Le Centre de conférences de Bercy – ministère français de l’Economie – a accueilli, pendant toute la journée du 11 juin dernier, le 10è Forum économique international sur l’Afrique. Le modèle ivoirien a été brillamment exposé par le ministre Charles Koffi Diby.
Ce 10è forum du genre, co-organisé par le Centre de développement de l’Organisation de coopération et de développement économiques (Ocde), la Banque africaine de développement (Bad) et la Commission économique pour l’Afrique des Nations Unies, a été l’occasion pour les experts venus d’Afrique et du reste du monde de tirer les leçons de la situation économique du continent. Deux panels ont principalement animé cette importante rencontre autour des thématiques « Quelles perspectives économiques pour l’Afrique en 2010 » et « Fiscalité et développement : quels enjeux pour les économies africaines ? »
Dans son discours de bienvenue, la ministre française de l’Economie, Mme Christine Lagarde, a salué les performances et la capacité de résilience des pays africains à la dernière crise financière mondiale. Une assurance qu’elle tient des études réalisées par la Bad qui prévoit pour l’année en cours, un taux de croissance de 4,5 % contre 5,2 % en 2011. Une année 2010 placée sous de bons auspices qui permettra sûrement de réduire la dépendance de l’Afrique vis-à-vis de l’extérieur et de compenser sa vulnérabilité. « Depuis 2000, a indiqué la ministre française, l’exportation de la France vers l’Afrique a augmenté de 50 % et les investissements ont été multipliés par dix. »
Réitérant les promesses du président Nicolas Sarkozy d’accorder des faveurs aux pays africains lorsque la France présidera le G20 en septembre prochain, Mme Lagarde a rappelé que « la France souhaite demeurer un partenaire incontournable de l’Afrique ». Avant de conseiller que les Africains sortent définitivement du malaise de « l’afropessimisme ».
En dépit de cet optimisme affiché côté français, il n’en demeure pas moins que les problèmes qui se posent aux pays africains sont nombreux. Selon l’Ocde, la crise économique mondiale a démontré avec force que l’Afrique est trop dépendante des flux financiers extérieurs. La baisse des prix des matières premières et des revenus d’exportation, l’incertitude sur les flux d’aide à venir et un déclin attendu à moyen terme de l’investissement direct étranger (IDE) ont provoqué une chute des financements extérieurs dans un contexte de hauts niveaux d’endettement en Afrique. L’Organisation reconnaît néanmoins que la mobilisation des ressources publiques, notamment par la fiscalité est une condition préalable à une plus grande indépendance économique en Afrique.
Intervenant dans le premier panel, M. Charles Koffi Diby a été l’objet de toutes les attractions à ce 10ème forum. Le meilleur ministre des Finances pour l’année 2010 nominé par le groupe de presse britannique The Financial Times, a été maintes fois sollicité pour exposer sur l’exemple de la Côte d’Ivoire qui a prouvé sa capacité de résilience à une double crise aiguë. A savoir la grave crise financière mondiale des trois dernières années et l’interminable crise sociopolitique de 2002.
Les économies africaines ont-elles un bon niveau de résistance à la crise ? Comment ont-elles résisté ? Que peuvent faire les gouvernements africains ? Quelles sont les meilleures pratiques ? Que peut faire la communauté internationale ? Ce sont là quelques questions auxquelles le ministre ivoirien de l’Economie et des Finances à apporter des réponses précises.
« Oui, nos économies peuvent résister. A preuve, je suis le ministre de l’Economie et des Finances d’un pays en crise depuis 2002. Bien que nous n’ayons pas la maîtrise totale du tissu économique du fait de la partition du pays, en attendant une normalisation totale, en 2009, nous avons eu un taux de croissance de 3,8 par rapport à un taux démographique de 3,8. Je rappelle que depuis 10 ans, c’est bien la première fois que la Côte d’Ivoire commence à réduire la pauvreté puisque la croissance du Pib est supérieure à la croissance démographique. Mais cela ne s’est pas fait de façon spontanée. C’est le résultat des réformes engagées pendant la crise », a dit M. Diby.
Il a aussi énoncé que la Côte d’Ivoire s’est attelée à maintenir le taux de croissance de ses ressources propres à environ 15 % chaque année. Une situation qui demande que les dépenses publiques soient optimisées et une gestion très rigoureuse. « En 2009, ajoute-t-il, nous avons eu un déficit public de 1,6 % et avons géré de façon transparente les ressources du pays. C’est le manque de transparence dans la gestion des ressources publiques qui entraîne des conflits. Alors, nous communiquons la gestion budgétaire à tout le public et nous avons entamé tout un ensemble de réformes, notamment au niveau des services fiscaux, du système d’information, grâce à la mise en place d’un logiciel qui nous permet d’avoir l’information en temps réel pour des décisions d’orientation juste. Nous avons d’ailleurs orienté nos dépenses vers les populations les plus vulnérables.»
Selon encore M. Diby, la Côte d’Ivoire ambitionne de transformer son potentiel en richesses. Avec l’accroissement de ses ressources internes et l’épuration de sa dette, elle aura la marge de manœuvre budgétaire suffisante pour investir dans des secteurs productifs avec les partenariats public et privé.
Quant à l’impact de la dernière crise monétaire mondiale sur les économies africaines et plus précisément les conséquences de la crise en Europe sur les économies africaines, le ministre ivoirien s’est montré très rassurant.
« Je me réjouis du fait que nous soyons le premier pays producteur de cacao, car lorsqu’il y a la déprime, beaucoup de personnes mangent du chocolat», ironise-t-il.
La dernière grave crise financière internationale est certes passée, mais une autre pourrait surgir au moment où le monde entier s’y attend le moins. Par précaution, les pays africains, plus vulnérables, devront se préparer à une telle éventualité. De l’avis du ministre ivoirien de l’Economie et des Finances : «Nous devons anticiper sur une crise future qui risque d’être beaucoup plus difficile à gérer. Nous sommes d’accord d’accroître nos ressources et d’avoir une gestion optimisée de nos dépenses de sorte à dégager des marges budgétaires par mesure de prudence, pour pouvoir anticiper sur les risques futurs concernant une économie en récession.»
Mais cette anticipation devra se faire dans le cadre des regroupements monétaires sous-régionaux. C’est pourquoi, le ministre Diby donne ce conseil : « Il faut consolider et fortifier notre intégration. C’est parce que nous étions en Union monétaire et économique que nous avons pu avoir des réponses collectives face à la crise énergétique, alimentaire et financière.» Avant d’indiquer qu’«En Côte d’Ivoire, l’allégement de notre dette et l’accroissement de nos recettes nous donneront une marge de manœuvre assez suffisante. Une gestion crédible et transparente de nos ressources nous permettra d’avoir une bonne gouvernance de sorte que nous puissions crédibiliser notre gestion face aux investisseurs. Ce sont ces perspectives sur lesquelles nous essayons de bâtir toute notre politique de gestion de sorte que le taux de croissance actuelle soit meilleur demain. Et c’est parce que nous aurons suffisamment de ressources qu’il faut redoubler de vigilance et de rigueur.»
Clément Yao
Correspondant permanent en France
Auteur de cet article: Clément Yao
Ce 10è forum du genre, co-organisé par le Centre de développement de l’Organisation de coopération et de développement économiques (Ocde), la Banque africaine de développement (Bad) et la Commission économique pour l’Afrique des Nations Unies, a été l’occasion pour les experts venus d’Afrique et du reste du monde de tirer les leçons de la situation économique du continent. Deux panels ont principalement animé cette importante rencontre autour des thématiques « Quelles perspectives économiques pour l’Afrique en 2010 » et « Fiscalité et développement : quels enjeux pour les économies africaines ? »
Dans son discours de bienvenue, la ministre française de l’Economie, Mme Christine Lagarde, a salué les performances et la capacité de résilience des pays africains à la dernière crise financière mondiale. Une assurance qu’elle tient des études réalisées par la Bad qui prévoit pour l’année en cours, un taux de croissance de 4,5 % contre 5,2 % en 2011. Une année 2010 placée sous de bons auspices qui permettra sûrement de réduire la dépendance de l’Afrique vis-à-vis de l’extérieur et de compenser sa vulnérabilité. « Depuis 2000, a indiqué la ministre française, l’exportation de la France vers l’Afrique a augmenté de 50 % et les investissements ont été multipliés par dix. »
Réitérant les promesses du président Nicolas Sarkozy d’accorder des faveurs aux pays africains lorsque la France présidera le G20 en septembre prochain, Mme Lagarde a rappelé que « la France souhaite demeurer un partenaire incontournable de l’Afrique ». Avant de conseiller que les Africains sortent définitivement du malaise de « l’afropessimisme ».
En dépit de cet optimisme affiché côté français, il n’en demeure pas moins que les problèmes qui se posent aux pays africains sont nombreux. Selon l’Ocde, la crise économique mondiale a démontré avec force que l’Afrique est trop dépendante des flux financiers extérieurs. La baisse des prix des matières premières et des revenus d’exportation, l’incertitude sur les flux d’aide à venir et un déclin attendu à moyen terme de l’investissement direct étranger (IDE) ont provoqué une chute des financements extérieurs dans un contexte de hauts niveaux d’endettement en Afrique. L’Organisation reconnaît néanmoins que la mobilisation des ressources publiques, notamment par la fiscalité est une condition préalable à une plus grande indépendance économique en Afrique.
Intervenant dans le premier panel, M. Charles Koffi Diby a été l’objet de toutes les attractions à ce 10ème forum. Le meilleur ministre des Finances pour l’année 2010 nominé par le groupe de presse britannique The Financial Times, a été maintes fois sollicité pour exposer sur l’exemple de la Côte d’Ivoire qui a prouvé sa capacité de résilience à une double crise aiguë. A savoir la grave crise financière mondiale des trois dernières années et l’interminable crise sociopolitique de 2002.
Les économies africaines ont-elles un bon niveau de résistance à la crise ? Comment ont-elles résisté ? Que peuvent faire les gouvernements africains ? Quelles sont les meilleures pratiques ? Que peut faire la communauté internationale ? Ce sont là quelques questions auxquelles le ministre ivoirien de l’Economie et des Finances à apporter des réponses précises.
« Oui, nos économies peuvent résister. A preuve, je suis le ministre de l’Economie et des Finances d’un pays en crise depuis 2002. Bien que nous n’ayons pas la maîtrise totale du tissu économique du fait de la partition du pays, en attendant une normalisation totale, en 2009, nous avons eu un taux de croissance de 3,8 par rapport à un taux démographique de 3,8. Je rappelle que depuis 10 ans, c’est bien la première fois que la Côte d’Ivoire commence à réduire la pauvreté puisque la croissance du Pib est supérieure à la croissance démographique. Mais cela ne s’est pas fait de façon spontanée. C’est le résultat des réformes engagées pendant la crise », a dit M. Diby.
Il a aussi énoncé que la Côte d’Ivoire s’est attelée à maintenir le taux de croissance de ses ressources propres à environ 15 % chaque année. Une situation qui demande que les dépenses publiques soient optimisées et une gestion très rigoureuse. « En 2009, ajoute-t-il, nous avons eu un déficit public de 1,6 % et avons géré de façon transparente les ressources du pays. C’est le manque de transparence dans la gestion des ressources publiques qui entraîne des conflits. Alors, nous communiquons la gestion budgétaire à tout le public et nous avons entamé tout un ensemble de réformes, notamment au niveau des services fiscaux, du système d’information, grâce à la mise en place d’un logiciel qui nous permet d’avoir l’information en temps réel pour des décisions d’orientation juste. Nous avons d’ailleurs orienté nos dépenses vers les populations les plus vulnérables.»
Selon encore M. Diby, la Côte d’Ivoire ambitionne de transformer son potentiel en richesses. Avec l’accroissement de ses ressources internes et l’épuration de sa dette, elle aura la marge de manœuvre budgétaire suffisante pour investir dans des secteurs productifs avec les partenariats public et privé.
Quant à l’impact de la dernière crise monétaire mondiale sur les économies africaines et plus précisément les conséquences de la crise en Europe sur les économies africaines, le ministre ivoirien s’est montré très rassurant.
« Je me réjouis du fait que nous soyons le premier pays producteur de cacao, car lorsqu’il y a la déprime, beaucoup de personnes mangent du chocolat», ironise-t-il.
La dernière grave crise financière internationale est certes passée, mais une autre pourrait surgir au moment où le monde entier s’y attend le moins. Par précaution, les pays africains, plus vulnérables, devront se préparer à une telle éventualité. De l’avis du ministre ivoirien de l’Economie et des Finances : «Nous devons anticiper sur une crise future qui risque d’être beaucoup plus difficile à gérer. Nous sommes d’accord d’accroître nos ressources et d’avoir une gestion optimisée de nos dépenses de sorte à dégager des marges budgétaires par mesure de prudence, pour pouvoir anticiper sur les risques futurs concernant une économie en récession.»
Mais cette anticipation devra se faire dans le cadre des regroupements monétaires sous-régionaux. C’est pourquoi, le ministre Diby donne ce conseil : « Il faut consolider et fortifier notre intégration. C’est parce que nous étions en Union monétaire et économique que nous avons pu avoir des réponses collectives face à la crise énergétique, alimentaire et financière.» Avant d’indiquer qu’«En Côte d’Ivoire, l’allégement de notre dette et l’accroissement de nos recettes nous donneront une marge de manœuvre assez suffisante. Une gestion crédible et transparente de nos ressources nous permettra d’avoir une bonne gouvernance de sorte que nous puissions crédibiliser notre gestion face aux investisseurs. Ce sont ces perspectives sur lesquelles nous essayons de bâtir toute notre politique de gestion de sorte que le taux de croissance actuelle soit meilleur demain. Et c’est parce que nous aurons suffisamment de ressources qu’il faut redoubler de vigilance et de rigueur.»
Clément Yao
Correspondant permanent en France
Auteur de cet article: Clément Yao