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Politique Publié le lundi 26 juillet 2010 | Notre Voie

Moralisation de la vie publique - La longue marche de Gbagbo

On connaît depuis toujours Laurent Gbagbo, le combattant pour la démocratie et les libertés, mais une frange de l’opinion ivoirienne, voire internationale semble découvrir maintenant la détermination de l’ex-opposant historique d’Houphouet pour la moralisation de la vie publique. Alors qu’en vérité, cet engagement n’est pas le fait d’une génération spontanée. Il s’agit d’une marche que l’actuel chef de l’Etat a entamée depuis l’opposition. Pour ceux qui n’ont pas encore lu le livre-programme du président Gbagbo intitulé “Côte d’Ivoire : Bâtir la paix sur la démocratie et la prospérité” (édition Nei-Ceda, 213 pages, 2009), les affaires relatives au concours d’entrée à l’école de police, à l’organisation du Hadj (pèlerinage à la Mecque), aux déchets toxiques, à la commission de 10 milliards fcfa de Sagem Sécurité, ainsi que le scandale de la filière café-cacao que la justice a élucidés sur saisine du chef de l’Etat constituent des prétextes adéquats pour le faire. Laurent Gbagbo y explique sa vision de la bonne gouvernance et de la moralisation de la vie publique. Mais il expose également les outils qu’il envisage de mettre en place pour lutter contre la corruption, l’un des maux qui rongent les sociétés modernes partout dans le monde. Gbagbo fait d’abord un diagnostic non complaisant des secteurs public et privé durant cette crise ignominieuse que le pays traverse depuis septembre 2002. “La mission de service public est souvent dévoyée au profit des intérêts personnels. Les mécanismes de contrôle interne et externe de l’administration publique n’ont pas toujours fonctionné pour prévenir les dérapages dans la gestion des affaires publiques. Le secteur privé n’est pas épargné par ce fléau. Cet état de fait a un effet néfaste sur le bien-être des individus et sur l’économie. La corruption rompt l’égalité entre les individus dans l’accès aux biens et services publics, elle engendre des coûts de transaction élevés et décourage l’investissement privé” (PP.146-147). Après ce tableau, il expose ses solutions pour éradiquer “la corruption et développer la culture de l’intérêt général”. Une commission nationale de lutte contre la corruption Il s’agira d’abord, soutient le candidat Gbagbo, “de rendre effectif le contrôle, de garantir son indépendance et renforcer la coopération entre les différentes structures de contrôle interne de l’administration. Ensuite, de mettre fin à l’impunité, d’une part par la publicité autour des cas avérés de corruption, qui est une sanction morale, et, d’autre part, par l’application effective des sanctions administratives, pécuniaires ou pénales. Enfin, il faut prévenir en créant une commission de lutte contre la corruption rattachée à la Présidence de la République. Cette commission aura pour mission d’organiser la sensibilisation, de recueillir les témoignages, d’organiser la publicité et de proposer des sanctions”. (P.147).Comme on le constate, s’il est réélu à la tête de la Côte d’Ivoire et que, cette fois-ci, ses ennemis ou adversaires politiques ne perturbent pas son nouveau mandat avec une tentative de coup d’Etat et une rébellion armée, le président Laurent Gbagbo sait exactement comment gagner la bataille de la moralisation de la vie publique. Cette idée claire, il l’a également pour la bonne gouvernance. Voici ce qu’il en dit à la page 176 de son ouvrage : “La bonne gouvernance, c’est également la gestion rationnelle des ressources humaines en vue de leur bonne répartition dans le temps et l’espace pour assurer partout la présence et la pérennité du service public. Les règles de recrutement et de promotion dans la fonction publique doivent être mieux connues et appliquées rigoureusement. Il est en particulier nécessaire d’harmoniser les cadres organiques des ministères et de veiller au strict respect des seuls critères de probité et de compétence dans la promotion des fonctionnaires et agents de l’Etat à tous les niveaux”. Exit donc, selon lui, le népotisme et le tribalisme au chapitre des nominations des hauts responsables de l’Etat. “Mon combat, c’est de chasser les corrompus et leurs corrupteurs” Ces propos de Laurent Gbagbo que l’on retrouve à la page 176 de son livre sonnent comme un leitmotiv qui guidera sa future présidence. Un leitmotiv auquel il s’est conformé durant son actuel mandat perturbé par la crise. Pour s’éloigner du népotisme dans lequel se sont enfermés ses prédécesseurs, il a soumis à un appel à candidatures le recrutement des responsables des régies financières, dès son accession au pouvoir. C’est ce qui a justifié, par exemple, la présence de Gnamien Konan à la tête de la douane ivoirienne alors que ce dernier n’est pas un partisan du chef de l’Etat. Il en est de même pour Charles Diby Koffi et Feh Kessé, respectivement à la tête du Trésor public et des Impôts. Cet élan constitue un pan de la Refondation de la Côte d’Ivoire. Une vision politique que Gbagbo porte depuis l’opposition et qui doit progressivement inhiber de ses réformes tout le corps social et politique ivoirien. Bien qu’elle ait contrariée profondément la politique de Refondation, la guerre qu’a connue la Côte d’Ivoire n’a pas freiné la volonté de Laurent Gbagbo de moraliser la vie publique. Face aux populations de la localité de Bodo, dans le département de Tiassalé, il martelait, en 2008, ceci : “Je ne sais pas mener deux combats à la fois. Mon premier combat était d’arrêter la guerre. La guerre est finie. Maintenant, mon combat, c’est de chasser les corrompus et leurs corrupteurs (…) On a arrêté la guerre. Maintenant, il faut rendre propre la Côte d’Ivoire. Il faut faire la chasse aux corrompus. Il faut faire la chasse à la corruption”. Un discours qui est apparu très loin de la démagogie, puisque le chef de l’Etat a, durant l’année 2008, saisi le procureur de la République pour l’ouverture d’une enquête sur la filière café-cacao. A la grande surprise de tous. Surtout de ceux qui se targuaient de connaître l’homme politique Gbagbo. De nombreux responsables de la filière café-cacao ont été arrêtés dans le cadre de cette enquête et attendent depuis deux ans, l’ouverture d’un procès. Chose qui sera enfin possible dans les semaines à venir. Afin que les responsables coupables soient condamnés et les innocents relaxés. Autre signal fort de la moralisation de la vie publique, l’ouverture en juin 2010 par le procureur Raymond Tchimou, sur saisine de nouveau du président Laurent Gbagbo, d’une enquête sur le concours d’entrée à l’école nationale de police, l’organisation du pèlerinage à la Mecque, l’affaire des déchets toxiques et celle concernant une commission de 10 milliards de fcfa que la société française Sagem Sécurité aurait remise au Premier ministre, Guillaume Soro, et au ministre de l’Intérieur, Désiré Tagro. Au terme d’un mois d’investigations, le procureur de la République a rendu publiques, le lundi 19 juillet 2010, les conclusions qui ont indiqué clairement que ces accusations sont sans fondement. En exigeant ces enquêtes, Laurent Gbagbo a démontré à tous que les temps ont changé. Rideau sur l’époque des “grilleurs d’arachides”. Théorie selon laquelle “on ne regarde pas dans la bouche de celui qui grille les arachides”. Non seulement Gbagbo a décidé, depuis l’opposition, de regarder dans la bouche du grilleur d’arachides dès qu’il serait au pouvoir, mais il s’est engagé à empêcher le grilleur de croquer les arachides qui ne sont pas les siennes. Déjà dans l’opposition, il annonçait les couleurs C’est à juste titre que, dans une lettre ouverte aux Ivoiriens datée du 19 novembre 1990 et publiée dans l’hebdomadaire Le Nouvel Horizon, Laurent Gbagbo, alors secrétaire général du Front populaire ivoirien (Fpi, opposition socialiste), stigmatisait la mauvaise gestion des deniers publics par le régime Houphouet qui avait fait sombrer le pays dans un profond marasme économique. “Elle est due, cette crise, à la mauvaise gestion et à une politique de projets grandioses et sans lendemain du parti au pouvoir. Qui ont liquéfié le tissu économique national, bradé le pouvoir d’achat des paysans, des travailleurs des villes et anéanti les systèmes éducatif et sanitaire”, dénonçait-il. Avant de faire quasiment le même constat, sept ans plus tard, sous le régime Bédié. Et mettre en exergue la détérioration de l’image de ce régime auprès des bailleurs de fonds du fait de la gestion scabreuse de l’argent public. On était dans l’environnement grandement honteux des 135 milliards de fcfa de dépenses exécutées non ordonnancées. “Sur les 215 milliards que nous (la Côte d’Ivoire, ndlr) attendions cette année, nous n’avons reçu que 28 milliards ; la différence, c’est-à-dire environ 188 milliards, représente la dégradation de la confiance entre notre gouvernement et les responsables des institutions internationales. Quand on n’a pas confiance, on ne donne pas. Et on n’a plus confiance quand on pense qu’on n’applique pas les règles ou quand les règles ne sont pas respectées”, a soutenu le député Gbagbo, en octobre 1997, devant le ministre de l’Economie de Bédié, Nyamien N’Goran, lors d’un débat ouvert à l’Assemblée nationale. Quand, en 1997, éclate l’affaire Sadea-Editions, société éditrice du journal La Voie (devenu Notre Voie en 1998), proche du Fpi, Gbagbo sévit sans état d’âme. Lors d’un meeting géant à Yopougon en août 1997, il relate les raisons pour lesquelles Paul Arnaud, gérant de la Sadea-Editions et, par ailleurs, son cousin, a été arrêté, puis écroué à la prison d’Abidjan, Maca, sur plainte des responsables du Fpi, actionnaires de l’entreprise de presse : “Paul Arnaud ne reconnaît pas avoir détourné 118 millions de fcfa et voudrait une contre-expertise. Nous avons accepté, mais avons dit à son avocat que cela soit fait à ses frais. Mais qu’à la fin de cette contre-expertise, il sorte de l’entreprise et nous levons notre plainte pour qu’il sorte de prison. Ce qui a été fait. Arnaud a signé un document écrit qui existe à la Justice où il reconnaît qu’il doit payer la contre-expertise et après quitter la Sadea-Editions. C’est après cela que nos avocats ont demandé pour lui une mise en liberté provisoire. Voilà pourquoi Arnaud s’est retrouvé au dehors”. “On peut faire la politique sans voler” Laurent Gbagbo l’a affirmé dans une interview accordée au quotidien La Voie N°62 du 3 octobre1991, “on peut faire de la politique sans voler”. Cette déclaration constitue, pour lui, une maxime qui guide son action politique. “Je le dis haut et fort. Cela fait bientôt 30 ans que je fais de la politique, j’ai géré des administrations et des budgets, mais je n’ai jamais volé. Donc on peut faire de la politique et ne pas voler”. Allusion implicite faite à ces hommes politiques de la Côte d’Ivoire d’hier et d’aujourd’hui englués dans des scandales financiers. On se souvient du limogeage par Houphouet-Boigny, en 1977, du gouvernement de Henri Konan Bédié, alors ministre de l’Economie et des Finances, pour cause de surfacturation des complexes sucriers. Le détournement des 18 milliards de FCFA de l’Union européenne sous le régime Bédié en 1998, somme destinée à la santé des populations ivoiriennes, est également une preuve palpable de “la souillure” que charrient certains politiciens du pays. Dans un entretien accordé à La Voie, le 3 octobre 1991, Laurent Gbagbo mettait à l’index certaines pratiques sales liées à l’opération de privatisation des secteurs de l’Economie ivoirienne menée par Alassane Dramane Ouattara, Premier ministre d’alors. “La troisième observation est un cas de vol assortie d’une morale politique. M. Sydia Touré est directeur de cabinet du Premier ministre (Alassane Ouattara). M. Sounkalo est responsable de la cellule de privatisation. Et ce sont eux-mêmes qui sont actionnaires dans les sociétés qu’ils veulent racheter. Dans un Etat de droit, ces gens auraient démissionné depuis longtemps. Or, ils sont là. Ce n’est pas normal. Le simple fait qu’ils soient à la fois juges et parties est un vol et nous le dénonçons comme tel”, a dénoncé Laurent Gbagbo. Pour l’homme politique qui a des rapports sains avec l’argent qu’il est, l’opposant Gbagbo ne pouvait pas admettre ce délit d’initié concocté par Alassane Ouattara, Sydia Touré et Sounkalo. Vingt (20) ans après cette condamnation, Laurent Gbagbo n’a pas changé de vision. Son combat contre la corruption et le détournement des deniers publics demeure entier. C’est conformément à cela qu’il a commis une enquête et reçu, le mois dernier, les conclusions de ce travail mené par l’Inspection générale d’Etat sur la gestion des affaires par les ministères de la Construction, des Ntic, du Commerce et des Infrastructures économiques. Selon des sources proches du dossier, les résultats de l’enquête sont accablants pour les ex-ministres Amon Tanoh, Hamed Bakayoko, Youssouf Soumahoro et Achi Patrick. Que fera donc le président de la République ? “La lutte contre la fraude et la corruption, ainsi que la moralisation de la vie publique sont le gage de la confiance, de la stabilité, de la neutralité et de l’impartialité de l’administration”, soutient le candidat-président dans son livre-programme. Des propos tout à fait révélateurs. Un dossier réalisé par Didier Depry ddepry@hotmail.com
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