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Société Publié le vendredi 16 juillet 2010 | Le Patriote

Interview / Dr Fofana Mamadou (Expert en géologie) : “Ce qu`il faut faire pour éviter les éboulements”

C'est un phénomène triste en saison de pluies à Abidjan. Presque chaque année, des bouts de terre se détachent et endeuillent des familles. Spécialiste des questions géologiques et environnementales, Dr Fofana Mamadou explique, dans cet entretien, pourquoi Abidjan est sujet à des éboulements et autres glissements de terrain.

Le Patriote : On constate avec les pluies diluviennes qui tombent, des glissements de terrain. Qu'est-ce qui explique ce phénomène ? Pourquoi la terre glisse en certains endroits et non en d'autres ?
Dr Fofana Mamadou : Effectivement, c'est un constat réel. Mais, il faut savoir que la terre n'est pas écomogène. Il y a donc différents types de roches. Ce qui fait qu'avec l'altération, on rencontre différents types d'éboulements. Ensuite, les talus qui s'écroulent aujourd'hui ont été mal calculés. Quand, vous faites une construction, vous devez faire les talus en respectant un certain angle. Si vous faîtes des angles qui sont supérieurs à 45 degrés, l'éboulement est presque automatique, parce que c'est comme un pic. Cela dit, l'éboulement peut aussi être provoqué par le phénomène d'absorption de l'eau par le sol. L'eau arrive, le sol l'aspire. Et à un moment donné, il peut y avoir un engorgement, une saturation qui peut provoquer un éboulement. Et quand, il y a éboulement, cela entraîne une fermeture des canalisations. Il y a donc des retenues d'eau qui forment une sorte de petit lac.

LP : Qu'est-ce que justement le talus ?
FM : C'est l'angle que le sol doit faire avec le monticule. Quand, vous rassemblez le sable, au fur et à mesure qu'il monte, cela crée un angle avec le sol qu'on appelle le talus. Il doit être automatiquement inférieur à 45 degrés. Par exemple, quand on veut faire une route de façon sérieuse, on doit absolument avoir un angle inférieur à 90 degrés.

LP : Et la saturation, comment se fait-elle concrètement ?
FM : Dans l'argile tout comme les roches, il y a des pores qui retiennent l'eau en cas de pluie. Et quand tous les pores sont remplis, cela crée l'effet de saturation.

LP : Peut-on dire que c'est la proximité de la ville d'Abidjan avec la mer qui favorise les éboulements ?
FM : Non, il n'y a pas de rapport. La ville d'Abidjan est confrontée à un autre problème qu'on appelle l'érosion côtière. Cela n'a rien à avoir avec les éboulements. Même si vous êtes à Korhogo ou Niamey, si vous faîtes des ouvrages qui ne respectent pas la norme, dès qu'il pleut, il y aura un glissement de terrain. Quand l'eau arrive, elle est absorbée par l'argile, et quand les pores sont saturés, la force de l'eau va décaper le talus et ce décapage se fait toujours d'une manière circulaire. Et la terre se détache par tranches, d'où les éboulements.

LP : Les éboulements sont donc imputables au non respect des règles techniques…
FM : Tout à fait. Quand vous faîtes une route, vous devez respecter un angle pour le talus et vous devez couvrir ce talus par exemple d'un certain nombre de choses, dont le gazon par exemple qui permet de retenir le sol, en favorisant sa cohésion. Si vous ne faîtes pas cela, votre talus va s'écrouler à un moment donné. Maintenant, si vous constatez que la cohésion de votre sol n'est pas assez suffisante, vous devez la renforcer avec du ciment. Des travaux d'ordre technique doivent être faits avant qu'on ne livre une route ou un ouvrage. Si cela n'est pas fait, à la longue votre ouvrage va s'écrouler.

LP : Ce phénomène ne pose t-il pas un véritablement problème d'assainissement de la ville d'Abidjan ?
FM : Oui, c'est cela. Vous savez, dans la réalisation des canalisations, il faut prévoir ce qu'on appelle les crus décennaux ou millénaires. Il faut faire les diamètres des voies de canalisation en tenant compte du fait dans dix ou vingt ans, on peut avoir des pluies plus fortes que celles qu'on connaît au moment où on fait les canalisations. Quand on ne fait pas cette prévision, cela pose problème dès que la situation se présente. Avant de bâtir un ouvrage à un endroit, on devrait d'abord faire une étude hydrographique de la zone concernée. Elle permet de savoir si l'endroit reçoit de l'eau à tout moment, est donc un bassin versant très important ou c'est un endroit qui déverse de l'eau ou encore c'est un endroit qui aplanit. Une fois que cela fait, on peut alors penser à réaliser les canalisations, en déterminant celles qui sont naturelles et celles qui se feront par évacuation des déchets humains. C'est ce qu'on appelle le VRD (Voirie et réseau de drainage). Quand ce VRD n'est pas fait de manière correcte, il y a problème. Si vous prévoyez un diamètre de 20 centimètres pour la voie de canalisation alors que vous avez besoin de 40 voire 50 centimètres, c'est clair qu'il y aura problème dès qu'il pleuvra fort.

LP : Que faut-il alors faire pour éviter ces éboulements et autres inondations ?
FM : L'Etat doit mettre à la disposition de ces populations des VRD. Il y a eu un manque de vigilance et de suivi de technique, de la part de l'Etat. Cela dit, il appartient aux promoteurs immobiliers avant de bâtir leur ouvrage de s'assurer que l'endroit qu'ils veulent mettre en valeur bénéficie de toutes les canalisations nécessaires.

LP : La météo annonce de très fortes pluies cette année. Le pire est-il à craindre ?
FM : La météo a prévu certes des pluies importantes, mais il y a aussi les crus décennaux. Les pluies qui tombent une fois tous les dix ans. L'ouvrage, qui va recueillir les eaux de pluie, doit être dimensionné pour ça. Il faut donc revoir les voies de canalisation.

LP : Que faut-il justement faire dans l'urgence ?
FM : La première des choses à faire, c'est de lancer une étude pour faire un état des lieux des ouvrages qui existent. Peuvent-ils supporter les pluies ou pas ? Ensuite, il faut tenir compte de la position topographique et géologique de ces endroits concernés. Regardez la Riviera Bonoumin, c'est une vallée, une descente. Il faut réfléchir à ce qu'on peut faire quand il y a des pluies.

LP : Faut-il évacuer les populations qui y habitent ?
FM : L'évacuation des populations est un acte administratif, social, voire politique. Nous ne faisons qu'avertir. Après, c'est à l'Etat et à la société de réagir. Les populations ne savent-elles pas qu'elles doivent partir ? Une solution consiste à créer de véritables voies de canalisation pour les eaux. Ensuite, il faut revoir les canalisations qui ont été faites depuis de longues années. La population s'est accrue depuis leur réalisation, elle s'est même multipliée par trois dans certains endroits. Et on a toujours les mêmes tuyaux de canalisation. C'est pourquoi, nous conseillons de faire un état des lieux de ces canalisations et prévoir ensuite les travaux qui doivent y être faits. C'est à ce prix qu'on pourra éviter les innondations.

Par Y. Sangaré et Ibrahima Kamagaté
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