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Art et Culture Publié le samedi 28 août 2010 | Fraternité Matin

In memoriam : un as de la batterie difficile à oublier, 1 an après !

Chris de Bagnon, le batteur du groupe Les Woody, décédé le vendredi 28 août 2009 au Chu de Treichville des suites, officiellement, d’une insuffisance rénale, à l’âge de 51 ans, demeure un as de son instrument difficile à oublier.En effet, avec Manou Katché et Paco Séry, il formait le trio de la légion ivoirienne, capable de rivaliser avec les plus grands batteurs au monde dont Phil Collins peut être considéré comme le chef de file. Emotion


De son vrai nom Christophe Aka, Chris de Bagnon souffrait également depuis plusieurs mois déjà de complications cardiaques et d’hypertension. Des problèmes de santé qui lui ont valu un retrait prématuré et quasi-total de la scène musicale ivoirienne, presque un an jour pour jour avant sa disparition. Le bouillant batteur a été inhumé le samedi 3 octobre 2009 dans son village d’Oni Babré, dans le département de Gagnoa. Mais de la levée du corps de l’artiste qui a eu lieu la veille à Ivosep de Treichville à la séparation ultime, que d’émotions!

Au nom du groupe, des amis et parents du défunt, l’animateur Claude Tamo a, dans son oraison funèbre, remercie tous ceux qui ont soutenu l’artiste, sans omettre d’interpeller l’assistance quant à la nécessité de préserver le patrimoine culturel incarné par les créateurs dont Chris est aussi une signature qui compte.

La dernière scène

Chris de Bagnon était monté pour la dernière fois sur scène avec son groupe, le 30 août 2008, à la salle François Lougah/Ernesto Djédjé du Palais de la culture de Treichville, à l’occasion d’un concert consacrant les deux décennies d’existence des Woody. Ces derniers mois, l’état de santé de Chris s’était aggravé, devenant même très alarmant. Un concert pour récolter des fonds afin de lui venir en aide, à l’initiative de son compère de chef d’orchestre, Jack Dely, s’est ainsi déroulé, le 30 mai 2009, au Café de Versailles d’Alpha Blondy.

Malgré tous les soutiens et traitements, Chris n’a pu survivre à la maladie derrière lui laissant une veuve, Madeleine, et une orpheline âgée d’une vingtaine d’années.

A une période où les instrumentistes de talent se font rares, le décès de Chris de Bagnon laisse un grand vide tant chez Les Woody qu’au niveau de la musique ivoirienne. Etant entendu que tous les virtuoses du pays ont décidé de s’expatrier depuis la fin des années 80.

Empreintes d’un as de la percussion

Fringant, toujours jovial, voire éclectique, aux allures mi-Otis Redding mi-Roger Fulgence Kassy, Chris de Bagnon était l’un de ces rares artistes à pouvoir vous arracher, contre votre gré, un sourire, un pas de danse ou encore une transe quand bien même la tristesse vous emportait. Batteur hors pair, avec son groupe, les Woody, il avait repensé la musique traditionnelle bété en l’harmonisant avec des sonorités pop rock qui forçaient l’admiration. Un savant cocktail sonore qui a fait et continue de faire le succès de ce groupe depuis plus de vingt ans.

De 1990 à 2005, Les Woody ont produit 5 albums de très belle facture qui ont fait danser toute l’Afrique. Des titres tels que «Doucy» tiré de l’album Epsilon, en 1990, «Picasso», «Ozignezé» extraits de l’album Awalesse, en 1994, s’écriront en ré majeur chez les mélomanes ivoiriens et africains, en particulier, et du monde en général.

Distillant des transes collectives à leurs fans d’Afrique, d’Europe et d’Amérique du nord, Les Woody marchent au super, avec en prime, une standing ovation à tous les spectacles pour le batteur hors pair. Même si, en off, ses frasques marquent aussi les esprits. Mais son commerce aisé et spontané, sa bonhomie enivrante font très vite oublier son adhésion notoire à Bacchus. Bref, Chris était un artiste, un vrai.

Percussionniste émérite, Chris de Bagnon se caractérisait, tout aussi, par sa voix et ses déhanchements sur scène proches de la transe et qui rappelaient, à l’envi, Mick Jagger.

Né en 1958 dans le quartier chaud (mais aussi show) de Babré à Gagnoa dans le centre-ouest de la Côte d’Ivoire, il va très tôt s’intéresser à la musique et à la batterie. Quelques années plus tard, à Abidjan où il s’est installé, il fait la connaissance de Jack Dely, Phil Azoumé et Obo Snake. C’est avec eux qu’il formera le groupe Les Woody (Les vrais gars en langue bété) vers la fin des années 80. Tous instrumentistes, ces quatre garçons vont réussir un cross-over parfait entre les sonorités du terroir bété et le patrimoine musical pop. Ils ont su révolutionner le rapport des mélomanes ivoiriens à la musique rock et ses variantes.

Abidjan guitar festival pour que vive la légende !

Chris de Bagnon n’est certes plus de ce monde, mais sa musique, son image, l’écho de ses percussions resteront gravés, pour bien longtemps encore, dans la mémoire des Ivoiriens.

Ex-bassiste de l’iconoclaste reggaeman Tangara Speed Ghôda, Bulldozer est un artiste musicien chevronné. Avec son mentor Tangara, il a sillonné de nombreuses capitales. En 2002, il sort un album qui ne connaît pas de succès. Coopté par Chris de Bagnon pour lui succéder, il prépare activement la sortie de son prochain opus. Mais, l’on s’en souvient, Jack Dely, leader du groupe, affirmait, au lendemain du décès de son batteur: «Chris est irremplaçable», pour montrer à quel point il était unique en son genre.

Son alter ego, Jack Dely, sous la houlette de leur manager, Bley Barbé, a décidé d’organiser tous les deux ans, un festival, Abidjan guitar festival, à Marcory, dans l’antre de leur pote disparu. La 1ère édition a connu un véritable succès avec toute la crème locale de la musique de la décennie 1980-90.

De Bailly Spinto à N’Guessan Santa, en passant par Les Black Devil’s et bien d’autres, le live, dont Chris de Bagnon était un adepte invétéré fut à l’honneur 4h durant. Pourvu que cette initiative ne soit pas un printemps sans la promesse des fleurs. Comme bien des pèlerinages et festivals post-mortem sans lendemains qui chantent. Tuant ainsi des talents réputés… immortels. Salut l’Artiste!

Rémi Coulibaly
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