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Politique Publié le jeudi 5 août 2010 | Le Mandat

Alfred Schwartz, La dimension humaine des grandes opérations de développement : l’exemple de l’opération San-Pédro (Sud-Ouest de la Côte d’Ivoire),

La version du Conseil national du Pdci-Rda
Le mardi 19 décembre 1967, on s’en souvient, à la suite de la distribution, à Abidjan, de tracts faisant état, en des termes curieux et quasi-démentiels, de l’existence d’un « gouvernement révolutionnaire clandestin » et de la création d’un parti politique, le « Pana », le Conseil national, élargi du Pdci-Rda, était convoqué au Palais de la présidence. Au cours de cette réunion qui dura de 11h à 16h, le président de la République, documents en mains devait expliquer à l’assistance l’origine de ces tracts qui, dans ce pays du dialogue et de la fraternité, appelaient à la révolte et au désordre. C’est ainsi que, pour la première fois, nous entendîmes le nom de Kragbé Gnagbé et découvrîmes, exposé devant les membres du Conseil national, le visage de ce mégalomane désœuvré, rongé par une soif effrénée de gloire. Dans son comportement, depuis la vie tumultueuse de ses études infructueuses, où il se préoccupa plus de s’intoxiquer de révolution livresque et de marxisme mal digéré que de savoir et de science, jusqu’à ses périples africains, toujours insatisfait et instable, n’apparaissent que de grossières contradictions à peine croyables qui rappellent plus la conduite d’un aliéné que celle d’un ambitieux ou d’un idéaliste.
Confondu et raisonné, dans ce pays de fraternité et d’amour où il n’existe pas de détenu politique, M. Gnagbé fut remis en liberté « pour prendre part, lui aussi, à la construction nationale ». Une fois encore, la clémence du Président Houphouët-Boigny venait d’avoir le dernier mot.
On aurait pu penser que, comme nous le disions dans ces mêmes colonnes (voir F. M n0920), notre pauvre homme avait compris la Côte d’Ivoire et regrettait sa folle entreprise. C’était mal connaître l’énergumène, le mégalomane sans cœur ni raison, rongé par des rêves et des illusions diaboliques.
Ainsi, après quelques mois de « retraite », M. Gnagbé devait encore, plus d’une fois, se signaler par quelques méfaits, à l’attention de la police. Mais il continuait à respirer l’air frais de la Côte d’Ivoire et à bénéficier du climat de paix et de liberté de notre pays. Sans doute trop serein et trop paisible pour un mégalomane égaré, puisque M. Gnagbé devait mettre cette période à profit pour organiser son « coup » le plus incroyable, le plus meurtrier dans sa propre région ; d’où ce que l’on appelle maintenant « les incidents de Gagnoa », œuvre criminelle et de banditisme des plus exécrables.

Les incidents
En effet, dans la nuit du 28 au 29 octobre, tandis que la Côte d’Ivoire mettait la dernière main aux préparatifs du cinquième congrès du Pdci-Rda, le « congrès du rajeunissement, de la continuité, de la réconciliation effective du développement », Kragbé Gnagbé, retranché dans sa forêt natale, la région Guébié, tribu tampon entre les Bétés et les Didas, se préparait pour la réalisation de son noir dessein et de sa folle aventure.
Profitant de la naïveté candide de ses compatriotes-les Guébiés constituent une petite tribu forte de 1000 habitants à peine – que la scolarisation et le développement n’ont pas encore suffisamment visités, notre mégalomane réussit à entraîner avec lui, de force, quelque deux cents hommes pour « marcher sur la ville proche de Gagnoa » où il devait être installé sur son trône, avec son drapeau. Pour devenir ainsi le « chancelier de l’Etat d’Eburnie » comme le disaient ses tracts.
Ces choses paraîtront incroyables à l’observateur étranger, comme celui-ci ne comprendra pas que M. Gnagbé se faisait passer aux yeux des siens, comme un invulnérable, un invisible, un invisible quand il le voulait. Car l’Afrique, même en ce siècle, reste l’Afrique avec ses croyances bien souvent irrationnelles. Il n’est donc pas étonnant que, de mauvaise ou de bonne foi, nos confrères étrangers interprètent mal nos faits et les placent dans un contexte erroné, leur donnant ainsi des dimensions qui les dépassent.
Les récents incidents de Gagnoa, qui relèvent en fait plus de la folie et du banditisme crapuleux d’un illuminé que d’’un acte politique lucide, n’ont pas échappé à ces hâtives et fausses interprétations.
En effet, dans sa folle aventure, profitant de la nuit et de l’obscurité qui plongeaient Gagnoa dans le noir en raison d’une panne électrique qui durait déjà depuis plusieurs jours, Gnagbé voulu marcher sur la ville et attaquer le poste de police. Repoussé, il se mit à attaquer ses propres compatriotes qui n’avaient pas voulu le suivre et fit ainsi, avec ses hommes, plusieurs morts sur son passage. Aujourd’hui, ce sont des veuves et orphelins qui pleurent dans le Guébié par la faute de ce dangereux mégalomane.
Heureusement, « l’invisible » ne put se cacher longtemps dans sa forêt. Encerclé par l’armée ivoirienne qui réussit à épargner la vie à la population Guébié menacée par Gnagbé et ses complices, le mégalomane, perdu et abandonné, fut arrêté. Criminel, bandit, escroc, plus aliéné que « chancelier de l’Etat », voilà M. Kragbé Gnagbé aujourd’hui entre les mains de la justice ivoirienne.

Pas de clémence
Ceux qui ont écouté ces tristes faits jeudi matin à l’Assemblée nationale, lors de la réunion du Conseil national, n’en croyaient pas leurs oreilles. Révoltés, ils demandèrent tous que justice soit faite. C’est le cri de douleur de la Côte d’Ivoire toute entière. Comment peut-on admettre ces choses dans le pays de la fraternité, de la tolérance, du dialogue et de la paix ? Certes, havre d’amour inépuisable, le Président Houphouët-Boigny a toujours usé de sa clémence et de sa générosité pour pardonner ,mais peut-il empêcher les volontaires à la mort de se suicider ? Certes, il a, à maintes fois, juré, devant le pays, de ne jamais verser le sang ivoirien sur notre sol, mais comment peut-il empêcher ceux qui le veulent de se faire « hara-kiri » ?
Du reste, il a tenu à rassurer sur place, l’assistance du Conseil national qui craignait de le voir prendre une nouvelle fois, une mesure de faveur : « Bien qu’il soit pénible à un homme qui a toujours condamné les violences sous toutes les formes, déclara-t-il visiblement peiné, qu’on n’attende pas de moi la clémence, cette fois, alors qu’il y a des orphelins et des veuves. La justice suivra son cours… ». Et les applaudissements de couvrir, frénétiques, la voix du chef de l’Etat. Et voilà comment des énergumènes du genre Gnagbé font souiller aux hommes d’amour et de bonté, l’essence même de leur philosophie de l’existence. Mais que ne peut-on sacrifier à l’intérêt supérieur du pays, de ce pays qui a tant besoin de paix et de fraternité pour poursuivre sa route ? Rien ne peut être placé au-dessus de l’unité et de la paix en Côte d’Ivoire, ni au niveau de la population paysanne, ni au niveau des intellectuels.
In Fraternité Matin N°1815 des 5 et 6 décembre 1970
Proclamation aux tribus d’Eburnie
Depuis dix ans vous avez tous servi, et souvent avec une hargne bestiale, un gouvernement indélicat et antinationaliste ; vous avez adoré comme un dieu, un chef qui a vendu le pays. En traîtres ! Vous avez été complices en approuvant les emprisonnements illicites, les bastonnades, les tortures, les meurtres. Depuis dix ans, la politique du Pdci-Rda a enfanté et nourri un tribalisme vigoureux et funeste. Houphouët veut faire des Baoulé nos maîtres. Nous ne serons jamais leurs esclaves.
Vous pouvez mourir à tout moment soit par accident, soit de maladie, soit dans votre lit. De quoi avez-vous peur ?
Il faut couronner nos efforts ; ceux que nous avons déployés depuis le 27 novembre 1966, date de la publication de « L’appel aux tribus d’Ebunie » et du manifeste du Parti nationaliste. Le travail doit cesser sur l’étendue du territoire. C’est la grève générale.
Songez à Biaka Boda, à Boka Ernest et à beaucoup d’autres morts dans des conditions mystérieuses à Yamoussoukro, cimetière de nos élites, et vous vous apercevrez que les préoccupations majeures d’Houphouët-Boigny sont le meurtre. Doit-on continuer ainsi dans l’impunité ? Depuis dix ans, Houphouët et ses amis n’ont jamais su faire la différence entre l’honneur et la servitude, le mensonge et la vérité, leurs intérêts et ceux du pays. Je vous demande un effort particulier qui nous permette d’arracher notre pays aux étrangers, de prendre en main nos propres affaires, de devenir les bénéficiaires directs de nos sacrifices. Mettez votre vie au service du gouvernement nationaliste. Qui êtes-vous ? Des hommes ou des animaux pour trembler de peur. Il est trop tard, à présent, pour rêver d’élections. Il faut se battre maintenant. Il faut se battre avec tous les moyens, même avec nos mains nues. Dussions-nous y mettre le prix en hommes et en sang. Le sang parle mieux aux masses, car c’est le vrai langage de la politique. Ecrasons pour toujours ces assassins et ces escrocs du Pdci. Frappez fort, cognez fort !
Soldats, gendarmes, policiers, à tous, Houphouët et ses amis vous demandent de porter le fer dans votre chair, de répandre la mort dans vos foyers, de détruire vos familles. Pour quelle récompense ? Asseoir définitivement la suprématie tribale des Baoulé. Si vous le faites, ce n’est pas par discipline mais par bêtise. La vraie discipline vous rangera aux côtés du gouvernement nationaliste pour arracher le pays à l’exploitation des étrangers. Si vous tuez vos enfants et vos frères pour de l’argent, vous ne serez jamais les maîtres chez nous. Est-ce cela que vous souhaitez vraiment ? Halte aux crimes odieux de Houphouët.
La situation particulière de la Côte d’Ivoire (colonie déguisée) explique aisément la présence des troupes françaises sur notre sol et leurs fréquentes interventions dans nos affaires. L’armée française doit quitter le pays et ne doit, en aucun cas, prendre part à nos querelles. Pourquoi le gouvernement français veut-il imposer le régime de Félix Houphouët-Boigny ?
A présent, les positions sont claires, les options précises : Houphouët n’est plus notre chef et ne le sera plus, n’en déplaise au gouvernement français. Jusqu’à la convocation, à Abidjan, de l’Assemblée consultative, j’assume le pouvoir politique et militaire à la tête du gouvernement d’union nationale.
A ce titre, je décrète la mobilisation de toutes les forces vives du pays et invite paysans, travailleurs, soldats policiers, gendarmes, chômeurs, élèves, étudiants, anciens combattants, à se mettre sans tarder à la disposition du gouvernement nationaliste établi à Gagnoa. Organisez partout des comités de soutien à l’Etat d’Ebunie.
Vive le gouvernement provisoire nationaliste.
Gagnoa, le 27 octobre 1970
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