Cette fois-ci, elle a décidé d'écrire sur les morts-vivants, les revenants. En effet, après ses titres à succès Lezou Marie ou les écueils de la vie, La révolte d'Affiba, Le prix de la révolte, Aihui Anka, Le glas de l'infortune, etc. Regina Yaou, l'auteur le plus prolifique de la littérature ivoirienne, vient de publier chez Vallesse /Editions Eburnie, un recueil de 37 récits intitulé Histoires si étranges.
Bien que le livre de Regina Yaou ne soit pas le premier à nous parler de revenants, son texte inspiré par des histoires "réelles" est probablement celui qui aborde cette question avec le plus de réalisme. L'épouvante dans Histoires si étranges est servie avec classe, distillée avec parcimonie, par touches gracieuses, mais percutantes : "Un village qui en réalité n'existe pas ; Un homme avec une plaie incurable, mystérieuse et dévoreuse de vie ; Une femme qui surgit du néant pour offrir un bébé à une autre qui n'enfante pas ; Une mère qui retrouve sa fille décédée depuis de longues années…" Long de 192 pages, le texte est écrit avec les ressorts du conte. Ce qui a permis à l'auteur de n'épargner aucun détail. Les moindres actions, pensées, soupirs, sont décryptés par sa plume, aussi surréalistes soient-ils. C'est d'ailleurs ce sentiment qui confère au texte sa densité romanesque et sa dimension étrange.... Des histoires qui brassent le surréel, le suspens et le trouble. Des faits insolites, des apparitions et disparitions inexplicables qui mettent en scène des protagonistes de caractères divers : des revenants, des êtres humains dotés de pouvoir surnaturel ou impuissants, taraudés par le sortilège qui évoluent dans l'espace et le temps ou oscillent entre ces deux espaces. La limite entre le réel et l'irréel y semble par moments si mince qu'ils se confondent et sèment des troubles profonds. De fait, au travers de ces pages, l'univers du visible et de l'invisible, à maintes reprises, se côtoient, se rencontrent et se fécondent. Comme s'ils ne constituaient qu'une même et unique face d'un monde encore très peu connu. On y croise des revenants bienveillants qui ont une nouvelle vie et marquent leur présence en laissant une progéniture bien humaine, ou qui destinent des présents à leurs parents ; d'autres incommodes qui rôdent, hélas, comme des âmes en peine et harcèlent plutôt des proches. Ou des êtres poursuivis par la guigne et qui disparaissent dans des circonstances mystérieuses… ou qui sont, tout simplement, assistés par des inconnus dont ils perdent toutes traces. Histoires si étranges offre ainsi des récits tragiques, certains donnent des frissons, d'autres laissent tout simplement crédules. Mais tous témoignent de l'incertitude de l'être humain devant les choses inexplicables, devant la mort. Les morts ne sont pas morts, a écrit Birago Diop. Le poète révélait ainsi une vision de la mort et de la vie qui brouille allégrement les frontières entre les deux. Pourquoi les morts reviennent-ils dans le monde des vivants ? A quoi correspond leur retour ? Et pourquoi, lorsqu'ils reviennent, cherchent-ils presque toujours à troubler, à bouleverser l'existence quotidienne ? Ces morts reviennent-ils dans notre monde pour nous jeter au visage nos mensonges et nos machinations criminelles, pour nous donner des leçons de vie, des leçons de dignité ? Y a-t-il une leçon à tirer de ces morts-vivants qui pour la plupart ne peuvent exprimer leurs regrets que dans la mort qu'ils infligent eux-mêmes aux vivants, à travers leurs assauts ?
Un léger bémol, toutefois. Dans l'histoire intitulée " La partie de chasse ", l'auteur décrit un accident de chasse qui se déroule dans une région d'Afrique et en évoquant la cible que croyait avoir perçue le chasseur qui tue plutôt son frère jumeau dit : "un œil animal, semblable à un ours". Un animal de l'environnement où est censé se dérouler la scène aurait été plus vraisemblable. Dans tous les cas, Regina Yaou nous montre, dans Histoires si étranges, jusqu'où peut aller son intarissable inspiration et, aussi, son excellente qualité narrative.
Correspondance particulière
Marie-Dominique Yao
Bien que le livre de Regina Yaou ne soit pas le premier à nous parler de revenants, son texte inspiré par des histoires "réelles" est probablement celui qui aborde cette question avec le plus de réalisme. L'épouvante dans Histoires si étranges est servie avec classe, distillée avec parcimonie, par touches gracieuses, mais percutantes : "Un village qui en réalité n'existe pas ; Un homme avec une plaie incurable, mystérieuse et dévoreuse de vie ; Une femme qui surgit du néant pour offrir un bébé à une autre qui n'enfante pas ; Une mère qui retrouve sa fille décédée depuis de longues années…" Long de 192 pages, le texte est écrit avec les ressorts du conte. Ce qui a permis à l'auteur de n'épargner aucun détail. Les moindres actions, pensées, soupirs, sont décryptés par sa plume, aussi surréalistes soient-ils. C'est d'ailleurs ce sentiment qui confère au texte sa densité romanesque et sa dimension étrange.... Des histoires qui brassent le surréel, le suspens et le trouble. Des faits insolites, des apparitions et disparitions inexplicables qui mettent en scène des protagonistes de caractères divers : des revenants, des êtres humains dotés de pouvoir surnaturel ou impuissants, taraudés par le sortilège qui évoluent dans l'espace et le temps ou oscillent entre ces deux espaces. La limite entre le réel et l'irréel y semble par moments si mince qu'ils se confondent et sèment des troubles profonds. De fait, au travers de ces pages, l'univers du visible et de l'invisible, à maintes reprises, se côtoient, se rencontrent et se fécondent. Comme s'ils ne constituaient qu'une même et unique face d'un monde encore très peu connu. On y croise des revenants bienveillants qui ont une nouvelle vie et marquent leur présence en laissant une progéniture bien humaine, ou qui destinent des présents à leurs parents ; d'autres incommodes qui rôdent, hélas, comme des âmes en peine et harcèlent plutôt des proches. Ou des êtres poursuivis par la guigne et qui disparaissent dans des circonstances mystérieuses… ou qui sont, tout simplement, assistés par des inconnus dont ils perdent toutes traces. Histoires si étranges offre ainsi des récits tragiques, certains donnent des frissons, d'autres laissent tout simplement crédules. Mais tous témoignent de l'incertitude de l'être humain devant les choses inexplicables, devant la mort. Les morts ne sont pas morts, a écrit Birago Diop. Le poète révélait ainsi une vision de la mort et de la vie qui brouille allégrement les frontières entre les deux. Pourquoi les morts reviennent-ils dans le monde des vivants ? A quoi correspond leur retour ? Et pourquoi, lorsqu'ils reviennent, cherchent-ils presque toujours à troubler, à bouleverser l'existence quotidienne ? Ces morts reviennent-ils dans notre monde pour nous jeter au visage nos mensonges et nos machinations criminelles, pour nous donner des leçons de vie, des leçons de dignité ? Y a-t-il une leçon à tirer de ces morts-vivants qui pour la plupart ne peuvent exprimer leurs regrets que dans la mort qu'ils infligent eux-mêmes aux vivants, à travers leurs assauts ?
Un léger bémol, toutefois. Dans l'histoire intitulée " La partie de chasse ", l'auteur décrit un accident de chasse qui se déroule dans une région d'Afrique et en évoquant la cible que croyait avoir perçue le chasseur qui tue plutôt son frère jumeau dit : "un œil animal, semblable à un ours". Un animal de l'environnement où est censé se dérouler la scène aurait été plus vraisemblable. Dans tous les cas, Regina Yaou nous montre, dans Histoires si étranges, jusqu'où peut aller son intarissable inspiration et, aussi, son excellente qualité narrative.
Correspondance particulière
Marie-Dominique Yao