Mme Kandia Camara a gros sur le cœur, face à la lenteur qu’enregistre le processus électoral en Côte d’Ivoire. La directrice centrale de campagne du candidat Alassane Dramane Ouattara chargée de la Mobilisation féminine, l’exprime haut et fort. Entretien.
Le Patriote : Face au blocage actuel du processus électoral, vous annonciez, récemment au cours d’une cérémonie à Adjamé, que les femmes donnent un délai de 15 jours au président de la CEI (Commission électorale indépendante). Et qu’après cette date, elles iront replacer M. Mambé à la tête de cette institution. Est-ce à dire que vous êtes à ce point déçu de M. Youssouf Bakayoko ?
Kandia Camara : Effectivement, comme vous l’avez constaté, au cours de cette cérémonie, les femmes ont estimé que face à la lenteur du processus électoral, il fallait réagir. Parce que quand il partait, l’ancien président de la CEI, M. Robert Beugré avait annoncé que son équipe et lui avaient déjà réalisé 95% du travail qui devait nous conduire aux élections. Il ne restait donc plus que 5% à M. Bakayoko et son équipe. Mais cela fait maintenant cinq mois que M. Bakayoko est à la tête de la CEI. Et jusque-là, nous ne voyons aucune avancée. Alors que la liste provisoire des 5,3 millions d’électeurs a été publiée depuis fin 2009, nous n’avons toujours pas la liste définitive. Le contentieux sur la liste dite « grise » est fini depuis le 5 juin. L’on nous parle aujourd’hui de vérification et de contentieux sur la liste « blanche ». C’est bien. Mais cela n’empêche pas les femmes de s’interroger sur le rôle exact de la CEI. Nous voulons savoir le travail pour lequel M. Bakayoko a été désigné. Parce que les femmes ne comprennent plus rien du tout. Depuis cinq mois qu’il est là, rien, absolument rien de concret n’a été fait. Nous n’avons aucune perspective, aucune visibilité véritable concernant la tenue effective des élections. Les femmes sont très inquiètes. C’est pour cela qu’elles ont décidé que si dans les deux semaines à venir, M. Bakayoko ne nous donnait pas la liste électorale définitive et une date pour le premier tour de l’élection présidentielle, elles iront chercher M. Mambé qui lui a l’avantage d’avoir déjà accompli 95% du travail à faire. Elles iront donc le chercher pour qu’il vienne achever ce qu’il a commencé.
LP : Les responsables de la CEI sont issus des partis politiques dont vous êtes aussi membre. Alors, selon vous, qu’est-ce qui peut expliquer le mutisme dans lequel est souvent plongée cette institution ?
KC : Nous ne comprenons vraiment pas ce mutisme. Et ce que nous disons est aussi valable pour le président de la CEI, M. Youssouf Bakayoko que pour les différents membres de cette institution. Mais en tant que président, la responsabilité de M. Bakayoko est engagée en premier lieu. Nous ne pouvons pas comprendre que depuis cinq ans, la Côte d’Ivoire soit en train de chercher à organiser une élection. Regardez autour de nous. En Guinée par exemple. Six mois après le départ de Dadis, voila que la Guinée est en train d’organiser son élection présidentielle, dans la paix et dans la sécurité. Le Togo en a fait de même il n’y a pas longtemps. Le Gabon, même chose. Le président Kuffor qui, comme ses homologues Eyadéma du Togo et Bongo du Gabon, nous ont aidés pour la résolution de notre crise durant ses deux mandats, a organisé les élections et laisser la place à quelqu’un d’autre. Ecoutez, partout en Afrique, il y a eu des élections. Il y a même des pays qui ont connu des crises plus graves que celle de la Côte d’Ivoire, mais qui ont organisé des élections. Regardez au Rwanda, au Burundi, en Afghanistan, en Irak où des bombes pleuvent chaque jour, des élections ont été organisées. Alors, qu’est-ce qui empêche la Côte d’Ivoire d’aller aux élections ? C’est la question que nous ne cessons de nous poser. C’est pourquoi, nous, femmes de toutes tendances confondues, avons décidé de parler désormais d’une seule voix. Pas en tant que partisanes, mais en tant que femmes de Côte d’Ivoire. Nous disons au président de la CEI que nous voulons des élections. Que le président Bakayoko et ses collaborateurs ne pensent pas qu’aux avantages et émoluments liés à leurs fonctions. Qu’ils pensent aussi à la souffrance des Ivoiriens.
LP : Vous voulez des élections. Cependant, d’aucuns, notamment ceux du camp présidentiel, soutiennent qu’il faut d’abord nettoyer la liste électorale provisoire qui, selon eux, serait truffée de fraudeurs. Qu’en dites-vous ?
KC : Ecoutez, la liste électorale provisoire est l’aboutissement d’un cheminement qui a commencé par les audiences foraines. Il y a trois ans que nous avons fait ces audiences foraines. Après, il y a eu l’opération d’identification et l’enrôlement. Après l’enrôlement, une liste provisoire a été publiée par la CEI. Et toutes ces étapes ont été validées par l’ensemble des acteurs, nationaux et internationaux, du processus de sortie de crise. Ce qui veut dire qu’on n’avait même pas besoin d’un contentieux sur la liste blanche. Voyez-vous, en trois ans la Côte d’Ivoire n’arrive toujours pas a établir une liste électorale définitive. Chose que la Commission électorale nationale indépendante (CENI) a réussi à faire en Guinée en seulement six mois. Alors, qu’est-ce qui explique le retard chez nous ici ? De deux choses l’une. Soit, c’est l’incompétence de la CEI. Et si c’est le cas, que ses responsables nous le disent clairement. Soit, cela est dû à la mauvaise foi et au refus du pouvoir d’aller à ces élections. Dans tous les cas, la situation ne peut pas rester ainsi.
LP : Alors que comptez vous faire?
KC : Nous commençons d’abord par une interpellation à l’endroit du président de la CEI. Il est arrivé au moment où les 95% du travail ont été déjà fait. Et nous estimons que les 5% qui restent sont réalisables d’ici la fin du mois de juillet. C’est pourquoi nous lui donnons jusqu’à cette date pour avoir la liste électorale définitive. Nous disons à M. Bakayoko que quand on accepte une responsabilité, il faut l’assumer entièrement et pleinement. Nous lui demandons, à lui et à toute son équipe, de nous organiser ces élections. Ils ont reçu tous les mandats pour le faire. Et nous pensons que la seule chose qui leur manque, c’est d’avoir un peu de courage et un peu d’audace pour faire avancer les choses. Depuis le mois de février ou mars, on aurait dû finir avec cette affaire de liste électorale. Nous savons qu’il y a la volonté qui manque au niveau du camp présidentiel. Mais la CEI doit se mettre au dessus des considérations et poser des actes concrets. C’est pour cela que nous la mettons en garde. Le 15 mai, les jeunes projetaient organiser une marche. Le président Gbagbo est allé voir les présidents Bédié et Ouattara. Et avec le Premier ministre, ils ont discuté et finalement reporté cette marche. Mais nous disons que si jusqu’à la fin du mois de juillet, nous n’avons pas la liste électorale définitive et la date des élections, les femmes et les jeunes se mettront ensemble pour organiser une grande marche. Et cette marche, croyez-moi, sera historique.
LP : L’actualité est aussi marquée par l’affaire « Désiré Tagro ». Quelle lecture en faites-vous ?
KC : Ecoutez, c’est une affaire qui me fait tout simplement sourire.
LP : Pourquoi ?
KC : Parce qu’il s’agit de la énième affaire sous le régime FPI. C’est le énième scandale sous Laurent Gbagbo. Souvenez-vous du scandale des déchets toxiques. Il y a eu le scandale des faux billets de banque. Il y a eu le scandale de la secrétaire du chef de l’Etat qui a escroqué, au nom de son patron, 65 millions à une entreprise de téléphonie. Il y a eu le scandale concernant le concours d’entrée à l’ENA. Il faut aussi se demander comment les gens sont recrutés à la Gendarmerie, à la Douane, au Port, etc. Combien de fois n’avons-nous pas dénoncé cette situation? Et je suis surprise que le chef de l’Etat demande une enquête judiciaire. Qu’on nous dise d’abord quels sont les résultats de l’enquête sur les déchets toxiques. Qu’on nous dise qui a donné l’autorisation à Trafigura de venir déverser les déchets en Côte d’Ivoire. Il n’y a jamais eu de réponse à cela. S’agissant de l’affaire des 65 millions, souvenez-vous que la secrétaire du chef de l’Etat, sous un prétexte de grâce présidentielle, a été rapidement libérée. Une grâce présidentielle, uniquement pour libérer sa secrétaire qui est aussi l’épouse de son conseiller, M. Gomé Hilaire. Bref, tout le monde sait en Côte d’Ivoire que pour être reçu à un concours de la Fonction publique il faut débaucher des millions. Ce sont des choses qui sont sues et connues de tous. De même pour les rackets. Regardez ces pauvres dames qui se débrouillent pour aller prendre un peu de marchandises dans les villages. En route pour Abidjan, elles sont obligées de laisser tout leur bénéfice aux Forces de l’ordre au niveau des barrages.
LP : Est-ce à dire que vous ne croyez pas en l’aboutissement de cette enquête sur l’affaire Tagro ?
KC : Je dirai même que c’est de la diversion. On veut tout simplement détourner l’attention des Ivoiriens de leurs préoccupations. Ces préoccupation, qui ont aujourd’hui comme point majeur l’organisation des élections. Alors, nous demandons au président Gbagbo et à ses hommes d’arrêter cette comédie. Nous ne sommes pas pour leurs enquêtes biaisées d’avance. Si tant la volonté de Chef de l’Etat était de faire éclater la justice, comment explique-t-on le fait qu’à l’Assemblée Nationale, les députés FPI s’opposent la mise en place d’une enquête parlementaire ? C’est la preuve que Gbagbo et son parti ne veulent pas que la vérité soit sue. Parce qu’au-delà du ministre Tagro, c’est une affaire qui touche Gbagbo lui-même et tout le FPI. Nous disons donc non à cette parodie de justice. La seule chose que nous voulons, que l’on aille à des élections justes, transparentes et crédibles. Et que les Ivoiriens choisissent librement le dirigeant qui mérite d’être à la tête de ce pays. Un dirigeant qui va s’entourer d’hommes et de femmes compétents pour régler les nombreux problèmes qui se posent aux Ivoiriens. Les populations souffrent, elles ont d’énormes difficultés. La Côte d’Ivoire va très mal. Allons-y donc aux élections pour que, très rapidement, des solutions soient trouvées à ces problèmes. Il faut permettre aux Ivoiriens d’avoir encore un peu d’espoir.
LP : Vous êtes la directrice centrale de campagne du candidat Alassane Dramane Ouattara chargée de la Mobilisation féminine. Alors, comment se porte cette direction ?
KC : Elle se porte très bien. Nous avons une direction composée de plusieurs sous-directions. Entre autres, vous avez une chargée de la mobilisation et de l’encadrement des militantes et des sympathisantes du RDR. Une autre est chargée des ONG et des Associations. Vous avez une sous-direction chargée du monde religieux, c’est-à-dire des femmes aussi bien chrétiennes que musulmanes. Et nous venons de mettre en place une sous-direction chargée des femmes des marchés. Parce que nous considérons qu’elles représentent la majorité des femmes aujourd’hui. Et donc, chaque sous-direction fait son travail. Nous continuons de sensibiliser les Ivoiriennes. Au jour d’aujourd’hui, je peux exprimer ma satisfaction de savoir que nous sommes vraiment en phase avec l’ensemble des femmes ivoiriennes. En effet, ces femmes ont compris que le plus important pour elles, c’est bien la résolution des problèmes qu’elles vivent au quotidien. C’est pourquoi, au jour d’aujourd’hui, les femmes abordent la prochaine échéance électorale avec beaucoup de sérénité. Elles l’abordent, non pas en tenant compte de leurs appartenances politique, ethnique ou religieuse, mais plutôt en tenant compte des valeurs intrinsèques des différents candidats. Elles essaient de voir ce que chacun des candidats propose à travers son programme de gouvernement. Car, elles souhaiteraient voir à la tête de la Côte d’Ivoire quelqu’un qui pourra trouver des solutions aux importants problèmes, tel le chômage auquel sont confrontés leurs enfants. Elles sont à la recherche de quelqu’un qui pourra s’occuper de leur bien-être social.
LP : Et qui est cette personne, selon vous ?
KC : Ce n’est pas seulement selon nous. Mais plutôt selon les femmes. En ralliant massivement nos rangs, elles démontrent qu’elles ont compris que M. Ouattara est effectivement la solution aux problèmes de la Côte d’Ivoire.
LP : Justement, dans cette logique, vous annonciez à Adjamé que le candidat Alassane Dramane Ouattara aura une grande rencontre avec les femmes commerçantes dans les tous prochains jours. Peut-on avoir des détails sur cette rencontre ?
KC : Effectivement, cette rencontre aura lieu le 4 août 2010. Le lieu est encore à préciser. Compte tenu de l’engouement, nous serons obligées de la faire dans un stade. Et comme il l’a fait avec les acteurs d’autres secteurs d’activités, ADO veut rencontrer les femmes commerçantes pour partager avec elles leurs préoccupations de tous les jours. Le problème du racket, la cherté de la vie et toutes les difficultés qu’elles rencontrent dans l’exercice de leur travail. ADO va aussi leur annoncer les solutions qu’il envisage pour sortir ces femmes de la souffrance. Des solutions et des mesures courageuses qu’il a déjà eues à mettre en pratique quand il était Premier ministre de 1990 à 1993.
LP : Un appel aux femmes…
KC : Je voudrais dire à mes sœurs ivoiriennes qu’il est vrai que nul n’ignore les difficultés que nous vivons aujourd’hui. Cependant, il ne faut pas désespérer. Il y a encore un espoir. Et cet espoir, ce sont les prochaines élections. C’est pourquoi, les femmes, qui à elles seules représentent plus de 50% de l’électorat ivoirien, doivent se mobiliser. Ce sont elles qui désigneront le prochain président de la République de Côte d’Ivoire. En tant que femmes, nous avons donc une responsabilité. Et cette responsabilité, nous devons l’assumer en choisissant la personne qui pourra alléger nos souffrances et faire sortir la Côte d’Ivoire des difficultés. Et cette personne, rien qu’à voir son bilan quand il était Premier ministre et son programme actuel de gouvernement, c’est bien le Dr Alassane Dramane Ouattara. Aux femmes, je dis : aidons ce monsieur d’une expertise et d’une grande expérience à venir nous aider.
Réalisée par Yves M-Abiet et Diawara Samou
Photos : A. Messmer
Le Patriote : Face au blocage actuel du processus électoral, vous annonciez, récemment au cours d’une cérémonie à Adjamé, que les femmes donnent un délai de 15 jours au président de la CEI (Commission électorale indépendante). Et qu’après cette date, elles iront replacer M. Mambé à la tête de cette institution. Est-ce à dire que vous êtes à ce point déçu de M. Youssouf Bakayoko ?
Kandia Camara : Effectivement, comme vous l’avez constaté, au cours de cette cérémonie, les femmes ont estimé que face à la lenteur du processus électoral, il fallait réagir. Parce que quand il partait, l’ancien président de la CEI, M. Robert Beugré avait annoncé que son équipe et lui avaient déjà réalisé 95% du travail qui devait nous conduire aux élections. Il ne restait donc plus que 5% à M. Bakayoko et son équipe. Mais cela fait maintenant cinq mois que M. Bakayoko est à la tête de la CEI. Et jusque-là, nous ne voyons aucune avancée. Alors que la liste provisoire des 5,3 millions d’électeurs a été publiée depuis fin 2009, nous n’avons toujours pas la liste définitive. Le contentieux sur la liste dite « grise » est fini depuis le 5 juin. L’on nous parle aujourd’hui de vérification et de contentieux sur la liste « blanche ». C’est bien. Mais cela n’empêche pas les femmes de s’interroger sur le rôle exact de la CEI. Nous voulons savoir le travail pour lequel M. Bakayoko a été désigné. Parce que les femmes ne comprennent plus rien du tout. Depuis cinq mois qu’il est là, rien, absolument rien de concret n’a été fait. Nous n’avons aucune perspective, aucune visibilité véritable concernant la tenue effective des élections. Les femmes sont très inquiètes. C’est pour cela qu’elles ont décidé que si dans les deux semaines à venir, M. Bakayoko ne nous donnait pas la liste électorale définitive et une date pour le premier tour de l’élection présidentielle, elles iront chercher M. Mambé qui lui a l’avantage d’avoir déjà accompli 95% du travail à faire. Elles iront donc le chercher pour qu’il vienne achever ce qu’il a commencé.
LP : Les responsables de la CEI sont issus des partis politiques dont vous êtes aussi membre. Alors, selon vous, qu’est-ce qui peut expliquer le mutisme dans lequel est souvent plongée cette institution ?
KC : Nous ne comprenons vraiment pas ce mutisme. Et ce que nous disons est aussi valable pour le président de la CEI, M. Youssouf Bakayoko que pour les différents membres de cette institution. Mais en tant que président, la responsabilité de M. Bakayoko est engagée en premier lieu. Nous ne pouvons pas comprendre que depuis cinq ans, la Côte d’Ivoire soit en train de chercher à organiser une élection. Regardez autour de nous. En Guinée par exemple. Six mois après le départ de Dadis, voila que la Guinée est en train d’organiser son élection présidentielle, dans la paix et dans la sécurité. Le Togo en a fait de même il n’y a pas longtemps. Le Gabon, même chose. Le président Kuffor qui, comme ses homologues Eyadéma du Togo et Bongo du Gabon, nous ont aidés pour la résolution de notre crise durant ses deux mandats, a organisé les élections et laisser la place à quelqu’un d’autre. Ecoutez, partout en Afrique, il y a eu des élections. Il y a même des pays qui ont connu des crises plus graves que celle de la Côte d’Ivoire, mais qui ont organisé des élections. Regardez au Rwanda, au Burundi, en Afghanistan, en Irak où des bombes pleuvent chaque jour, des élections ont été organisées. Alors, qu’est-ce qui empêche la Côte d’Ivoire d’aller aux élections ? C’est la question que nous ne cessons de nous poser. C’est pourquoi, nous, femmes de toutes tendances confondues, avons décidé de parler désormais d’une seule voix. Pas en tant que partisanes, mais en tant que femmes de Côte d’Ivoire. Nous disons au président de la CEI que nous voulons des élections. Que le président Bakayoko et ses collaborateurs ne pensent pas qu’aux avantages et émoluments liés à leurs fonctions. Qu’ils pensent aussi à la souffrance des Ivoiriens.
LP : Vous voulez des élections. Cependant, d’aucuns, notamment ceux du camp présidentiel, soutiennent qu’il faut d’abord nettoyer la liste électorale provisoire qui, selon eux, serait truffée de fraudeurs. Qu’en dites-vous ?
KC : Ecoutez, la liste électorale provisoire est l’aboutissement d’un cheminement qui a commencé par les audiences foraines. Il y a trois ans que nous avons fait ces audiences foraines. Après, il y a eu l’opération d’identification et l’enrôlement. Après l’enrôlement, une liste provisoire a été publiée par la CEI. Et toutes ces étapes ont été validées par l’ensemble des acteurs, nationaux et internationaux, du processus de sortie de crise. Ce qui veut dire qu’on n’avait même pas besoin d’un contentieux sur la liste blanche. Voyez-vous, en trois ans la Côte d’Ivoire n’arrive toujours pas a établir une liste électorale définitive. Chose que la Commission électorale nationale indépendante (CENI) a réussi à faire en Guinée en seulement six mois. Alors, qu’est-ce qui explique le retard chez nous ici ? De deux choses l’une. Soit, c’est l’incompétence de la CEI. Et si c’est le cas, que ses responsables nous le disent clairement. Soit, cela est dû à la mauvaise foi et au refus du pouvoir d’aller à ces élections. Dans tous les cas, la situation ne peut pas rester ainsi.
LP : Alors que comptez vous faire?
KC : Nous commençons d’abord par une interpellation à l’endroit du président de la CEI. Il est arrivé au moment où les 95% du travail ont été déjà fait. Et nous estimons que les 5% qui restent sont réalisables d’ici la fin du mois de juillet. C’est pourquoi nous lui donnons jusqu’à cette date pour avoir la liste électorale définitive. Nous disons à M. Bakayoko que quand on accepte une responsabilité, il faut l’assumer entièrement et pleinement. Nous lui demandons, à lui et à toute son équipe, de nous organiser ces élections. Ils ont reçu tous les mandats pour le faire. Et nous pensons que la seule chose qui leur manque, c’est d’avoir un peu de courage et un peu d’audace pour faire avancer les choses. Depuis le mois de février ou mars, on aurait dû finir avec cette affaire de liste électorale. Nous savons qu’il y a la volonté qui manque au niveau du camp présidentiel. Mais la CEI doit se mettre au dessus des considérations et poser des actes concrets. C’est pour cela que nous la mettons en garde. Le 15 mai, les jeunes projetaient organiser une marche. Le président Gbagbo est allé voir les présidents Bédié et Ouattara. Et avec le Premier ministre, ils ont discuté et finalement reporté cette marche. Mais nous disons que si jusqu’à la fin du mois de juillet, nous n’avons pas la liste électorale définitive et la date des élections, les femmes et les jeunes se mettront ensemble pour organiser une grande marche. Et cette marche, croyez-moi, sera historique.
LP : L’actualité est aussi marquée par l’affaire « Désiré Tagro ». Quelle lecture en faites-vous ?
KC : Ecoutez, c’est une affaire qui me fait tout simplement sourire.
LP : Pourquoi ?
KC : Parce qu’il s’agit de la énième affaire sous le régime FPI. C’est le énième scandale sous Laurent Gbagbo. Souvenez-vous du scandale des déchets toxiques. Il y a eu le scandale des faux billets de banque. Il y a eu le scandale de la secrétaire du chef de l’Etat qui a escroqué, au nom de son patron, 65 millions à une entreprise de téléphonie. Il y a eu le scandale concernant le concours d’entrée à l’ENA. Il faut aussi se demander comment les gens sont recrutés à la Gendarmerie, à la Douane, au Port, etc. Combien de fois n’avons-nous pas dénoncé cette situation? Et je suis surprise que le chef de l’Etat demande une enquête judiciaire. Qu’on nous dise d’abord quels sont les résultats de l’enquête sur les déchets toxiques. Qu’on nous dise qui a donné l’autorisation à Trafigura de venir déverser les déchets en Côte d’Ivoire. Il n’y a jamais eu de réponse à cela. S’agissant de l’affaire des 65 millions, souvenez-vous que la secrétaire du chef de l’Etat, sous un prétexte de grâce présidentielle, a été rapidement libérée. Une grâce présidentielle, uniquement pour libérer sa secrétaire qui est aussi l’épouse de son conseiller, M. Gomé Hilaire. Bref, tout le monde sait en Côte d’Ivoire que pour être reçu à un concours de la Fonction publique il faut débaucher des millions. Ce sont des choses qui sont sues et connues de tous. De même pour les rackets. Regardez ces pauvres dames qui se débrouillent pour aller prendre un peu de marchandises dans les villages. En route pour Abidjan, elles sont obligées de laisser tout leur bénéfice aux Forces de l’ordre au niveau des barrages.
LP : Est-ce à dire que vous ne croyez pas en l’aboutissement de cette enquête sur l’affaire Tagro ?
KC : Je dirai même que c’est de la diversion. On veut tout simplement détourner l’attention des Ivoiriens de leurs préoccupations. Ces préoccupation, qui ont aujourd’hui comme point majeur l’organisation des élections. Alors, nous demandons au président Gbagbo et à ses hommes d’arrêter cette comédie. Nous ne sommes pas pour leurs enquêtes biaisées d’avance. Si tant la volonté de Chef de l’Etat était de faire éclater la justice, comment explique-t-on le fait qu’à l’Assemblée Nationale, les députés FPI s’opposent la mise en place d’une enquête parlementaire ? C’est la preuve que Gbagbo et son parti ne veulent pas que la vérité soit sue. Parce qu’au-delà du ministre Tagro, c’est une affaire qui touche Gbagbo lui-même et tout le FPI. Nous disons donc non à cette parodie de justice. La seule chose que nous voulons, que l’on aille à des élections justes, transparentes et crédibles. Et que les Ivoiriens choisissent librement le dirigeant qui mérite d’être à la tête de ce pays. Un dirigeant qui va s’entourer d’hommes et de femmes compétents pour régler les nombreux problèmes qui se posent aux Ivoiriens. Les populations souffrent, elles ont d’énormes difficultés. La Côte d’Ivoire va très mal. Allons-y donc aux élections pour que, très rapidement, des solutions soient trouvées à ces problèmes. Il faut permettre aux Ivoiriens d’avoir encore un peu d’espoir.
LP : Vous êtes la directrice centrale de campagne du candidat Alassane Dramane Ouattara chargée de la Mobilisation féminine. Alors, comment se porte cette direction ?
KC : Elle se porte très bien. Nous avons une direction composée de plusieurs sous-directions. Entre autres, vous avez une chargée de la mobilisation et de l’encadrement des militantes et des sympathisantes du RDR. Une autre est chargée des ONG et des Associations. Vous avez une sous-direction chargée du monde religieux, c’est-à-dire des femmes aussi bien chrétiennes que musulmanes. Et nous venons de mettre en place une sous-direction chargée des femmes des marchés. Parce que nous considérons qu’elles représentent la majorité des femmes aujourd’hui. Et donc, chaque sous-direction fait son travail. Nous continuons de sensibiliser les Ivoiriennes. Au jour d’aujourd’hui, je peux exprimer ma satisfaction de savoir que nous sommes vraiment en phase avec l’ensemble des femmes ivoiriennes. En effet, ces femmes ont compris que le plus important pour elles, c’est bien la résolution des problèmes qu’elles vivent au quotidien. C’est pourquoi, au jour d’aujourd’hui, les femmes abordent la prochaine échéance électorale avec beaucoup de sérénité. Elles l’abordent, non pas en tenant compte de leurs appartenances politique, ethnique ou religieuse, mais plutôt en tenant compte des valeurs intrinsèques des différents candidats. Elles essaient de voir ce que chacun des candidats propose à travers son programme de gouvernement. Car, elles souhaiteraient voir à la tête de la Côte d’Ivoire quelqu’un qui pourra trouver des solutions aux importants problèmes, tel le chômage auquel sont confrontés leurs enfants. Elles sont à la recherche de quelqu’un qui pourra s’occuper de leur bien-être social.
LP : Et qui est cette personne, selon vous ?
KC : Ce n’est pas seulement selon nous. Mais plutôt selon les femmes. En ralliant massivement nos rangs, elles démontrent qu’elles ont compris que M. Ouattara est effectivement la solution aux problèmes de la Côte d’Ivoire.
LP : Justement, dans cette logique, vous annonciez à Adjamé que le candidat Alassane Dramane Ouattara aura une grande rencontre avec les femmes commerçantes dans les tous prochains jours. Peut-on avoir des détails sur cette rencontre ?
KC : Effectivement, cette rencontre aura lieu le 4 août 2010. Le lieu est encore à préciser. Compte tenu de l’engouement, nous serons obligées de la faire dans un stade. Et comme il l’a fait avec les acteurs d’autres secteurs d’activités, ADO veut rencontrer les femmes commerçantes pour partager avec elles leurs préoccupations de tous les jours. Le problème du racket, la cherté de la vie et toutes les difficultés qu’elles rencontrent dans l’exercice de leur travail. ADO va aussi leur annoncer les solutions qu’il envisage pour sortir ces femmes de la souffrance. Des solutions et des mesures courageuses qu’il a déjà eues à mettre en pratique quand il était Premier ministre de 1990 à 1993.
LP : Un appel aux femmes…
KC : Je voudrais dire à mes sœurs ivoiriennes qu’il est vrai que nul n’ignore les difficultés que nous vivons aujourd’hui. Cependant, il ne faut pas désespérer. Il y a encore un espoir. Et cet espoir, ce sont les prochaines élections. C’est pourquoi, les femmes, qui à elles seules représentent plus de 50% de l’électorat ivoirien, doivent se mobiliser. Ce sont elles qui désigneront le prochain président de la République de Côte d’Ivoire. En tant que femmes, nous avons donc une responsabilité. Et cette responsabilité, nous devons l’assumer en choisissant la personne qui pourra alléger nos souffrances et faire sortir la Côte d’Ivoire des difficultés. Et cette personne, rien qu’à voir son bilan quand il était Premier ministre et son programme actuel de gouvernement, c’est bien le Dr Alassane Dramane Ouattara. Aux femmes, je dis : aidons ce monsieur d’une expertise et d’une grande expérience à venir nous aider.
Réalisée par Yves M-Abiet et Diawara Samou
Photos : A. Messmer