Avec la crise que traverse le Front populaire ivoirien (Fpi), nombreux sont les cadres du parti présidentiel qui s'accordent avec les observateurs de la scène politique pour en appeler à refonder la ''refondation''.
Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'au-delà des critiques formulées le 2 juin dernier, par Mamadou Koulibaly, numéro 3 du Front populaire ivoirien (Fpi), c'est véritablement à une crise identitaire que semble confronté le parti au pouvoir. Car, à y voir de près, le président de l'Assemblée nationale, habitué des sorties fracassantes, n'est pas le premier ni le dernier ''enfant de la maison'' à fustiger les dérives et déviations constatées aussi bien dans le fonctionnement du parti que dans la façon de gérer les affaires de l'Etat. Dans ces conditions, c'est sans conteste à une thérapie de choc qu'il faut soumettre le Fpi en pleine convulsion depuis le coup de gueule de M. Koulibaly.
L'ivoirité a failli tout ''gâter''
En effet, le ministre de l'Intérieur aurait dit que Mamadou Koulibaly est issu d'une tribu minoritaire de Boundiali. La sortie fâcheuse du ministre n'a pas été du goût de certains de ses ''camarades''. Depuis lors, leur différend est diversement interprété. Une opinion nationale n'a pas hésité à dire que le parti au pouvoir est en proie aux germes de la division. « Les gens exagèrent », coupe court un fédéral du Sud-Comoé, joint hier. Pour ce dernier, « on ne peut pas s'appuyer sur de bribes de paroles pour dire qu'au Fpi, il y a un débat identitaire. Nous n'avons jamais tenu compte des origines de nos collaborateurs ». Selon le fédéral, des débats houleux sont courants au Fpi, mais ses membres n'ont jamais été opposés par des propos tribalistes. Dès lors, comment comprendre l'effort d'Aboudrahamane Sangaré, chargé de ramener la sérénité au sein du parti ? Surtout que M. Koulibaly avait lui-même marqué son ras-le-bol « d'un système mafieux, corrompu, (et) tribal ». Il s'est déterminé de cette façon à la tribune du colloque, organisé par la Convention de la société civile (Csci), le 2 juin dernier. Le simple fait de dénoncer un système tribal, alors qu'il parlait de la refondation, a laissé penser que sa famille politique est concernée par le vice de la division. La boutade qu'il a également lancée à l'encontre de Pascal Affi N'Guessan, président du Fpi, en dit long sur cette appréhension « … A cette allure, regrettait-il, bientôt Désiré Tagro et ses amis se demanderont si je suis Ivoirien pour me permettre d'intervenir dans le débat national », avait-il notamment fustigé.
La guerre entre idéalistes et nouveaux riches
Assurément, le tangage qui s'est emparé du Fpi est aussi et surtout une crise qui met aux prises les idéalistes du parti et l'oligarchie naissante, exagérément exubérante et qui, aurait dévoyé le projet de ''gouverner autrement''. Et, cela se traduit, sans ambigüité dans les critiques de l'irréductible Mamadou Koulibaly faites le 2 juin dernier, à la première journée du colloque sur les 20 ans de multipartisme en Côte d'Ivoire. '' Notion de responsabilité en Politique'', tel est le titre de ce énième pamphlet dressé contre son ''camarade'', Désiré Tagro, ministre de l'Intérieur, devenu si puissant dans le système-Gbagbo. « Restons mobilisés pour imposer la voie de la moralisation aux politiciens de tous bords, seule capable de sortir la Côte d'Ivoire du sous-développement, de la pauvreté pour nous conduire à un développement durable si nous voulons être un pays émergent à l'horizon 2040 », martèleront des cadres du parti, dans le soutien qu'ils entendaient apporter au numéro 3 du Fpi. Toute chose qu'avait déjà relevé le Pr Mamadou Koulibaly dans son célèbre ''Rebfondation'', publié dans les colonnes du quotidien pro-gouvernemental, Fraternité Matin du 4 août 2007. « La Rebfondation n'est pas la Refondation. Et, cette dernière n'a pas échoué », faisait-il déjà remarquer à cette date. Même s'ils sont nombreux à être convaincus de la nécessité de réorienter la politique de la refondation, ils sont peu à avoir le courage de le dire publiquement. Un exercice auquel a refusé de se soustraire le Pr Ouraga Obou, taxé, à un moment donné, à juste titre, pour ses critiques, d'avoir pactisé avec l'ennemi. « Au-delà de la situation de crise, rien ne peut justifier la mort injustement provoquée d'un homme (…) Par-delà donc la festivité, ne faisons pas de la ''Fête de la liberté'', une cérémonie incantatoire. En effet, quels sont nos bilans critiques et autocritiques ? Combien avons-nous créé d'usines et d'emplois », avait-il récemment encore asséné le 12 avril dernier dans le quotidien Notre Voie, à la veille de la ''Fête de la liberté''.
De la nécessité de refonder la ''refondation''
Aux yeux des Pr Mamadou Koulibaly et Ouraga Obou, un recadrage de l'action gouvernementale, conduite par le Fpi, s'impose plus que jamais. « L'éducation à la responsabilité se fera par l'exemple », a soutenu le député de Koumassi lors de sa retentissante intervention à la tribune du colloque de la Csci, le 2 juin dernier. Le professeur de droit, Ouraga Obou, ne disait pas autre chose, lorsque dans sa même contribution parue dans Notre Voie, il écrivait : « Que la fête de la liberté nous permette de rêver et de résister collectivement. Mille victoires sur les forces de régression. Qu'elle nous ramène sur nos principes fondamentaux : orthodoxie de gauche, synonyme de rupture. Ancrage à gauche. Donc retour à notre idéal originel ». De sources proches du chef de l'Etat, c'est dans le même état d'esprit que se trouve Laurent Gbagbo qui a entrepris de nettoyer, à son rythme, l'écurie. C'est ce qui vaut aux barons de la filière Café-cacao dont certains étaient pourtant réputés être proches du camp présidentiel, de séjourner depuis juillet 2008 à la maison d'arrêt et de correction d'Abidjan (Maca). Plus récemment, le chef de l'Etat n'a pas hésité à secouer la termitière de l'Ecole nationale d'administration (Ena) où il a débarqué, le 3 juin dernier, Djè Bi Irié, fidèle parmi les fidèles de l'ancien ministre de l'Emploi et de la Fonction publique, Hubert Houlaye. Un tel nettoyage n'est rien d'autre qu'un camouflet adressé à cette emblématique du parti présidentiel qui en faisait à sa guise. Ceux qui ont vu dans les sorties de Mamadou Koulibaly et de Ouraga Obou, un appel à poursuivre l'assainissement de la ''refondation'', ont sans doute vu juste. Car, de la survie de la ''refondation'', dépendra la refondation de cette famille politique, abonnée à tous les péchés à cause desquels l'ancien parti au pouvoir a lourdement chuté.
Marc Dossa & Bidi Ignace
Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'au-delà des critiques formulées le 2 juin dernier, par Mamadou Koulibaly, numéro 3 du Front populaire ivoirien (Fpi), c'est véritablement à une crise identitaire que semble confronté le parti au pouvoir. Car, à y voir de près, le président de l'Assemblée nationale, habitué des sorties fracassantes, n'est pas le premier ni le dernier ''enfant de la maison'' à fustiger les dérives et déviations constatées aussi bien dans le fonctionnement du parti que dans la façon de gérer les affaires de l'Etat. Dans ces conditions, c'est sans conteste à une thérapie de choc qu'il faut soumettre le Fpi en pleine convulsion depuis le coup de gueule de M. Koulibaly.
L'ivoirité a failli tout ''gâter''
En effet, le ministre de l'Intérieur aurait dit que Mamadou Koulibaly est issu d'une tribu minoritaire de Boundiali. La sortie fâcheuse du ministre n'a pas été du goût de certains de ses ''camarades''. Depuis lors, leur différend est diversement interprété. Une opinion nationale n'a pas hésité à dire que le parti au pouvoir est en proie aux germes de la division. « Les gens exagèrent », coupe court un fédéral du Sud-Comoé, joint hier. Pour ce dernier, « on ne peut pas s'appuyer sur de bribes de paroles pour dire qu'au Fpi, il y a un débat identitaire. Nous n'avons jamais tenu compte des origines de nos collaborateurs ». Selon le fédéral, des débats houleux sont courants au Fpi, mais ses membres n'ont jamais été opposés par des propos tribalistes. Dès lors, comment comprendre l'effort d'Aboudrahamane Sangaré, chargé de ramener la sérénité au sein du parti ? Surtout que M. Koulibaly avait lui-même marqué son ras-le-bol « d'un système mafieux, corrompu, (et) tribal ». Il s'est déterminé de cette façon à la tribune du colloque, organisé par la Convention de la société civile (Csci), le 2 juin dernier. Le simple fait de dénoncer un système tribal, alors qu'il parlait de la refondation, a laissé penser que sa famille politique est concernée par le vice de la division. La boutade qu'il a également lancée à l'encontre de Pascal Affi N'Guessan, président du Fpi, en dit long sur cette appréhension « … A cette allure, regrettait-il, bientôt Désiré Tagro et ses amis se demanderont si je suis Ivoirien pour me permettre d'intervenir dans le débat national », avait-il notamment fustigé.
La guerre entre idéalistes et nouveaux riches
Assurément, le tangage qui s'est emparé du Fpi est aussi et surtout une crise qui met aux prises les idéalistes du parti et l'oligarchie naissante, exagérément exubérante et qui, aurait dévoyé le projet de ''gouverner autrement''. Et, cela se traduit, sans ambigüité dans les critiques de l'irréductible Mamadou Koulibaly faites le 2 juin dernier, à la première journée du colloque sur les 20 ans de multipartisme en Côte d'Ivoire. '' Notion de responsabilité en Politique'', tel est le titre de ce énième pamphlet dressé contre son ''camarade'', Désiré Tagro, ministre de l'Intérieur, devenu si puissant dans le système-Gbagbo. « Restons mobilisés pour imposer la voie de la moralisation aux politiciens de tous bords, seule capable de sortir la Côte d'Ivoire du sous-développement, de la pauvreté pour nous conduire à un développement durable si nous voulons être un pays émergent à l'horizon 2040 », martèleront des cadres du parti, dans le soutien qu'ils entendaient apporter au numéro 3 du Fpi. Toute chose qu'avait déjà relevé le Pr Mamadou Koulibaly dans son célèbre ''Rebfondation'', publié dans les colonnes du quotidien pro-gouvernemental, Fraternité Matin du 4 août 2007. « La Rebfondation n'est pas la Refondation. Et, cette dernière n'a pas échoué », faisait-il déjà remarquer à cette date. Même s'ils sont nombreux à être convaincus de la nécessité de réorienter la politique de la refondation, ils sont peu à avoir le courage de le dire publiquement. Un exercice auquel a refusé de se soustraire le Pr Ouraga Obou, taxé, à un moment donné, à juste titre, pour ses critiques, d'avoir pactisé avec l'ennemi. « Au-delà de la situation de crise, rien ne peut justifier la mort injustement provoquée d'un homme (…) Par-delà donc la festivité, ne faisons pas de la ''Fête de la liberté'', une cérémonie incantatoire. En effet, quels sont nos bilans critiques et autocritiques ? Combien avons-nous créé d'usines et d'emplois », avait-il récemment encore asséné le 12 avril dernier dans le quotidien Notre Voie, à la veille de la ''Fête de la liberté''.
De la nécessité de refonder la ''refondation''
Aux yeux des Pr Mamadou Koulibaly et Ouraga Obou, un recadrage de l'action gouvernementale, conduite par le Fpi, s'impose plus que jamais. « L'éducation à la responsabilité se fera par l'exemple », a soutenu le député de Koumassi lors de sa retentissante intervention à la tribune du colloque de la Csci, le 2 juin dernier. Le professeur de droit, Ouraga Obou, ne disait pas autre chose, lorsque dans sa même contribution parue dans Notre Voie, il écrivait : « Que la fête de la liberté nous permette de rêver et de résister collectivement. Mille victoires sur les forces de régression. Qu'elle nous ramène sur nos principes fondamentaux : orthodoxie de gauche, synonyme de rupture. Ancrage à gauche. Donc retour à notre idéal originel ». De sources proches du chef de l'Etat, c'est dans le même état d'esprit que se trouve Laurent Gbagbo qui a entrepris de nettoyer, à son rythme, l'écurie. C'est ce qui vaut aux barons de la filière Café-cacao dont certains étaient pourtant réputés être proches du camp présidentiel, de séjourner depuis juillet 2008 à la maison d'arrêt et de correction d'Abidjan (Maca). Plus récemment, le chef de l'Etat n'a pas hésité à secouer la termitière de l'Ecole nationale d'administration (Ena) où il a débarqué, le 3 juin dernier, Djè Bi Irié, fidèle parmi les fidèles de l'ancien ministre de l'Emploi et de la Fonction publique, Hubert Houlaye. Un tel nettoyage n'est rien d'autre qu'un camouflet adressé à cette emblématique du parti présidentiel qui en faisait à sa guise. Ceux qui ont vu dans les sorties de Mamadou Koulibaly et de Ouraga Obou, un appel à poursuivre l'assainissement de la ''refondation'', ont sans doute vu juste. Car, de la survie de la ''refondation'', dépendra la refondation de cette famille politique, abonnée à tous les péchés à cause desquels l'ancien parti au pouvoir a lourdement chuté.
Marc Dossa & Bidi Ignace