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Politique Publié le jeudi 17 juin 2010 | Le Patriote

Contribution : Pour des élections justes, il faut une télévision juste

Comme tous les Ivoiriens, j’aime la télé. Comme la plupart des ivoiriens, j’ai dû, à mon corps défendant, cesser de regarder les JT et de nombreuses autres émissions de la télévision ivoirienne, depuis belle lurette. Par dégoût.

Mais, pour préparer la présente contribution et afin d’avoir les preuves de ce que j’allais écrire, j’ai fait violence sur moi-même. Pendant une semaine, j’ai suivi régulièrement les JT de 20h sur la première chaîne, de même que quelques émissions de divertissement.

Le constat que j’ai fait, c’est que la télévision ivoirienne est toujours aussi mauvaise, toujours aussi mensongère, toujours aussi partiale, encore plus manipulatrice, encore plus injuste.

Aujourd’hui, et c’est connu, les Ivoiriens boudent leur télé, parce qu’elle est devenue le principal instrument de propagande au service des refondateurs. A longueur de journée, ce sont eux qui défilent sur le petit écran. Ils parlent, ils parlent, ils parlent. Il y en a même qui braillent. Comme Hitler. Et cela dure depuis dix ans, malgré tous les appels à l’équité. Il est donc tout à fait démagogique de déclarer aujourd’hui qu’on aura pour les cinq ans à venir, "des organes publics de communication qui reflètent le point de vue des différents dirigeants et l’opinion nationale". Les refondateurs ne visent évidemment qu’un seul but : faire la propagande de leur candidat Gbagbo Laurent afin qu’il conserve le pouvoir.

Pour ce faire, ils ont mis le grappin sur la télévision. Ils font de la propagande dans toutes les émissions, même dans celles qu’on pourrait qualifier d’apolitiques comme "Tonnerre" par exemple. Même les visites de digestion sont filmées pendant de longues minutes.

La dernière, c’est qu’un film intitulé "Un homme une vision" vient d’être réalisé sur le "parcours politique du candidat Laurent Gbagbo" et présenté en grande pompe (déjà !) à la télé.

Il est à parier que pendant les cent minutes que dure ce film, les hagiographes du candidat Gbagbo Laurent s’appliqueront à le présenter comme "le digne fils de l’Afrique", le " modèle parfait du dirigeant qu’il faut à la Côte d’Ivoire", le "visionnaire, le combattant intrépide et infatigable" etc.

On n’est pas loin du syndrome Mobutu. Le sergent-chef Désiré Mobutu était devenu le "Maréchal-Président Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu Wa Za Banga" ce qui signifie "le guerrier puissant qui laisse le feu sur son passage et va irrésistiblement de conquête en conquête."

Et pourtant, Mobutu est mort en exil après avoir été chassé du pouvoir par Kabila-père…

Tout le monde sait que le pouvoir des refondateurs ne subsiste que grâce à une propagande effrénée dont la télévision est l’instrument principal.

Tout le monde sait par ailleurs que la télévision elle-même ne subsiste que grâce à l’effort financier de tous les Ivoiriens et de tous ceux qui vivent sur le sol ivoirien, et qui sont obligés de payer une redevance, dite "Redevance RTI", d’un montant de 2000 F, sur chaque facture bimestrielle d’électricité. De ce fait, la télévision ivoirienne ne devrait pas faire n’importe quoi, ne serait-ce que par égard pour les contribuables qui lui permettent de survivre.

Les leaders, responsables et militants de l’opposition, pourtant largement majoritaires, sont soumis à un diktat qui fait que leurs passages à la télé sont éphémères, épisodiques et censurés. Ce n’est pas normal. Ce n’est pas juste. Cela doit cesser à présent.

Le combat pour un processus électoral juste doit se mener de pair avec le combat pour une télévision juste.

Pour des élections équitables et démocratiques, la télé doit être largement ouverte à l’opposition, majoritaire sur l’échiquier politique national. Et qu’on ne vienne pas nous dire que le parti au pouvoir doit avoir plus de temps d’antenne que l’opposition. Cette "règle" n’est valable que si le parti au pouvoir est effectivement majoritaire. Or en l’espèce, il s’agit d’une majorité factice. Tout montre que les refondateurs sont minoritaires.

Quand on leur dit cela et qu’on revendique le rétablissement de la justice à la télé, il y a des philistins qui rétorquent en ces termes :" Mais c’est impossible ! Il faut être réaliste voyons ! Comment peut-on comparer le parti au pouvoir à l’opposition ? Le parti au pouvoir doit avoir forcément plus de temps d’antenne que l’opposition. Même sous Houphouët et sous Bédié, c’était comme ça. On n’a rien inventé. Soyons sérieux !"

Voilà ce que répondent de concert les gardiens du "nouvel ordre établi". Mais quand on se targue d’être des démocrates, et qu’on ne cesse de fustiger le parti unique, on ne doit pas citer en exemple "l’ordre ancien" et le "passé" pour se défendre.

Il faut donc largement ouvrir la télé à l’opposition. Ceci est une exigence majeure. Pour une raison bien simple. C’est qu’aujourd’hui, la télévision est devenue la reine des médias. Elle est devenue la principale source d’information pour la plupart des gens. Les jeunes, surtout, ne lisent pas souvent les journaux. Ils se contentent chaque matin, de venir devant les étals des marchands de journaux pour lire les titres à la une (d’où le nom de "Titrologues" que leur ont donné les journalistes).

Conscients donc de l’importance de la télévision dans une campagne électorale, les femmes et les jeunes du RHDP ont à plusieurs reprises tenté de libérer la RTI de l’emprise des refondateurs.

C’est Martin Luther, le philosophe et réformateur religieux allemand qui disait déjà en 1520 que "L’image (le dessin) est le livre de ceux qui ne savent pas lire". Ceci est vrai ^pour une population majoritairement analphabète comme la nôtre (plus de 65%). C’est encore plus vrai quand il s’agit de la télévision, aux images plus attrayantes et plus vivantes. Pour paraphraser Martin Luther, nous dirons que "la télévision est le journal de ceux qui ne savent ni ne peuvent lire les journaux écrits".

Dans notre société d’aujourd’hui la télévision est donc d’une importance considérable dans une campagne électorale. Parfois, il suffit d’une simple apparition sur le petit écran, sans de longs raisonnements ni des explications approfondies. Un simple sourire, une bonne mise peuvent suffire à séduire l’électorat. Encore, faudrait-il que la télé soit ouverte.

Grâce à la télé, nous pouvons en période de campagne électorale conforter l’électorat qui nous est acquis ; nous pouvons séduire l’électorat qui hésite encore à nous accorder son vote, et même, nous pouvons faire douter l’électorat qui nous est hostile. Encore faudrait-il que la télé soit ouverte.

Grâce à la télé nous pouvons, pendant la précampagne c’est –à-dire bien avant la période précise de campagne électorale, agir sur le comportement des électeurs car, selon les spécialistes de la communication politique, "de manière générale, il semblerait que la formation de l’opinion publique et par voie de conséquence du comportement des électeurs, dépende moins de la période électorale que de «l’imprégnation quotidienne» par les médias". Retenons bien l’expression «l’imprégnation quotidienne par les médias» car c’est cette "imprégnation quotidienne" qui à la longue, forme le jugement de l’électeur et influe à son insu sur son comportement le jour des élections.

Cela signifie encore une fois que pour la communication électorale, le plateau de la télévision joue un rôle déterminant. Tout comme l’agora dans la Grèce antique permettait à l’homme politique de développer sa rhétorique pour convaincre un public qui lui faisait face, tout comme les places publiques de nos villages permettent à l’orateur de livrer son message, la télévision, agora des temps modernes, permet à l’homme politique de s’adresser à un auditoire qu’il ne voit pas, et à qui il doit plaire pour espérer emporter son adhésion. A cet égard, on pourrait se poser la question de savoir si, dans un village Bété par exemple, il peut venir à l’esprit du chef de village, de restreindre et de contrôler l’accès du "gbèmé" (place publique dans les villages Bété) pour certains villageois, tandis que les membres de son clan y ont accès sans aucune difficulté. La réponse à cette question est assurément non.

Alors, que cessent le favoritisme et l’injustice à la télé. Comme dans bien des domaines, tout cela avait été prévenu par les accords, notamment par l’APO (Accord Politique de Ouagadougou) qui stipule :"Elles (les Parties au Dialogue Direct) s’interdisent toute propagande notamment médiatique, tendant à nuire à l’esprit de la cohésion et de l’unité nationales".

Or que constatons nous à présent ? Il y a un spot qui passe et repasse à la télé, et dans lequel il est dit :"La Côte d’Ivoire est notre seul pays." Traduction : "Il y en a parmi nous qui ont deux ou plusieurs pays." Comme pour réveiller les vieux démons, comme pour rappeler les moments terribles du débat ivoiritaire. Et le slogan ajoute :"Ne la (la Côte d’Ivoire) détruisons pas." Comme pour décourager toute velléité de manifestations de rue contre le pouvoir.

L’appel de l’APO n’est donc pas respecté malgré une opinion publique de plus en plus exaspérée par la propagande tonitruante des refondateurs à la télé.

Mais Hitler aussi se moquait totalement de l’opinion publique…

Pour toutes ces raisons, ne baissons pas la garde en dépit de quelques éclaircies dans notre ciel très nuageux. Restons sereins et vigilants, et sachons qu’autant les refondateurs font du dilatoire pour ne pas aller aux élections parce qu’ils se savent minoritaires, autant ils mettront toujours le grappin sur les médias publics en général et sur la télévision en particulier, parce qu’ils savent, comme disent les jeunes avec humour, que "Si tu passes à la télé, c’est toi le héros".

Ils savent cela, parce que leurs conseils en communication politique le leur ont dit.

A nous d’exiger notre bon droit, afin que la télévision cesse d’être l’instrument de propagande au service des refondateurs et de leurs comparses pour devenir un puissant moyen de communication au service de la démocratie, pour des élections justes, gages d’une paix durable dans notre pays.


BLE Mamadou

Conseiller du Président Alassane Dramane Ouattara
Directeur Départemental de Campagne à Man
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