Témoin de l'hommage à Bernard Dadié, le Président de la République, n'a pas tari d'éloges à l'endroit de l'homme de lettres.
M. Abdou Diouf, avec qui nous avons échangé beaucoup pour trouver la forme à donner à cette cérémonie, n'a pas pu être là. Mais je salue son représentant personnel pour le message qu'il nous a livré. M. Ousmane Faye, conseiller spécial du président Abdou Diouf avec qui nous sommes constamment en relation. En tout cas, Voho Sahi et lui, se parlent presque tous les jours .Je voudrais saluer M. Emile Derlin Zinsou, ancien chef d'Etat du Bénin, à son époque, c'était encore Dahomey. Il a fait le déplacement, je voudrais vraiment le saluer et le remercier d'être venu témoigner par sa présence. Mme Diop de " Présence africaine ", quelques uns d'entre nous ont eu la chance de l'approcher. Parce qu'elle n'est pas toujours à Présence africaine elle a quand même d'autres activités à Paris. Moi, j'ai eu la chance de l'apercevoir et je suis fier, parce que Présence africaine a été le ferment, un culturel pour l'Afrique. Donc je ne sais pas ce que la littérature de combat aurait donné Présence africaine, Quand on lit capitalisme et esclavage de l'ancien Premier ministre du Zimbabwe, l'édition publiée en Anglais a été traduite en Français grâce à Présence africaine. Et ça a apporté beaucoup dans la compréhension de l'esclavage. Et ce livre a même déclenché des spécialisations à " Présence africaine " dont Memel-Fôté. Madame, je vous remercie. Que vais-je dire sur Cheick Amidou Kane, l'Aventure continue-t-elle d'être Ambiguë ? Il y a des ambigüités partout et l'extrait de la pièce de Dadié joué tout à l'heure, " Béatrice du Congo" a montré la parfaite ambiguïté des relations entre les Africains et les Occidentaux. Mais est-ce que cette ambiguïté a disparu ? En plus, j'ai vu cette œuvre portée à l'écran, j'étais content parce que c'était joué par l'un de mes compatriotes Sidiki Bakaba… Cher grand frère, merci d'être parmi nous. Seydou Badian, militant, prisonnier, écrivain, essayiste, parleur. Merci Seydou Badian. Il est malien congolais, ivoirien, Seydou Badian merci pour cette instructive qualité de panafricanisme, d'universalisme, merci d'être là. Je suis très fier que vous soyez là aujourd'hui, à nos côtés. Alors, quand je parle des Burkinabè, ce sont des Ivoiriens du Nord, eux nous disent Burkinabè du Sud. Alors, je vous remercie. Surtout celui qui a parlé tout à l'heure. (Ndlr : Le poète burkinabé Jacques Guegame). Parce qu'on traversait le maquis pour aller à l'Université. Les bus venaient nous chercher dans les cités universitaires de Cocody. Mais c'était trop tôt. Si tu as cours à 7 h ou à 10h et le bus passe à 7 h et que tu n'as pas envie de te lever très tôt, donc tu dors. Après, tu descends dans le Vallon et tu remontes. C'est- ce qu'on appelait le " Maquis ". Aujourd'hui, il y a une route bitumée. Ce n'est plus le " Maquis ". Félicitations à vous, merci d'être venus. Une grande dame, on ne peut pas parler de Bernard Dadié sans parler d'elle : Nicole Vinceleoni. C'est Dadié au féminin et en Blanc qui est-là. Pour que nous retrouvions certains textes de Dadié, il faut qu'elle soit là. Tout à l'heure avant de venir, j'ai dit à Vohi Sahi. (Ndlr : Conseiller spécial du Président de la République chargé des Affaires culturelles et de la Francophonie), qu'en 1949, (il est trop jeune, il ne savait pas). Dadié a écrit un poème que je voulais avoir. Moi, je suis jeune. Mais je l'ai su par les recherches que j'ai effectuées sur l'histoire de la Côte d'Ivoire. Quand Dadié était dans leur " Air Maca " (Ndlr : camion transportant les prisonniers) de l'époque qui l'amenait en prison, il a écrit un poème. Voho m'a dit qu'il n'en savait rien. Je lui ai dit de le chercher et le trouver. Il a téléphoné à Mme Nicole Vincileoni et m'a ramené ce texte manuscrit que voici. Merci Mme Nicole Vincileoni. Parce qu'on ne peut pas rendre hommage à Bernard Dadié sans lui (Mme Vinceleoni) rendre hommage. Parce que tout ceci est possible grâce au travail de fournis qu'elle fait au quotidien pour garder le plat que Dadié a cuisiné. Dadié cuisine et c'est elle qui met le plat au congélateur pour ne pas que ça se gâte. Et nous, c'est dans le congélateur qu'on le cherche. Merci donc à vous Madame. Tout le monde a parlé ici, je ne peux pas être long. Mais pourquoi cet hommage et on peut dire aussi, pourquoi pas ? Nous fêtons le cinquantenaire du monde qui a suscité beaucoup d'espoir. Mais ce monde est détruit et il a eu beaucoup de combats. Et dans les hommages politiques, nous avons abondamment parlé des hommes strictement politiques. Moi-même, dans mon discours du 6 août, j'ai rendu hommage aux anciens. Je n'ai pas voulu le citer parce que j'allais encore citer Dadié. J'ai cité Houphouët-Boigny. Mais il était bon qu'on montre que les problèmes de culture ne sont pas à détacher des problèmes de la vie quotidienne des problèmes de la vie politique. Dadié était écrivain, en même temps militant, combattant. Il était en prison, mais il écrivait en prison. Il était dans les corbillards, il écrivait le corbillard de la liberté. Il y a un texte qu'il a écrit à bord de leur " Air Maca ", c'est-à-dire, la fourgonnette qui les amenait en prison. Je voudrais vous lire un passage. " Ils tenaient la victoire, les pharisiens, la victoire chaque fois leur échappait malgré le tableau légionnaire de leurs mercenaires. Le talibé au coffret, au judas et les lauriers, une voix partit d'entre les fonds (…) Tuez-les comme cela le monde sera tranquille. Tuez-les comme cela nous pourrons oxygéner en paix (….) ". Car ils savaient bien qu'on ne tue pas comme ça la liberté. C'est pour cela qu'on aime beaucoup Bernard Dadié. En tout cas moi, je l'aime. Parce qu'il ne s'est pas contenté d'écrire de belles choses. Il a écrit des choses utiles. Quand Bernard Dadié est devenu ministre de la culture, j'étais sceptique. Mais comme j'ai la chance d'être entouré par des gens qui le connaissaient bien, Memel-Fôté me dit : " Allons-nous concerter pour penser une politique culturelle pour Dadié". Je suis allé voir Memel chez lui, et je lui ai dit : " grand-frère, un réactionnaire de droite, pourquoi veux-tu que nous pensions une politique culturelle pour lui ? Memel m'a dit, " attention petit, Dadié n'est pas un réactionnaire de droite, c'est un homme de gauche. C'est pourquoi, il est dans la posture où il est ". C'est Memel Fotê qui m'a parlé de Dadié, c'est également lui qui m'a parlé de Ekra Mathieu. Et c'est en ce moment que, achevant ma thèse, je suis allé revoir la liste des 8 (huit) qui étaient arrêtés à Grand-Bassam. J'ai mis quelques documents à côté. Il est important d'écrire sur ceux qui étaient à Grand-Bassam. Ce n'était pas un hasard. Il y avait Dadié, Ekra Mathieu, Jean-Baptiste Mockey, Séri Koré, Ladji Sidibé, Jacob William Parezo, Ano Jérôme, Viera. Ces hommes, à part Mockey, Ekra Mathieu, ont fait des apparitions sporadiques au début des indépendances. Pour Mockey, ça été tragique d'ailleurs. Pour la première fois, quand j'ai rencontré Ekra Mathieu, je lui ai dit : Monsieur le ministre d'Etat, vous avez dit à la commission d'Amac. Vous étiez du Pdci-Rda mais tout ce que vous disiez, vous critiquiez la politique d'Houphouët- Boigny. Il a souri et il a dit : " jeune, vous m'avez bien lu". Donc, l'arrestation de ceux de 1949, était une sélection savante. L'équation qui était posée aux leaders du Rda et du Pdci d'Houphouët, c'était un désapparentement. Les communismes ne contrôlaient plus le gouvernement français, ils n'étaient plus majoritaires à l'Assemblée nationale, le peuple avait reculé. Et la guerre Froide avait commencé. Mais en 1946, il a donc proposé au comité directeur du Rda le désengagement, on le lui a refusé et surviennent des événements au cinéma Comacico pendant qu'ils sont en prison, le désengagement a eu lieu. Est-ce qu'il y a un lien ? Moi, je pense que si. Cependant, je n'ai pas encore travaillé suffisamment là-dessus. Mais il faudra qu'on continue de travailler pour faire le portrait de chacun des 8 (huit) et comprendre pourquoi ce sont eux et pas d'autres. Et quand j'ai fait cette recherche, j'ai retrouvé quelques dossiers. Certains dossiers sont incomplets il fallait aller jusqu'au bout. Ou bien ne pas aborder le sujet. Donc j'ai gardé ces documents dans des tiroirs. Et je me suis dit : " quand je serai plus libre, je travaillerai sur le sujet. Parce que c'est un tournant très important dans l'histoire de la Côte d'Ivoire ". Et quand Mme Anne- Marie Ragie, dans son discours, dit Monsieur le président, il n'a pas de complot, elle se réfère à 1949. Mais quand les journaux publient des articles, des déclarations, nous n'avons pas les mêmes yeux pour rétablir cela, la vérité. Eux, parce qu'ils ont vécu, nous, parce que nous avons lu et d'autres, ils n'ont ni lu, ni vu. Je voudrais vraiment saluer Dadié, pas seulement parce qu'il est un grand écrivain. Je crois qu'on ne peut pas être grand écrivain si on n'a pas une grande cause pour laquelle on écrit. Quand on est un grand écrivain, c'est qu'on a une grande cause à défendre. Quand on étudie l'histoire africaine. On change l'ordre chronologique. Le moyen-âge africain n'est pas celui décrit par les colons. Le moyen-âge de l'Afrique occidentale va jusqu'au XVIe siècle jusqu'à la bataille, la défaite de l'armée noire contre l'armée marocaine. Je me dis qu'il faudrait comme ça, baptiser une autre période de toute l'Afrique noire, le siècle des lumières. Les années qui partent de 1945 jusqu'aujourd'hui. Les années de l'immédiat après guerre, qui ont vu la répression, le bouillonnement sur l'Afrique et écrit par les Africains. On n'a jamais écrit autant sur l'Afrique. Et les Africains eux-mêmes n'ont jamais parlé et écrit. Et les auteurs de toute sorte. Il y a eu Houphouët-Boigny à la première période qui disait : " Nous voulons pacifier le communisme, et après”, ce communisme qui disait ce communisme de division, je n'en veux pas. Mais il y avait des penseurs comme Kouamé Nkrumah, Jomo Kenyatta, Mandela, Alioun Diop… que ce soit par les romans, les poèmes. Donc des propos contradictoires mais vivant. Et l'Afrique a parlé d'elle-même en 1945. Il y a eu des écrivains et Présence africaine a publié une série de textes sur nos frères d'Amérique qui ont écrit sur le panafricanisme. Mais c'est véritablement après la seconde guerre mondiale qu'il y a eu ce bouillonnement. Donc, il faudrait que nous puisons baptiser cette période-là, " le siècle des Lumières ". Parce que, c'est à partir de là que les Africains ont pris conscience, que personne ne peut faire leur développement à leur place. On a la division du monde en deux blocs, certains croyaient que les Etats- unis, la France, l'Angleterre allaient venir les aider pour faire leur développement. Et tout ça, c'est contenu dans " le siècle des Lumières ". Je salue tous les écrivains ivoiriens qui sont là. Vous savez, Pierre et Jean, en sortant d'un temple, ils ont vu des mendiants et Pierre a dit : " nous, on n'a pas d'argent, mais ce que nous avons, c’est l'amour de Jésus- Christ. Au nom de cette parole, levez-vous et marchez ". Moi, je vous dis : chers grand-frères, chers camarades dans le combat, je n'ai rien à vous donner. Mais dans l'amour de Jésus-Christ, ce que je peux vous donner, c'est de faire en sorte que votre nom ne soit plus effacé dans le cahier de la Côte d'Ivoire.
Que Dieu vous bénisse
Je vous remercie.
Propos retranscris par Renaud Djatchi
M. Abdou Diouf, avec qui nous avons échangé beaucoup pour trouver la forme à donner à cette cérémonie, n'a pas pu être là. Mais je salue son représentant personnel pour le message qu'il nous a livré. M. Ousmane Faye, conseiller spécial du président Abdou Diouf avec qui nous sommes constamment en relation. En tout cas, Voho Sahi et lui, se parlent presque tous les jours .Je voudrais saluer M. Emile Derlin Zinsou, ancien chef d'Etat du Bénin, à son époque, c'était encore Dahomey. Il a fait le déplacement, je voudrais vraiment le saluer et le remercier d'être venu témoigner par sa présence. Mme Diop de " Présence africaine ", quelques uns d'entre nous ont eu la chance de l'approcher. Parce qu'elle n'est pas toujours à Présence africaine elle a quand même d'autres activités à Paris. Moi, j'ai eu la chance de l'apercevoir et je suis fier, parce que Présence africaine a été le ferment, un culturel pour l'Afrique. Donc je ne sais pas ce que la littérature de combat aurait donné Présence africaine, Quand on lit capitalisme et esclavage de l'ancien Premier ministre du Zimbabwe, l'édition publiée en Anglais a été traduite en Français grâce à Présence africaine. Et ça a apporté beaucoup dans la compréhension de l'esclavage. Et ce livre a même déclenché des spécialisations à " Présence africaine " dont Memel-Fôté. Madame, je vous remercie. Que vais-je dire sur Cheick Amidou Kane, l'Aventure continue-t-elle d'être Ambiguë ? Il y a des ambigüités partout et l'extrait de la pièce de Dadié joué tout à l'heure, " Béatrice du Congo" a montré la parfaite ambiguïté des relations entre les Africains et les Occidentaux. Mais est-ce que cette ambiguïté a disparu ? En plus, j'ai vu cette œuvre portée à l'écran, j'étais content parce que c'était joué par l'un de mes compatriotes Sidiki Bakaba… Cher grand frère, merci d'être parmi nous. Seydou Badian, militant, prisonnier, écrivain, essayiste, parleur. Merci Seydou Badian. Il est malien congolais, ivoirien, Seydou Badian merci pour cette instructive qualité de panafricanisme, d'universalisme, merci d'être là. Je suis très fier que vous soyez là aujourd'hui, à nos côtés. Alors, quand je parle des Burkinabè, ce sont des Ivoiriens du Nord, eux nous disent Burkinabè du Sud. Alors, je vous remercie. Surtout celui qui a parlé tout à l'heure. (Ndlr : Le poète burkinabé Jacques Guegame). Parce qu'on traversait le maquis pour aller à l'Université. Les bus venaient nous chercher dans les cités universitaires de Cocody. Mais c'était trop tôt. Si tu as cours à 7 h ou à 10h et le bus passe à 7 h et que tu n'as pas envie de te lever très tôt, donc tu dors. Après, tu descends dans le Vallon et tu remontes. C'est- ce qu'on appelait le " Maquis ". Aujourd'hui, il y a une route bitumée. Ce n'est plus le " Maquis ". Félicitations à vous, merci d'être venus. Une grande dame, on ne peut pas parler de Bernard Dadié sans parler d'elle : Nicole Vinceleoni. C'est Dadié au féminin et en Blanc qui est-là. Pour que nous retrouvions certains textes de Dadié, il faut qu'elle soit là. Tout à l'heure avant de venir, j'ai dit à Vohi Sahi. (Ndlr : Conseiller spécial du Président de la République chargé des Affaires culturelles et de la Francophonie), qu'en 1949, (il est trop jeune, il ne savait pas). Dadié a écrit un poème que je voulais avoir. Moi, je suis jeune. Mais je l'ai su par les recherches que j'ai effectuées sur l'histoire de la Côte d'Ivoire. Quand Dadié était dans leur " Air Maca " (Ndlr : camion transportant les prisonniers) de l'époque qui l'amenait en prison, il a écrit un poème. Voho m'a dit qu'il n'en savait rien. Je lui ai dit de le chercher et le trouver. Il a téléphoné à Mme Nicole Vincileoni et m'a ramené ce texte manuscrit que voici. Merci Mme Nicole Vincileoni. Parce qu'on ne peut pas rendre hommage à Bernard Dadié sans lui (Mme Vinceleoni) rendre hommage. Parce que tout ceci est possible grâce au travail de fournis qu'elle fait au quotidien pour garder le plat que Dadié a cuisiné. Dadié cuisine et c'est elle qui met le plat au congélateur pour ne pas que ça se gâte. Et nous, c'est dans le congélateur qu'on le cherche. Merci donc à vous Madame. Tout le monde a parlé ici, je ne peux pas être long. Mais pourquoi cet hommage et on peut dire aussi, pourquoi pas ? Nous fêtons le cinquantenaire du monde qui a suscité beaucoup d'espoir. Mais ce monde est détruit et il a eu beaucoup de combats. Et dans les hommages politiques, nous avons abondamment parlé des hommes strictement politiques. Moi-même, dans mon discours du 6 août, j'ai rendu hommage aux anciens. Je n'ai pas voulu le citer parce que j'allais encore citer Dadié. J'ai cité Houphouët-Boigny. Mais il était bon qu'on montre que les problèmes de culture ne sont pas à détacher des problèmes de la vie quotidienne des problèmes de la vie politique. Dadié était écrivain, en même temps militant, combattant. Il était en prison, mais il écrivait en prison. Il était dans les corbillards, il écrivait le corbillard de la liberté. Il y a un texte qu'il a écrit à bord de leur " Air Maca ", c'est-à-dire, la fourgonnette qui les amenait en prison. Je voudrais vous lire un passage. " Ils tenaient la victoire, les pharisiens, la victoire chaque fois leur échappait malgré le tableau légionnaire de leurs mercenaires. Le talibé au coffret, au judas et les lauriers, une voix partit d'entre les fonds (…) Tuez-les comme cela le monde sera tranquille. Tuez-les comme cela nous pourrons oxygéner en paix (….) ". Car ils savaient bien qu'on ne tue pas comme ça la liberté. C'est pour cela qu'on aime beaucoup Bernard Dadié. En tout cas moi, je l'aime. Parce qu'il ne s'est pas contenté d'écrire de belles choses. Il a écrit des choses utiles. Quand Bernard Dadié est devenu ministre de la culture, j'étais sceptique. Mais comme j'ai la chance d'être entouré par des gens qui le connaissaient bien, Memel-Fôté me dit : " Allons-nous concerter pour penser une politique culturelle pour Dadié". Je suis allé voir Memel chez lui, et je lui ai dit : " grand-frère, un réactionnaire de droite, pourquoi veux-tu que nous pensions une politique culturelle pour lui ? Memel m'a dit, " attention petit, Dadié n'est pas un réactionnaire de droite, c'est un homme de gauche. C'est pourquoi, il est dans la posture où il est ". C'est Memel Fotê qui m'a parlé de Dadié, c'est également lui qui m'a parlé de Ekra Mathieu. Et c'est en ce moment que, achevant ma thèse, je suis allé revoir la liste des 8 (huit) qui étaient arrêtés à Grand-Bassam. J'ai mis quelques documents à côté. Il est important d'écrire sur ceux qui étaient à Grand-Bassam. Ce n'était pas un hasard. Il y avait Dadié, Ekra Mathieu, Jean-Baptiste Mockey, Séri Koré, Ladji Sidibé, Jacob William Parezo, Ano Jérôme, Viera. Ces hommes, à part Mockey, Ekra Mathieu, ont fait des apparitions sporadiques au début des indépendances. Pour Mockey, ça été tragique d'ailleurs. Pour la première fois, quand j'ai rencontré Ekra Mathieu, je lui ai dit : Monsieur le ministre d'Etat, vous avez dit à la commission d'Amac. Vous étiez du Pdci-Rda mais tout ce que vous disiez, vous critiquiez la politique d'Houphouët- Boigny. Il a souri et il a dit : " jeune, vous m'avez bien lu". Donc, l'arrestation de ceux de 1949, était une sélection savante. L'équation qui était posée aux leaders du Rda et du Pdci d'Houphouët, c'était un désapparentement. Les communismes ne contrôlaient plus le gouvernement français, ils n'étaient plus majoritaires à l'Assemblée nationale, le peuple avait reculé. Et la guerre Froide avait commencé. Mais en 1946, il a donc proposé au comité directeur du Rda le désengagement, on le lui a refusé et surviennent des événements au cinéma Comacico pendant qu'ils sont en prison, le désengagement a eu lieu. Est-ce qu'il y a un lien ? Moi, je pense que si. Cependant, je n'ai pas encore travaillé suffisamment là-dessus. Mais il faudra qu'on continue de travailler pour faire le portrait de chacun des 8 (huit) et comprendre pourquoi ce sont eux et pas d'autres. Et quand j'ai fait cette recherche, j'ai retrouvé quelques dossiers. Certains dossiers sont incomplets il fallait aller jusqu'au bout. Ou bien ne pas aborder le sujet. Donc j'ai gardé ces documents dans des tiroirs. Et je me suis dit : " quand je serai plus libre, je travaillerai sur le sujet. Parce que c'est un tournant très important dans l'histoire de la Côte d'Ivoire ". Et quand Mme Anne- Marie Ragie, dans son discours, dit Monsieur le président, il n'a pas de complot, elle se réfère à 1949. Mais quand les journaux publient des articles, des déclarations, nous n'avons pas les mêmes yeux pour rétablir cela, la vérité. Eux, parce qu'ils ont vécu, nous, parce que nous avons lu et d'autres, ils n'ont ni lu, ni vu. Je voudrais vraiment saluer Dadié, pas seulement parce qu'il est un grand écrivain. Je crois qu'on ne peut pas être grand écrivain si on n'a pas une grande cause pour laquelle on écrit. Quand on est un grand écrivain, c'est qu'on a une grande cause à défendre. Quand on étudie l'histoire africaine. On change l'ordre chronologique. Le moyen-âge africain n'est pas celui décrit par les colons. Le moyen-âge de l'Afrique occidentale va jusqu'au XVIe siècle jusqu'à la bataille, la défaite de l'armée noire contre l'armée marocaine. Je me dis qu'il faudrait comme ça, baptiser une autre période de toute l'Afrique noire, le siècle des lumières. Les années qui partent de 1945 jusqu'aujourd'hui. Les années de l'immédiat après guerre, qui ont vu la répression, le bouillonnement sur l'Afrique et écrit par les Africains. On n'a jamais écrit autant sur l'Afrique. Et les Africains eux-mêmes n'ont jamais parlé et écrit. Et les auteurs de toute sorte. Il y a eu Houphouët-Boigny à la première période qui disait : " Nous voulons pacifier le communisme, et après”, ce communisme qui disait ce communisme de division, je n'en veux pas. Mais il y avait des penseurs comme Kouamé Nkrumah, Jomo Kenyatta, Mandela, Alioun Diop… que ce soit par les romans, les poèmes. Donc des propos contradictoires mais vivant. Et l'Afrique a parlé d'elle-même en 1945. Il y a eu des écrivains et Présence africaine a publié une série de textes sur nos frères d'Amérique qui ont écrit sur le panafricanisme. Mais c'est véritablement après la seconde guerre mondiale qu'il y a eu ce bouillonnement. Donc, il faudrait que nous puisons baptiser cette période-là, " le siècle des Lumières ". Parce que, c'est à partir de là que les Africains ont pris conscience, que personne ne peut faire leur développement à leur place. On a la division du monde en deux blocs, certains croyaient que les Etats- unis, la France, l'Angleterre allaient venir les aider pour faire leur développement. Et tout ça, c'est contenu dans " le siècle des Lumières ". Je salue tous les écrivains ivoiriens qui sont là. Vous savez, Pierre et Jean, en sortant d'un temple, ils ont vu des mendiants et Pierre a dit : " nous, on n'a pas d'argent, mais ce que nous avons, c’est l'amour de Jésus- Christ. Au nom de cette parole, levez-vous et marchez ". Moi, je vous dis : chers grand-frères, chers camarades dans le combat, je n'ai rien à vous donner. Mais dans l'amour de Jésus-Christ, ce que je peux vous donner, c'est de faire en sorte que votre nom ne soit plus effacé dans le cahier de la Côte d'Ivoire.
Que Dieu vous bénisse
Je vous remercie.
Propos retranscris par Renaud Djatchi