Elles sont nombreuses, ces branches et spécialités qui tendent à disparaître de l’université de Cocody. Les étudiants ne s’y intéressent pas. La relève est menacée.
Personne à l’université de Cocody ne semble se soucier de l’état lamentable de certaines branches et spécialités dans des Unités de formation et de Recherche (Ufr). C’est une réalité. Des branches et des spécialités rebutent les étudiants. Certaines spécialités ont fermé leurs portes dans des Ufr, parce que n’ayant plus d’étudiants. Des doyens de certains départements sont obligés de réviser à la baisse les moyennes d’accès au Diplôme d’études approfondies (Dea) pour permettre aux étudiants qui ont choisi ces spécialités ‘’mourantes’’ de poursuivre les études afin d’assurer la relève.
Des spécialités difficiles…
L’année dernière, à l’Unité de formation et de recherche (Ufr) Biosciences, les spécialités de physiologie animale et de physiologie végétale ont fermé leurs portes en année de licence et de maîtrise. Il n’y avait pas d’étudiants inscrits dans ces deux spécialités. A l’opposé des autres spécialités de l’Ufr Biosciences où, il y a de nombreux étudiants. Selon un étudiant de cette Ufr que nous avons rencontré, la raison est toute simple : les deux spécialités sont difficiles. En plus des compositions écrites, il y a des compositions orales et des travaux pratiques.
Et pour être admis, il faut tout valider. Les enseignants ne font aucun effort pour encourager la poignée d’étudiants qui embrassent ces spécialités dites difficiles. « J’ai un ami qui s’y est aventuré, il y a deux ans. Il m’a confié qu’il a l’impression que l’échec des étudiants était une joie pour les enseignants de ces deux spécialités. Ils se disent plus forts lorsque personne n’arrive à valider leurs compositions, que ce soit écrites, orales ou de travaux pratiques », explique-t-il. A l’Institut de géographie tropicale, le problème existe, mais il n’est pas aussi alarmant qu’à l’Ufr Biosciences. Dans cet institut, les étudiants redoutent la branche de géographie physique. C’est, en effet, l’étude de la végétation, des sols, du climat… ils sont plus portés vers la branche de géographie humaine qui regroupe la géographie rurale, urbaine, environnementale …). Selon le directeur de l’Institut de géographie tropicale, Aloko Jérôme, les étudiants trouvent la géographie physique ardue. Et donc, la majorité d’entre eux ne s’y hasarde pas. La preuve : « l’année dernière, sur la trentaine d’étudiants qui avaient postulé pour le diplôme de Dea, seulement deux faisaient la branche géographie physique. Et, par rapport aux critères préétablis, ces deux ne pouvaient pas être sélectionnés.
Où personne ne s’y aventure
Mais, compte tenu de la situation, nous avons révisé les critères pour que ces deux soient sélectionnés ». Avant d’ajouter : «il faut bien assurer la relève. D’autant plus que sur la quarantaine d’enseignants que compte cet institut, il n’y a que 4 ou 5 enseignants en géographie physique ». Charles T. est en Deug II. Selon lui, une fois en maîtrise, il optera pour l’une des branches de la géographie humaine. Car, l’étude est plus facile et concrète. «Il est facile d’étudier la population que d’étudier les couches des sols. Je trouve la géographie physique ‘’abstraite’’»,
confie-t-il. Des spécialités moribondes, il en existe au département d’Histoire. L’histoire ancienne et l’histoire médiévale répugnent les étudiants. A l’opposé de l’histoire moderne et contemporaine qui les attirent. Et, ces derniers ne le cachent pas. Diane A., une étudiante en Deug II d’Histoire, fuit déjà l’une de ces spécialités : l’Histoire Médiévale. « J’ai horreur de l’histoire médiévale. On nous raconte ce qui s’est passé au moyen âge dans les mondes oriental et occidental. Entre-nous, qu’est-ce que cela peut apporter à ma vie ? », s’interroge-t-elle.
Des retraités toujours à la tâche
Un enseignant de ce département avec qui, nous avons échangé, indique qu’il est très difficile de faire ces deux spécialités. « Ce sont des spécialités très difficiles. En plus, les ouvrages et les documents de travail ne sont pas disponibles en Côte d’Ivoire. Il faut passer des commandes dans des bibliothèques pour les avoir. Et, cela coûte excessivement cher. Il faut aussi se rendre en Europe pour pouvoir soutenir sa thèse », explique-t-il. Selon lui, les étudiants qui choisissent l’Histoire Ancienne et Médiévale sont désavantagés au niveau ‘’des gombos’’ (activités parallèles qui rapportent de l’argent). Ils ne peuvent pas donner des cours dans de grandes écoles. Pendant que ceux qui ont étudié l’Histoire Moderne et Contemporaine peuvent être consultant dans des organismes internationaux et donner de cours dans des établissements privés du supérieur. Mis ensemble, les enseignants de l’Histoire Ancienne et Médiévale, n’atteignent pas 10. Ce chiffre est incomparable à celui des enseignants de l’Histoire Contemporaine et Moderne qui avoisine la trentaine. En Lettres Modernes, c’est la spécialité latine qui est en danger.
Les sexagénaires, Pr Atin (appelé affectueusement magister) et Pr Anoh Marius assurent les cours. Bien qu’ils soient à la retraite, ils dispensent toujours les cours, mais en vacataires. Parce qu’il n’y a personne pour assurer la relève. Les étudiants ne s’intéressent pas au latin. Judith K. est en Licence de Lettres Modernes. Elle a vécu un enfer pendant les cours de latin en Deug I et d’Ancien français en Deug II. Selon elle, l’Ancien français est la suite du latin. « J’étais nul en latin. Je n’y comprenais rien. Les déclinaisons m’agaçaient. Et c’est par miracle que j’ai franchi ces barrières. Je ne sais vraiment pas à quoi servent ces matières. Elles ne nous servent pas. La preuve est que la majorité des étudiants de Lettres modernes ne savent plus où leurs cours de latin et de l’Ancien français sont après avoir franchi le seuil du Deug II», nous confie-t-elle, l’air désenchantant. Les étudiants préfèrent aller vers d’autres spécialités, où ils pourront profiter de leur savoir pour mener des activités parallèles. L’Ufr des Sciences médicales est également confronté à ce problème. Bon nombre d’enseignants-médecins à la retraite continue de donner des cours ou de consulter. Soit parce qu’ils sont seuls dans leur spécialité, soit parce qu’ils ont une plus grande expérience. C’est le cas du prof Bohoussou Marcellin qui continue d’apporter ses services lors des colloques dans le domaine de la reproduction humaine en Côte d’Ivoire et en Afrique.
Leg : Les dirigeants de l’université de Cocody doivent se pencher sur ces spécialités qui meurent à petit feu.
Adélaïde Konin
Personne à l’université de Cocody ne semble se soucier de l’état lamentable de certaines branches et spécialités dans des Unités de formation et de Recherche (Ufr). C’est une réalité. Des branches et des spécialités rebutent les étudiants. Certaines spécialités ont fermé leurs portes dans des Ufr, parce que n’ayant plus d’étudiants. Des doyens de certains départements sont obligés de réviser à la baisse les moyennes d’accès au Diplôme d’études approfondies (Dea) pour permettre aux étudiants qui ont choisi ces spécialités ‘’mourantes’’ de poursuivre les études afin d’assurer la relève.
Des spécialités difficiles…
L’année dernière, à l’Unité de formation et de recherche (Ufr) Biosciences, les spécialités de physiologie animale et de physiologie végétale ont fermé leurs portes en année de licence et de maîtrise. Il n’y avait pas d’étudiants inscrits dans ces deux spécialités. A l’opposé des autres spécialités de l’Ufr Biosciences où, il y a de nombreux étudiants. Selon un étudiant de cette Ufr que nous avons rencontré, la raison est toute simple : les deux spécialités sont difficiles. En plus des compositions écrites, il y a des compositions orales et des travaux pratiques.
Et pour être admis, il faut tout valider. Les enseignants ne font aucun effort pour encourager la poignée d’étudiants qui embrassent ces spécialités dites difficiles. « J’ai un ami qui s’y est aventuré, il y a deux ans. Il m’a confié qu’il a l’impression que l’échec des étudiants était une joie pour les enseignants de ces deux spécialités. Ils se disent plus forts lorsque personne n’arrive à valider leurs compositions, que ce soit écrites, orales ou de travaux pratiques », explique-t-il. A l’Institut de géographie tropicale, le problème existe, mais il n’est pas aussi alarmant qu’à l’Ufr Biosciences. Dans cet institut, les étudiants redoutent la branche de géographie physique. C’est, en effet, l’étude de la végétation, des sols, du climat… ils sont plus portés vers la branche de géographie humaine qui regroupe la géographie rurale, urbaine, environnementale …). Selon le directeur de l’Institut de géographie tropicale, Aloko Jérôme, les étudiants trouvent la géographie physique ardue. Et donc, la majorité d’entre eux ne s’y hasarde pas. La preuve : « l’année dernière, sur la trentaine d’étudiants qui avaient postulé pour le diplôme de Dea, seulement deux faisaient la branche géographie physique. Et, par rapport aux critères préétablis, ces deux ne pouvaient pas être sélectionnés.
Où personne ne s’y aventure
Mais, compte tenu de la situation, nous avons révisé les critères pour que ces deux soient sélectionnés ». Avant d’ajouter : «il faut bien assurer la relève. D’autant plus que sur la quarantaine d’enseignants que compte cet institut, il n’y a que 4 ou 5 enseignants en géographie physique ». Charles T. est en Deug II. Selon lui, une fois en maîtrise, il optera pour l’une des branches de la géographie humaine. Car, l’étude est plus facile et concrète. «Il est facile d’étudier la population que d’étudier les couches des sols. Je trouve la géographie physique ‘’abstraite’’»,
confie-t-il. Des spécialités moribondes, il en existe au département d’Histoire. L’histoire ancienne et l’histoire médiévale répugnent les étudiants. A l’opposé de l’histoire moderne et contemporaine qui les attirent. Et, ces derniers ne le cachent pas. Diane A., une étudiante en Deug II d’Histoire, fuit déjà l’une de ces spécialités : l’Histoire Médiévale. « J’ai horreur de l’histoire médiévale. On nous raconte ce qui s’est passé au moyen âge dans les mondes oriental et occidental. Entre-nous, qu’est-ce que cela peut apporter à ma vie ? », s’interroge-t-elle.
Des retraités toujours à la tâche
Un enseignant de ce département avec qui, nous avons échangé, indique qu’il est très difficile de faire ces deux spécialités. « Ce sont des spécialités très difficiles. En plus, les ouvrages et les documents de travail ne sont pas disponibles en Côte d’Ivoire. Il faut passer des commandes dans des bibliothèques pour les avoir. Et, cela coûte excessivement cher. Il faut aussi se rendre en Europe pour pouvoir soutenir sa thèse », explique-t-il. Selon lui, les étudiants qui choisissent l’Histoire Ancienne et Médiévale sont désavantagés au niveau ‘’des gombos’’ (activités parallèles qui rapportent de l’argent). Ils ne peuvent pas donner des cours dans de grandes écoles. Pendant que ceux qui ont étudié l’Histoire Moderne et Contemporaine peuvent être consultant dans des organismes internationaux et donner de cours dans des établissements privés du supérieur. Mis ensemble, les enseignants de l’Histoire Ancienne et Médiévale, n’atteignent pas 10. Ce chiffre est incomparable à celui des enseignants de l’Histoire Contemporaine et Moderne qui avoisine la trentaine. En Lettres Modernes, c’est la spécialité latine qui est en danger.
Les sexagénaires, Pr Atin (appelé affectueusement magister) et Pr Anoh Marius assurent les cours. Bien qu’ils soient à la retraite, ils dispensent toujours les cours, mais en vacataires. Parce qu’il n’y a personne pour assurer la relève. Les étudiants ne s’intéressent pas au latin. Judith K. est en Licence de Lettres Modernes. Elle a vécu un enfer pendant les cours de latin en Deug I et d’Ancien français en Deug II. Selon elle, l’Ancien français est la suite du latin. « J’étais nul en latin. Je n’y comprenais rien. Les déclinaisons m’agaçaient. Et c’est par miracle que j’ai franchi ces barrières. Je ne sais vraiment pas à quoi servent ces matières. Elles ne nous servent pas. La preuve est que la majorité des étudiants de Lettres modernes ne savent plus où leurs cours de latin et de l’Ancien français sont après avoir franchi le seuil du Deug II», nous confie-t-elle, l’air désenchantant. Les étudiants préfèrent aller vers d’autres spécialités, où ils pourront profiter de leur savoir pour mener des activités parallèles. L’Ufr des Sciences médicales est également confronté à ce problème. Bon nombre d’enseignants-médecins à la retraite continue de donner des cours ou de consulter. Soit parce qu’ils sont seuls dans leur spécialité, soit parce qu’ils ont une plus grande expérience. C’est le cas du prof Bohoussou Marcellin qui continue d’apporter ses services lors des colloques dans le domaine de la reproduction humaine en Côte d’Ivoire et en Afrique.
Leg : Les dirigeants de l’université de Cocody doivent se pencher sur ces spécialités qui meurent à petit feu.
Adélaïde Konin