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Politique Publié le samedi 5 juin 2010 | Le Patriote

Les réformes juridiques d’abord

De nombreux Africains, leurs partenaires internationaux et plusieurs hommes d’affaires travaillant avec l’Afrique se sont laissés persuader que sur ce continent, le piston politique remplace sans difficultés l’analyse commerciale et financière du risque et protège leurs investissements contre les réalités du marché africain.

La culture politique dominante en Afrique qui inspire les Etats, les gouvernements, les administrations, les entrepreneurs, ne traduit cependant que le programme particulier des partis uniques et de leur régime civil ou militaire au pouvoir. La corruption, contrairement à ce que croît le Président Bédié de la Côte d’Ivoire, ne vient pas du colon et des pays du Nord. Il ne s’agit que de l’expression d’un puissant conservatisme qui sous-tend les traditions et la culture du parti unique qu’il confond avec la culture de la pauvreté, alors que ce dernier dérive du premier. Dans son ouvrage intitulé «Sur les chemins de ma vie» et publié chez Plon à Paris en 1999, le chef de l’Etat ivoirien soutient que les membres du G7 se trompent lorsqu’ils estiment que les pays en développement sont en proie à une corruption généralisée. Pour lui, «c’est au Nord que la corruption existe et donne quelques miettes aux Africains, par le biais de certains agents. Ce sont généralement des investisseurs ou des marchands qui veulent obtenir des contrats facilement et distribuent des pots de vin. S’ils le font ici, c’est qu’ils le pratiquent également chez eux. Je pense même que ces « usages » décriés sont plus développés en Europe et dans les pays avancés (page 212)».

Dans le contexte politique africain, ne pas s’en remettre à ses relations politiques est un gage d’échec dans le monde des affaires. S’en remettre à ses relations politiques est un appel à la corruption institutionnelle et au népotisme généralisé. Pour éviter que ces coûts conduisent aux extrêmes de la pauvreté et du sous-développement, des reformes institutionnelles s’imposent.
Dans les économies africaines, de plus en plus de gens sont convaincus que la question de la corruption ne peut se traiter par des artifices et autres habillages de façades à travers «des campagnes de sensibilisation des masses» sur la bonne gouvernance, le civisme et la moralisation de la vie publique. Ce sont des changements fondamentaux qu’il faut admettre.

Il est presque impossible que les dirigeants actuels de l’Afrique guérissent leurs Etats de la corruption et donnent ainsi l’exemple que leurs économies suivront. Toute tentative donnant aux Etats des occasions de discours incantatoires ne fait que renforcer le développement dirigé par les politiciens des partis uniques et des démocraties apaisées, sources mêmes de la corruption.

Jusqu’à présent, cela n’a pas marché et les politiciens africains n’acceptent presque jamais la responsabilité de leurs erreurs. La responsabilité politique n’a pas de sens en Afrique, alors que les politiciens africains aiment à se mêler des affaires des autres. Au lieu de voir ce qui ne va pas dans leurs propres actions, il est plus simple et politiquement moins risqué de s’en prendre au peuple, à une ethnie, à une profession, à une corporation, ou simplement aux étrangers et pourquoi pas aux bailleurs de fonds dont la complicité est de plus en plus soupçonnée.

Les reformes radicales, si elles ne sont pas faites à temps, peuvent conduire soit à la rébellion (les cas de Suharto et de Mobutu), soit à l’informalisation de l’économie, de la politique et de la vie tout court. Le statut quo conformiste, qui voit la pauvreté et la corruption coexister, choque de plus en plus de consciences qui réclament des réformes réelles et profondes. Ces reformes ne doivent, dans un premier temps, que contribuer au rétablissement de la responsabilité, de la liberté et des droits de la propriété, toute chose capable de limiter l’avancée de la corruption.

Le droit de la responsabilité est de faire supporter à chacun les conséquences de ses actes, de ses choix. La responsabilité civile protège la propriété et les personnages des dommages causés à autrui. Comme les individus ne sont pas neutres vis-à-vis du risque, ils ne seront pas indifférents aux règles de responsabilité, qu’elles soient civiles, pénales ou politiques. C’est donc le droit, la justice qu’il faut restructurer, c’est vers l’Etat de droit qu’il faut aller. L’Etat de droit signifie ici la situation dans laquelle le droit s’impose à tous sans exception. Les premières réformes doivent être judiciaires pour rétablir la responsabilité politique des hommes de l’Etat. Les réformes économiques suivront ensuite, avec l’appropriation privée des moyens de production pour obliger le prédateur soit à restreindre son champ d’action, soit à payer pour ses actes.

Réhabiliter le contrat de sorte que les gens se sentent obligés d’exécuter les promesses lorsqu’elles sont à la base de l’échange volontaire. Ces réformes élargiront les rayons de l’échange marchand et réduiront la place de l’altruisme aux relations plutôt familiales et affectives.

En clair, il n’est pas possible de lutter contre la corruption si l’Etat de droit n’est pas instauré. Mais cela ne veut pas dire qu’avec l’Etat de droit, la corruption cesse.

La démocratie est une condition nécessaire pour éradiquer la corruption, même si les démocraties ont elles-mêmes leur dose de corruption. L’Afrique doit d’abord rompre avec l’idéologie du parti unique. Sans un succès dans ce sens, le challenge de l’éradication de la pauvreté ne sera qu’un vœu pieu. Car le coût principal de la corruption, c’est la pauvreté supplémentaire qu’elle impose aux pays.

Par Mamadou Koulibaly in
Le Courrier ACP-UE ; N° 177 Octobre-Novembre 1999
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