Tout le bon peuple du Carré ivoirien se le rappelle. Quand ceux qui sont aujourd’hui au pouvoir sont apparus dans le marigot politique national, ils se sont affublés de titres aussi ronflants que provocateurs. Personne ne l’a oublié. Ils se disaient poches de moralité. C’est-à-dire des gens pleins de vertu. Des citoyens qui ne mangeaient ni le pain de détournement de deniers publics, ni celui de la corruption. Ils disaient avoir en grippe le népotisme et surtout, avaient pour l’argent, une véritable aversion. Ils disaient que ceux qui étaient là étaient pourris. Ils les accusaient d’affamer le peuple et surtout de se montrer peu civiques. Avec eux, quand ils seront aux affaires, on verra qu’on peut diriger mieux le pays. Cela fait dix ans qu’ils sont là. Bientôt, quelle que soit la longueur du processus, il se terminera par des élections. Une période qui s’ouvrira par la reine des consultations nationales, à savoir, la présidentielle. Pour eux donc, l’heure du bilan a sonné. En principe, s’ils avaient vraiment été ce qu’ils disaient qu’ils étaient, le peuple de Côte d’Ivoire serait en train de compter le nombre de maux dont ils l’ont débarrassé. Eux-mêmes, les refondateurs, auraient invité le grand public à admirer tout le travail d’assainissement qu’ils ont abattu depuis qu’ils sont entrés dans notre palais par infraction. Avec eux, nous devrions être en train de constater qu’ils ont fait disparaître la corruption, le népotisme, l’enrichissement rapide et illicite. Nous serions en train d’observer qu’ils ont tordu le cou au pillage systématique des ressources de l’Etat. Le tribalisme aurait disparu depuis des lustres. Or, que constatons-nous ? Leurs hérauts nous apprennent que c’est maintenant qu’ils vont en campagne pour la moralisation de la vie publique. C’est maintenant qu’ils feront en sorte que plus jamais, on ne vende des places à l’Ecole nationale de l’Administration (ENA). C’est à quelques mois de la présidentielle qu’ils se rendent compte qu’un des leurs s’est mis dangereusement en tête, que 2/3 des agents de l’Etat doivent appartenir à leur clan mettant ainsi en péril la cohésion et l’harmonie sociales. Ils annoncent qu’ils vont faire à présent, ce par quoi ils devraient commencer. C’est dire que depuis tout ce temps, ils ont vécu vêtus de ce linge sale qu’ils reprochaient à leurs devanciers de porter. Il a donc raison celui qui a estimé que ces refondateurs prennent le peuple de Côte d’Ivoire pour moins que rien. Alors que nous sommes dirigés depuis dix ans par des poches de moralité comment l’immoral peut-il encore exister dans cette contrée, à moins que ces poches ne se soient trouées devant la dure réalité de la vie ? Une question qui en dit long sur la vanité et la démagogie de ceux qui nous gouvernent encore.
Raoul Mapiéchon
Raoul Mapiéchon