Lauréat du Prix CNN dans la catégorie presse écrite Francophone, le 29 mai dernier à Kampala (Ouganda), Alexandre Lebel, journaliste au Service des Grandes Enquêtes du Patriote dévoile la pertinence de son sujet, les méandres de la remise du prix et les responsabilités qui sont les siennes, désormais, et celles du journal où il exerce.
Le Patriote : Comment l’idée de traiter le sujet qui vous vaut le Prix CNN vous est- elle venue ?
Alexandre Lebel Ilboudo : J’ai réalisé cette enquête parce qu’interpellé par la souffrance des planteurs Burkinabè en situation d’expropriation des terres qu’ils avaient acquises avant 1999 à Tabou de manière légale et incontestable. J’ai estimé qu’il était injuste que dix ans après ce conflit, alors même que leurs tuteurs les avaient soumis à des conditions sévères, puisqu’ils ont été bannis pendant sept ans de la région, en contrepartie de ce qu’on leur reprochait, ces planteurs ne puissent pas encore disposer de leurs plantations. On peut dire que c’est l’injustice qui m’a motivé à faire cette enquête, parce qu’on avait tendance à oublié la souffrance de ces personnes qui vivaient dans l’indifférence de la société. Le Patriote étant un journal qui combat l’injustice sous toutes ses formes, cette enquête ne pouvait qu’être accueillie favorablement. Mais le sujet étant sensible pour ce que vous savez, j’ai tenu à le traiter avec beaucoup de précaution d’où l’équilibre des points de vue des parties concernées qui a fasciné le jury du concours CNN.
LP : Dans quelles conditions avez-vous travaillé sur le terrain ?
ALI: Il y a eu une grande débauche d’énergie et d’énormes risques pour cette enquête. Figurez-vous que j’ai passé cinq jours à Tabou dans le cadre de cette enquête dont deux nuits en campagne pour la collecte de l’information. J’ai passé une nuit avec les planteurs clandestins qui se sont construits une cabane en pleine forêt. Je me suis réveillé le matin trempé de rosée. Mais ce dont j’ai eu le plus peur, dans cette forêt, était d’avoir affaire à un serpent parce que j’ai peur du serpent rien qu’à le voir. Mais mes hôtes, familiers de ces reptiles m’avaient rassuré que dans le cercle dans lequel nous étions, il y avait pas de menace. C’est une expérience que je n’avais pas vécue par le passé.
LP : Quand vous faites une rétrospective, qu’est ce qui vous a le plus marqué chez les populations interrogées sur le terrain ?
ALI : J’ai trouvé sur le terrain des gens démunis, humiliés par une situation face à laquelle ils n’ont aucune solution. Des gens chaleureux, pourtant, qui ne demandent que justice leur soit rendue en ce qui concerne leurs plantations occupées jusque-là par le Président du Conseil Général de San-Pedro, M. Sylvanus Kla qui a racheté leurs terres pendant leur absence de la région. Quand mon enquête avait été publiée, j’ai reçu les félicitations et de Sylvanus Kla et du ministre Sébastien Dano Djédjé qui ont apprécié le professionnalisme avec lequel j’ai traité le sujet. Ils s’étaient même étonnés qu’un journal comme Le Patriote puisque être aussi objectif, étant donné la différence des bords politiques. Cette réaction de leur part m’a aussi touché parce qu’ils reconnaissaient implicitement mon talent. Seulement, j’ai un regret aujourd’hui parce qu’au moment où je suis célébré pour avoir remporté ce prix, les problèmes que j’ai soulevé dans mon enquête demeurent.
Les Burkinabè n’ont pas encore été dédommagés par M. Sylvanus Kla. Or plus ce dédommagement traîne plus leur calvaire s’éternise. Ceci me parait une injustice sociale. Et tout journaliste verrait la chose de cette façon.
LP : Quelles sont les circonstances de remise du trophée à Kampala
ALI : La soirée gala du 29 mai dernier s’est déroulée dans un contexte de stress, parce que nous avions passé quatre jours détendus. Nous nous sommes, entre finalistes, côtoyés, découverts et sympathisés pour la plupart. Pendant les quatre premiers jours, nous n’avions pas le sentiment d’être venus pour une compétition. En dehors des ateliers et des conférences, le reste du temps, nous avions visité la source du Nil, et bien d’autres sites touristiques d’Ouganda. C’est seulement le samedi 29 mai que j’ai réalisé que je pouvais revenir soit avec le prix, soit sans le prix. C’est à 19 heures (heure locale) que la soirée a débuté et quarante minutes plus tard, le jury lâchait mon nom au détriment de ma concurrente Lamia Tagzout du journal Algérien El Watan. C’était un moment inoubliable pour moi.
LP : Lauréat d’un prix aussi prestigieux, dans quel état d’esprit vous vous trouvez en ce moment ?
ALI : Il n’y a pas un mot pour mieux décrire mon état d’esprit en ce moment. J’étais tout simplement submergé. Dès que j’ai reçu mon prix, j’étais pressé de sortir de la salle pour donner la nouvelle à mon directeur de publication et ensuite à mon épouse qui m’a accompagné à cette compétition avec une pluie de prières. Pour moi, tout l’honneur devait revenir à l’initiateur du Service des grandes enquêtes au Patriote.
LP : En général, quand un journaliste gagne un prix international, il est souvent tenté par d’autres aventures qui vont jusqu’à quitter la profession. Est-ce que cela vous tente ?
ALI : Je ne sais pas l’avenir. Mais je n’ambitionne pas de laisser maintenant la plume. Je sais que je peux faire mieux que cet exploit que je viens de réaliser parce que j’ai confiance en moi. Et tant que je serai dans les conditions optimales de travail, je ne vois pas pourquoi j’abandonnerai ce que je sais le mieux faire dans la vie. Je peux même vous dire que mon séjour à Kampala m’a fait remettre des rendez vous que j’avais avec des personnes ressources dans le cadre d’une enquête sur laquelle je travaille. Passés donc les félicitations et les hommages, certes mérités, que l’on me rend, je retourne dans mon milieu naturel, c`est-à-dire le terrain.
LP : Quelle suite entrevoyez- vous pour la suite de votre carrière ?
ALI : Je pense avoir un atout en matière de journalisme d’investigation, parce que c’est ce que je fais à plein temps dans ce journal. C’est une opportunité dont j’ai rêvé depuis que j’ai commencé ce métier en 2000. Le prix que j’ai reçu n’est donc pas le fruit du hasard, c’est le résultat d’un travail constant. Et je suis reconnaissant envers mon Directeur de publication, Charles Sanga qui m’offre l’opportunité depuis deux ans de réaliser ce rêve. Je tiens aussi à éditer un livre parce que je suis aussi un féru de littérature et j’ai un manuscrit sous la main. J’espère pouvoir le faire dans les mois à venir, cela accroîtra certainement ma notoriété et le prestige du quotidien Le Patriote. Il n’est donc pas question de dormir sur mes lauriers. Alors là, pas du tout.
Réalisée par Jean Antoine Doudou
Le Patriote : Comment l’idée de traiter le sujet qui vous vaut le Prix CNN vous est- elle venue ?
Alexandre Lebel Ilboudo : J’ai réalisé cette enquête parce qu’interpellé par la souffrance des planteurs Burkinabè en situation d’expropriation des terres qu’ils avaient acquises avant 1999 à Tabou de manière légale et incontestable. J’ai estimé qu’il était injuste que dix ans après ce conflit, alors même que leurs tuteurs les avaient soumis à des conditions sévères, puisqu’ils ont été bannis pendant sept ans de la région, en contrepartie de ce qu’on leur reprochait, ces planteurs ne puissent pas encore disposer de leurs plantations. On peut dire que c’est l’injustice qui m’a motivé à faire cette enquête, parce qu’on avait tendance à oublié la souffrance de ces personnes qui vivaient dans l’indifférence de la société. Le Patriote étant un journal qui combat l’injustice sous toutes ses formes, cette enquête ne pouvait qu’être accueillie favorablement. Mais le sujet étant sensible pour ce que vous savez, j’ai tenu à le traiter avec beaucoup de précaution d’où l’équilibre des points de vue des parties concernées qui a fasciné le jury du concours CNN.
LP : Dans quelles conditions avez-vous travaillé sur le terrain ?
ALI: Il y a eu une grande débauche d’énergie et d’énormes risques pour cette enquête. Figurez-vous que j’ai passé cinq jours à Tabou dans le cadre de cette enquête dont deux nuits en campagne pour la collecte de l’information. J’ai passé une nuit avec les planteurs clandestins qui se sont construits une cabane en pleine forêt. Je me suis réveillé le matin trempé de rosée. Mais ce dont j’ai eu le plus peur, dans cette forêt, était d’avoir affaire à un serpent parce que j’ai peur du serpent rien qu’à le voir. Mais mes hôtes, familiers de ces reptiles m’avaient rassuré que dans le cercle dans lequel nous étions, il y avait pas de menace. C’est une expérience que je n’avais pas vécue par le passé.
LP : Quand vous faites une rétrospective, qu’est ce qui vous a le plus marqué chez les populations interrogées sur le terrain ?
ALI : J’ai trouvé sur le terrain des gens démunis, humiliés par une situation face à laquelle ils n’ont aucune solution. Des gens chaleureux, pourtant, qui ne demandent que justice leur soit rendue en ce qui concerne leurs plantations occupées jusque-là par le Président du Conseil Général de San-Pedro, M. Sylvanus Kla qui a racheté leurs terres pendant leur absence de la région. Quand mon enquête avait été publiée, j’ai reçu les félicitations et de Sylvanus Kla et du ministre Sébastien Dano Djédjé qui ont apprécié le professionnalisme avec lequel j’ai traité le sujet. Ils s’étaient même étonnés qu’un journal comme Le Patriote puisque être aussi objectif, étant donné la différence des bords politiques. Cette réaction de leur part m’a aussi touché parce qu’ils reconnaissaient implicitement mon talent. Seulement, j’ai un regret aujourd’hui parce qu’au moment où je suis célébré pour avoir remporté ce prix, les problèmes que j’ai soulevé dans mon enquête demeurent.
Les Burkinabè n’ont pas encore été dédommagés par M. Sylvanus Kla. Or plus ce dédommagement traîne plus leur calvaire s’éternise. Ceci me parait une injustice sociale. Et tout journaliste verrait la chose de cette façon.
LP : Quelles sont les circonstances de remise du trophée à Kampala
ALI : La soirée gala du 29 mai dernier s’est déroulée dans un contexte de stress, parce que nous avions passé quatre jours détendus. Nous nous sommes, entre finalistes, côtoyés, découverts et sympathisés pour la plupart. Pendant les quatre premiers jours, nous n’avions pas le sentiment d’être venus pour une compétition. En dehors des ateliers et des conférences, le reste du temps, nous avions visité la source du Nil, et bien d’autres sites touristiques d’Ouganda. C’est seulement le samedi 29 mai que j’ai réalisé que je pouvais revenir soit avec le prix, soit sans le prix. C’est à 19 heures (heure locale) que la soirée a débuté et quarante minutes plus tard, le jury lâchait mon nom au détriment de ma concurrente Lamia Tagzout du journal Algérien El Watan. C’était un moment inoubliable pour moi.
LP : Lauréat d’un prix aussi prestigieux, dans quel état d’esprit vous vous trouvez en ce moment ?
ALI : Il n’y a pas un mot pour mieux décrire mon état d’esprit en ce moment. J’étais tout simplement submergé. Dès que j’ai reçu mon prix, j’étais pressé de sortir de la salle pour donner la nouvelle à mon directeur de publication et ensuite à mon épouse qui m’a accompagné à cette compétition avec une pluie de prières. Pour moi, tout l’honneur devait revenir à l’initiateur du Service des grandes enquêtes au Patriote.
LP : En général, quand un journaliste gagne un prix international, il est souvent tenté par d’autres aventures qui vont jusqu’à quitter la profession. Est-ce que cela vous tente ?
ALI : Je ne sais pas l’avenir. Mais je n’ambitionne pas de laisser maintenant la plume. Je sais que je peux faire mieux que cet exploit que je viens de réaliser parce que j’ai confiance en moi. Et tant que je serai dans les conditions optimales de travail, je ne vois pas pourquoi j’abandonnerai ce que je sais le mieux faire dans la vie. Je peux même vous dire que mon séjour à Kampala m’a fait remettre des rendez vous que j’avais avec des personnes ressources dans le cadre d’une enquête sur laquelle je travaille. Passés donc les félicitations et les hommages, certes mérités, que l’on me rend, je retourne dans mon milieu naturel, c`est-à-dire le terrain.
LP : Quelle suite entrevoyez- vous pour la suite de votre carrière ?
ALI : Je pense avoir un atout en matière de journalisme d’investigation, parce que c’est ce que je fais à plein temps dans ce journal. C’est une opportunité dont j’ai rêvé depuis que j’ai commencé ce métier en 2000. Le prix que j’ai reçu n’est donc pas le fruit du hasard, c’est le résultat d’un travail constant. Et je suis reconnaissant envers mon Directeur de publication, Charles Sanga qui m’offre l’opportunité depuis deux ans de réaliser ce rêve. Je tiens aussi à éditer un livre parce que je suis aussi un féru de littérature et j’ai un manuscrit sous la main. J’espère pouvoir le faire dans les mois à venir, cela accroîtra certainement ma notoriété et le prestige du quotidien Le Patriote. Il n’est donc pas question de dormir sur mes lauriers. Alors là, pas du tout.
Réalisée par Jean Antoine Doudou