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Société Publié le jeudi 9 septembre 2010 | Nord-Sud

Elections, pauvreté, droits de la femme… : Ce que Tariq Ramadan a dit aux Ivoiriens

© Nord-Sud Par Emma
Religion / Méga Qadr 2010 - Tariq Ramadan, invité spécial de la Nuit du Destin, au Palais de la culture
Dimanche 5 septembre 2010. Abidjan. Palais Bernard Binlin Dadié. Le célèbre islamologue suisse Tariq Ramadan (photo) anime une conference publique sur le theme "L`Islam et les défis actuels", en présence du chef de la communauté Musulmane, Cheick Boikary Fofana, et de nombreux membres du gouvernement
Invité du méga kadr, l’islamologue professeur de philosophie, Tariq Ramadan, a donné une conférence, dimanche, à la salle Anoumabo du centre culturel Bernard B. Dadié, à Treichville. Il a passé en revue les questions d’élections, de pauvreté, des droits de la femme, du dialogue interreligieux, etc. Nous vous en proposons un large extrait.

« Nous parlons en tant que musulmans, mais aussi à tous les concitoyens Ivoiriens, musulmans ou non, pour dire quels sont nos défis. En y réfléchissant, quel est notre contribution pour aujourd’hui et demain. Le prophète (saw) est l’exemple qui nous ramène à Dieu, car c’est Dieu que nous adorons. Nous n’adorons pas le prophète. Nous suivons le prophète. Il y a un seul Dieu qui est absolu, qui n’a pas engendré et qui n’a pas été engendré. C’est à lui que va notre adoration.

La confiance en soi

Les musulmans doivent faire face à une image très négative. Une colonisation intellectuelle. Toujours avoir à se justifier, être sur la défensive. A dire que nous ne sommes pas comme ces musulmans extrémistes, traditionnalistes. C’est un défi à la fois spirituel et psychologique de sortir de la justification. Avoir confiance en soi. Savoir que cette religion est universelle avec un message de dignité, qui a levé une civilisation. Que les musulmans sortent de cette attitude de la peur, du complexe. Libérez vos cœurs de l’oppression, de la psychologie d’autrui. Ne plus se regarder dans l’œil d’autrui, mais le faire dans la dignité de soi. En face de l’oppression, le prophète (saw) ne demandait pas d’être violent. Il disait : ‘’ répondez de la meilleure des façons. Soyez patients. Nous avons une mission qui est de rester droit dans notre foi, avec nos valeurs et éthiques‘’. Allah (swt) nous dit : ‘’Nous avons fait de vous la communauté du juste milieu. Celle qui se sépare des extrêmes pour que vous soyez des témoins de la foi et de la justice’’.

Un seul islam

A tous ceux qui disent qu’il y a des islams, dites qu’il y a un seul islam. Et ceux qui disent de réformer l’islam, répondez qu’on ne réforme pas l’islam. Il faut réformer l’intelligence des musulmans, mais l’islam n’a pas besoin de réforme. Les textes n’ont pas besoin d’évoluer. Mais notre intelligence des textes a besoin de s’approfondir. Ne transformez pas cette religion en un code de la route. L’islam n’est pas une religion où il n’y a que halal (licite) et haram (illicite). C’est la relation avec Allah (swt) qui purifie notre cœur. On nous donne l’impression que l’islam est une religion rigide, fermée. Allah nous enseigne que la parole divine est comme un arbre, dont les racines sont fortes dans le ciel. Et, il donne ses fruits. Notre force viendra de ces racines. Il y a des règles en islam et il faut les respecter. Mais, il y a du cœur, de l’amour et du sens.

Le pouvoir et l’argent

Il y a des choses qui divisent toujours les hommes. Souvent, c’est le pouvoir et l’argent. Rappelons à nos responsables religieux que jamais en islam, il n’a été question d’uniformiser les vues. Nous n’avons pas une religion qui uniformise la pensée. Nous sommes d’accord sur l’essentiel de la foi, de la pratique. Qui travaille pour l’uniformisation provoque la division. Nous voulons la diversité. Mais, l’unité dans la diversité. Il y a plusieurs façons d’être musulman. Tant qu’on ne milite pas pour que l’illicite devienne licite et vice-versa, on est musulman. La route est longue. Il faut s’accepter. Le vrai leadership est celui de la communication. Il faut s’en servir. Il y a eu des tensions en Côte d’Ivoire. Mais, les choses évoluent. Il faut appeler le leadership de la sagesse. Nous ne devons pas être des spectateurs des disputes au sommet. Nous devons montrer en qui nous avons confiance. Ne nous laissons pas emporter par le découragement parce qu’au sommet on est divisé. Ceux qui dirigent sont des êtres humains avec un cœur et des égaux. Rester dans la division pour soi, c’est de l’arrogance et de l’égocentrisme.

Gardez votre culture

Nous avons un défi fondamental qui est celui de la culture. S’il y a une chose à préserver au nom de l’universalité de l’islam, c’est notre culture. L’universalité de l’islam ne veut pas dire universalisation de la culture arabe. Elle nous dit de garder les principes de l’islam dans notre culture nationale. Nous n’avons pas à nous transformer en Arabe. Vous êtes des Ivoiriens avec une culture africaine. Il faut la conserver dans la nourriture, l’habillement, l’art, l’esthétique. Votre culture est votre dignité. Buvez de votre culture, de ce qui se produit ici. Soyez des gens qui ont l’islam pour l’avenir et la culture au présent. Une société qui est ce qu’elle est et qui ne se laisse pas dicter la vie. On constate une fascination chez les jeunes, soit pour l’Occident, soit pour le monde arabe, des personnes tiraillées entre deux mondes à ne plus savoir qui elles sont. L’islam ne dit pas d’oublier d’où on vient. Il nous demande de savoir où nous allons avec ses principes tout en sachant qui nous sommes.

Soyez des acteurs du développement

Il n’y a plus, aujourd’hui, à penser simplement l’indépendance politique. Il faut penser l’économie. Les prescriptions du Coran en ce qui concerne l’usure, la spéculation et la zakat, sont des instruments que Dieu nous donne. La question est de savoir comment, au plan local, nous allons créer une économie autonome. Quand on a du cacao, de la matière première, il ne faut pas être des paresseux. Au travail ! Il nous faut trouver des solutions pour lutter contre la pauvreté et être émancipé. Il faut sortir le pays de cette dépendance endémique qui fait qu’il n’y a pas de transparence et qu’on ne peut pas être dignes. Ce travail doit se faire autour de nous, à travers l’agriculture, la micro-finance, etc. Le musulman d’aujourd’hui manque de créativité. Il est paresseux et passif.

N’oublions pas le volet social

Aussi, faut-il travailler sur la dimension sociale. Allah (swt) nous dit que les pauvres ont des droits sur nous. La zakat est un droit du pauvre sur le riche. Elle n’est pas une aide à l’assistance, mais doit permettre d’être autonome, sortir de la pauvreté. L’expiation en islam passe toujours par les dons qu’on fait aux pauvres. Lançons un djihad contre la pauvreté comme on l’a fait à l’Île Maurice. Il ne faut pas accepter la pauvreté. Respectons les pauvres de nos pays. L’Afrique est un continent où il y a des maladies graves comme le Sida. Ne confondons pas les causes potentielles du Sida avec une recommandation islamique. Quand on a un malade, il faut le soigner. Il ne nous appartient pas de poser la question d’où vient la maladie. Ce n’est pas à nous d’être des juges.

Les qualités du bon dirigeant

Vous êtes des citoyens, bientôt en Côte d’Ivoire, il y aura des élections. Attention ! En tant que citoyens ivoiriens de confession musulmane, votre attitude ne doit pas être tribale. Du genre, nous les musulmans contre tous les autres. Non. Notre religion nous enseigne que là où nous nous trouvons, avec qui que se soit, où nous vivons, nous sommes pour le bien communautaire. Agir pour faire respecter trois choses dans notre société. La transparence, l’éthique et la transparence politique. La lutte contre la corruption. Elle ne peut pas être acceptée par aucun homme de valeur et de conscience. Enfin, que ceux qui nous dirigent, soient compétents, intègres. Qu’ils soient responsables devant le peuple. Qu’ils n’utilisent pas le peuple pour leur pouvoir et qu’avec ce pouvoir, ils servent le peuple. Que les consciences musulmanes ne tombent pas dans de faux problèmes, de faux débats d’identité. Des choses qu’on vous a imposées et qui n’ont rien à voir avec votre réalité. Vous êtes des citoyens et vous travaillez pour le bien public. Ne vous laissez pas entraîner dans des clans. Montrez que la seule chose que votre religion demande, est la cohérence, la dignité, l’intégrité, le service, la participation pour tous. Voilà ce que l’islam doit être en Côte d’Ivoire.

La place de la femme

Nous devons relever le défi de la femme. Nous devons nous interroger : répondons-nous aux exigences d’Allah sur la question des femmes ? L’islam n’a aucun problème avec la femme. C’est plutôt les hommes musulmans qui ont des problèmes avec la femme musulmane. Parfois, ils comprennent l’islam de façon très culturelle. Tout ce qui provient de la culture arabe, n’est pas très islamique. Il nous faut au nom de l’islam réformer nos attitudes. Ne refusons pas à la femme musulmane une présence, une autonomie. Aux femmes, vous avez les mêmes obligations que les hommes. Engagez-vous socialement et spirituellement. N’utilisez pas l’islam seulement pour revendiquer vos devoirs et ne pas reconnaître vos obligations.

Un dialogue interreligieux

Il faut établir un dialogue interreligieux. Depuis des décennies, vous avez vécu en bonne intelligence avec les chrétiens. Récemment, on a vu des divisions. Nous avons des défis communs. Nous voulons de la moralité, l’éthique et le respect mutuel. Nous sommes dans un monde aujourd’hui où les sociétés sont plurielles. C’est difficile de transmettre la foi et des valeurs. Le monde va tellement vite et la culture mondiale s’incarne par internet, la télévision, la radio, que nous sommes tous reliés aux mêmes problèmes. C’est un problème aussi bien pour les chrétiens que pour les musulmans. Chacun croit à ce qu’il croit, mais nous avons des défis communs ».

Sanou A. (Stagiaire)
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