Dr Coulibaly Abdouramane, médecin-éducateur et directeur exécutif du centre d’appareillage de Yopougon, lance un SOS pour faciliter la prise en charge des patients.
Pourriez-vous brièvement présenter le centre que vous diriger ?
Le centre d’appareillage est un établissement de réadaptation physique, d’appareillage de personne porteur d’handicap physique. Il existe depuis avril 2000 et est situé dans l’enceinte du Centre hospitalier universitaire de Yopougon (Chu). L’objectif était de combler le vide de l’appareillage de personnes handicapées. Parce qu’il y avait très peu de structures en Côte d‘Ivoire. Ce centre ambitionne de se positionner comme une structure de référence dans la prise en charge de personnes handicapées physiques en couvrant l’ensemble du territoire. Nous avons commencé à Abidjan.
La prochaine étape concerne quelle ville ?
Tout dépend des moyens. Les recherches de financement sont en cours. Nous pourrions démarrer en 2011 à l’intérieur. Les demandes venant du pays profond sont nombreuses. La situation qu’a connue le pays, a fait augmenter le nombre de personnes handicapées. L’année dernière, nous avons enregistré 872 patients. Au début, nous recevions une soixantaine de patients. Aujourd’hui, les chiffres vont grandissant.
N’était-ce pas parce que de nombreux malades ignoraient l’existence du centre ?
Il est vrai que nombreux sont ceux qui ignorent l’existence de ses spécialités médicales. Mais, nous sommes de plus en plus sollicités. Nous avons reçu des patients du Burkina, de la Guinée, etc. Il faut compter également avec l’évolution scientifique. L’objectif est de maintenir les gens en vie. C’est pourquoi il y a l’animation et la réanimation.
Quel appui l’Etat vous apporte-t-il ?
Nous avons signé une convention avec le Chu de Yopougon qui nous permet d’occuper gratuitement les locaux qui nous abritent. Nous ne payons pas l’eau, ni l’électricité. En outre, une partie du personnel vient du Chu. Ce sont donc des fonctionnaires de l’Etat. Tout cet appui nous permet de pratiquer des tarifs plus bas. Nous avons demandé une subvention supplémentaire au gouvernement. Mais, cela n’a pas encore été obtenu.
Pouvez-vous citer des chiffres qui permettent d’établir une relation entre la situation du pays et la forte croissance des cas dont vous parlez?
Nous travaillons avec le Programme national de réinsertion communautaire (Pnrc) pour le traitement des ex-combattants. Nous sommes également en relation avec les associations de victimes civiles de guerre. Ils ont ébauché près de 700 cas. Les autres services de santé nous fournissent également les données notamment la traumatologie, la diabétologie et la cardiologie. Ces services sont au quotidien confrontés aux problèmes d’handicap. Selon les chiffres, à part les cas d’accident, le diabète constitue la première cause d’handicap.
On peut donc dire que le diabète devient une pandémie ?
On peut le dire. C’est pourquoi il faut tout un programme pour éviter la situation extrême. Ensuite, il faut noter la poliomyélite. Elle n’est pas totalement éradiquée.
Quels sont les types d’handicap que vous rencontrez le plus?
40% des patients ont la poliomyélite. Il faut reconnaître que c’est un chiffre qui régresse. L’ulcère de Burili laisse aussi des séquelles. Il y a le diabète et les accidents de circulation. D’ailleurs, les accidents de circulation sont en train d’être un gros pourvoyeur d’handicap.
Quelles sont les différentes prestations du centre ?
A part l’administration, nous avons trois sous-services. Le département social s’occupe de l’accueil des patients. Parce que le handicap cause un chamboulement dans la vie de l’individu. Nous avons l’atelier de production des appareils. Les appareils sont produits après consultation des patients. Il s’agit en général de consultations pluridimensionnelles. Les spécialistes impliqués dans le cas d’un patient se retrouvent pour discuter de l’appareil spécifique qui répond au besoin du patient. Au niveau de l’atelier de soudure, en dehors des prothèses et autres, nous mettons, à disposition des patients, deux types d’appareils qu’on appelle les aides techniques pour améliorer leur mobilité. Comme la canne anglaise. Nous avons enfin le service de gestion qui s’occupe de la facturation et des matières premières.
Combien coûte la consultation ?
Elle était gratuite depuis 2000, mais vu les difficultés financières, elle coûte 1000 F Cfa dans l’optique de toujours rendre le centre accessible. Ce coût prend effet le 1er juin. Ensuite, il y a un pro format qui est remis au patient sur lequel est indiqué l’appareil dont il a besoin. Quand il fournit les moyens financiers, on procède à la fabrication. Au début, dès que le patient payait le tiers, on commençait la fabrication de son objet. Avec les difficultés, les données ont changé. Nous exigeons la moitié aujourd’hui. Avant quand nous engagions les fabrications, les patients ne revenaient plus. Cela a constitué une grosse perte.
Quel est le coût des appareils ?
Nous avons procédé à une légère révision des prix à la hausse. L’Ong Handicap international qui nous épaulait à hauteur de 15 millions, l’année, s’est retirée de la Côte d’Ivoire depuis 2007. La prothèse tibiale coûtait 85 mille francs du temps de l’Ong Handicap. Or, son coût normal est de 250 mille F Cfa. Le manque à gagner était supporté par la subvention. Nous avons procédé à une hausse progressive sans toutefois appliquer le coût réel. Cette année, nous avons envoyé de nombreux courriers aux entreprises et nous attendons le retour. Nous espérons que cette interview sensibilise encore. Si les moyens sont conséquents, nous comptons organiser une journée « portes ouvertes ».
Quels sont vos rapports avec les patients ?
Nous sommes l’un des services où les rapports avec les patients sont les plus durables. Les victimes d’handicap sont tributaires de l’appareillage tout le long de leur vie. Notre objectif est d’intervenir dans l’insertion de nos patients. Mais, nous n’en avons pas les moyens pour l’instant. Toutefois, nous sommes en communion avec les patients.
Dans quel état d’esprit arrivent-ils en général ?
L’ handicap a une répercussion psychologique. Il faut également compter avec la période de survenue de l’handicap. Quand c’est depuis l’enfance, l’individu se forge facilement une personnalité, puisqu’il est habitué. Quand l’ handicap survient à l’âge adulte, c’est plus délicat. C’est en ce moment que le travail psychologique devient important.
Est-il facile de l’amener à accepter son état ?
Par expérience, nous utilisons des exemples. Sinon c’est parfois difficile. Mais quand on met le patient en face de quelqu’un qui vit la même situation que lui, cela nous facilite la tâche. Quand ils me voient, moi-même en tant que personne porteur de séquelles et responsable de centre, cela apporte un plus.
Est-ce pour cela que vous avez choisi ce domaine ?
Je crois. J’ai choisi cette spécialité pour mieux connaître mon mal et à travers cela, rendre service aux autres. Je suis content lorsque les patients partent d’ici avec une vision positive de la vie. Notre souhait est que le patient s’éloigne de la fatalité. Avec l’ handicap tout est possible. Il suffit de faire une adéquation entre ses capacités réelles et ce qu’on veut faire.
Avez-vous eu du mal à vous accommoder de votre handicap ?
Pas du tout. Mon handicap est survenu à bas âge. Il y a eu des moments de la vie où des situations vous rappellent que vous êtes handicapé. Mais au stade où je suis, je ne suis pas en situation de regret. Je me considère épanoui et prêt à ader les autres. La prise en charge des personnes handicapées doit être considérablement souple. Même si la polio est éradiquée demain, il y a d’autres pathologies. Même la vieillesse conduit à l’handicap. Il y a des catastrophes comme Haïti où toute une génération est handicapée du fait du séisme. Il faut des structures dans un pays pour répondre à chaque fois que des situations vont se présenter.
Interview réalisée par Cissé Sindou
Pourriez-vous brièvement présenter le centre que vous diriger ?
Le centre d’appareillage est un établissement de réadaptation physique, d’appareillage de personne porteur d’handicap physique. Il existe depuis avril 2000 et est situé dans l’enceinte du Centre hospitalier universitaire de Yopougon (Chu). L’objectif était de combler le vide de l’appareillage de personnes handicapées. Parce qu’il y avait très peu de structures en Côte d‘Ivoire. Ce centre ambitionne de se positionner comme une structure de référence dans la prise en charge de personnes handicapées physiques en couvrant l’ensemble du territoire. Nous avons commencé à Abidjan.
La prochaine étape concerne quelle ville ?
Tout dépend des moyens. Les recherches de financement sont en cours. Nous pourrions démarrer en 2011 à l’intérieur. Les demandes venant du pays profond sont nombreuses. La situation qu’a connue le pays, a fait augmenter le nombre de personnes handicapées. L’année dernière, nous avons enregistré 872 patients. Au début, nous recevions une soixantaine de patients. Aujourd’hui, les chiffres vont grandissant.
N’était-ce pas parce que de nombreux malades ignoraient l’existence du centre ?
Il est vrai que nombreux sont ceux qui ignorent l’existence de ses spécialités médicales. Mais, nous sommes de plus en plus sollicités. Nous avons reçu des patients du Burkina, de la Guinée, etc. Il faut compter également avec l’évolution scientifique. L’objectif est de maintenir les gens en vie. C’est pourquoi il y a l’animation et la réanimation.
Quel appui l’Etat vous apporte-t-il ?
Nous avons signé une convention avec le Chu de Yopougon qui nous permet d’occuper gratuitement les locaux qui nous abritent. Nous ne payons pas l’eau, ni l’électricité. En outre, une partie du personnel vient du Chu. Ce sont donc des fonctionnaires de l’Etat. Tout cet appui nous permet de pratiquer des tarifs plus bas. Nous avons demandé une subvention supplémentaire au gouvernement. Mais, cela n’a pas encore été obtenu.
Pouvez-vous citer des chiffres qui permettent d’établir une relation entre la situation du pays et la forte croissance des cas dont vous parlez?
Nous travaillons avec le Programme national de réinsertion communautaire (Pnrc) pour le traitement des ex-combattants. Nous sommes également en relation avec les associations de victimes civiles de guerre. Ils ont ébauché près de 700 cas. Les autres services de santé nous fournissent également les données notamment la traumatologie, la diabétologie et la cardiologie. Ces services sont au quotidien confrontés aux problèmes d’handicap. Selon les chiffres, à part les cas d’accident, le diabète constitue la première cause d’handicap.
On peut donc dire que le diabète devient une pandémie ?
On peut le dire. C’est pourquoi il faut tout un programme pour éviter la situation extrême. Ensuite, il faut noter la poliomyélite. Elle n’est pas totalement éradiquée.
Quels sont les types d’handicap que vous rencontrez le plus?
40% des patients ont la poliomyélite. Il faut reconnaître que c’est un chiffre qui régresse. L’ulcère de Burili laisse aussi des séquelles. Il y a le diabète et les accidents de circulation. D’ailleurs, les accidents de circulation sont en train d’être un gros pourvoyeur d’handicap.
Quelles sont les différentes prestations du centre ?
A part l’administration, nous avons trois sous-services. Le département social s’occupe de l’accueil des patients. Parce que le handicap cause un chamboulement dans la vie de l’individu. Nous avons l’atelier de production des appareils. Les appareils sont produits après consultation des patients. Il s’agit en général de consultations pluridimensionnelles. Les spécialistes impliqués dans le cas d’un patient se retrouvent pour discuter de l’appareil spécifique qui répond au besoin du patient. Au niveau de l’atelier de soudure, en dehors des prothèses et autres, nous mettons, à disposition des patients, deux types d’appareils qu’on appelle les aides techniques pour améliorer leur mobilité. Comme la canne anglaise. Nous avons enfin le service de gestion qui s’occupe de la facturation et des matières premières.
Combien coûte la consultation ?
Elle était gratuite depuis 2000, mais vu les difficultés financières, elle coûte 1000 F Cfa dans l’optique de toujours rendre le centre accessible. Ce coût prend effet le 1er juin. Ensuite, il y a un pro format qui est remis au patient sur lequel est indiqué l’appareil dont il a besoin. Quand il fournit les moyens financiers, on procède à la fabrication. Au début, dès que le patient payait le tiers, on commençait la fabrication de son objet. Avec les difficultés, les données ont changé. Nous exigeons la moitié aujourd’hui. Avant quand nous engagions les fabrications, les patients ne revenaient plus. Cela a constitué une grosse perte.
Quel est le coût des appareils ?
Nous avons procédé à une légère révision des prix à la hausse. L’Ong Handicap international qui nous épaulait à hauteur de 15 millions, l’année, s’est retirée de la Côte d’Ivoire depuis 2007. La prothèse tibiale coûtait 85 mille francs du temps de l’Ong Handicap. Or, son coût normal est de 250 mille F Cfa. Le manque à gagner était supporté par la subvention. Nous avons procédé à une hausse progressive sans toutefois appliquer le coût réel. Cette année, nous avons envoyé de nombreux courriers aux entreprises et nous attendons le retour. Nous espérons que cette interview sensibilise encore. Si les moyens sont conséquents, nous comptons organiser une journée « portes ouvertes ».
Quels sont vos rapports avec les patients ?
Nous sommes l’un des services où les rapports avec les patients sont les plus durables. Les victimes d’handicap sont tributaires de l’appareillage tout le long de leur vie. Notre objectif est d’intervenir dans l’insertion de nos patients. Mais, nous n’en avons pas les moyens pour l’instant. Toutefois, nous sommes en communion avec les patients.
Dans quel état d’esprit arrivent-ils en général ?
L’ handicap a une répercussion psychologique. Il faut également compter avec la période de survenue de l’handicap. Quand c’est depuis l’enfance, l’individu se forge facilement une personnalité, puisqu’il est habitué. Quand l’ handicap survient à l’âge adulte, c’est plus délicat. C’est en ce moment que le travail psychologique devient important.
Est-il facile de l’amener à accepter son état ?
Par expérience, nous utilisons des exemples. Sinon c’est parfois difficile. Mais quand on met le patient en face de quelqu’un qui vit la même situation que lui, cela nous facilite la tâche. Quand ils me voient, moi-même en tant que personne porteur de séquelles et responsable de centre, cela apporte un plus.
Est-ce pour cela que vous avez choisi ce domaine ?
Je crois. J’ai choisi cette spécialité pour mieux connaître mon mal et à travers cela, rendre service aux autres. Je suis content lorsque les patients partent d’ici avec une vision positive de la vie. Notre souhait est que le patient s’éloigne de la fatalité. Avec l’ handicap tout est possible. Il suffit de faire une adéquation entre ses capacités réelles et ce qu’on veut faire.
Avez-vous eu du mal à vous accommoder de votre handicap ?
Pas du tout. Mon handicap est survenu à bas âge. Il y a eu des moments de la vie où des situations vous rappellent que vous êtes handicapé. Mais au stade où je suis, je ne suis pas en situation de regret. Je me considère épanoui et prêt à ader les autres. La prise en charge des personnes handicapées doit être considérablement souple. Même si la polio est éradiquée demain, il y a d’autres pathologies. Même la vieillesse conduit à l’handicap. Il y a des catastrophes comme Haïti où toute une génération est handicapée du fait du séisme. Il faut des structures dans un pays pour répondre à chaque fois que des situations vont se présenter.
Interview réalisée par Cissé Sindou