Forme athlétique, teint noir, environ 1m75 de taille, 32 ans bien sonnés, Kouamé N’guessan Théodore, appelé « professeur » parce qu’orateur dans les agoras et parlements, a eu l’idée, ô combien géniale ! de capitaliser le « nationalisme » enivrant de ses compatriotes. Dans le milieu carcéral et judiciaire, c’est ce jeune à l’allure frêle, qu’on a surnommé avec beaucoup d’humour le « Madoff ivoirien» en souvenir de Bernard Madoff, président-fondateur d’une des principales sociétés d’investissements de Wall Street. Arrêté par le FBI, le 12 décembre 2008, ce célèbre escroc a été condamné le 29 juin 2009 à 150 ans de prison.
Notre Madoff à nous, est tombé dans les filets de la Police criminelle, le 25 mars 2010 à Gbinta, un quartier précaire de Yopougon où il se cachait. Après moult tractations, il a été enfin écroué. Et depuis lors, il mène une vie dorée à la MACA, parmi les barrons de la filière café-café-cacao.
C’est ce jeune, à l’allure insignifiante, très populaire, dont toute la Côte d’Ivoire parle, que nous sommes allés rencontrer à la Maison d’arrêt d’Abidjan (MACA).
Aux guichets des tickets d’accès, ses visiteurs ne se comptent plus. Il caracole en tête des prisonniers les plus visités. Il se situe loin devant les prisonniers du café-cacao. C’est dire…
Une première visite. Le samedi 26 juin, une fine pluie a arrosé Abidjan. Quand il en est ainsi, les puanteurs de la MACA se réveillent. Rendre visite donc à un bagnard n’est pas chose agréable. 15h07, nous sommes au guichet « ticket d’accès ».
« Je viens rendre visite au professeur N’guessan … », à peine la phrase terminée que ce « vendeur » remplit avec précipitation le ticket en lieu et place du nom et prénom du pensionnaire, il marque « Akounda-Ouflè », nom de l’ONG créée par l’ingénieux patriote et qui a servi à appâter les populations.
Comment il réorganise son système
Après toutes les formalités d’usages, nous voilà au box des assimilés. Les célèbres barons prisonniers à côté d’autres anonymes reçoivent leurs visiteurs. On reconnaît Mme Angeline Kili (PCA FRC), Placide Zougrana (PCA ARRC). Dans le fin fond, un regroupement est perceptible. L’un des bagnards transformé en guide, pointe le doigt : « Professeur est là-bas, au fond ». L’homme qu’on nous indique, est debout. Il parle et gesticule. Autour de lui, des hommes et des femmes écoutent religieusement. Les chaises ne suffisent plus. Mais certains nous font l’amabilité de céder la place. Lorsqu’il nous voit, le professeur interrompt son « cours » et nous sert une chaleureuse poignée de main, comme si nous avions été de vieux amis. Cet homme, nous le rencontrons pour la première fois ? De « visu ». Pas à la télé ni dans les journaux. « Comment vas-tu, Frère ? », nous lance le « professeur », l’air joyeux. « Nous sommes venus nous enquérir de tes nouvelles », rétorquons-nous. L’échange est bref comme une étoile filante.
A dire vrai, le maître des lieux est chaleureux. En tee-shirt brodé de rayures, style jeune, pantalon « fashion », il rejoint sa place assise. Il est encadré par deux dames, à sa gauche, une répondant au nom Djan Zou Djè (2è vice-président et marraine du projet transport). Elle est à ses petits soins. Plus tard, nous apprenons qu’elle est vice-présidente d’Akoundan-Ouflè. Arrêté en même que les autres membres du bureau, son conseil a évoqué des raisons de santé pour obtenir une liberté provisoire pour sa cliente. Et depuis, elle va et vient à la MACA, rendre visite à ses anciens co-détenus et surtout prendre des instructions auprès du président.
A sa droite, celle qu’on appelle affectueusement « maman ». Elle tient entre ses mains une Bible, les Saintes écritures. En fait de maman, cette dame d’un certain âge est l’épouse de son tuteur, M. Ouréga Doudou (un comptable à la retraite), que le fils businessman avait appelé à ses côtés pour faire fructifier les affaires. Au pays de l’argent facile, on est solidaire.
Ce 26 juin était un rendez-vous important. Le président recevait le haut conseil de la structure. Au menu : la relance des activités de Akoundan-Ouflè après le bémol dû à l’arrestation du président. A ce véritable « meeting » que prenons en marche, nous apprenons que chaque coordonnateur venait de faire le point. maintenant, le président peut donner les instructions. Religieusement, les délégués écoutent et acquiescent.
« Il faut envoyer les missionnaires sur le terrain, trouver un siège pour chaque coordination. On fera exposer un camion KIA et aux premiers souscripteurs, on donnera ce qu’on leur doit sans attendre la période de carence. Dites aux populations que nous sommes en promotion », a indiqué le « Madoff ivoirien » d’une voix rassurante. Et d’ajouter d’un geste hardi : « Les populations nous font confiance. Je vais sortir et je serai encore plus fort »
A ses collaborateurs, il a indiqué que son dossier à la justice est vide et qu’aucune plainte n’existe contre lui. Ce sont plutôt des souscripteurs qui ont paniqué parce qu’il y a des gens qui leur ont fait croire qu’ils allaient être remboursés. Poursuivant son développement, le PCA d’«Akoudan-Ouflè» confie à ses visiteurs que des gens veulent le couler à tout prix.
« Le fait que je roule en Hummer a suffi à faire propager la rumeur que je suis un voleur. Ces voitures appartiennent à Akounda-Ouflè. Le tribunal a saisi tous les comptes, mais il n’y a rien d’anormal », conclut-il.
Dans quelques minutes, les pensionnaires vont devoir rejoindre leur cellule. Le bruit strident des sifflets annonce les couleurs. « Prof » Kouamé N’guessan tient à raccompagner ses visiteurs. A chacun, une chaleureuse poignée de mains. Mais il faut bien partir.
En franchissant le portillon de la MACA, notre conviction est nette : le temps n’est pas encore à la repentance pour le PCA d’ « Akouanda-Ouflè ». Par ailleurs, il ne réalise pas encore l’immensité de son forfait.
Samedi 17 juillet. Seconde visite. Retour dans l’enfer de la MACA. Trois journalistes du « Nouveau Courrier » (Théophile Kouamouo, Oula Saint Claver, Guédé Bahi Stéphane) ont grossi le lot des pensionnaires. Ils sont poursuivis par le procureur Tchimou Raymond de « vol de documents » après la publication d’un dossier intitulé : « Le livre noir de la filière café-cacao-acte1 ». Ils n’ont pas les mêmes privilèges que le PCA d’Akouanda Ouflè. Ils sont derrière les parloirs en même tant que les bandits de grand chemin.
Comment ne pas rendre visite au Madoff junior dont la rencontre suscite toujours la curiosité. L’homme est si accroché à des certitudes et parle avec assurance. Il est absent, mais son espace de réception est rempli de monde. Seules quelques chaises sont vides. Les femmes constituent le gros lot des visiteurs. Dix minutes d’échanges avec l’animateur radio Eric Didia (Il est désormais libre), et soudain, voilà le « prof » N’guessan Kouamé, vêtu d’un pantalon kaki, tee-shirt, style jeune branché. Il est escorté par un de ses nombreux serviteurs. L’assistance se lève presqu’instinctivement pour le saluer. Son autorité ne souffre d’aucun doute sur ses « sujets ». La causette qui s’en suit est très animée. Le discours de l’homme n’a pas varié. « Des personnes pensent pouvoir tuer le mouvement, mais ils se trompent.
Le Madoff Ivoirien
Les choses vont redémarrer de plus belle », lâche-t-il. Et d’ajouter : « Ces mêmes personnes veulent opposer au sein du mouvement, les « patriotes » aux militants du RDR. Le juge d’instruction Coulibaly Victor (doyen des juges d’instruction du tribunal de Yopougon) est ma plus grande déception. Il politise l’affaire. »
Par ailleurs, il demande à ses lieutenants de ne pas se faire de soucis : « C’est une décision qui viendra d’en haut pour me sortir d’ici (MACA, Ndlr). Soyez tranquille donc »
Dans sa nouvelle stratégie, l’homme promet de « briser le monopole dioula en achetant une centaine de véhicules de type KIA et mini-bus » pour booster le secteur du transport. En attendant, le PCA donne des consignes fermes pour redonner au siège son animation d’antan. Pour les régions, il promet de faire former les « experts » (une sorte de formateurs des formateurs) dans les semaines à venir. Ceux-ci seront épaulés par les « missionnaires », des commerciaux qui devront produire des résultats probants.
En repartant pour cette seconde fois, nous nous sommes convaincu que ce jeune de 32 ans n’avait pas compris qu’il était englué dans une « marée noire ». Et que ses parrains pourraient bien le lâcher définitivement. Il n’aura alors, que ses yeux pour pleurer.
Coulibaly Brahima
Notre Madoff à nous, est tombé dans les filets de la Police criminelle, le 25 mars 2010 à Gbinta, un quartier précaire de Yopougon où il se cachait. Après moult tractations, il a été enfin écroué. Et depuis lors, il mène une vie dorée à la MACA, parmi les barrons de la filière café-café-cacao.
C’est ce jeune, à l’allure insignifiante, très populaire, dont toute la Côte d’Ivoire parle, que nous sommes allés rencontrer à la Maison d’arrêt d’Abidjan (MACA).
Aux guichets des tickets d’accès, ses visiteurs ne se comptent plus. Il caracole en tête des prisonniers les plus visités. Il se situe loin devant les prisonniers du café-cacao. C’est dire…
Une première visite. Le samedi 26 juin, une fine pluie a arrosé Abidjan. Quand il en est ainsi, les puanteurs de la MACA se réveillent. Rendre visite donc à un bagnard n’est pas chose agréable. 15h07, nous sommes au guichet « ticket d’accès ».
« Je viens rendre visite au professeur N’guessan … », à peine la phrase terminée que ce « vendeur » remplit avec précipitation le ticket en lieu et place du nom et prénom du pensionnaire, il marque « Akounda-Ouflè », nom de l’ONG créée par l’ingénieux patriote et qui a servi à appâter les populations.
Comment il réorganise son système
Après toutes les formalités d’usages, nous voilà au box des assimilés. Les célèbres barons prisonniers à côté d’autres anonymes reçoivent leurs visiteurs. On reconnaît Mme Angeline Kili (PCA FRC), Placide Zougrana (PCA ARRC). Dans le fin fond, un regroupement est perceptible. L’un des bagnards transformé en guide, pointe le doigt : « Professeur est là-bas, au fond ». L’homme qu’on nous indique, est debout. Il parle et gesticule. Autour de lui, des hommes et des femmes écoutent religieusement. Les chaises ne suffisent plus. Mais certains nous font l’amabilité de céder la place. Lorsqu’il nous voit, le professeur interrompt son « cours » et nous sert une chaleureuse poignée de main, comme si nous avions été de vieux amis. Cet homme, nous le rencontrons pour la première fois ? De « visu ». Pas à la télé ni dans les journaux. « Comment vas-tu, Frère ? », nous lance le « professeur », l’air joyeux. « Nous sommes venus nous enquérir de tes nouvelles », rétorquons-nous. L’échange est bref comme une étoile filante.
A dire vrai, le maître des lieux est chaleureux. En tee-shirt brodé de rayures, style jeune, pantalon « fashion », il rejoint sa place assise. Il est encadré par deux dames, à sa gauche, une répondant au nom Djan Zou Djè (2è vice-président et marraine du projet transport). Elle est à ses petits soins. Plus tard, nous apprenons qu’elle est vice-présidente d’Akoundan-Ouflè. Arrêté en même que les autres membres du bureau, son conseil a évoqué des raisons de santé pour obtenir une liberté provisoire pour sa cliente. Et depuis, elle va et vient à la MACA, rendre visite à ses anciens co-détenus et surtout prendre des instructions auprès du président.
A sa droite, celle qu’on appelle affectueusement « maman ». Elle tient entre ses mains une Bible, les Saintes écritures. En fait de maman, cette dame d’un certain âge est l’épouse de son tuteur, M. Ouréga Doudou (un comptable à la retraite), que le fils businessman avait appelé à ses côtés pour faire fructifier les affaires. Au pays de l’argent facile, on est solidaire.
Ce 26 juin était un rendez-vous important. Le président recevait le haut conseil de la structure. Au menu : la relance des activités de Akoundan-Ouflè après le bémol dû à l’arrestation du président. A ce véritable « meeting » que prenons en marche, nous apprenons que chaque coordonnateur venait de faire le point. maintenant, le président peut donner les instructions. Religieusement, les délégués écoutent et acquiescent.
« Il faut envoyer les missionnaires sur le terrain, trouver un siège pour chaque coordination. On fera exposer un camion KIA et aux premiers souscripteurs, on donnera ce qu’on leur doit sans attendre la période de carence. Dites aux populations que nous sommes en promotion », a indiqué le « Madoff ivoirien » d’une voix rassurante. Et d’ajouter d’un geste hardi : « Les populations nous font confiance. Je vais sortir et je serai encore plus fort »
A ses collaborateurs, il a indiqué que son dossier à la justice est vide et qu’aucune plainte n’existe contre lui. Ce sont plutôt des souscripteurs qui ont paniqué parce qu’il y a des gens qui leur ont fait croire qu’ils allaient être remboursés. Poursuivant son développement, le PCA d’«Akoudan-Ouflè» confie à ses visiteurs que des gens veulent le couler à tout prix.
« Le fait que je roule en Hummer a suffi à faire propager la rumeur que je suis un voleur. Ces voitures appartiennent à Akounda-Ouflè. Le tribunal a saisi tous les comptes, mais il n’y a rien d’anormal », conclut-il.
Dans quelques minutes, les pensionnaires vont devoir rejoindre leur cellule. Le bruit strident des sifflets annonce les couleurs. « Prof » Kouamé N’guessan tient à raccompagner ses visiteurs. A chacun, une chaleureuse poignée de mains. Mais il faut bien partir.
En franchissant le portillon de la MACA, notre conviction est nette : le temps n’est pas encore à la repentance pour le PCA d’ « Akouanda-Ouflè ». Par ailleurs, il ne réalise pas encore l’immensité de son forfait.
Samedi 17 juillet. Seconde visite. Retour dans l’enfer de la MACA. Trois journalistes du « Nouveau Courrier » (Théophile Kouamouo, Oula Saint Claver, Guédé Bahi Stéphane) ont grossi le lot des pensionnaires. Ils sont poursuivis par le procureur Tchimou Raymond de « vol de documents » après la publication d’un dossier intitulé : « Le livre noir de la filière café-cacao-acte1 ». Ils n’ont pas les mêmes privilèges que le PCA d’Akouanda Ouflè. Ils sont derrière les parloirs en même tant que les bandits de grand chemin.
Comment ne pas rendre visite au Madoff junior dont la rencontre suscite toujours la curiosité. L’homme est si accroché à des certitudes et parle avec assurance. Il est absent, mais son espace de réception est rempli de monde. Seules quelques chaises sont vides. Les femmes constituent le gros lot des visiteurs. Dix minutes d’échanges avec l’animateur radio Eric Didia (Il est désormais libre), et soudain, voilà le « prof » N’guessan Kouamé, vêtu d’un pantalon kaki, tee-shirt, style jeune branché. Il est escorté par un de ses nombreux serviteurs. L’assistance se lève presqu’instinctivement pour le saluer. Son autorité ne souffre d’aucun doute sur ses « sujets ». La causette qui s’en suit est très animée. Le discours de l’homme n’a pas varié. « Des personnes pensent pouvoir tuer le mouvement, mais ils se trompent.
Le Madoff Ivoirien
Les choses vont redémarrer de plus belle », lâche-t-il. Et d’ajouter : « Ces mêmes personnes veulent opposer au sein du mouvement, les « patriotes » aux militants du RDR. Le juge d’instruction Coulibaly Victor (doyen des juges d’instruction du tribunal de Yopougon) est ma plus grande déception. Il politise l’affaire. »
Par ailleurs, il demande à ses lieutenants de ne pas se faire de soucis : « C’est une décision qui viendra d’en haut pour me sortir d’ici (MACA, Ndlr). Soyez tranquille donc »
Dans sa nouvelle stratégie, l’homme promet de « briser le monopole dioula en achetant une centaine de véhicules de type KIA et mini-bus » pour booster le secteur du transport. En attendant, le PCA donne des consignes fermes pour redonner au siège son animation d’antan. Pour les régions, il promet de faire former les « experts » (une sorte de formateurs des formateurs) dans les semaines à venir. Ceux-ci seront épaulés par les « missionnaires », des commerciaux qui devront produire des résultats probants.
En repartant pour cette seconde fois, nous nous sommes convaincu que ce jeune de 32 ans n’avait pas compris qu’il était englué dans une « marée noire ». Et que ses parrains pourraient bien le lâcher définitivement. Il n’aura alors, que ses yeux pour pleurer.
Coulibaly Brahima