, à se mobiliser et à s’opposer par tout moyen à cette dictature".
A la suite de cet appel, des marches mémorables furent organisées partout en Côte d’Ivoire et par les Ivoiriens de la diaspora. Ce fut un succès total. Mais ce succès sera vite terni par les nombreuses tueries perpétrées dans nos rangs par le pouvoir.
Le 3 Mars 2010, le Directoire du RHDP décide de suspendre son mot d’ordre de manifestations, au grand dam des militants et sympathisants qui verront un mois plus tard dans la marche projetée par le RJDP (Rassemblement des Jeunes pour la Démocratie et la Paix) l’occasion, comme ils disent, de "jouer le match-retour".
C’est ce qui explique sans doute que le report à une date ultérieure de cette marche pacifique qui était programmée pour le 15 Mai 2010 ait été ressenti par la plupart d’entre eux, surtout par les jeunes, comme un véritable coup de massue. La déception était grande. Les réactions étaient à l’image de cette déception. On a pu entendre des propos très amers et très désobligeants à l’égard de nos leaders, et principalement à l’égard des présidents Henri Konan Bédié et Alassane Dramane Ouattara.
Les refondateurs, croyant notre fin proche, riaient sous cape, en dépit de quelques réactions de façade visant à soutenir nos leaders pour leur "patriotisme et leur esprit de paix". Ils s’extasiaient sur les qualités de " grand stratège et de génie politique" de leur chef.
Mais, "à quelque chose malheur est bon", dit le proverbe. Il a fallu le ratage de la marche du 15 Mai 2010 pour qu’on se rende compte de deux choses.
Premièrement, dans l’esprit de la plupart d’entre nous la confusion entre le but et les moyens de la lutte est grande.
Deuxièmement, la plupart d’entre nous considèrent que point n’est besoin d’une stratégie spéciale pour organiser une manifestation de rue, et encore moins une marche.
N’ayant pas été dans le secret des dieux, j’ignore comment la marche du 15 Mai s’est préparée, hormis quelques propos des leaders du RJDP rapportés par les journaux sur la motivation de leurs militants et sympathisants.
Nos leaders, en toute connaissance de cause, ont estimé qu’il y a eu manque de coordination. Pour cette raison et pour d’autres (dont le risque d’affrontements sanglants dû à des infiltrations) en fonction des renseignements qui leur parvenaient grâce à leurs réseaux respectifs, ils ont donc reporté la marche du 15 Mai 2010, fidèles en cela aux principes de paix, de dialogue et de respect de la vie humaine, si chers aux houphouétistes. Certains ont vite fait de crier à la trahison. Nos leaders ont-ils renoncé à l’objectif principal du RHDP rappelé plus haut et qui est "la conquête et l’exercice du pouvoir d’Etat" ? Assurément non. Car sur les objectifs, l’engagement de nos leaders est total. Leur détermination est sans faille.
Sur les moyens, on pourrait épiloguer car même si la loi les délimite, la manière de les mettre en œuvre dépend de nous.
Arrêtons donc de ressasser nos récriminations, arrêtons définitivement nos jérémiades et préparons-nous à la lutte.
Préparons-nous à la lutte, parce que les refondateurs sont plus que jamais déterminés à conserver le pouvoir, en dépit de leur minorité et des souffrances inouïes qu’ils infligent aux ivoiriens du fait de leur gestion catastrophique à tout point de vue, et sans comparaison dans l’histoire de notre pays, mais surtout en raison de leurs nombreux tours de passe-passe dans le but inavoué de ne pas aller aux élections.
Préparons-nous à la lutte, parce que c’est le seul moyen d’obtenir des élections justes et transparentes, c’est le seul moyen pour nous de parvenir au pouvoir, pour changer la Côte d’Ivoire.
Mais comment se préparer ?
Il faut se préparer stratégiquement, psychologiquement, diplomatiquement.
Il faut se préparer stratégiquement
Sans entrer dans les détails et sans dévoiler certaines tactiques, disons qu’il faut commencer par faire une différence très nette entre nos objectifs et nos moyens. Les objectifs ont fait l’objet d’un consensus et aucun membre du groupe, au risque de s’exclure, ne peut isolément les modifier ni les remettre en cause.
Quant aux moyens, bien que délimités par la loi, ils sont interchangeables et peuvent se combiner.
Le fait de prendre l’un de ces deux éléments pour l’autre, a entraîné une grande méprise dans nos rangs depuis l’annonce du report de la marche du 15 Mai.
Les moyens démocratiques de lutte que la loi met à notre disposition doivent nous permettre premièrement d’éveiller la conscience de nos membres, deuxièmement d’alerter l’opinion internationale sur les problèmes qui nous préoccupent, et troisièmement de faire pression sur le pouvoir. Comme on le voit, il est donc nécessaire que pour chaque moyen, une stratégie de lutte soit mise en place.
- Cela signifie que l’affaire ne doit être prise en main que par des gens qui s’y connaissent, conformément au précepte ancien selon lequel "il faut bien être stratège pour diriger une bataille".
- Cela signifie qu’il faut savoir que pour les manifestations de rue par exemple, (marches et sit-in surtout) les questions liées à l’itinéraire, aux arrêts et replis, aux messages et slogans, à la durée de la manifestation, au ravitaillement des manifestants, à l’animation, à la sécurité, à la détection des infiltrés, à l’encadrement, à la fin de la marche et à la dispersion des manifestants etc seront passées au peigne fin avant toute chose.
- Cela signifie qu’il faut savoir que pour une grève par exemple, toutes les questions relatives aux négociations, à la détection et à la neutralisation des briseurs de grève, à la communication, à l’encadrement et au ravitaillement des grévistes, aux alliances, aux conditions de la suspension et de la fin de la grève, seront méticuleusement étudiées avant le lancement du mot d’ordre de grève.
- Cela signifie que pour une opération "ville morte" par exemple, nous devons savoir qu’une bonne communication et une grande action de sensibilisation sont nécessaires, et que parfois, si les choses sont bien préparées, il suffira de quelques heures voire de quelques minutes pour la réussite de l’opération, car la population supporte difficilement une journée entière d’immobilisme.
- Cela signifie enfin que pour toute autre opération, pour toute action, les choses doivent être prises sérieusement en main, que chaque détail sera étudié et que rien ne sera laissé au hasard ; qu’un "mouvement de désobéissance civile organisé" sera effectivement organisé ; qu’un mouvement de boycott par exemple saura bien choisir son objet, sa cible, ses moyens etc.
A propos de l’efficacité de tous ces moyens, il faut se souvenir que quelqu’un a dit : « les marches, ça marche ! » C’est dire qu’une marche bien organisée et bien conduite peut constituer pour l’opposition un puissant moyen de lutte contre le pouvoir.
Bien entendu, sur le terrain de la lute politique, il faut savoir anticiper, sentir la direction du vent, avoir l’imagination fertile et trouver des actions bien adaptées au contexte et à l’environnement. A condition cependant que l’action à mener soit mobilisatrice, que les mots d’ordre soient clairs, et que cette action ne puisse pas être considérée comme séditieuse ou comme un trouble à l’ordre public par le pouvoir, qui est toujours enclin à se barricader derrière un arsenal de lois et de textes règlementaires pour casser les mouvements de protestation.
Il faut également se préparer psychologiquement.
l Chacun de nous doit être convaincu que la préparation psychologique est de la plus grande importance. Cette préparation psychologique fait bien entendu partie de la stratégie d’ensemble. Mais si nous l’abordons singulièrement, c’est parce qu’à la différence des mouvements de rue, des grèves et des mouvements de boycott, ici la préparation s’adresse à chaque individu. Chacun doit savoir que le but de la propagande politique c’est de modifier notre opinion et notre comportement en faveur du pouvoir.
- Il faut donc savoir déceler et rejeter tout propos et toute action propagandiste.
- Il faut savoir que dans sa « guerre des nerfs » dirigée contre nous, le pouvoir ne craint pas de désinformer par l’usage stratégique des rumeurs et des bruits multiples, des faux-semblants, des insinuations malveillantes, qui tendent tous à saper notre moral et à faire passer nos leaders pour des vendus et des poltrons indignes de nous diriger.
- Il faut savoir résister aux opérations de charme et d’endormissement et se dire qu’en période de lutte, ce qui est bon pour notre adversaire ne l’est pas forcément pour nous.
- Nous devons par-dessus tout être prêts à supporter toutes les souffrances et toutes les privations qu’une éventuelle répression pourrait nous causer, en nous disant que c’est le prix à payer pour la libération de notre pays et pour une vie meilleure.
- Nous devons être convaincus qu’une marche de protestation politique par exemple n’est pas une simple balade de quartier ni une promenade dominicale de santé, mais bien un mouvement de lutte qui, bien qu’étant pacifique de nature, peut dégénérer à tout moment par suite de provocations.
Il faut enfin se préparer diplomatiquement
La préparation diplomatique fait également partie de la stratégie générale. Mais si nous la distinguons, c’est en raison de sa spécificité comme nous l’avons fait dans le cas de la préparation psychologique.
La spécificité de la préparation diplomatique tient à ce qu’ici, les acteurs ne sont pas nos militants et sympathisants, mais nos leaders.
- Dans ce domaine, nos adversaires ne perdent pas leur temps. Pour tenter de sortir de l’isolement dans lequel ils se sont mis à cause de leur politique de xénophobie, d’ethnicisme et d’autochtonie, ils ont mis, juste le temps des élections, un bémol à leur profond désir de « désinfection et de purification de la Côte d’Ivoire », ils ont mis un bémol à leur besoin inextinguible « d’ivoiriser le nord de la Côte d’Ivoire».
- Ils vont donc d’une capitale africaine à une autre, d’une festivité à une autre, non seulement pour festoyer avec les autres (ce qui est dans l’ordre des choses) mais surtout pour profiter de ce grand rassemblement de personnalités politiques, pour faire patte de velours.
- Devant cette offensive diplomatique sans vergogne, une contre offensive tous-azimuts s’impose. Toutes les ressources de la diplomatie devront être exploitées. Il faut systématiquement relever et dénoncer tous les manquements, toutes les promesses non tenues, tous les engagements foulés aux pieds et prendre l’opinion internationale à témoin.
En conclusion, il faut dire que ce canevas très sommaire a été dressé pour parer au plus pressé. Ce sont des éléments non exhaustifs qui ne sauraient remplacer la formation à une véritable culture stratégique, c'est-à-dire une préparation à l’univers du combat politique.
Celle-ci est longue, elle demande du temps et de la patience, mais s’acquiert et se fortifie surtout dans l’action.
Allons donc au combat et libérons la Côte d’Ivoire.
BLE Mamadou
Conseiller du Président Alassane Dramane Ouattara
Directeur Départemental de Campagne à Man
Ainsi s’exprimait un chauffeur de taxi abidjanais avec qui il m’a été donné d’échanger, il n’y a pas si longtemps. Et les cris de détresse de cette nature, c’est à longueur de journée qu’on les entend, sous des formes variées.
La quasi-totalité des Ivoiriens souffrent le martyre aujourd’hui. A coté d’eux, les refondateurs apparaissent comme des bienheureux, tellement l’écart est grand entre leurs conditions de vie et celles des autres Ivoiriens.
C’est pourquoi, aveuglée par son nombrilisme, la clique des refondateurs ne cesse de pérorer : " Tout va bien, tout va très bien. Tout irait encore mieux s’il n’y avait pas eu la guerre… Mais donnez-nous encore cinq ans. Grâce à la politique clairvoyante de notre chef, la Côte d’Ivoire sera un vrai paradis sur terre…". Et patati, et patata. Tous ceux qui ont des yeux pour voir et qui vivent dans notre " grande cour commune nationale", savent que c’est du blabla tout cela. Tous ceux qui ont une mémoire, tous ceux qui ont un cœur et qui n’en peuvent plus de souffrir, savent que la seule alternative qui s’offre à eux, c’est de chasser les refondateurs du pouvoir. Conscients de cela, ils rusent continuellement avec le processus électoral. La conservation du pouvoir est, pour eux, la fin qui justifie les moyens.
En raison de tout cela donc, il faut lutter. Il faut se préparer à la lutte. Il faut s’en tenir aux moyens démocratiques de pression autorisés par la loi et que nul ne doit amoindrir. Il nous faut respecter nos valeurs propres de démocratie et de paix. Il nous faut agir conformément à nos objectifs et à nos moyens. C’est le lieu de rappeler que dès sa naissance le 18 mai 2005 à Paris, le RHDP (Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix) a bien indiqué ses objectifs et les moyens qu’il entendait mettre en œuvre pour les atteindre.
Au titre de ses objectifs, le RHDP précise : "les partis du Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP) visent comme objectif principal la conquête et l’exercice du pouvoir d’Etat par la victoire à la présidentielle… et l’obtention d’une majorité parlementaire".
S’agissant des moyens, le RHDP précise également : "Pour atteindre leurs objectifs majeurs, les partis du Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP) s’engagent fermement à utiliser tous les moyens démocratiques prévus par les lois et règlements en vigueur".
C’est donc en totale conformité avec ses objectifs et les moyens pour les atteindre que le RHDP agit depuis sa naissance.
Ainsi, après la dissolution du gouvernement et de la CEI le 12 Février 2010 par le chef de l’Etat, le RHDP a lancé un mot d’ordre de manifestations pour protester contre cette double dissolution.
Pour rappel, voici ce que déclarait le Directoire du RHDP à cette occasion : " le RHDP appelle les Ivoiriens et les Ivoiriennes, les forces politiques et sociales, la société civile, les travailleurs de Côte d’Ivoire, les opérateurs économiques, à se mobiliser et à s’opposer par tout moyen à cette dictature".
A la suite de cet appel, des marches mémorables furent organisées partout en Côte d’Ivoire et par les Ivoiriens de la diaspora. Ce fut un succès total. Mais ce succès sera vite terni par les nombreuses tueries perpétrées dans nos rangs par le pouvoir.
Le 3 Mars 2010, le Directoire du RHDP décide de suspendre son mot d’ordre de manifestations, au grand dam des militants et sympathisants qui verront un mois plus tard dans la marche projetée par le RJDP (Rassemblement des Jeunes pour la Démocratie et la Paix) l’occasion, comme ils disent, de "jouer le match-retour".
C’est ce qui explique sans doute que le report à une date ultérieure de cette marche pacifique qui était programmée pour le 15 Mai 2010 ait été ressenti par la plupart d’entre eux, surtout par les jeunes, comme un véritable coup de massue. La déception était grande. Les réactions étaient à l’image de cette déception. On a pu entendre des propos très amers et très désobligeants à l’égard de nos leaders, et principalement à l’égard des présidents Henri Konan Bédié et Alassane Dramane Ouattara.
Les refondateurs, croyant notre fin proche, riaient sous cape, en dépit de quelques réactions de façade visant à soutenir nos leaders pour leur "patriotisme et leur esprit de paix". Ils s’extasiaient sur les qualités de " grand stratège et de génie politique" de leur chef.
Mais, "à quelque chose malheur est bon", dit le proverbe. Il a fallu le ratage de la marche du 15 Mai 2010 pour qu’on se rende compte de deux choses.
Premièrement, dans l’esprit de la plupart d’entre nous la confusion entre le but et les moyens de la lutte est grande.
Deuxièmement, la plupart d’entre nous considèrent que point n’est besoin d’une stratégie spéciale pour organiser une manifestation de rue, et encore moins une marche.
N’ayant pas été dans le secret des dieux, j’ignore comment la marche du 15 Mai s’est préparée, hormis quelques propos des leaders du RJDP rapportés par les journaux sur la motivation de leurs militants et sympathisants.
Nos leaders, en toute connaissance de cause, ont estimé qu’il y a eu manque de coordination. Pour cette raison et pour d’autres (dont le risque d’affrontements sanglants dû à des infiltrations) en fonction des renseignements qui leur parvenaient grâce à leurs réseaux respectifs, ils ont donc reporté la marche du 15 Mai 2010, fidèles en cela aux principes de paix, de dialogue et de respect de la vie humaine, si chers aux houphouétistes. Certains ont vite fait de crier à la trahison. Nos leaders ont-ils renoncé à l’objectif principal du RHDP rappelé plus haut et qui est "la conquête et l’exercice du pouvoir d’Etat" ? Assurément non. Car sur les objectifs, l’engagement de nos leaders est total. Leur détermination est sans faille.
Sur les moyens, on pourrait épiloguer car même si la loi les délimite, la manière de les mettre en œuvre dépend de nous.
Arrêtons donc de ressasser nos récriminations, arrêtons définitivement nos jérémiades et préparons-nous à la lutte.
Préparons-nous à la lutte, parce que les refondateurs sont plus que jamais déterminés à conserver le pouvoir, en dépit de leur minorité et des souffrances inouïes qu’ils infligent aux ivoiriens du fait de leur gestion catastrophique à tout point de vue, et sans comparaison dans l’histoire de notre pays, mais surtout en raison de leurs nombreux tours de passe-passe dans le but inavoué de ne pas aller aux élections.
Préparons-nous à la lutte, parce que c’est le seul moyen d’obtenir des élections justes et transparentes, c’est le seul moyen pour nous de parvenir au pouvoir, pour changer la Côte d’Ivoire.
Mais comment se préparer ?
Il faut se préparer stratégiquement, psychologiquement, diplomatiquement.
Il faut se préparer stratégiquement
Sans entrer dans les détails et sans dévoiler certaines tactiques, disons qu’il faut commencer par faire une différence très nette entre nos objectifs et nos moyens. Les objectifs ont fait l’objet d’un consensus et aucun membre du groupe, au risque de s’exclure, ne peut isolément les modifier ni les remettre en cause.
Quant aux moyens, bien que délimités par la loi, ils sont interchangeables et peuvent se combiner.
Le fait de prendre l’un de ces deux éléments pour l’autre, a entraîné une grande méprise dans nos rangs depuis l’annonce du report de la marche du 15 Mai.
Les moyens démocratiques de lutte que la loi met à notre disposition doivent nous permettre premièrement d’éveiller la conscience de nos membres, deuxièmement d’alerter l’opinion internationale sur les problèmes qui nous préoccupent, et troisièmement de faire pression sur le pouvoir. Comme on le voit, il est donc nécessaire que pour chaque moyen, une stratégie de lutte soit mise en place.
- Cela signifie que l’affaire ne doit être prise en main que par des gens qui s’y connaissent, conformément au précepte ancien selon lequel "il faut bien être stratège pour diriger une bataille".
- Cela signifie qu’il faut savoir que pour les manifestations de rue par exemple, (marches et sit-in surtout) les questions liées à l’itinéraire, aux arrêts et replis, aux messages et slogans, à la durée de la manifestation, au ravitaillement des manifestants, à l’animation, à la sécurité, à la détection des infiltrés, à l’encadrement, à la fin de la marche et à la dispersion des manifestants etc seront passées au peigne fin avant toute chose.
- Cela signifie qu’il faut savoir que pour une grève par exemple, toutes les questions relatives aux négociations, à la détection et à la neutralisation des briseurs de grève, à la communication, à l’encadrement et au ravitaillement des grévistes, aux alliances, aux conditions de la suspension et de la fin de la grève, seront méticuleusement étudiées avant le lancement du mot d’ordre de grève.
- Cela signifie que pour une opération "ville morte" par exemple, nous devons savoir qu’une bonne communication et une grande action de sensibilisation sont nécessaires, et que parfois, si les choses sont bien préparées, il suffira de quelques heures voire de quelques minutes pour la réussite de l’opération, car la population supporte difficilement une journée entière d’immobilisme.
- Cela signifie enfin que pour toute autre opération, pour toute action, les choses doivent être prises sérieusement en main, que chaque détail sera étudié et que rien ne sera laissé au hasard ; qu’un "mouvement de désobéissance civile organisé" sera effectivement organisé ; qu’un mouvement de boycott par exemple saura bien choisir son objet, sa cible, ses moyens etc.
A propos de l’efficacité de tous ces moyens, il faut se souvenir que quelqu’un a dit : « les marches, ça marche ! » C’est dire qu’une marche bien organisée et bien conduite peut constituer pour l’opposition un puissant moyen de lutte contre le pouvoir.
Bien entendu, sur le terrain de la lute politique, il faut savoir anticiper, sentir la direction du vent, avoir l’imagination fertile et trouver des actions bien adaptées au contexte et à l’environnement. A condition cependant que l’action à mener soit mobilisatrice, que les mots d’ordre soient clairs, et que cette action ne puisse pas être considérée comme séditieuse ou comme un trouble à l’ordre public par le pouvoir, qui est toujours enclin à se barricader derrière un arsenal de lois et de textes règlementaires pour casser les mouvements de protestation.
Il faut également se préparer psychologiquement.
l Chacun de nous doit être convaincu que la préparation psychologique est de la plus grande importance. Cette préparation psychologique fait bien entendu partie de la stratégie d’ensemble. Mais si nous l’abordons singulièrement, c’est parce qu’à la différence des mouvements de rue, des grèves et des mouvements de boycott, ici la préparation s’adresse à chaque individu. Chacun doit savoir que le but de la propagande politique c’est de modifier notre opinion et notre comportement en faveur du pouvoir.
- Il faut donc savoir déceler et rejeter tout propos et toute action propagandiste.
- Il faut savoir que dans sa « guerre des nerfs » dirigée contre nous, le pouvoir ne craint pas de désinformer par l’usage stratégique des rumeurs et des bruits multiples, des faux-semblants, des insinuations malveillantes, qui tendent tous à saper notre moral et à faire passer nos leaders pour des vendus et des poltrons indignes de nous diriger.
- Il faut savoir résister aux opérations de charme et d’endormissement et se dire qu’en période de lutte, ce qui est bon pour notre adversaire ne l’est pas forcément pour nous.
- Nous devons par-dessus tout être prêts à supporter toutes les souffrances et toutes les privations qu’une éventuelle répression pourrait nous causer, en nous disant que c’est le prix à payer pour la libération de notre pays et pour une vie meilleure.
- Nous devons être convaincus qu’une marche de protestation politique par exemple n’est pas une simple balade de quartier ni une promenade dominicale de santé, mais bien un mouvement de lutte qui, bien qu’étant pacifique de nature, peut dégénérer à tout moment par suite de provocations.
Il faut enfin se préparer diplomatiquement
La préparation diplomatique fait également partie de la stratégie générale. Mais si nous la distinguons, c’est en raison de sa spécificité comme nous l’avons fait dans le cas de la préparation psychologique.
La spécificité de la préparation diplomatique tient à ce qu’ici, les acteurs ne sont pas nos militants et sympathisants, mais nos leaders.
- Dans ce domaine, nos adversaires ne perdent pas leur temps. Pour tenter de sortir de l’isolement dans lequel ils se sont mis à cause de leur politique de xénophobie, d’ethnicisme et d’autochtonie, ils ont mis, juste le temps des élections, un bémol à leur profond désir de « désinfection et de purification de la Côte d’Ivoire », ils ont mis un bémol à leur besoin inextinguible « d’ivoiriser le nord de la Côte d’Ivoire».
- Ils vont donc d’une capitale africaine à une autre, d’une festivité à une autre, non seulement pour festoyer avec les autres (ce qui est dans l’ordre des choses) mais surtout pour profiter de ce grand rassemblement de personnalités politiques, pour faire patte de velours.
- Devant cette offensive diplomatique sans vergogne, une contre offensive tous-azimuts s’impose. Toutes les ressources de la diplomatie devront être exploitées. Il faut systématiquement relever et dénoncer tous les manquements, toutes les promesses non tenues, tous les engagements foulés aux pieds et prendre l’opinion internationale à témoin.
En conclusion, il faut dire que ce canevas très sommaire a été dressé pour parer au plus pressé. Ce sont des éléments non exhaustifs qui ne sauraient remplacer la formation à une véritable culture stratégique, c'est-à-dire une préparation à l’univers du combat politique.
Celle-ci est longue, elle demande du temps et de la patience, mais s’acquiert et se fortifie surtout dans l’action.
Allons donc au combat et libérons la Côte d’Ivoire.
BLE Mamadou
Conseiller du Président Alassane Dramane Ouattara
Directeur Départemental de Campagne à Man