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Société Publié le samedi 31 juillet 2010 | Nord-Sud

Eglises évangéliques : La grand’messe des femmes-pasteurs

Elles n’étaient qu’évangélistes, dirigeantes de groupes de prières, responsables de femmes, mamans pasteurs, etc. Désormais, elles portent la toge comme les hommes. Regard sur les nouvelles patronnes des églises évangéliques.

Hommes, femmes, jeunes et enfants envahissent la place Ficgayo de Yopougon, ce samedi. Ils sont vêtus de tee-shirts sur lesquels est inscrite la phrase qui suit : «Je ne suis pas concerné ». Ces croyants refusent le plan du diable. C’est-à-dire, la pauvreté, la maladie et la souffrance. Les fidèles veulent être sous le manteau de la puissance de Dieu. C’est pourquoi ils répondent à l’appel du révérend Ebo Carole-Elie, une femme. Elle est la présidente de l’Eglise évangélique Vie et Restauration (Evire). La scène se déroule le 27 mars. C’est la journée de liberté et de guérison nationales, un programme annuel initié par Evire et dénommé «La folie de Dieu ». Plus de quatre heures durant, chants, danses, prières, transes et témoignages font vibrer l’espace mythique. Ses incantations font tomber des gens dans la foule. Des sentinelles accourent à leur rescousse. Il faut chasser les démons, ces disciples de Satan. Le révérend fait montre de ses qualités d’oratrice, jusqu’à attirer une foule de curieux dont des Européens. Pour la femme de Dieu, la liberté véritable existe dans le Seigneur : «Jésus libère et guérit vrai??ment comme il l’a lui-même dit. La Bible ne nous trompe pas ». Les enfants de Dieu, visiblement édifiés par cette scène hautement religieuse, repartent avec le sentiment d’être nés de nouveau. Eux, qui ne restent pas froids face à une sensibilité féminine. «Elle est puissante», «Dieu l’utilise vraiment », entend-on dans l’assistance.

Elle sacrifie son époux …

Rejetées au départ de la tête des ministères, les femmes-pasteurs de la trempe du révérend Ebo Carole, foisonnent désormais dans les églises évangéliques. Pour des fidèles avec qui nous échangeons, ce sont des mamans, des sœurs, des confidentes. Elles ont ce petit quelque chose qui les rend plus accessibles que les hommes. Pourquoi sont-elles devenues pasteurs ? « Pour répondre à l’appel pressant de Dieu», se contentent-elles de justifier leur engagement. Un appel qui se manifeste par des prophéties. Après les révélations des prophètes, elles empruntent le chemin de l’école pastorale, pour deux années au minimum. L’intention, ajoutent-elles, n’est pas de commander les hommes. En plus, elles jouissent d’un respect assuré. Ce 21 juillet, il est presque 17h quand le pasteur principal de l’église évangélique La Source de Yopougon-Sideci, Mahan Rose, nous reçoit dans son bureau annexe. Pendant la causerie, une jeune fidèle l’interpelle pour avoir les clés de la cuisine. Leur bref échange apparaît comme un entretien entre mère et fille. Inutile d’ajouter que les clés sont remises sans caprices de Majesté. Le parcours de ce pasteur, la quarantaine, est atypique. Pour porter l’habit, elle sacrifie son foyer après plusieurs résistances. Son ex-époux n’a pas supporté ses veillées de prières, ni ses longues absences. Aucune conciliation n’a été possible. « Alors que de nombreuses femmes viennent à l’église pour chercher un mari, moi j’ai divorcé pour rester pasteur», renchérit la bonne dame, tout sourire. Aujourd’hui, elle n’éprouve aucun regret. Elle qui a la grâce d’avoir la garde des enfants. Marie-Louise Ycossié est, quant à elle, la sœurette du jeune pasteur Guiza- Ycossié Médarde. D’obédience catholique, elle ne s’est pas facilement accommodée au statut de son aînée, comme les autres membres de la famille d’ailleurs. Les parents supportent mal que leur fille abandonne ses études en deuxième année de Bts. On pense même à une obsession psychanalytique. Aujourd’hui, le regard a presque changé. Tout le monde semble fier. Ce que confirme Marie-Louise : « elle est devenue plus responsable.

Des femmes harcelées ?

Des personnes âgées, et même de la haute classe, se confient à elle. Mais pour nous, elle reste notre sœur et non le pasteur ». Le hic, ce sont certaines vexations. « Comme dans tout milieu de femmes, ma sœur, malgré son statut, subit des ragots et des jalousies». On se souvient qu’un chantre de renom l’avait frappé au visage il y a près de trois ans.
Le pasteur qui dirige un groupe de prières à Cocody Cité Mermoz, n’en livre pas un traître mot. Ce soir de juin, elle prépare une veillée. Dans un ensemble tailleur chic, elle prend le soin de se maquiller avant les prises de vues. Mariée et mère d’un enfant, le pasteur dit avoir la tête sur les épaules. «Je reste une femme. Je continue de piler le foutou pour mon époux». Victimes d’harcèlement ? Elles répondent toutes par la négative. «Les hommes ont peur de nous. Une femme en action, qui prêche, et les esprits se manifestent, ils trouvent cela sans doute compliqué et n’osent rien». Pour éloigner les courtisans en dehors de l’église, la stratégie est simple. «Je suis pasteur, je t’invite à l’église», dixit Mahan Rose. Mais avec la famille, il n’y a pas d’échappatoire. Parfois, Marie-Louise se surprend en train d’appeler sa sœur par son petit nom «Medy» devant les fidèles. La concernée très souvent «choquée» par ces attitudes, dit comprendre. « Ce n’est pas facile pour eux (ses frères et sœurs). Ils pensent que je suis toujours la «Medy» avec qui ils ont grandi ». Ils oublient qu’elle est désormais pasteur. Ils oublient aussi qu’une femme-pasteur est une autorité… Il y a près de 20 ans, la Côte d’Ivoire connaissait sa première pasteur, Kyria Rosemonde Deborah Kodjo. Elle est promue bishop depuis 2008. Mère de 5 enfants, bishop Rosemonde Kodjo allie vie de foyer et engagement spirituel. A sa suite, de nouvelles femmes se sont révélées dans le ministère de Dieu. Le révérend Ebo Carole Elie s’engage en 1992 avec la Mission évangélique internationale Vie et Restauration. D’autres exemples abondent et bénéficient du soutien de la communauté. Les hommes-pasteurs sont de plus en plus flexibles. Le bishop Alexandre Amazou, fondateur des Eglises Alliance biblique missionnaire de Côte d’Ivoire (Abmci), membre des églises pentecôtistes à vocation missionnaire, soutient le ministère des femmes. Dans sa chapelle, il existe des femmes-pasteurs et la maison de Dieu en tire profit. A l’entendre, elles sont « sérieuses et honnêtes ». Au temple de la foi du révérend Raoul Wafo, situé aux II- Plateaux 7ème tranche, des femmes enseignent la bonne parole aux fidèles qui repartent enchantés. Aucune femme-pasteur n’officie pour l’instant ici. Toutefois, les responsables ne sont pas fermés à cette éventualité. On peut le dire, c’est la grand’messe des femmes-pasteurs.

Nesmon De Laure
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