A Gagnoa, autochtones, allogènes, voyageurs de passage… tout le monde connaît «Sans loi». Cet espace aux mille maquis et restaurants propose des mets savoureux et variés. Dans des conditions d`hygiène pas totalement irréprochables. Notre reportage. A Gagnoa, autochtones, allogènes, voyageurs de passage… tout le monde connaît «Sans loi». Cet espace aux mille maquis et restaurants propose des mets savoureux et variés. Dans des conditions d`hygiène pas totalement irréprochables. Notre reportage.
Il faut attendre 11 heures pour voir les premiers amateurs faire leur entrée dans cet espace qui regroupe une quarantaine de maquis (buvettes) et restaurants. Situé en face du Centre hospitalier régional (Chr) de Gagnoa, «Sans loi» s`étend tout le long de la clôture de cet hôpital. Le lieu est traversé par l`une des voies principales de la ville. Il présente deux aspects en fonction de l`heure de la journée. D`abord le matin, entre 7h et 11h. C`est le moment où les femmes font bouillir les cocottes.
L`heure des grosses marmites
De différentes formes, ces marmites sont posées sur de gros cailloux qui font office de fourneaux. Les flammes du feu de bois utilisé pour la cuisson s`échappent de part et d`autre, léchant au passage le dos des marmites, d`où s`échappent les vapeurs des différentes sauces avec leurs parfums qui s`entremêlent pour titiller les narines. De loin, l`on aperçoit la fumée qui s`élève du haut des lieux de préparation. Si certaines femmes ont aménagé un semblant de cuisine, ce n`est pas le cas pour d`autres qui font la cuisine à ciel ouvert sur un sol poussiéreux qui devient boueux à la moindre pluie. Des jeunes filles, recrutées pour aider les restauratrices, s`activent à trier le riz, éplucher les bananes ou le manioc et à dépecer la viande de brousse, très prisée par les clients. «Cette viande de brousse est fournie par des chasseurs des villages environnants ou parfois par des revendeurs avec qui nous l`achetons», confie dame G.V. restauratrice à «Sans loi» depuis 2003. A côté, sur des braises, l`on voit fumer la chair de toutes sortes d`animaux : agouti, singe, hérisson, biche… Tout cela dans un vacarme provoqué par les causeries des vendeuses, des bruits de casseroles, la musique distillée par certaines buvettes et les klaxons de véhicules et mobylettes qui passent à côté. Ensuite, arrive l`heure de la descente du service. C`est-à-dire au-delà de 11h. Moment propice que choisit tout ventre pour réclamer sa pitance de la mi-journée, c`est à partir de cette heure que les clients affluent. Les bruits de marmites font place à ceux des cuillères, des verres et des assiettes. Certaines jeunes filles se déportent jusqu`aux abords de la route principale, à la recherche de clients qu`elles n`hésitent pas à racoler. «Tonton, venez par ici ! Il y a de la bonne nourriture avec de la viande de brousse», lancent-elles. Les clients qui se laissent convaincre ou ceux qui arrivent d`eux-mêmes ont le choix entre une panoplie de plats : Foutou de banane, d`igname, riz local, placaly. Côté sauce, celle à base de noix de palme est la plus prisée, accompagnée de `tikrité`(une spécialité locale faite de feuilles écrasées qu`on rajoute à la sauce graine pour en relever le goût). A côté de la graine, toutes les autres sauces se disputent la préférence des clients.
Boire et manger à satiété…
Les abonnés de «Sans loi» se trouvent dans toutes les couches socioprofessionnelles. Des fonctionnaires aux chômeurs en passant par les ouvriers. Tout le monde y trouve son goût. «Je travaille dans une grande surface de la ville et je mange ici tous les midis, parce que je ne peux pas rentrer à la maison», confie Djati Mathurin pour justifier sa régularité en ces lieux. Non loin de sa table, d`autres clients crient à haute voix pour rappeler à la servante que leurs commandes tardent à venir. A la vue de leurs tenues, l`on comprend que ce sont des mécaniciens qui ont marqué une pause pour le déjeuner. En attendant que la servante s`exécute, ils ont en face d`eux une bouteille de bière presque vide. Ils s`apprêtaient à commander une autre bouteille lorsque de jeunes filles arrivent enfin pour poser devant eux deux plats bien fumant. Le maquis «TK» se caractérise à «Sans loi» par une forte affluence de clients sur les lieux. La propriétaire, très occupée, n`a pas le temps de se prêter à nos questions. Au four et au moulin, elle donne des instructions à ses servantes. Là, nous constatons que les verbes boire et manger se conjuguent parfaitement. Une fois la table débarrassée, ce sont des bouteilles d`alcool qui se dressent comme des bouts de bois. «Comment voulez-vous qu`on mange sans accompagner cette nourriture d`un bon vin ou d`une bière bien glacée ?», tente de se justifier un client qui venait de vider le verre qu`il tenait en main. 14h passées, «Sans loi» commence à se vider de son monde. Au maquis «TK», la patronne est maintenant disponible pour répondre à nos questions. Ici comme dans la plupart des maquis, la patronne s`attache les services de servantes. «J`ai à ma disposition quatre servantes, sans compter mon mari et mes deux enfants. Les servantes sont payées à 500 Fcfa par jour. Certaines prennent leur paye le soir à la descente. D`autres préfèrent attendre la fin de la semaine pour cumuler les gains», indique la gérante. Elle indique que l`affluence de la clientèle chez elle s`explique par son choix d`hygiène. «Je prépare bien et mon cadre est propre, avec un service impeccable», se vante-elle. En général, tous les maquis de «Sans loi» affichent complets «à la fin du mois, pendant la traite cacaoyière, à la rentrée des classes et pendant les grands événements à caractère national organisés à Gagnoa», révèle une tenancière de restaurant sans cesser de piler son foutou. «Les gens viennent manger ici parce qu`ils veulent découvrir les mets typiquement africains.
La viande de brousse est l`une des plus grosses attractions ici. Notamment l`agouti, l`hérisson et la biche». A la faveur du pré-colloque sur le cinquantenaire de l`indépendance de la Côte d`Ivoire organisé dans la cité du Fromager, de nombreux confrères ont accouru à «Sans loi». Abandonnant les restaurants huppés où le comité d`organisation leur a réservé de la nourriture, ils ont tous voulu manger «comme au village». Un confrère photographe dans un organe de la place que nous avons rencontré dans l`un des maquis donne ses impressions. «Quand on entend parler de «Sans loi», on a envie de découvrir le milieu. Je suis venu manger ici pour avoir également mon expérience des lieux. J`avoue que j`ai été déçu. Parce que le cadre n`est pas assaini», regrette le confrère.
… dans des conditions d`hygiène à revoir
Le manque d`hygiène à «Sans loi» est de notoriété publique. Un tas d`ordures, juste à côté, sépare l`espace de l`hôpital, et sert d`urinoir aux clients et aux passants. Ce dépotoir produit une odeur dégoûtante. De grosses mouches et des moustiques y gisent. Ces insectes nuisibles par moments, profitant de la proximité qu`ils ont avec les restaurants, font irruption sur les plats. Avec tout ce que cela peut comporter comme désagrément pour la santé. Les eaux de lavage et de rinçage des assiettes ruissellent par endroits contenant les restes d`aliments. Un spectacle désagréable à la vue et qui finit de convaincre sur l`acuité du problème d`hygiène qui se pose. Kalet Dally Raphael, chef d`antenne de l`Institut national d`hygiène publique (Inhp) de Gagnoa, pense que le problème d`hygiène soulève la nécessité d`une prévention par la vaccination des personnes qui vendent sur les lieux contre les maladies. Son collaborateur, Kouamé Yao Abinan, technicien supérieur en hygiène et assainissement renchérit : «Nous avons dénombré un problème de suivi médical. Ces femmes doivent faire un examen de transparence pulmonaire pour voir si elles sont indemnes. Cela pour réduire les risques de contamination». Les restauratrices interrogées répondent qu`elles sont bien conscientes du risque qu`elles courent. Mais, elles refusent de s`activer pour assainir leur lieu de travail. Soutenant que cette responsabilité incombe aux propriétaires terriens et à la mairie. «Cette place, nous la louons aux familles Touré et Biaka qui en sont les propriétaires. Sans oublier que nous payons une patente mensuelle à la mairie. C`est à eux que nous donnons de l`argent pour assumer cette responsabilité», réagit une locatrice, visiblement irritée par la question d`hygiène. Selon elle, les propriétaires terriens encaissent entre 10.000F et 20.000 Fcfa par mois en fonction de la superficie occupée, pendant que la mairie prend également 2.000 Fcfa de patente chaque mois. Les restauratrices dénoncent le manque de poubelles. Affirmant que c`est ce qui les pousse à déposer les ordures à proximité. «Quand nous avons posé le problème d`hygiène aux propriétaires et à la mairie, ils nous ont fait des promesses qui ne sont toujours pas tenues», ont relevé plusieurs vendeuses.
Alain Kpapo à Gagnoa
Il faut attendre 11 heures pour voir les premiers amateurs faire leur entrée dans cet espace qui regroupe une quarantaine de maquis (buvettes) et restaurants. Situé en face du Centre hospitalier régional (Chr) de Gagnoa, «Sans loi» s`étend tout le long de la clôture de cet hôpital. Le lieu est traversé par l`une des voies principales de la ville. Il présente deux aspects en fonction de l`heure de la journée. D`abord le matin, entre 7h et 11h. C`est le moment où les femmes font bouillir les cocottes.
L`heure des grosses marmites
De différentes formes, ces marmites sont posées sur de gros cailloux qui font office de fourneaux. Les flammes du feu de bois utilisé pour la cuisson s`échappent de part et d`autre, léchant au passage le dos des marmites, d`où s`échappent les vapeurs des différentes sauces avec leurs parfums qui s`entremêlent pour titiller les narines. De loin, l`on aperçoit la fumée qui s`élève du haut des lieux de préparation. Si certaines femmes ont aménagé un semblant de cuisine, ce n`est pas le cas pour d`autres qui font la cuisine à ciel ouvert sur un sol poussiéreux qui devient boueux à la moindre pluie. Des jeunes filles, recrutées pour aider les restauratrices, s`activent à trier le riz, éplucher les bananes ou le manioc et à dépecer la viande de brousse, très prisée par les clients. «Cette viande de brousse est fournie par des chasseurs des villages environnants ou parfois par des revendeurs avec qui nous l`achetons», confie dame G.V. restauratrice à «Sans loi» depuis 2003. A côté, sur des braises, l`on voit fumer la chair de toutes sortes d`animaux : agouti, singe, hérisson, biche… Tout cela dans un vacarme provoqué par les causeries des vendeuses, des bruits de casseroles, la musique distillée par certaines buvettes et les klaxons de véhicules et mobylettes qui passent à côté. Ensuite, arrive l`heure de la descente du service. C`est-à-dire au-delà de 11h. Moment propice que choisit tout ventre pour réclamer sa pitance de la mi-journée, c`est à partir de cette heure que les clients affluent. Les bruits de marmites font place à ceux des cuillères, des verres et des assiettes. Certaines jeunes filles se déportent jusqu`aux abords de la route principale, à la recherche de clients qu`elles n`hésitent pas à racoler. «Tonton, venez par ici ! Il y a de la bonne nourriture avec de la viande de brousse», lancent-elles. Les clients qui se laissent convaincre ou ceux qui arrivent d`eux-mêmes ont le choix entre une panoplie de plats : Foutou de banane, d`igname, riz local, placaly. Côté sauce, celle à base de noix de palme est la plus prisée, accompagnée de `tikrité`(une spécialité locale faite de feuilles écrasées qu`on rajoute à la sauce graine pour en relever le goût). A côté de la graine, toutes les autres sauces se disputent la préférence des clients.
Boire et manger à satiété…
Les abonnés de «Sans loi» se trouvent dans toutes les couches socioprofessionnelles. Des fonctionnaires aux chômeurs en passant par les ouvriers. Tout le monde y trouve son goût. «Je travaille dans une grande surface de la ville et je mange ici tous les midis, parce que je ne peux pas rentrer à la maison», confie Djati Mathurin pour justifier sa régularité en ces lieux. Non loin de sa table, d`autres clients crient à haute voix pour rappeler à la servante que leurs commandes tardent à venir. A la vue de leurs tenues, l`on comprend que ce sont des mécaniciens qui ont marqué une pause pour le déjeuner. En attendant que la servante s`exécute, ils ont en face d`eux une bouteille de bière presque vide. Ils s`apprêtaient à commander une autre bouteille lorsque de jeunes filles arrivent enfin pour poser devant eux deux plats bien fumant. Le maquis «TK» se caractérise à «Sans loi» par une forte affluence de clients sur les lieux. La propriétaire, très occupée, n`a pas le temps de se prêter à nos questions. Au four et au moulin, elle donne des instructions à ses servantes. Là, nous constatons que les verbes boire et manger se conjuguent parfaitement. Une fois la table débarrassée, ce sont des bouteilles d`alcool qui se dressent comme des bouts de bois. «Comment voulez-vous qu`on mange sans accompagner cette nourriture d`un bon vin ou d`une bière bien glacée ?», tente de se justifier un client qui venait de vider le verre qu`il tenait en main. 14h passées, «Sans loi» commence à se vider de son monde. Au maquis «TK», la patronne est maintenant disponible pour répondre à nos questions. Ici comme dans la plupart des maquis, la patronne s`attache les services de servantes. «J`ai à ma disposition quatre servantes, sans compter mon mari et mes deux enfants. Les servantes sont payées à 500 Fcfa par jour. Certaines prennent leur paye le soir à la descente. D`autres préfèrent attendre la fin de la semaine pour cumuler les gains», indique la gérante. Elle indique que l`affluence de la clientèle chez elle s`explique par son choix d`hygiène. «Je prépare bien et mon cadre est propre, avec un service impeccable», se vante-elle. En général, tous les maquis de «Sans loi» affichent complets «à la fin du mois, pendant la traite cacaoyière, à la rentrée des classes et pendant les grands événements à caractère national organisés à Gagnoa», révèle une tenancière de restaurant sans cesser de piler son foutou. «Les gens viennent manger ici parce qu`ils veulent découvrir les mets typiquement africains.
La viande de brousse est l`une des plus grosses attractions ici. Notamment l`agouti, l`hérisson et la biche». A la faveur du pré-colloque sur le cinquantenaire de l`indépendance de la Côte d`Ivoire organisé dans la cité du Fromager, de nombreux confrères ont accouru à «Sans loi». Abandonnant les restaurants huppés où le comité d`organisation leur a réservé de la nourriture, ils ont tous voulu manger «comme au village». Un confrère photographe dans un organe de la place que nous avons rencontré dans l`un des maquis donne ses impressions. «Quand on entend parler de «Sans loi», on a envie de découvrir le milieu. Je suis venu manger ici pour avoir également mon expérience des lieux. J`avoue que j`ai été déçu. Parce que le cadre n`est pas assaini», regrette le confrère.
… dans des conditions d`hygiène à revoir
Le manque d`hygiène à «Sans loi» est de notoriété publique. Un tas d`ordures, juste à côté, sépare l`espace de l`hôpital, et sert d`urinoir aux clients et aux passants. Ce dépotoir produit une odeur dégoûtante. De grosses mouches et des moustiques y gisent. Ces insectes nuisibles par moments, profitant de la proximité qu`ils ont avec les restaurants, font irruption sur les plats. Avec tout ce que cela peut comporter comme désagrément pour la santé. Les eaux de lavage et de rinçage des assiettes ruissellent par endroits contenant les restes d`aliments. Un spectacle désagréable à la vue et qui finit de convaincre sur l`acuité du problème d`hygiène qui se pose. Kalet Dally Raphael, chef d`antenne de l`Institut national d`hygiène publique (Inhp) de Gagnoa, pense que le problème d`hygiène soulève la nécessité d`une prévention par la vaccination des personnes qui vendent sur les lieux contre les maladies. Son collaborateur, Kouamé Yao Abinan, technicien supérieur en hygiène et assainissement renchérit : «Nous avons dénombré un problème de suivi médical. Ces femmes doivent faire un examen de transparence pulmonaire pour voir si elles sont indemnes. Cela pour réduire les risques de contamination». Les restauratrices interrogées répondent qu`elles sont bien conscientes du risque qu`elles courent. Mais, elles refusent de s`activer pour assainir leur lieu de travail. Soutenant que cette responsabilité incombe aux propriétaires terriens et à la mairie. «Cette place, nous la louons aux familles Touré et Biaka qui en sont les propriétaires. Sans oublier que nous payons une patente mensuelle à la mairie. C`est à eux que nous donnons de l`argent pour assumer cette responsabilité», réagit une locatrice, visiblement irritée par la question d`hygiène. Selon elle, les propriétaires terriens encaissent entre 10.000F et 20.000 Fcfa par mois en fonction de la superficie occupée, pendant que la mairie prend également 2.000 Fcfa de patente chaque mois. Les restauratrices dénoncent le manque de poubelles. Affirmant que c`est ce qui les pousse à déposer les ordures à proximité. «Quand nous avons posé le problème d`hygiène aux propriétaires et à la mairie, ils nous ont fait des promesses qui ne sont toujours pas tenues», ont relevé plusieurs vendeuses.
Alain Kpapo à Gagnoa