Coupe du monde et programme-télé : La rude bataille dans les foyers

Comment les familles ivoiriennes vivent le chamboulement des programmes de télévision, depuis le début de la coupe du monde 2010 en Afrique du Sud?

Jeanine appuie la touche 1 de la télécommande de la télé. Elle opère ce geste, malgré elle, ce dimanche soir. Nous sommes dans une villa-jumelée à Williamsville. Le père de Jeanine, François Gueu, ne doit pas rater « Soir de mondial » sur la première chaîne de la télévision nationale. C’est la règle à la maison, depuis le coup d’envoi du match Afrique du Sud-Mexique à Johannesburg.


Entre frustrations et rancunes

Le père de famille, accros de football, est ouvrier dans une usine à Abobo. Ses temps libres coïncident rarement avec la diffusion des matchs. «Soir de mondial» lui permet de revivre les temps-forts des rencontres. Surtout que l’Afrique enregistre sa première victoire, ce jour, avec le sacre du Ghana face à la Slovénie. Pour rien au monde, le père de Jeanine ne renoncera à apprécier, de ses propres yeux, le but sur penalty d’Assamoah Gyan, l’attaquant Rennais des Blak Stars. Or, Jeanine, adolescente, est une branchée people et Rn’b. Son faible pour les chaînes de télévisions people comme E télé, Mtv ou Trace Tv est sans pareille. Et elle doit zapper les news croustillantes de ses stars préférées, au profit de « Soir de mondial ». Toute frustrée, elle entre dans la chambre à coucher, la mine renfrognée. Ce type de scène se répète dans les foyers depuis le début de la coupe du monde. Ce grand évènement planétaire attire des spectateurs inhabituels du petit écran. Pères et époux s’invitent devant le poste-téléviseur. Au détriment des femmes et des enfants, abonnés de téléfilms et autres émissions de divertissement sur différentes chaînes. Et, bonjour les bagarres rangées entre pro- match et pro- feuilleton. Tenez, par exemple, N’Guessan Maurice, frigoriste résidant à Yopougon, ne suivait que le journal télévisé. Il remplace la petite télé par une grande, possédant un écran-plasma début juin. Son épouse, ménagère, croit la partie gagnée. Elle invite ses voisines de la cour commune à suivre et à commenter les feuilletons «Frijolito» et «Le roman de la vie», tous les soirs de19h à 20h. Le délice ne dure pas longtemps. Le maître de maison interdit dès le 11 juin l’accès de son écran-plasma à la bande de copines.

Éléphants, la route de la paix!

En réplique, l’épouse remontée, refuse de cuisiner le plat favori de son mari. Elle s’explique : « je ne peux pas piler le foutou tous les jours pour lui, pendant qu’il s’accapare, tout seul, la télé. Il va manger du riz jusqu’à la finale de la coupe du monde ». La sanction est tombée. Mais, que vaut un plat de foutou pour un fou de foot ? L’adrénaline créée par les actions offensives des Drogba Didier, Samuel Eto’o, Leonel Messi, etc suffisent à combler le frigoriste. Et paradoxe des paradoxes, son épouse se laisse emporter par le mondial, malgré sa colère. Elle compte se pavoiser aujourd’hui face au Portugal. « Je me mettrai dans un maxi orange-blanc-vert pour faire les achats au marché pour supporter les éléphants». Elle va plus loin en pronostiquant le score de 2-1 en faveur des pachydermes ivoiriens. Le South Africa 2010 et ses «vuvuzelas » changent vraiment les habitudes. Yaya T. qui vit à Angré les Oscars, a trouvé une solution pour s’en accommoder. Il a un poste-téléviseur de plus. Il suit tranquillement les matchs en direct ou en rediffusion, dans sa chambre. Ses enfants, Alice 7 ans et Olivier 4 ans, eux, visionnent, le cédérom de Kirikou et autres clubs des petits à souhait, dans le salon. Mais les téléfilms prisés par la mère sont prioritaires. Malheureusement, tous les foyers n’ont pas cette approche organisationnelle. Et vont parfois jusqu’ à l’affrontement. Ah ballon rond, quand tu nous tiens !

Nesmon De Laure