Aussi bien dans la principale zone de production, Bondoukou, qu’à Abidjan, la nouvelle igname, communément appelée «kponan» est disponible. Mais, très peu de ménages peuvent se l’offrir. Tant le prix est élevé. Nous avons enquêté. .
Depuis quelques semaines, la «nouvelle igname» de Bondoukou, le «kponan», tant prisée par les populations est sur le marché. Comme à leur habitude, à cette période, les ménages ont accouru pour tenter de s’en procurer. Mais le constat est amer : cette année, le produit est hors de portée ! Sur les marchés de la cité des mille mosquées, le tas de trois ignames de taille moyenne est vendu à 1500 francs. Les plus petits tubercules reviennent à 1000 francs pour le même nombre. A Abidjan, le kilo de la nouvelle igname se fait entre 500 F et 1000 Fcfa.
Au marché de Wassakara (Yopougon) par exemple, le tas de trois ignames de taille moyenne se fait entre 1500 et 2000 Fcfa, voire plus. Pourtant, cette année, comme les années précédente, la production d’ignames a été importante. En 2009, le Zanzan a fourni à toute la Côte d’Ivoire, 31.037 tonnes d’igames. Pour un chiffre d’affaires de 4.145.385.273 francs Cfa. Preuve que le ‘’kponan’’ demeure l’igname préférée des consommateurs.
Qu’est-ce qui explique alors cette flambée de prix ? Il ressort que les producteurs d’ignames sont confrontés à d’énormes difficultés. Kambou, un célèbre cultivateur installé dans un campement, situé à une dizaine de kilomètres de Flakièdougô tente une explication. «Les aléas climatiques survenus, ces dernières années, ont occasionné des retards considérables dans la mise en place des cultures. Les paysans ont d’énormes difficultés à conserver leurs produits. Les bonnes méthodes de conservation n’étant pas connues, chaque année, nous enregistrons des pertes par centaines de tonnes d’igames, à cause de la chaleur, des insectes et autres rongeurs. Les villages et campements producteurs d’igames ne sont pas toujours accessibles.
Réseau de distribution bancal
Les récentes pluies ont fortement dégradé les routes et les pistes. D’où le refus des camionneurs d’accéder aux villages et campements Lobi, les plus reculés», explique le sexagénaire. A cela s’ajoutent l’archaïsme des outils aratoires utilisés par les paysans. «Il faut motoriser les cultures pour accroitre la production», pense Kambou. Qui trouve les charges des producteurs «excessives». Pour labourer un champ, planter et récolter les ignames, l’on fait appel à une dizaine de travailleurs saisonniers qu’il faut rémunérer après la vente. Il y a aussi les frais d’entretien : le désherbage, les engrais et autres pesticides…
Un «gros problème» est également dénoncé dans le réseau de distribution accaparé, dit-on, par des acheteurs (des grossistes) venus d’Abidjan. Les commerçants locaux ont du mal à se faire une place dans le réseau. En début de campagne, de braves dames, natives de la région, se pressent pour convoyer à Abidjan, une vingtaine de camions chargés chacun de 20 tonnes de la nouvelle igname. Mais, celles-ci dénoncent également les tracasseries routières.
«A l’intérieur de la région, pour transporter l’igname des champs jusqu’en ville (Bondoukou ou Tanda), les transporteurs prennent aux commerçants environ 100.000 F Cfa pour 4 tonnes. Soit 25F/kg. Les frais de déchargement sont également évalués à 25F/kilo. Ce qui permet de vendre le produit sur place (dans les villages) entre 125 et 175F le kilo selon les localités. De Boudoukou où de Tanda à Abidjan, les charges de transport et de déchargement sont quasiment les mêmes.
Pourrissement et racket
Une fois à la capitale économique, l’igname est vendu en gros à des prix qui varient selon les marchés, entre 175F et 240F / kilo», révèle S. Armelle, une commerçante qui traîne une vingtaine d’année d’expérience dans le secteur. A ces montants, il faut additionner les pertes occasionnées par le racket et les pourrissements. «Je paye au camionneur pour le transport de chaque tonne d’ignames, 18.000 francs. En plus, de Bondoukou à Abidjan, à chaque corridor, il faut prévoir de l’argent pour les agents des eaux et forêt, la police, la gendarmerie et la brigade anti-stupéfiant. Si vous refusez de payer, vous perdrez des heures à décharger et à recharger le camion. Cela rallonge les délais de livraison et augmente les gâchis par pourrissement», s’indigne dame Touré Djénébou, commerçante au marché central de Bondoukou. Autant de charges qui expliquent certainement la cherté du produit sur les marchés abidjanais. En effet, au bout de la chaîne, l’ivoirien se voient proposé le kilo d’igname entre 500 et 1000Fcfa le kilo.
L’igname détrônée par l’anacarde
A Bondoukou, plusieurs acteurs de la filière craignent une forte baisse de la production d’igname dans les années à venir. Les plantations de ce féculent au goût suave servent désormais à la culture de l’anacarde jugée plus rentable par les paysans. «Pour la campagne précédente, le Zanzan a fourni 35.353 tonnes d’anacardes. Pour un chiffre d’affaires estimé à plus de 6 milliards de francs», confirme le responsable régional de l’Ocpv pour montrer la forte progression de la noix de cajou par rapport à l’igname. Bamba Tato Ahmed souligne, en outre, le manque de volonté politique pour soutenir la filière. «Aucun projet n’existe pour booster la commercialisation de l’igname. Pourtant c’est seulement la garantie de débouchés qui favorise la production», soutient-il. Les paysans espèrent une meilleure organisation de leur secteur et des prix plus rémunérateurs. La survie de la filière en dépend !
Jean-Michel Ouattara à Bondoukou
Depuis quelques semaines, la «nouvelle igname» de Bondoukou, le «kponan», tant prisée par les populations est sur le marché. Comme à leur habitude, à cette période, les ménages ont accouru pour tenter de s’en procurer. Mais le constat est amer : cette année, le produit est hors de portée ! Sur les marchés de la cité des mille mosquées, le tas de trois ignames de taille moyenne est vendu à 1500 francs. Les plus petits tubercules reviennent à 1000 francs pour le même nombre. A Abidjan, le kilo de la nouvelle igname se fait entre 500 F et 1000 Fcfa.
Au marché de Wassakara (Yopougon) par exemple, le tas de trois ignames de taille moyenne se fait entre 1500 et 2000 Fcfa, voire plus. Pourtant, cette année, comme les années précédente, la production d’ignames a été importante. En 2009, le Zanzan a fourni à toute la Côte d’Ivoire, 31.037 tonnes d’igames. Pour un chiffre d’affaires de 4.145.385.273 francs Cfa. Preuve que le ‘’kponan’’ demeure l’igname préférée des consommateurs.
Qu’est-ce qui explique alors cette flambée de prix ? Il ressort que les producteurs d’ignames sont confrontés à d’énormes difficultés. Kambou, un célèbre cultivateur installé dans un campement, situé à une dizaine de kilomètres de Flakièdougô tente une explication. «Les aléas climatiques survenus, ces dernières années, ont occasionné des retards considérables dans la mise en place des cultures. Les paysans ont d’énormes difficultés à conserver leurs produits. Les bonnes méthodes de conservation n’étant pas connues, chaque année, nous enregistrons des pertes par centaines de tonnes d’igames, à cause de la chaleur, des insectes et autres rongeurs. Les villages et campements producteurs d’igames ne sont pas toujours accessibles.
Réseau de distribution bancal
Les récentes pluies ont fortement dégradé les routes et les pistes. D’où le refus des camionneurs d’accéder aux villages et campements Lobi, les plus reculés», explique le sexagénaire. A cela s’ajoutent l’archaïsme des outils aratoires utilisés par les paysans. «Il faut motoriser les cultures pour accroitre la production», pense Kambou. Qui trouve les charges des producteurs «excessives». Pour labourer un champ, planter et récolter les ignames, l’on fait appel à une dizaine de travailleurs saisonniers qu’il faut rémunérer après la vente. Il y a aussi les frais d’entretien : le désherbage, les engrais et autres pesticides…
Un «gros problème» est également dénoncé dans le réseau de distribution accaparé, dit-on, par des acheteurs (des grossistes) venus d’Abidjan. Les commerçants locaux ont du mal à se faire une place dans le réseau. En début de campagne, de braves dames, natives de la région, se pressent pour convoyer à Abidjan, une vingtaine de camions chargés chacun de 20 tonnes de la nouvelle igname. Mais, celles-ci dénoncent également les tracasseries routières.
«A l’intérieur de la région, pour transporter l’igname des champs jusqu’en ville (Bondoukou ou Tanda), les transporteurs prennent aux commerçants environ 100.000 F Cfa pour 4 tonnes. Soit 25F/kg. Les frais de déchargement sont également évalués à 25F/kilo. Ce qui permet de vendre le produit sur place (dans les villages) entre 125 et 175F le kilo selon les localités. De Boudoukou où de Tanda à Abidjan, les charges de transport et de déchargement sont quasiment les mêmes.
Pourrissement et racket
Une fois à la capitale économique, l’igname est vendu en gros à des prix qui varient selon les marchés, entre 175F et 240F / kilo», révèle S. Armelle, une commerçante qui traîne une vingtaine d’année d’expérience dans le secteur. A ces montants, il faut additionner les pertes occasionnées par le racket et les pourrissements. «Je paye au camionneur pour le transport de chaque tonne d’ignames, 18.000 francs. En plus, de Bondoukou à Abidjan, à chaque corridor, il faut prévoir de l’argent pour les agents des eaux et forêt, la police, la gendarmerie et la brigade anti-stupéfiant. Si vous refusez de payer, vous perdrez des heures à décharger et à recharger le camion. Cela rallonge les délais de livraison et augmente les gâchis par pourrissement», s’indigne dame Touré Djénébou, commerçante au marché central de Bondoukou. Autant de charges qui expliquent certainement la cherté du produit sur les marchés abidjanais. En effet, au bout de la chaîne, l’ivoirien se voient proposé le kilo d’igname entre 500 et 1000Fcfa le kilo.
L’igname détrônée par l’anacarde
A Bondoukou, plusieurs acteurs de la filière craignent une forte baisse de la production d’igname dans les années à venir. Les plantations de ce féculent au goût suave servent désormais à la culture de l’anacarde jugée plus rentable par les paysans. «Pour la campagne précédente, le Zanzan a fourni 35.353 tonnes d’anacardes. Pour un chiffre d’affaires estimé à plus de 6 milliards de francs», confirme le responsable régional de l’Ocpv pour montrer la forte progression de la noix de cajou par rapport à l’igname. Bamba Tato Ahmed souligne, en outre, le manque de volonté politique pour soutenir la filière. «Aucun projet n’existe pour booster la commercialisation de l’igname. Pourtant c’est seulement la garantie de débouchés qui favorise la production», soutient-il. Les paysans espèrent une meilleure organisation de leur secteur et des prix plus rémunérateurs. La survie de la filière en dépend !
Jean-Michel Ouattara à Bondoukou