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Art et Culture Publié le mercredi 14 juillet 2010 | Nord-Sud

Privé de télévision, de téléphone, de radio nationale, de journaux et d’Internet : Le Denguélé isolé !

Dans le Denguélé, les populations peinent à accéder aux informations. La télévision nationale (Rti), les journaux, et Internet… tout est coupé. La radio de l’Opération des Nations-Unies en Côte d’Ivoire est la seule source encore disponible.

Etre privé de toute émission de signaux, d’écrits, d’images, de sons…. Ce mal, désormais atypique dans un monde globalisé, continue, hélas, de sévir dans plusieurs localités en Côte d’Ivoire. Et pas des moindres. Dans le Denguélé, en dehors de la radio de l’Opération des Nations-Unies (Onuci-Fm), toutes les autres sources d’informations nationales sont inexistantes. D’abord, la télévision nationale.

Ce dimanche 20 juin, il est 18 heures. Le match des Eléphants de Côte d’Ivoire contre le Brésil se joue. A l’hôtel-campement, et au Thé club1 d’Odienné, tous les espaces ont été pris d’assaut par les téléspectateurs. On crie, on gesticule, on supporte avec beaucoup d’énergie dans une ambiance conviviale.

La télé, simple décor

Fait curieux, en dehors de ces endroits bondés de monde, les foyers baignent dans un calme plat. Nous arrivons chez M. Soumahoro. A l’image des salons de la quasi-totalité des autres Odiennékas, les fauteuils du grand salon sont vides. L’écran 21 pouces de la télévision qui fait face aux fauteuils est recouvert d’une étoffe. La poussière qui la recouvre, montre bien que depuis un bon bout de temps cet appareil-récepteur n’a pas servi. «Mes enfants sont allés voir le match ailleurs. Ils sont chez les rares possesseurs d’antennes paraboliques, ou les espaces publics aménagés pour la circonstance. La Rti (Radio télévision ivoirienne) n’émet pas depuis quelques jours», explique ce père de famille, qui ne cache pas son amertume face à cette situation qui perdure. «Nous avons la télé de façon discontinue. Et si quelques rares fois elle apparaît, c’est avec des images imprécises, neigeuses. A l’heure du journal télévisé que j’aime bien, je mets la télé en marche en gardant l’écran fermé. Je me contente juste d’écouter le son. Nous souffrons !», se plaint-il. M. Konaté Bema, le technicien chargé des installations de la Rti situé à Tiémé (30km d’Odienné), évoque la vétusté de l’appareillage. « Ces appareils ont besoin surtout qu’on recharge les compresseurs afin de rétablir la climatisation qui est très fondamentale pour le fonctionnement des appareils. C’est parce ce que les compresseurs sont déchargés que la climatisation s’est arrêtée. Et, donc les appareils ne peuvent pas fonctionner à certains degrés de réchauffement. Voilà plus de dix ans que j’attire l’attention des patrons pour corriger cette panne », soutient le technicien. Il explique par ailleurs le récent arrêt des émissions de fréquences (Tv, Fm…) par une panne liée au desserrement d’un câble. «J’ai fait des efforts pour réparer cette panne. Certainement que dans les prochains jours, les auditeurs et téléspectateurs renoueront-ils avec la Rti, radio Côte d’Ivoire, Fréquence2…)», essaie de rassurer M. Konaté avant de souligner que, la fin des autres désagréments notamment les images floues, troubles et autres effets parasites résident dans le rétablissement de la climatisation.

Les antennes paraboliques, un luxe !

En attendant que M. Konaté et ses patrons résolvent ces difficultés, les populations modestes ne pouvant s’offrir le prix d’une parabole, doivent s’adapter à la situation. Le recours aux antennes paraboliques s’est imposé à ceux qui ne peuvent se passer de la télévision. La récente promotion pour l’acquisition de ces antennes à des prix plus modestes, a entraîné une ruée vers ces abonnements. Surtout que les Odiennékas ne voulaient pas se faire conter les compétitions de la Coupe du monde. M. Silué Mainthouhou, responsable de la seule agence agréée par Canal horizon dans le Denguélé, se frotte bien les mains. «L’avènement du mondial a vu mes clients augmenter. J’ai reçu plus de 50 clients en quelques semaines», se réjouit l’opérateur économique qui souhaite collaborer directement avec la maison-mère pour éviter les retards et autres désagréments qui mettent à mal la confiance entre ses clients et lui. «J’ai fait l’effort pour m’acheter une antenne Canal. A mon âge, c’est gênant d’aller regarder les matchs chez des voisins», se confie M. Massa, fonctionnaire d’une cinquantaine d’années. Qui se dit frustré d’avoir raté certains matchs parce que ne disposant pas encore de la parabole. Le principal maintenancier de ces installations, M. Dion Aristide, confirme que le vol des câbles y est pour beaucoup dans les problèmes de réseau. «La distance entre un abonné et une boîte Pc (endroit où l’on recueille la tonalité) doit être inférieure à 100 mètres. Mais ici, cette distance varie entre 1000 et 2000 mètres. De plus, ces lignes sont surchargées. C’est ce qui explique en bonne partie les perturbations répétées sur le réseau internet. C’est aussi à cause de ces agressions sur nos installations que vous verrez que les téléphones ne marchent pas à certains endroits. C’est le cas de la ville de Tiémé où aucun de nos abonnés n’est connecté», raconte le technicien-télécom. La capitale du Denguélé est en peloton de tête quant aux vols de câbles souterrains et aériens, selon le technicien, avec respectivement 9900 mètres de câbles aériens et 9000 mètres de câbles souterrains emportés.

Pillages des câbles, la source du malheur

Les autres villes notamment Dioulatiédougou, Samatiguila, Kaniasso, Gbéléban et Kahanso ont connu ces mêmes vols mais à des degrés moin?dres. M. Doumbia, du service commercial, indique que cette situation constitue un véritable manque à gagner pour son entreprise. «Plus de 80 pour cent de nos abonnés ne sont pas connectés», s’indigne le responsable de l’ex-direction devenue point de vente du fait de la chute de leurs clients. «A part le centre-ville, les quartiers périphériques sont inaccessibles au téléphone fixe. C’est ainsi que la justice et le domicile du préfet de région situés au quartier Résidentiel (à la sortie Est d’Odienné) ne sont pas raccordés au fixe. A Minignan, bien que tous les câbles soient en place, ils sont aussi hors réseau au fixe. La cause de l’isolement des abonnés de Minignan serait, à en croire le technicien télécoms, liée, à une panne intervenue sur le pylône situé dans la dite ville. Les populations, quant à elles, avancent que les problèmes seraient venus depuis le jour où un fou est monté jusqu’au sommet de ce pylône. N’eût été l’intervention des Forces nouvelles, il aurait fait plus de dommages à cette antenne. Ils soutiennent que ce fou a désorienté le pylône. En définitive, ces problèmes ne sont pas de nature à favoriser le réseau internet auquel est lié le téléphone, comme le souhaite le responsable commercial de Côte d’Ivoire Télécom dans le Denguélé. Qui se dit écœuré que les enfants du Denguélé ne soient pas au même niveau en ce qui concerne l’accès aux nouvelles technologies de l’information et de la communication notamment l’Internet. «Alors qu’ailleurs, dans le même pays, l’Internet est presque à la portée de tous, ici on peine à accéder à cet outil. Par la faute de personnes indélicates. Il faut que des gens cessent de voler ces câbles. Ce qu’ils font ne fait que mettre la région en retard» a-t-il averti. Avant de révéler l’appréhension des investisseurs, quant au perfectionnement des installations. «Ce sont de gros sous que des gens décaissent pour ce matériel.

Le téléphone fixe coupé

Il faut qu’ils s’assurent que leurs installations ne seront pas pillé comme on le constate pour les câbles. Aujourd’hui Korhogo est connecté au haut débit. Man est en passe de l’être, alors qu’Odienné n’est même pas sur la liste, c’est dommage !» affirme-t-il, emboîtant le pas au responsable commercial. M. Dion Aristide évoque les préparatifs de la visite du chef de l’Etat en juillet de l’an dernier. «Les câbles souterrains que nous avons mis pour raccorder la résidence du préfet (où logeait le président de la République durant son séjour), ont été enlevés le lendemain. C’est depuis ce jour que nous avons sursis au rétablissement de ces câbles en attendant que la situation se normalise», se souvient le technicien. Ces facteurs d’agressions sur les installations par des personnes malhonnêtes mettent en péril le développement de cette région du Denguélé. Les autorités saisies disent regretter ces agissements et promettent prendre des dispositions pour endiguer ces pillages. Notons que ces câbles sont volés pour le cuivre qu’ils contiennent. Tous ces agissements insensés participent à faire reculer la région.

Tenin Bè Ousmane à Odienné
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