Hormis la liberté, les musulmans de la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca) n’ont rien à envier à leurs coreligionnaires de l’extérieur. Ils disposent, depuis quatorze ans, d’une belle mosquée de près de 200 mètres carrés de surface. Baptisée « Mosquée du repentir », elle est dotée de huit toilettes entretenues. Quatre sont affectées aux femmes et le reste aux hommes. L’imam principal, Ibrahim Brédji, est aidé dans sa tâche par des adjoints choisis parmi les pensionnaires du pénitencier. Le collège d’imams adjoints coiffe un bureau exécutif coordonné par un secrétaire général et son adjoint. Il comprend un secrétaire à l’organisation, un secrétaire chargé de la distribution des dons, un autre chargé de la sécurité. L’imam principal arrive en moyenne deux fois par semaine. Il y a un imam central permanent et un imam par bâtiment. Chaque bâtiment a un bureau interne : un président, un secrétaire et un trésorier. Ces bureaux internes sont sous la tutelle du bureau central.
La distribution de la nourriture est une tâche organisée
Un comité de sages est chargé de prodiguer régulièrement des conseils aux fidèles. La mosquée organise des quêtes tous les vendredis. Celles-ci servent à entretenir le lieu de prière et les toilettes. Lorsque nous rencontrons l’imam principal de la Maca, Ibrahim Brédji, il tient à faire la précision suivante : « Avant de vous parler des prisonniers musulmans, je voudrais vous parler des prisonniers d’une manière générale. La prison a été construite pour recevoir 1500 détenus. Nous sommes aujourd’hui à 6 000 individus ». Puis le guide religieux s’empresse de nous confier les difficultés rencontrées pour restaurer la population carcérale musulmane. « Vous voyez les difficultés sur le plan alimentaire. Même si ce n’est pas le ramadan, ils vivent comme s’ils étaient dans le mois de ramadan. Lorsque nous avons été affecté là-bas, on a vu les difficultés.
Donc avant le ramadan, on écrit à des âmes généreuses pour nous venir en aide afin d’assister les prisonniers. Ainsi quand le ramadan arrive, les gens envoient des dons. C’est ce que nous leur partageons. Bien que cela ne suffise pas, ils se contentent du peu. En outre, nous leur donnons des conseils parce que le ramadan est un cadre idéal pour plaider leurs cas auprès d’Allah. Nous leur remettons ces dons pour leur permettre de surmonter tant bien que mal les difficultés de ce mois », affirme-t-il.
Selon lui, des personnes qui ne sont pas de la Maca sont sollicitées pour voler au secours des détenus musulmans afin que ceux-ci puissent rompre le jeûne dans des conditions relativement acceptables. « Sans faire de la publicité, précise l’imam Brédji, par exemple nous sollicitons l’aide de l’établissement Sylla et frères. Il y a aussi l’aide de la présidence de la République. Quand cela est possible. On nous a envoyé des pattes alimentaires et du sucre. Des personnes anonymes y contribuent aussi. La nourriture offerte par la Maca ne suffit pas. Donc, les différents dons viennent en compléments ». Pour l’imam Brédji, le dispatching des dons se fait selon les consignes arrêtées. Il nous explique que le partage s’effectue par bâtiment. Par exemple, s’il y a dix sacs de riz, alors l’on distribue trois sacs par bâtiment. Cependant, il lève une équivoque. « Les détenus s’organisent en mettant le riz dans des sachets d’un kilogramme pour que tout le monde puisse en avoir. Nous donnons les grandes orientations mais la gestion quotidienne se passe entre-eux. Souvent, il y a des grincements de dents. Mais vous savez même quand les dons sont suffisants, certains se plaignent pour dire qu’ils n’ont rien reçu. On s’arrange pour que tout le monde puisse être satisfait. Il arrive que je déconseille à ceux qui ont assez de moyens de compatir avec ceux qui n’ont rien. La gestion humaine n’est jamais parfaite. Mais nous veillons à ce que tout se passe bien ».
Une mosquée avec 2500 fidèles
Au dire de notre interlocuteur, sur 100 détenus il y a 80 fidèles musulmans. «Nous avons presque 2500 fidèles répartis dans les différents bâtiments. Concernant la formation, elle se déroule en trois phases. Il y a le sermon du vendredi. On donne les grands conseils. Les mercredis, on organise des causeries-débats sur les grands thèmes. Par exemple, avant le début du ramadan, nous avons donné les conseils sur comment le musulman doit jeûner et comment il doit se comporter. Il y a des thèmes tels que l’espoir. Comment le musulman doit-il espérer et qu’est-ce qu’il doit faire pour ne pas perdre espoir. Vous savez que le prisonnier a besoin de s’accrocher à quelque chose pour vivre. Nous avons aussi des séances d’enseignements coraniques. Nous n’avons pas de classe mais dans la mosquée, on met un tableau pour leur enseigner le B-A-BA de l’islam et les convertis apprennent les sourates pour pouvoir prier. Comment faire les ablutions. Souvent, nous appelons des imams de l’extérieur qui viennent à eux pour qu’ils ne se sentent pas abandonnés », insiste l’homme de Dieu en ajoutant qu’il est cependant difficile d’évaluer l’impact de l’encadrement spirituel. Etant encore en prison, des détenus affirment qu’ils ont changé. « Mais dès qu’ils sortent, il n’y a pas un canal pour les suivre. Certains reconnaissent que c’est grâce à nous qu’ils prient convenablement aujourd’hui. D’autres par contre retombent dans le vice. Donc, nous voyons l’impact de la formation », confie l’imam Ibrahim Brédji qui a d’ailleurs mis en place une fondation qui porte son nom. « Nous travaillons dans le cadre de la fondation à la réinsertion sociale des ex-prisonniers. Il y aura un centre de réinsertion et d’écoute. Nous voulons créer de petits emplois pour ces personnes en vue de leur réintégration dans le tissu social. S’il y a une structure pour accueillir et orienter d’ex-détenus, cela peut les amener à tourner définitivement le dos à la prison. Nous avons l’intention de créer des centres de santé où ils seront employés comme des garçons de salle. Comme ça, ils pourront vivre honnêtement. Mais si l’ex-détenu ne fait rien, il sera un petit gnombolo (chargeur) à la gare. Et il sera toujours dans les bagarres de syndicats. Voilà les ambitions que nous avons », souligne le guide religieux. « Sous d’autres cieux, vous voyez des prisonniers qui font des études étant en taule puis ils sortent avec des diplômes pour se recaser dans la société. Chez nous, les prisons sont des dépotoirs. Il n’existe pas de programme dans aucun parti politique pour les prisonniers. Ce sont des gens qu’on a mis en prison et on s’en fout de leur devenir. Donc, l’impact ne peut pas être mesuré si on n’a pas un cadre institutionnel pour suivre les anciens bagnards », déplore l’imam des prisonniers.
Préparer l’avenir
L’homme de Dieu que nous avons rencontré nourrit assez d’espoirs pour les anciens détenus. Il partage ses ambitions. « Nous avons obtenu une aide de l’ambassade de l’Arabie Saoudite. Elle nous a permis de lancer la tournée nationale dans les prisons. Nous nous sommes rendus dans plusieurs localités. Le financement obtenu nous a permis de boucler la première étape. Mais vous ne pouvez pas visiter une prison sans apporter une aide ou un soutien. Nous voulons reprendre la caravane. Quand nous arrivons dans une prison et qu’il n’y a pas d’encadreur spirituel ; alors nous y remédions immédiatement. On demande à la communauté musulmane de la localité visitée de nous donner un imam pour rendre visite aux détenus. Mais tout cela doit se faire en donnant les moyens au bénévole. Nous nous battons pour avoir un financement plus conséquent afin d’intéresser toutes ces bonnes volontés ».
Bahi K.
La distribution de la nourriture est une tâche organisée
Un comité de sages est chargé de prodiguer régulièrement des conseils aux fidèles. La mosquée organise des quêtes tous les vendredis. Celles-ci servent à entretenir le lieu de prière et les toilettes. Lorsque nous rencontrons l’imam principal de la Maca, Ibrahim Brédji, il tient à faire la précision suivante : « Avant de vous parler des prisonniers musulmans, je voudrais vous parler des prisonniers d’une manière générale. La prison a été construite pour recevoir 1500 détenus. Nous sommes aujourd’hui à 6 000 individus ». Puis le guide religieux s’empresse de nous confier les difficultés rencontrées pour restaurer la population carcérale musulmane. « Vous voyez les difficultés sur le plan alimentaire. Même si ce n’est pas le ramadan, ils vivent comme s’ils étaient dans le mois de ramadan. Lorsque nous avons été affecté là-bas, on a vu les difficultés.
Donc avant le ramadan, on écrit à des âmes généreuses pour nous venir en aide afin d’assister les prisonniers. Ainsi quand le ramadan arrive, les gens envoient des dons. C’est ce que nous leur partageons. Bien que cela ne suffise pas, ils se contentent du peu. En outre, nous leur donnons des conseils parce que le ramadan est un cadre idéal pour plaider leurs cas auprès d’Allah. Nous leur remettons ces dons pour leur permettre de surmonter tant bien que mal les difficultés de ce mois », affirme-t-il.
Selon lui, des personnes qui ne sont pas de la Maca sont sollicitées pour voler au secours des détenus musulmans afin que ceux-ci puissent rompre le jeûne dans des conditions relativement acceptables. « Sans faire de la publicité, précise l’imam Brédji, par exemple nous sollicitons l’aide de l’établissement Sylla et frères. Il y a aussi l’aide de la présidence de la République. Quand cela est possible. On nous a envoyé des pattes alimentaires et du sucre. Des personnes anonymes y contribuent aussi. La nourriture offerte par la Maca ne suffit pas. Donc, les différents dons viennent en compléments ». Pour l’imam Brédji, le dispatching des dons se fait selon les consignes arrêtées. Il nous explique que le partage s’effectue par bâtiment. Par exemple, s’il y a dix sacs de riz, alors l’on distribue trois sacs par bâtiment. Cependant, il lève une équivoque. « Les détenus s’organisent en mettant le riz dans des sachets d’un kilogramme pour que tout le monde puisse en avoir. Nous donnons les grandes orientations mais la gestion quotidienne se passe entre-eux. Souvent, il y a des grincements de dents. Mais vous savez même quand les dons sont suffisants, certains se plaignent pour dire qu’ils n’ont rien reçu. On s’arrange pour que tout le monde puisse être satisfait. Il arrive que je déconseille à ceux qui ont assez de moyens de compatir avec ceux qui n’ont rien. La gestion humaine n’est jamais parfaite. Mais nous veillons à ce que tout se passe bien ».
Une mosquée avec 2500 fidèles
Au dire de notre interlocuteur, sur 100 détenus il y a 80 fidèles musulmans. «Nous avons presque 2500 fidèles répartis dans les différents bâtiments. Concernant la formation, elle se déroule en trois phases. Il y a le sermon du vendredi. On donne les grands conseils. Les mercredis, on organise des causeries-débats sur les grands thèmes. Par exemple, avant le début du ramadan, nous avons donné les conseils sur comment le musulman doit jeûner et comment il doit se comporter. Il y a des thèmes tels que l’espoir. Comment le musulman doit-il espérer et qu’est-ce qu’il doit faire pour ne pas perdre espoir. Vous savez que le prisonnier a besoin de s’accrocher à quelque chose pour vivre. Nous avons aussi des séances d’enseignements coraniques. Nous n’avons pas de classe mais dans la mosquée, on met un tableau pour leur enseigner le B-A-BA de l’islam et les convertis apprennent les sourates pour pouvoir prier. Comment faire les ablutions. Souvent, nous appelons des imams de l’extérieur qui viennent à eux pour qu’ils ne se sentent pas abandonnés », insiste l’homme de Dieu en ajoutant qu’il est cependant difficile d’évaluer l’impact de l’encadrement spirituel. Etant encore en prison, des détenus affirment qu’ils ont changé. « Mais dès qu’ils sortent, il n’y a pas un canal pour les suivre. Certains reconnaissent que c’est grâce à nous qu’ils prient convenablement aujourd’hui. D’autres par contre retombent dans le vice. Donc, nous voyons l’impact de la formation », confie l’imam Ibrahim Brédji qui a d’ailleurs mis en place une fondation qui porte son nom. « Nous travaillons dans le cadre de la fondation à la réinsertion sociale des ex-prisonniers. Il y aura un centre de réinsertion et d’écoute. Nous voulons créer de petits emplois pour ces personnes en vue de leur réintégration dans le tissu social. S’il y a une structure pour accueillir et orienter d’ex-détenus, cela peut les amener à tourner définitivement le dos à la prison. Nous avons l’intention de créer des centres de santé où ils seront employés comme des garçons de salle. Comme ça, ils pourront vivre honnêtement. Mais si l’ex-détenu ne fait rien, il sera un petit gnombolo (chargeur) à la gare. Et il sera toujours dans les bagarres de syndicats. Voilà les ambitions que nous avons », souligne le guide religieux. « Sous d’autres cieux, vous voyez des prisonniers qui font des études étant en taule puis ils sortent avec des diplômes pour se recaser dans la société. Chez nous, les prisons sont des dépotoirs. Il n’existe pas de programme dans aucun parti politique pour les prisonniers. Ce sont des gens qu’on a mis en prison et on s’en fout de leur devenir. Donc, l’impact ne peut pas être mesuré si on n’a pas un cadre institutionnel pour suivre les anciens bagnards », déplore l’imam des prisonniers.
Préparer l’avenir
L’homme de Dieu que nous avons rencontré nourrit assez d’espoirs pour les anciens détenus. Il partage ses ambitions. « Nous avons obtenu une aide de l’ambassade de l’Arabie Saoudite. Elle nous a permis de lancer la tournée nationale dans les prisons. Nous nous sommes rendus dans plusieurs localités. Le financement obtenu nous a permis de boucler la première étape. Mais vous ne pouvez pas visiter une prison sans apporter une aide ou un soutien. Nous voulons reprendre la caravane. Quand nous arrivons dans une prison et qu’il n’y a pas d’encadreur spirituel ; alors nous y remédions immédiatement. On demande à la communauté musulmane de la localité visitée de nous donner un imam pour rendre visite aux détenus. Mais tout cela doit se faire en donnant les moyens au bénévole. Nous nous battons pour avoir un financement plus conséquent afin d’intéresser toutes ces bonnes volontés ».
Bahi K.