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Société Publié le mardi 27 juillet 2010 | Nord-Sud

Dr Coulibaly Foungotin (généticien et Biologiste de la procréation) : “Un enfant blanc de parents noirs, j’en doute’’

© Nord-Sud Par DR
Médecine - Dr Coulibaly Foungotin, généticien et Biologiste de la procréation
Plusieurs confrères dont Paris Match ont publié, la semaine écoulée des articles sur la naissance d’une fillette blanche ayant pour géniteurs un couple anglais noirs d’origine nigériane. Dr Coulibaly Foungotin Hamidou, attaché de recherches cliniques au laboratoire de génétique à l’université et responsable du Centre de Recherches Interactives et d’Expertise (Crie) d’Afrique.

Que vous inspire le cas du couple Nigérian ayant conçu un enfant totalement blanc ?
Comme tout le monde, j’ai appris par la presse la nouvelle de la naissance d’une fillette blanche, blonde, aux yeux bleus, conçu par un couple anglais noir d’origine nigériane. Je veux bien exclure dans mon analyse la possible éventualité d’une surenchère de sensationnalisme propre à la presse dans la description qu’elle donne de l’enfant blanc , blond, aux yeux bleus, etc…. A défaut d’avoir vu le couple et surtout le bébé, ma réponse va être nuancée et réservée. On nous dit que l’enfant est blanc et non albinos et qu’il appartient bel et bien au couple, mais on ne nous dit pas quel examen atteste cela. Est-on sûr que l’enfant appartient au couple ? Seul un test d’ADN est susceptible de nous fournir cette preuve, mais apparemment ce test n’a pas été fait.

Le test d’ADN peut-il expliquer un tel phénomène ?
Bien évidemment, non ! Nous parlons là de la première étape sinon de la première pièce d’un véritable puzzle génétique. Cette étape étant de nous assurer que l’enfant est bel et bien du couple et non une mauvaise attribution ou un échange de bébés, par erreur humaine. En cas de preuve génétique (test d’ADN), cela permettra de sauter la deuxième interrogation qui serait de savoir si la conception du bébé s’est faite naturellement ou artificiellement (fécondation in vitro). Cette question devient sans intérêt car dans les deux cas naturel ou artificiel, les deux cellules sexuelles proviendraient des deux parents génétiquement prouvés. La troisième hypothèse est de revenir sur la possibilité que l’enfant soit un albinos. Je ne doute point de l’expertise des hommes de sciences qui ont donné naissance à cet enfant, mais je doute que des praticiens occidentaux aient dans leur pratique quotidienne l’occasion de voir souvent des enfants albinos naître de couples africains au point de distinguer de façon formelle un enfant albinos d’un couple noir et un enfant, miracle blanc issu d’un couple noir. Les deux éventualités sont si rares, surtout la seconde, qu’il faut, à mon avis procéder à pas mal d’élimination d’hypothèses simples et possibles avant de crier au miracle divin ou génétique d’une telle situation. Des Africains aux yeux bleus existent, un bébé africain aux yeux bleus albinos pourrait bien ressembler à un bébé blanc (caucasien) aux yeux bleus.

Donc, vous concluez que cet enfant serait un albinos ?
Non ! Je ne peux rien conclure puisque je n’ai pas examiné l’enfant. Et je ne peux surtout pas avoir la prétention de remettre en cause l’observation d’éminents scientifiques, certainement plus qualifiés que moi. J’essaye simplement d’envisager toutes les possibilités avec vous et vous verrez qu’il peut en exister beaucoup sans qu’une seule ne satisfasse votre curiosité, prouvant si besoin était que Dieu est au devant de tout. Tout scientifique doit un jour ou l’autre s’incliner, avec humilité, devant cette vérité première. Sachez que le ou les mécanismes de formation de la mélanine (pigment qui donne la couleur de la peau) sont très complexes et partiellement méconnus. La mélanine est présente en quantité proportionnelle à l’intensité de la couleur. Ainsi, une personne à la peau noire en fabrique beaucoup plus qu‘une personne à la peau blanche. Les albinos peuvent ne pas en produire du tout. La quantité de mélanine produite par une personne détermine le phototype qui permet de classer les individus selon la réaction de leur peau lors d’une exposition solaire. La mélanine est produite à partir de tyrosine grâce à l’enzyme tyrosinase. C’est justement au niveau de la régulation de l’activité de la tyrosinase qu’interviennent les produits dépigmentant comme l’hydroquinone et l’acide kojique qu’utilisent certaines personnes pour se blanchir la peau. Ces produits éclaircissants consistent à supprimer la mélanine de la peau pouvant entraîner une cancérisation de la peau.
Toute mutation génétique rendant la tyrosinase moins active ou absente est à l’origine de l’albinisme, trouble qui se traduit sous sa forme extrême par l’absence totale de mélanine. De même que la survenue des cheveux blancs appelés canitie provient d’un arrêt de production de mélanine au niveau de leur bulbe ; on sait qu’il est héréditaire et aussi lié à l’âge. Si les parents ont eu les cheveux blancs tôt, les enfants auront aussi de cheveux blancs tôt et plus on est vieux, plus on a de cheveux blancs. En clair, pour exclure l’éventualité d’un bébé albinos, il faudrait attendre peut-être de le voir grandir un peu, en l’absence de test scientifique.

Quelle est finalement la différence entre la peau noire et la peau blanche ?
Pour simplifier, on va encore parler de mélanine. Ce qui fait l’intensité de la couleur de la peau humaine, n’est pas un nombre plus important de mélanocytes (cellules qui permettent de fabriquer la mélanine) pour les personnes noires mais ces cellules sont plus volumineuses et mieux réparties dans l’épiderme contrairement aux peaux blanches. Etant donné que la peau noire contient des mélanocytes plus grands, ceci implique une production plus accrue de mélanine d’où notre hyperpigmentation. Les mélanosomes qui sont les grains de pigment élémentaire dans les mélanocytes de la peau noire sont de plus grande taille (0,8 µm) et restent dispersés dans le cytoplasme contrairement à ceux de la peau blanche qui sont groupés et plus petits (0,5µm).
Qu’est ce qui a pu bien se passer en partant de l’hypothèse que cette petite fille soit blanche, blonde, aux yeux bleus née d’un couple noir ?
Si les tests d’ADN confirment la parenté et celle d’un enfant caucasien (blanc), dans ce cas la génétique va prendre le relais des explications possibles avant d’accepter celle souveraine de Dieu. Je tiens à préciser que le test d’ADN sert à confirmer que les deux parents sont bien ceux de l’enfant. Sachez, comme je l’entends dire y compris dans l’esprit de l’homme, que s’il s’agissait d’un cas d’adultère (enfant adultérin) et si le père biologique était blanc, l’enfant ne devrait pas être blanc mais plutôt métissé. Au demeurant, aucune combinaison possible de race différente ne peut aboutir à un type racial à 100% comme dans le cas d’espèce. Le test d’ADN permet de dire que l’enfant n’est pas issu d’une erreur de transfert d’embryon au laboratoire dans le cas d’une fécondation in vitro ou d’une erreur d’attribution parentale dans le cas d’une fécondation naturelle.

C’est-à-dire ?
La première explication scientifique serait l’atavisme. En génétique, l’atavisme est un caractère primitif qui réapparaît après une ou plusieurs générations. C’est la réapparition chez un descendant, d’un caractère quelconque des ascendants, ce caractère demeurant latent durant une ou plusieurs générations intermédiaires. Le terme atavisme (du latin atavus : aïeul) est appelé également hérédité ancestrale ou hérédité en retour. Mais dans le cas présent, cet atavisme qui désigne la réapparition du phénotype de la couleur blanche chez l’un des deux parents ayant eu parmi ses ancêtres un Caucasien, devrait conduire à un enfant métis ou très clair mais pas totalement blanc du fait de la contribution de l’autre parent de couleur noire. Sauf si les deux parents ont le même ancêtre blanc, ce qui relèverait de la consanguinité (mariage entre personnes de même ascendance). Cette probabilité reste extrêmement faible voire infime.

Que peut-il expliquer qu’un enfant ait une caractéristique génétique qui n’existe chez aucun de ses parents ?
Une autre explication serait celle d’une mutation génétique dite « de novo ». C’est une mutation du gène qui apparaît chez un individu alors qu’aucun de ses parents ne possède ce gène nouveau dans leur patrimoine génétique. La mutation est donc survenue dans les gamètes d’un des deux parents, ou, plus rarement ce peut être une mutation de l’œuf fécondé donc survenant chez l’enfant uniquement. Un facteur environnemental, chimique, toxique, radioactif ou autre peut provoquer une telle mutation dans les gènes. Il serait donc intéressant d’observer la descendance que donnera cet enfant. Si cet enfant donne dans sa descendance des enfants noirs en étant avec une épouse noire, sa mutation de novo serait somatique et donc non héréditaire. Mais si en étant avec une épouse noire et qu’il donne des enfants métis, alors sa mutation de novo serait de type germinal (cellules sexuelles) et serait donc héréditaire. Il est clair que les explications que je donne sont extrêmement dépouillées et simplifiées à l’extrême pour ne pas décourager le lecteur dans son effort de compréhension et aussi pour répondre aux impératifs de longueur de l’article. Des compléments d’information et surtout de discussions sont nécessaires pour les plus curieux. Si la mutation de novo est de type dominant, sa seule apparition chez l’un des deux parents ou chez l’enfant suffit à l’expression du caractère que ce gène gouverne. Dans notre cas, ce serait le caractère couleur de la peau.

Est-ce suffisant comme explication ?
Il y a cependant une difficulté qui rend cette explication insuffisante. On sait que le mode de transmission de la couleur de la peau serait une hérédité multifactorielle impliquant la synergie d’au moins 3 gènes et des facteurs environnementaux. On va schématiser en disant si nous considérons que le caractère « couleur de la peau » est gouverné par 3 gènes que nous désignons arbitrairement par les 3 couples de lettres A/a, B/b, C/c. Chaque couple de lettres A/a appelé allèles indique les deux états possibles de chaque gène pouvant être donné par chacun des deux parents. Les majuscules ici correspondent à la couleur de la peau noire et les lettres minuscule à la couleur de la peau blanche. Pour être noir, l’enfant aura les gènes de couleur de peau A/A, B/B, C/C pour les 3 gènes. Chaque parent noir a donné l’allèle « A » (noir). Idem pour l’enfant blanc a/a, b/b, c/c où chaque parent blanc donne l’allèle « a ». Vous comprenez que pour être métis, on dira « vrai » métis, il faut être A/a, B/b et C/c. Entre ces deux extrêmes de couleurs blanc ou noir, on a toute une gamme de couleurs intermédiaires qui correspondent, selon la dominance des lettres minuscules à des couleurs de peau plus proches du blanc ou plus proches du noir lorsqu’il y a dominance de gènes représentés par les lettres majuscules. Donc A/A B/B C/c serait moins foncé de peau qu’A/A B/B C/C, et ainsi de suite. Le nombre de combinaisons est très important. Le phénotype qui est l’expression visible, observable de la couleur de peau chez l’enfant ne dépend pas seulement du génotype (la combinaison des gènes donc l’apport de chaque parent) mais aussi de l’environnement, du mode de vie, etc….L’idée donc qu’une ou des mutations qui sont des évènements très rares dans la nature sauf en cas d’irradiations ou de toxiques chimiques puissent transformer en une génération un sujet A/A B/B C/C (les parents noirs de la fillette) en un individu a/a b/b c/c (la fillette blanche) me semble impossible. La mutation pourrait porter sur une paire de lettres A/A ou B/B ou C/C mais pas sur les trois.

Y a-t-il d’autres explications ?
Une autre explication est celle que l’on appelle en génétique la dissocie uniparentale. Dans l’exemple que nous avons décrit précédemment, chaque gène est représenté par une paire de lettres A/a par exemple, ce qui veut que chacune de ces lettres représente la contribution de chacun des deux parents. Si on est A/a pour un gène, cela veut dire que la mère a donné « A » (mère noire) et le père a donné « a » (père blanc) ou vice-versa pour concevoir l’enfant devenu A/a (métis). Il arrive (accident génétique) qu’au cours de la fécondation, l’embryon plutôt que de recevoir l’allèle de chaque parent pour être A/a (métis), reçoit plutôt une double dose de l’un des parents et rien de l’autre parent pour un gène donné. L’enfant devient a/a (deux allèles identiques venant d’un seul parent en l’occurrence le père blanc) et pas d’allèle « A » de la mère noire. L’enfant n’est plus métis A/a mais blanc a/a bien que l’un des parents soit noir. Mais tout ceci reste des évènements rares, appelés accidents ou anomalies génétiques. Vous comprenez que dans le cas qui nous concerne, cette hypothèse ne suffit pas car la couleur de la peau est gouvernée par plusieurs gènes et donc plusieurs caractères, et que dans le cas de disomie uni-parentale entre deux parents noirs, l’enfant issu est noir car il reçoit les 2 allèles du même parent qui demeure noir quel que soit le parent dont l’allèle est dupliqué.

Que faut-il retenir en fin de compte sur ce sujet ?
En conclusion de tout ceci, je vous dirai que la limite de la science est atteinte, ou plutôt la limite de ma science s’arrête-là. Il reste à se tourner vers Dieu, ou peut-être plus simplement vers l’erreur humaine ou encore plus simplement une erreur d’appréciation. Je reste persuadé que le développement de cet enfant, nous ramènera à une réalité plus simple, pourquoi pas une forme d’albinos atypique ou de métis atypique. Mais je ne crois pas au bébé blanc, cheveux blonds aux yeux bleus venant de parents tous deux noirs, cheveux crépus, nez épatés (sic !).

Vous êtes aussi spécialiste en biologie de la procréation. Vous est -t-il possible de donner naissance à un bébé blanc issus d’un couple noir par fécondation in vitro?
Evidemment, en laboratoire tout devient presque possible. Je dis bien « presque possible ». Une femme noire pourrait donner naissance à un bébé blanc, blond, aux yeux bleus, avec le sexe au choix (garçon ou fille). Mais, dans ce cas, les cellules sexuelles, à savoir le spermatozoïde et l’ovocyte utilisés au laboratoire seraient issus de don d’un homme blanc et d’une femme blanche et l’embryon formé serait implanté dans l’utérus d’une femme noire qui accoucherait, dans ce cas, d’un enfant parfaitement blanc. Cela est techniquement possible mais moralement et éthiquement attaquable. Raison pour laquelle, l’activité d’AMP est extrêmement réglementée par la loi et bien évidemment par la conscience et la responsabilité de chaque spécialiste. Cette technique laisse le champ libre à toutes les formes de fantasme. Et comme je l’ai écrit, récemment, dans les colonnes de l’un de vos confrères dans un article sur la naissance de jumeaux issus de pères différents, aujourd’hui avec les techniques de procréation au laboratoire, un enfant peut être à la fois le fils et le frère de sa mère. Si une femme fait don de son ovocyte à sa fille stérile. Si cet ovocyte est fécondé avec le spermatozoïde du mari de la fille stérile et implanté dans son utérus, l’enfant qui naîtra de cette fécondation sera le fils ou la fille du couple mais aussi la sœur ou le frère de cette femme car ce fils a aussi la même mère que sa mère car le fils et la mère sont issus des ovocytes de la même femme qui a fait don de son ovocyte. Au-delà des ces utilisations « hors normes », qui relèvent plus du fantasme, n’oublions pas l’essentiel qui demeure que ces techniques ont permis aujourd’hui de donner la vie à des millions d’enfants dans le monde, et offert la joie de la parenté à des millions de couples infertiles dans le monde qui, sans ces techniques de laboratoire, n’auraient jamais connu la joie d’être parents.

Interview réalisée par Cissé Sindou
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