Donner un nom à un enfant en pays sénoufo obéit, dans la plupart des cas, à des événements venus par les ascendants ou la communauté.
Le nom chez l’Africain revêt toujours une importance philosophique, religieuse, éducative et historique. Ainsi choisir d’appeler son enfant de telle façon ou de telle autre n’est jamais un fait fortuit. Le peuple senoufo fait la même chose, lui qui n’attribue pas de nom au hasard. Pour ce peuple du Grand Nord ivoirien, le nom d’un individu revêt son identité, sa personnalité. Bien plus, le nom est la représentation de l’âme de l’individu. Ainsi, choisir un nom à un enfant chez les Senoufo n’a rien d’une fantaisie. A titre d’exemple Koundjènintcha est le nom d’une fille que nous avons rencontrée. «Je suis née un jour de marché, c’est pourquoi, mon père m’a baptisée Koundjènintcha», explique Mlle Soro. «Koundjènin», en veut dire jour de marché. «Tcha» signifie fille. L’association des deux donne Koundjènintcha, c’est-à-dire, fille née un jour de marché. On pourrait croire que le père ne s’est pas arraché les cheveux pour trouver ce nom. Et pourtant, il l’a fait en référence au jour de marché. D’autres éléments inspirent le Senoufo quand il baptise son enfant. C’est le cas de Kparatchogo. « Moi je me nomme Kparatchogo. Cela peut vouloir dire «accepte», «pardonne» ou «supporte», décode Silué, un vendeur de journaux. «Son père a certainement été l’objet de nombreuses intrigues, de méchanceté ou de calomnie de la part de ses parents. En réponse à tout le mal à lui fait, il a attribué ce nom à son fils. Comme pour se réconforter ou pour s’inviter à la tolérance», explique Yéo Kolotioloman. Revenant sur le nom que lui-même porte, il poursuit : « Tous mes frères sont albinos. Mais dès que ma mère accouche d’un enfant qui n’en est pas un, il décède. Alors quand je suis venu au monde, mon père m’a fait appeler Kolotioloman qui veut dire "A Dieu" En réalité le père me confiait à Dieu. C’est ce qui m’a permis de vivre. C’est la même chose avec Gnénéma, Fangnogoro.»
Chez les sujets du patriarche Gon, le nom révèle l’identité. De sorte que chaque nom est chargé de signification. « Chez les Senoufo, un nom est toujours lié à un événement. Un Senoufo n’attribue pas un nom à son enfant sans se référer à quelque chose » a révélé Eric Ouattara de Sognénin. « L’attribution du nom dépend toujours de plusieurs paramètres » renchérit Tuo Lassina, animateur radio, versé dans la culture senoufo. Et le confrère d’ajouter : « Le baptême de l’enfant peut tenir compte du jour de naissance, de l’endroit ou du lieu de naissance. Si un enfant naît un jour de Koundjènin (Ndlr, Jour de marché), l’enfant s’appellera koundjènintcha. S’il est né au champ, on dira Séhéna, pour un garçon et Séhétcha si c’est une fille.» «Le nom tient effectivement compte du jour de naissance. Si l’enfant naît lundi, on le baptisera Ténédja quand il s’agit d’une fille et Tanan si c’est un garçon. Tout dépend de l’événement. Un enfant né pendant ou après la pluie peut s’appeler Zana», a poursuivi Eric Ouattara. « On peut exprimer un souhait, un vœu en baptisant son enfant. Si un père nomme son enfant Tchérégnimin qui veut dire «santé», il souhaite la bonne santé à son fils. Mais cela peut être en rapport avec les autres enfants qui ont toujours eu des ennuis de santé » raconte Tuo Lassina. Pour Koné H., « le père peut exprimer ses sentiments en attribuant ses noms.» Et de prendre le cas d’un de ses parents : « J’ai un parent qui fait des phrases imagées qui constituent des noms pour sa progéniture. Par exemple, en appelant son enfant Tanhécoubléman, il veut dire ceci : "Les morts ont toujours raison." En baptisant un autre "Péouloton", il interpelle les autres qui se taisent sur leurs propres défauts par exemple et mettent ceux des autres sur la place publique. Il y a Une expression universelle sied à ce nom : "Enlève d’abord la poutre dans tes yeux avant de chercher à enlever la paille dans l’œil de l’autre.» « Je porte le nom de mon oncle, mais c’est un nom chargé de sens. Je m’appelle Wafoungodié. Cela veut dire, nul ne peut savoir ce que l’autre pense de soi. Ou bien l’homme est un mythe pour son prochain » confirme Silué Michel, un fils de la région. Autre paramètre, c’est le message que le père veut lancer à la communauté dans laquelle il vit. « Soit on refuse de me donner une femme dans le village, on pense que je suis un incapable peut-être d’enceinter une femme. Alors dès que je me marie et qu’elle tombe rapidement en grossesse, l’enfant qui en naît, je peux l’appeler "Fêrêla", entendez "qui enlève la honte sur moi" ou si vous voulez qui lave l’affront » dit Tuo Lassina. D’autres circonstances de la vie peuvent pousser le Senoufo à attribuer un nom. Par exemple, quand dans la famille, tous les enfants qui naissent vont immédiatement dans le ventre de la nuit, le père peut aller consulter. Le médium peut révéler que la mère a l’habitude de maltraiter certains animaux. « C’est pourquoi, explique Eric Ouattara, des gens peuvent s’appeler "Gowa", "Gopégué" ou "Gona" qui sont des références au poulet.» « Mais après plusieurs décès, on peut appeler un enfant "Korona" (reste parmi nous) pour demander aux mânes de laisser cet enfant en vie » a ajouté Sap’Héro, le président de « Studio Racines de Farafina » une cellule de promotion culturelle. « En pareille circonstance aussi, on peut donner un autre nom significatif à son enfant qui s’adresse à l’entourage ou aux malfaiteurs de la famille. Si on dit par exemple "Yétilê", c’est un appel qui peut vouloir dire "pitié, laissez-moi grandir" souligne Eric Ouattara. L’attribution du nom est des fois liée au respect d’un pacte avec les esprits, les génies ou tout simplement le fétiche. Une femme qui n’enfante pas et qui va prendre des engagements avec les esprits, en payant sa dette, ou par devoir de reconnaissance, peut donner le nom du génie ou de l’esprit à l’enfant. « Des personnes s’appellent "Yassoungo" qui veut dire en senoufo, le fétiche. Souvent en hommage à ce fétiche » commente Soro Brahima. « Si le génie est par exemple un serpent, on appellera son enfant "Fona" ou "Fotcha" » a poursuivi Sap’Héro. Et cet artiste de faire remarquer qu’en guise d’ « hommage à un père spirituel dans le bois sacré, qui a été attentionné à l’occasion de l’initiation, l’heureux donne son nom au fils.» Les exemples sont légion pour expliquer le rituel qui entoure le baptême chez les Senoufo. « Si un couple enregistre successivement l’arrivée de trois garçons dans la famille, le quatrième va s’appeler "Kanigui", ce qui signifie, un autre encore » à en croire Soro Kanigui. « Si vous rencontrez quelqu’un qui se nomme "Kolo", sachez qu’il est venu au monde après la naissance de jumeaux qu’on appelle d’ailleurs N’Gana (garçon) ou N’Gandja (fille) » note Tuo Lassina.
A côté des références spirituelles ou événementielles qui expliquent le baptême chez les Senoufo, il faut reconnaître qu’il tient compte aussi de l’ordre d’arrivée des enfants au monde. En clair, des noms sont pré établis en fonction de l’ordre. « Un enfant qui répond au nom de Zié est forcément le premier fils chez nous et Yélé, la première fille» conclut un de nos interlocuteurs. Avec l’évolution beaucoup de choses ont changé. Ainsi, de nombreux Senoufo ne rentrent plus dans les considérations traditionnelles. Ils se contentent de donner à l’enfant, le nom du père, de la mère, de la tante aimée ou de l’oncle adoré. « Moi, je ne me complique pas la vie. Les noms que je donne à mes enfants, ce sont des noms portés par un membre de ma famille. Mon père, ma mère, mon oncle ou ma tante qui m’ont marqué » dit Soro Emile.
Mazola, Correspondant régional
Légende :
Le nom chez l’Africain revêt toujours une importance philosophique, religieuse, éducative et historique. Ainsi choisir d’appeler son enfant de telle façon ou de telle autre n’est jamais un fait fortuit. Le peuple senoufo fait la même chose, lui qui n’attribue pas de nom au hasard. Pour ce peuple du Grand Nord ivoirien, le nom d’un individu revêt son identité, sa personnalité. Bien plus, le nom est la représentation de l’âme de l’individu. Ainsi, choisir un nom à un enfant chez les Senoufo n’a rien d’une fantaisie. A titre d’exemple Koundjènintcha est le nom d’une fille que nous avons rencontrée. «Je suis née un jour de marché, c’est pourquoi, mon père m’a baptisée Koundjènintcha», explique Mlle Soro. «Koundjènin», en veut dire jour de marché. «Tcha» signifie fille. L’association des deux donne Koundjènintcha, c’est-à-dire, fille née un jour de marché. On pourrait croire que le père ne s’est pas arraché les cheveux pour trouver ce nom. Et pourtant, il l’a fait en référence au jour de marché. D’autres éléments inspirent le Senoufo quand il baptise son enfant. C’est le cas de Kparatchogo. « Moi je me nomme Kparatchogo. Cela peut vouloir dire «accepte», «pardonne» ou «supporte», décode Silué, un vendeur de journaux. «Son père a certainement été l’objet de nombreuses intrigues, de méchanceté ou de calomnie de la part de ses parents. En réponse à tout le mal à lui fait, il a attribué ce nom à son fils. Comme pour se réconforter ou pour s’inviter à la tolérance», explique Yéo Kolotioloman. Revenant sur le nom que lui-même porte, il poursuit : « Tous mes frères sont albinos. Mais dès que ma mère accouche d’un enfant qui n’en est pas un, il décède. Alors quand je suis venu au monde, mon père m’a fait appeler Kolotioloman qui veut dire "A Dieu" En réalité le père me confiait à Dieu. C’est ce qui m’a permis de vivre. C’est la même chose avec Gnénéma, Fangnogoro.»
Chez les sujets du patriarche Gon, le nom révèle l’identité. De sorte que chaque nom est chargé de signification. « Chez les Senoufo, un nom est toujours lié à un événement. Un Senoufo n’attribue pas un nom à son enfant sans se référer à quelque chose » a révélé Eric Ouattara de Sognénin. « L’attribution du nom dépend toujours de plusieurs paramètres » renchérit Tuo Lassina, animateur radio, versé dans la culture senoufo. Et le confrère d’ajouter : « Le baptême de l’enfant peut tenir compte du jour de naissance, de l’endroit ou du lieu de naissance. Si un enfant naît un jour de Koundjènin (Ndlr, Jour de marché), l’enfant s’appellera koundjènintcha. S’il est né au champ, on dira Séhéna, pour un garçon et Séhétcha si c’est une fille.» «Le nom tient effectivement compte du jour de naissance. Si l’enfant naît lundi, on le baptisera Ténédja quand il s’agit d’une fille et Tanan si c’est un garçon. Tout dépend de l’événement. Un enfant né pendant ou après la pluie peut s’appeler Zana», a poursuivi Eric Ouattara. « On peut exprimer un souhait, un vœu en baptisant son enfant. Si un père nomme son enfant Tchérégnimin qui veut dire «santé», il souhaite la bonne santé à son fils. Mais cela peut être en rapport avec les autres enfants qui ont toujours eu des ennuis de santé » raconte Tuo Lassina. Pour Koné H., « le père peut exprimer ses sentiments en attribuant ses noms.» Et de prendre le cas d’un de ses parents : « J’ai un parent qui fait des phrases imagées qui constituent des noms pour sa progéniture. Par exemple, en appelant son enfant Tanhécoubléman, il veut dire ceci : "Les morts ont toujours raison." En baptisant un autre "Péouloton", il interpelle les autres qui se taisent sur leurs propres défauts par exemple et mettent ceux des autres sur la place publique. Il y a Une expression universelle sied à ce nom : "Enlève d’abord la poutre dans tes yeux avant de chercher à enlever la paille dans l’œil de l’autre.» « Je porte le nom de mon oncle, mais c’est un nom chargé de sens. Je m’appelle Wafoungodié. Cela veut dire, nul ne peut savoir ce que l’autre pense de soi. Ou bien l’homme est un mythe pour son prochain » confirme Silué Michel, un fils de la région. Autre paramètre, c’est le message que le père veut lancer à la communauté dans laquelle il vit. « Soit on refuse de me donner une femme dans le village, on pense que je suis un incapable peut-être d’enceinter une femme. Alors dès que je me marie et qu’elle tombe rapidement en grossesse, l’enfant qui en naît, je peux l’appeler "Fêrêla", entendez "qui enlève la honte sur moi" ou si vous voulez qui lave l’affront » dit Tuo Lassina. D’autres circonstances de la vie peuvent pousser le Senoufo à attribuer un nom. Par exemple, quand dans la famille, tous les enfants qui naissent vont immédiatement dans le ventre de la nuit, le père peut aller consulter. Le médium peut révéler que la mère a l’habitude de maltraiter certains animaux. « C’est pourquoi, explique Eric Ouattara, des gens peuvent s’appeler "Gowa", "Gopégué" ou "Gona" qui sont des références au poulet.» « Mais après plusieurs décès, on peut appeler un enfant "Korona" (reste parmi nous) pour demander aux mânes de laisser cet enfant en vie » a ajouté Sap’Héro, le président de « Studio Racines de Farafina » une cellule de promotion culturelle. « En pareille circonstance aussi, on peut donner un autre nom significatif à son enfant qui s’adresse à l’entourage ou aux malfaiteurs de la famille. Si on dit par exemple "Yétilê", c’est un appel qui peut vouloir dire "pitié, laissez-moi grandir" souligne Eric Ouattara. L’attribution du nom est des fois liée au respect d’un pacte avec les esprits, les génies ou tout simplement le fétiche. Une femme qui n’enfante pas et qui va prendre des engagements avec les esprits, en payant sa dette, ou par devoir de reconnaissance, peut donner le nom du génie ou de l’esprit à l’enfant. « Des personnes s’appellent "Yassoungo" qui veut dire en senoufo, le fétiche. Souvent en hommage à ce fétiche » commente Soro Brahima. « Si le génie est par exemple un serpent, on appellera son enfant "Fona" ou "Fotcha" » a poursuivi Sap’Héro. Et cet artiste de faire remarquer qu’en guise d’ « hommage à un père spirituel dans le bois sacré, qui a été attentionné à l’occasion de l’initiation, l’heureux donne son nom au fils.» Les exemples sont légion pour expliquer le rituel qui entoure le baptême chez les Senoufo. « Si un couple enregistre successivement l’arrivée de trois garçons dans la famille, le quatrième va s’appeler "Kanigui", ce qui signifie, un autre encore » à en croire Soro Kanigui. « Si vous rencontrez quelqu’un qui se nomme "Kolo", sachez qu’il est venu au monde après la naissance de jumeaux qu’on appelle d’ailleurs N’Gana (garçon) ou N’Gandja (fille) » note Tuo Lassina.
A côté des références spirituelles ou événementielles qui expliquent le baptême chez les Senoufo, il faut reconnaître qu’il tient compte aussi de l’ordre d’arrivée des enfants au monde. En clair, des noms sont pré établis en fonction de l’ordre. « Un enfant qui répond au nom de Zié est forcément le premier fils chez nous et Yélé, la première fille» conclut un de nos interlocuteurs. Avec l’évolution beaucoup de choses ont changé. Ainsi, de nombreux Senoufo ne rentrent plus dans les considérations traditionnelles. Ils se contentent de donner à l’enfant, le nom du père, de la mère, de la tante aimée ou de l’oncle adoré. « Moi, je ne me complique pas la vie. Les noms que je donne à mes enfants, ce sont des noms portés par un membre de ma famille. Mon père, ma mère, mon oncle ou ma tante qui m’ont marqué » dit Soro Emile.
Mazola, Correspondant régional
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