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Société Publié le mercredi 23 juin 2010 | Nord-Sud

Oral baccalauréat 2010 : “Y a-t-il un examinateur à corrompre ?”

© Nord-Sud Par Prisca
Education nationale - Bingerville abrite le lancement des examens à grand tirage, en présence du ministre Gilbert Bleu Lainé
Mardi 08 juin 2010. Bingerville. Lancement des examens à grand tirage et pose de la première pierre d`un centre polyvalent, en présence du ministre de l`Education nationale, Gilbert Bleu Lainé
Les oraux du baccalauréat 2010 ont débuté, hier, sur l`ensemble du territoire national. 192.704 candidats des séries A, C, D, affronteront pendant quatre jours, les oraux de français, anglais, espagnol et allemand dans 309 centres. A Abidjan, des mesures drastiques ont été prises dans les centres pour endiguer la fraude. Mais sont-elles infaillibles ?…Notre reporter a testé le dispositif.

«Ici, mes examinateurs ne sont pas à 1.000 Fcfa près ». Cette mise en garde de Yao Koffi Emmanuel donne un avant-goût de l`ambiance qui règne au lycée moderne d`Abobo, un des centres d`examens de la capitale économique. Il est 12 heures, le vice-président du secrétariat du lycée 1, n`a pas encore mis la main sur un seul fraudeur, depuis le début des épreuves. Pour lui, tout se passe bien. Mais, ce n`est pas le cas pour certains candidats qui errent dans la cour en attendant leur tour de passage. Mains dans les poches, sac en bandoulière, Michel (ndlr, nous avons donné un pseudonyme) vient de fumer sa deuxième cigarette. L`élève de la terminale D semble soucieux quand nous l`approchons. Deux ou trois phrases échangées suffisent pour entrer dans le vif du sujet. « L`ambiance ici? Plutôt détendue, les examinateurs sont relaxent, ils bavardent aisément avec les candidats». Est-ce à dire qu`on peut négocier avec un examinateur ? Michel est franc. «Jusque-là, tout mes amis qui sont passés m`ont dit que les examinateurs sont stricts et rigoureux. Ce qui fait que les candidats ont peur de leur proposer de l`argent ». Il n`y a vraiment pas de moyen de s`arranger avec eux? Il explique que cela comporte d`énormes risques. Il faut d`abord connaître l`état d`esprit de l`examinateur avant de tenter de le corrompre. S`il refuse de jouer le jeu, il vous dénoncera aussitôt pour tentative de corruption. Et, adieu le Bac.
« De plus, ils sont deux examinateurs par salle, ce qui rend la tâche plus difficile ». En fait, si Michel explique la situation si aisément c`est qu`il a déjà pensé à cette éventualité. Les années précédentes, les examinateurs faisaient le premier pas en demandant de l`argent aux candidats. Contre1.000 Fcfa voire 2.000 Fcfa, ils leur attribuaient de bonnes notes. Selon l`élève, ce sont peut-être les arrestations de fraudeurs, pendant le bac 2009 qui mettent les surveillants sur la défensive. Michel est à sa deuxième tentative pour le bac, il n`a pas envie de prendre de risque bien qu`il est tenté. Toute comme lui, plusieurs candidats dans l`enceinte de l`établissement attendent leur tour de passage devant l`examinateur. Certains continuent de réviser leurs leçons, mais beaucoup sont inquiets devant la rigueur de la surveillance qui déjoue les plans des uns et des autres. Aucune possibilité pour l`instant de frauder.

A Cocody, le lycée classique vit la même ambiance. M. Yépri, vice-président du secrétariat du lycée classique 1 semble avoir verrouillé le système. En plus du superviseur qui ne cesse de passer dans les salles, il effectue aussi des visites surprises dans les salles. «Nous n`avons pas de cas de fraude ici. Nous laissons les examinateurs avec leur conscience», explique-t-il. Dans la cour, cette idée n`est pourtant pas absente de l`esprit de certains de 750 candidats qu`il a en charge. Sous les arbres qui parsèment la cour, filles et garçons bavardent. Certains ont le regard baladeur, à la recherche d`un ami avec qui échanger dans la discrétion sur l`état d`esprit des examinateurs. Sont-ils enclins à la corruption ? Les visages sont méfiants devant notre préoccupation. Quelques élèves qui prennent le journaliste pour un candidat libre, répondent que l`atmosphère est plutôt tendue dans les salles. Aucun signe qui pourrait encourager un candidat à proposer de l`argent à son examinateur afin d`avoir une bonne note. « Ils ont le visage serré », nous confie une jeune fille en série A1 qui se repose sur la racine d`un arbre. Un garçon en série C, va plus loin. «S`il y avait une faille qui nous permettait de corrompre l`examinateur, nous le saurions.» Il propose néanmoins de voir quelqu`un qui passe l`oral en candidat libre. Pourquoi ? «Les examinateurs sont plus à l`aise avec ces derniers. Ils leur font plus de faveurs parce qu`ils se disent que ceux-ci n`ont pas le temps de bosser». Un candidat libre, où en trouver dans cette mêlée ? Cela nous prend quelque temps. Il est 13 heures, un groupe de quatre jeunes, à l`écart marche vers la sortie du lycée. L`un d`entre eux vient de finir ses oraux de français et d`anglais. Les autres attendent l`après-midi. Deux d`entre eux sont des candidats libres en série D. Ils sont ouverts. Ils n`ont pas eu le temps de lire «Le soleil des indépendance» d`Amadou Kourouma, le roman au programme. Pour l`oral de français, c`est donc fichu d`avance. Déjà qu`ils sont médiocres en anglais, les épreuves orales risquent d`être catastrophiques. Et cela risque d`être un mauvais début pour le bac. Or, le « système est verrouillé », selon eux. C`est à cette idée qu`ils réfléchissaient lorsque nous les avions interrompus. Ils envisagent de faire croire aux examinateurs qu`ils n`ont pas encore eu leur convocation à cause de certains problèmes à la Direction des examens et concours. Ainsi, ils pourront facilement passer vendredi. Vendredi, disent-ils, c`est le dernier jour, les examinateurs sont relaxent. «C`est sûr qu`ils seront mieux disposés», se rassure Hamed. «Jamais ils n`avaleront cela», déconseille D.RT, un candidat en série D que nous rencontrons au lycée Saint-Marie de Cocody. C`est un garçon dans la vingtaine, mince et de teint noir. Vêtu d`un Jeans noir et d`un tee-shirt, D.RT, se balade seul dans les halls bondés de candidats, entre les salles de classes. Il est agité, il sort de temps en temps dans la cour pour aller fumer une cigarette. Les policiers postés à l`entrée de l`établissement ne l`intimident pas. Voici sa première réaction, dès qu`il prend connaissance de notre histoire: « Vous avez trouvez un examinateur à corrompre ? » Le « non » le déçoit. D.RT doit passer l`oral de français cet après-midi, puis celui de l`anglais, mercredi. Il a tout misé sur la « triche ». Corrompre son examinateur pour avoir une bonne note. Mais, ce matin Mme Aguido, épouse Koffi, vice-présidente du secrétariat du lycée Sainte-Marie, a tout vérouillé. Avant le début des oraux, elle a invité ses examinateurs de ne tolérer aucun cas de fraude. Et ses consignes sont bien respectées, pour l`instant. Ceux qui sont passés avant D.RT, l`ont dissuadé en lui disant que les examinateurs sont sévères et rigoureux. Ce qui explique la nervosité et l`agitation du garçon. Il sait que c`est trop risqué de proposer de l`argent à un examinateur en ce moment. Il nous propose donc de trouver ensemble un bon « vieux-père » dans la cour à qui nous pourrons remettre de l`argent. Ce dernier ira ensuite voir l`examinateur juste avant notre passage. Mais qui ? Il n`en sait rien pour le moment. Il faut se renseigner. Peut-être un autre examinateur ? Risqué. À force de réfléchir D.RT a l`impression que sa tête chauffe, il sort de nouveau pour aller fumer. Aux dernières nouvelles, il aurait abandonné son idée. Quant à nous, puisque le système est verrouillé ce premier jour, nous promettons de revenir le lendemain.

Raphaël Tanoh
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