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Société Publié le lundi 12 juillet 2010 | Nord-Sud

Détournement de l`argent de la quête, fétichisme dans les mosquées… : Les graves révélations du cheikh Fofana

Harouna Koné, imam de la mosquée du Centre hospitalier universitaire(Chu) de Treichville a été intronisé samedi en présence du président du Conseil supérieur des imams(Cosim). Cheikh Boikary Fofana a rappelé à cette occasion le rôle de l'imam et dénoncé certaines pratiques de musulmans en Côte d'Ivoire. Nous vous proposons de larges extraits de son intervention.

«Chers frères et sœurs musulmans. L'évènement qui nous réunit aujourd'hui est d'une importance capitale. L'imam se doit d'accomplir toutes les tâches qui étaient dévolues au prophète Mohamed. C'est donc dans le rôle du prophète que l'imam Harouna Koné vient d'être installé. Il est placé à la tête des musulmans de la mosquée du Chu (Centre hospitalier universitaire) de Treichville. C'est lui qui répondra d'eux le jour du jugement dernier. S'ils ont été bons sur terre, il en aura l'honneur. S'ils ont été mauvais, il s'en expliquera. C'est cela la délicatesse de la fonction d'imam. Il ne s'agit pas uniquement de diriger les cinq prières quotidiennes et la prière du vendredi. L'imam doit d'être comme un berger pour ses fidèles(…).
Le problème des musulmans de Côte d'Ivoire, c'est le manque de dirigeants. Depuis la colonisation, l'imamat a été écrasé au point où les imams ont eu peur de leurs tâches. Tous leurs déplacements étaient suivis de près. Et cela, à cause de l'influence qu'ils avaient à l'arrivée du colon. Tout leader, qu'il soit politique ou coutumier, était adossé à un imam.

“La reine Pokou avait un marabout”

Même la reine Pokou, lors de son déplacement avec son peuple vers la Côte d'Ivoire était accompagnée d'un marabout. Le colonisateur qui ne supportait pas ce pouvoir des imams a tout mis en œuvre pour le neutraliser. Mais, gloire à Dieu, depuis la création du Conseil supérieur des imams(Cosim), l'importance de l'imam est en train d'être restaurée. Harouna, je puis témoigner que tu es un modèle. Tu es sage malgré ton jeune âge. En témoigne la grande mobilisation de ce jour. La foi musulmane, c'est la vertu. C'est à ce niveau que se trouve une autre plaie de notre communauté aujourd'hui. Notre comportement s'est détérioré sur plusieurs plans. Dans la recherche de notre subsistance, en matière de sexe, dans l'éducation de nos enfants…Tu dois te démarquer de cette situation. Nous t'encourageons à rester sur la bonne voie. L'imam doit appeler les fidèles vers Dieu et non vers lui-même. Aujourd'hui, beaucoup de jeunes musulmans s'adonnent aux zikrs et fréquentent la tarîqat, pas pour l'amour de Dieu, mais pour la recherche d'une célébrité. Cela n'est pas notre voie. Notre voie, c'est la recherche de l'amour pour Dieu et l'amour de Dieu. Fidèles musulmans de la mosquée du Chu de Treichville, votre imam vient d'être intronisé. Il est votre chef. Lorsque vous vous rendrez dans une église catholique, vous verrez que c'est le prêtre qui est le responsable de la paroisse. A l'église protestante, c'est le pasteur. Le prophète Mohamed a été le premier imam des musulmans. Il était également le responsable de la mosquée. Alors, celui qui joue son rôle doit bénéficier du respect qui lui était dû. Il n'y a pas deux chefs à la tête de la mosquée. Le colonialisme a initié les comités de gestion dans les mosquées pour contrôler les imams. Mais, depuis la naissance du Cosim, le comité de gestion est devenu un instrument pour l'imam. La mosquée est une institution religieuse et spirituelle et non une institution profane laïque. Et ce sont les valeurs religieuses qui gouvernent la mosquée, et le défenseur de ces valeurs, c'est l'imam. Bien sûr, l'imam a besoin de personnes qui l'assistent. Ce n'est pas à lui de remplacer les lampes électriques, ou d'aller payer les factures d'eau et d'électricité. Ça, c'est le rôle des comités de gestion. Il faut que la communauté musulmane accepte cela désormais(…) Ce que nous aurions souhaité est que nos cadres et intellectuels deviennent des leaders dans leurs différents domaines de compétence et dans la société, et qu'ils viennent mettre leurs expériences et leurs moyens à la disposition de leur communauté religieuse. Les comités de gestion ne sont pas les propriétaires des mosquées. La mosquée appartient à l'islam. Les conflits entre comités de gestion et imams doivent donc cesser. Ces conflits n'existent pas chez les chrétiens. Ils n'existent que chez les musulmans. Et leur principale origine est l'argent de la quête. A plusieurs reprises, nous sommes saisis par des personnes qui veulent démettre des imams de leur fonction. La seule cause, c'est l'argent de la quête. Les prêtres et pasteurs sont pris en charge par leurs fidèles. Ils ont salaire, bureau, logement et véhicule. Mais rares sont les communautés musulmanes qui offrent un bon logement à leur imam. Au contraire, les imams sont combattus pour les maigres recettes de la quête. Je ne dis pas que cet argent doit aller dans la poche de l'imam. Il faut une vraie gestion dans les mosquées. Chacun doit être à la place qu'il faut.

''On a déposé des fétiches dans ma mosquée''

Les ressources doivent avoir une origine propre et leur gestion doit être propre. Je vais vous donner l'exemple de ma propre mosquée (la mosquée D'Aghien). A mon retour des Etats-Unis, j'ai constaté que les recettes y ont diminué de 2/3. J'ai posé des questions et on ne m'a pas donné de réponse claire. On m'a dit tout simplement que les fidèles ne cotisaient plus assez à cause de la crise. J'ai observé pendant un an et demi, et j'ai décidé que le bureau qui était en place soit remplacé par un autre. Le jour où le nouveau bureau a pris fonction, la recette de la mosquée est passée de 99.000 Fcfa ou 100.000 F au maximum, à 340.000 F. Ce sont des fonctionnaires qui font ce type de gestion. Malgré les salaires qu'ils perçoivent, ils viennent faire main basse sur les ressources de la mosquée. Avant mon départ pour les Etats-Unis, chaque mois de ramadan, les quêtes rapportaient au minimum 13 millions ou 14 millions de francs.
A mon retour, l'on m'a déclaré 5 millions. J'ai dit que je ne reconnaissais plus ma mosquée. Lorsque le nouveau bureau a été installé, le ramadan suivant, nous avons obtenu 14 millions. Cela signifie que la différence allait ailleurs. Et depuis que les anciens gestionnaires ont été remplacés, chaque jour, nous constatons des pratiques étranges dans la mosquée. Même vendredi dernier, on m'a signalé que quelqu'un était venu avec des fétiches dans la mosquée. Au moment où les gardiens l'ont aperçu, il a pris la fuite, abandonnant ses fétiches dans un sac, devant la place de l'imam. Comment voulons-nous avoir la grâce avec ce type de comportement. Des choses pareilles se passent dans plusieurs mosquées. Et ce sont les mêmes pratiques qui se retrouvent autour du hadj. Nous avons entendu certaines personnes dire à la radio ou à la télévision que nous avons créé le Bureau ivoirien du hadj et de la oumra(Biho) sans les en aviser.

“13 milliards du hadj : les faits nous donnent raison”

Comment des musulmans peuvent-ils proférer pareils mensonges ? Tous savent que nous avons rencontré tout le monde en demandant que nous nous unissions autour du projet au nom de Dieu. Une manière de parler d'une voix unique aux autorités. Nous en avons même supplié certains qui étaient réticents. A la veille de l'assemblée constitutive, des personnes nous demandent d'abandonner le projet. Nous leur avons répondu qu'elles étaient en retard(…). On nous reproche de réclamer l'organisation du hadj. Pourquoi n'allons pas réclamer cela ? Toutes les confessions reçoivent des subventions de l'Etat sauf l'islam. Les aides à la communauté musulmane ne se font que dans le cadre du hadj. Mais, là encore, depuis quelques années, des fonds sont décaissés pour le hadj sans que la communauté musulmane ne sache où va cet argent. Des gens nous ont reproché d'avoir évoqué ce problème, mais aujourd'hui, les faits nous donnent raison. Le gouvernement lui-même a ouvert une enquête, et tous ceux qui ont géré le hadj durant ces années ont été relevés de leur fonction. C'est la preuve que quelque chose s'est passée. Nous imams, n'allons jamais mentir. Il est anormal que 13 milliards de Fcfa soient décaissés au titre du hadj et que l'on se retrouve avec 1.300.000.000 de dette, rien que pour le logement. Plus de mille personnes sont allées à La Mecque sans rien payer à la caisse. Où sont passés les frais de leurs voyage. Lorsque nous en avons parlé, des guides musulmans nous ont reprochés de vouloir combattre le gouvernement. Nous n'avons jamais eu cette intention. Nous avons de bons rapports avec le chef de l'Etat. Chacun doit jouer son rôle. Et le mien consiste à défendre les intérêts des musulmans (…).»


Propos retranscrits par Cissé Sindou
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