Manger de la viande braisée, cela fait partie du quotidien de l’Ivoirien. Que la viande revienne chère sur le marché, cela n’a aucune incidence sur le désir des Ivoiriens de s’offrir ce plaisir. Comment le choukouya a-t-il conquis le cœur des Ivoiriens ? Que trouvent-ils de particulier dans le fameux "Kankankan". Des questions qui meritent assurement des réponses.
Tout commence toujours par une première fois. Et les Ivoiriens sont champions de traduire " une première fois" en acte quotidien. Dans le temps, on mangeait le "Choukouya" que le week-end. On invitait la petite amie, à qui, on faisait plaisir ou, entre amis, on se payait un bon plat de "choukouya" avec beaucoup de "kankankan" avec de l’attiéké qu’on accompagnait d’un bon vin, d’une bière glacée ou d’une bonne sucrérie. Aujourd’hui, c’est quasiment tous les jours que les clients viennent prendre leur ration quotidienne. Malgré la chèreté de la vie et du prix élevé de la viande (1800 à 2000fcfa), les Ivoiriens ne lesinent pas sur les moyens pour s’offrir ce plat.
Histoire originelle du "Choukouya"
Originelement, le "choukouya" est issu de l’art culinaire nigérien. Il a une façon bien particulière d’être préparé. La viande de bœuf est découpée en lamelle, embalée puis enterrée sous le sable chaud du sahel. Plusieurs semaines sous une forte température, on obtient une viande toute cuite. Après l’étape du soleil, cette viande passe sous la chaleur du feu. On obtient ainsi, le véritable "choukouya" qui peut durer des jours et des mois sans se fermenter. Sachez que cette viande est consommée par les lutteurs nigériens, lors de grandes rencontres de lutte. Ces lutteurs consomment cette viande avec du manioc parce que cela les fortifie et leur donne une forte carrure. Bien qu’on rencontre ces vendeurs du vrai "choukouya", " made in Niger", dans les quartiers et communes abidjanaises, beaucoup d’Ivoiriens sont réticents quant à la consommation de cette viande. C’est pourquoi, celle que prefère les Ivoiriens est celle qui passe directement à l’épreuve du feu. Cette viande braisée s’accompagne d’ingrédients tels que le piment frais, l’huile, le Cube Maggi et l’oignon venu du Niger (Ndlr : un peu mou par rapport à l’oigon local qui est plus ferme). Il y a également la poudre de piment sec, mélangé avec du Cube Maggi et autres épices pour rehausser le goût du piment en poudre. A cela, s’ajoute le célèbre piment que reclame le client, le fameux "kankankan".
Les vertus du "Kankankan"
Acheter le "choukouya", le vendeur vous proposera toujours la poudre de "kankankan" avec un certain air. Comme pour dire que la poudre contiendrait "quelque chose" qui pourrait rendre un grand service à l’homme. Mieux, cette poudre pourrait lui donner assez de vitalité pour combler sa libido. Chose avérée ou juste un moyen pour eux, de vendre leur produit ? Selon M. Gnizako.J, professeur de philosophie dans un lycée de la place, cela s’explique par le fait que la population ivoirienne est beaucoup portée sur le sensationnel. « Les Ivoiriens sont beaucoup curieux et promptes à se jeter dans toutes sortes d’expériences. Et quand bien même, cela n’est pas toujours vérifié. Du coup, ces vendeurs usent de cette faiblesse pour accroître leur clientèle et c’est vraiment dommage ! », s’insurge t-il. Pour Bachirou Ibrahim, spécialiste du "choukouya" situé dans la commune d’Adjamé, les vertus aphrodisiaques du "kankankan" sont avérées. Il explique que "la poudre du "kankankan" conçue pour son caractère aphodisiaque est préparée par les parents, depuis le Niger. Et tous nos clients qui l’ont déjà consommée peuvent témoigner de son efficacité ». C’est pourquoi, ajoute t-il : « nous ne la donnons pas à tous les clients. Nous ne la disposons pas non plus sur la table comme les autres condiments. Seuls les clients, connaissant la puissance du piment le reclament », précise t-il. Cependant, il déplore le fait qu’en lieu et place du vrai "kankankan", certains vendeurs proposent à leurs clients une autre poudre qui n’a rien à avoir avec l’originale. La raison est que, les ingrédients qui rentrent dans la composition du "kankankan" ne font pas partie des ingrédients d’assaisonnement ivoirien. « On retrouve ces condiments uniquement au Niger. Le secret de cette "potion" est donc bien gardé par les spécialistes du "choukouya", soutient-il.
Les Ivoiriens divisés
Qu’à cela ne tienne ! Dans tous les points chauds de la capitale économique du pays ; de Marcory à Yopougon, en passant par Cocody, Adjamé, Abobo, Port-Bouët, Koumassi, Treichville, Attécoubé, vous trouverez à côté des buvettes et autres espaces de show (maquis, bar, boîte de nuit…), des vendeurs de "choukouya". A Yopougon Siporex, il est 18heures. Déjà, le plein air aménagé pour les noctambules refuse du monde. En bordure de route, trois grands feux laissent échapper une fumée odorante de viande. Ceux qui activent ces feux, sont bien des vendeurs de "choukouya". Ces derniers s’emploient à préparer les différentes commandes des clients. La familiarité avec laquelle, le vendeur et le client s’entretiennent confirme bien que le client est un habitué du coin. Et ce n’est pas M. Idriss Ben qui nous dira le contraire. « Le "choukouya", c’est ma nourriture quotidienne. Je le consomme tous les soirs parce que je n’ai personne pour me faire à manger à la maison. En plus, le "choukouya" me revigore en tant qu’homme », explique-t-il avec humour. Si Idriss est un adepte de viande braisée, d’autres ne s’en acommodent pas. Et là, les avis sont partagés. L’informaticien, Affi Pascal explique : « je mange rarement le "choukouya". Et quand il m’arrive d’en consommer, je le prends sans leur piment "kankankan". Parce que, j’ignore la composition de ce piment. Alors, je ne prends aucun risque. L’institutrice Azoagbo. M.Helgane est, quant à elle, très critique au sujet de l’origine de cette viande. « Sincèrement, je n’ose pas manger cette viande. Avec le prix élévé de la viande de bœuf et de mouton, je ne sais pas si c’est veritablement de la viande autorisée. Qu’ils nous servent. Parce que dans le temps, nous avons entendu dire que ces vendeurs nous donnaient plutôt de la viande de chien à consommer pour mieux réaliser des bénéfices. Alors, depuis ce temps, je n’en consomme plus », tranche-t-elle. Si elle n’aime pas cette viande braisée, M. G Ghislain pose des reserves quant aux conditions d’hygiène qui entourent cette viande. « J’ai plusieurs fois rencontré les vendeurs du vrai "choukouya". Ceux qui se promènent ne m’ont jamais interressé, parce qu’avec les mouches et la poussière qui se posent sur leur viande, cela me coupe vraiment l’appetit », affirme t-il, très remonté.
Domination sans partage des pays sahéliens
Le commerce de bétail en Côte d’Ivoire est un réseau très fermé. Le commerce du "choukouya" s’adosse à ce reseau très fermé où, la plupart des commerçants sont des ressortissants des pays sahéliens. Et cela va de soi, dans la mesure où, le monopole du commerce de betail est l’affaire des pays sahéliens. Au cours de notre randonnée, nous n’avons aperçu nulle part, un ivoirien dans ce commerce. Les nationaux exercent dans la vente du poulet braisé. Or, au niveau du "choukouya", seuls y dominent des Nigériens, Maliens, et Burkinabé. Pour ce qui est des chiffres d’affaires quotidiens, ils observent le mystère. Aucun n’a été bavard pour ce qui est de la rentabilité de leur activité. Tous se contentent de dire seulement :" ça marche un peu". Ils sont aussi unanimes pour dire que la viande qu’ils prennent à l’abatoir leur revient très chère. Raison évoquée, la situation de crise qui secoue la Côte d’Ivoire. Jadis Mamadou, vendeur de "choukouya" à Yopougon Siporex, s’approvisionne à l’abatoir de Port-Bouët. Il nous explique que les prix des commandes varient selon la qualité. « Nous avons le choix entre la viande fraîchement abattue dont le coût du kilogramme varie entre 1500 à 2000f.cfa et celle importée qui coûte moins chère». Pour la majorité des commerçants de "choukouya", le choix est vite fait. Pour une question de rentabilité, ils préfèrent se ruer vers la viande importée.
Mahi Mikeumeuné
Tout commence toujours par une première fois. Et les Ivoiriens sont champions de traduire " une première fois" en acte quotidien. Dans le temps, on mangeait le "Choukouya" que le week-end. On invitait la petite amie, à qui, on faisait plaisir ou, entre amis, on se payait un bon plat de "choukouya" avec beaucoup de "kankankan" avec de l’attiéké qu’on accompagnait d’un bon vin, d’une bière glacée ou d’une bonne sucrérie. Aujourd’hui, c’est quasiment tous les jours que les clients viennent prendre leur ration quotidienne. Malgré la chèreté de la vie et du prix élevé de la viande (1800 à 2000fcfa), les Ivoiriens ne lesinent pas sur les moyens pour s’offrir ce plat.
Histoire originelle du "Choukouya"
Originelement, le "choukouya" est issu de l’art culinaire nigérien. Il a une façon bien particulière d’être préparé. La viande de bœuf est découpée en lamelle, embalée puis enterrée sous le sable chaud du sahel. Plusieurs semaines sous une forte température, on obtient une viande toute cuite. Après l’étape du soleil, cette viande passe sous la chaleur du feu. On obtient ainsi, le véritable "choukouya" qui peut durer des jours et des mois sans se fermenter. Sachez que cette viande est consommée par les lutteurs nigériens, lors de grandes rencontres de lutte. Ces lutteurs consomment cette viande avec du manioc parce que cela les fortifie et leur donne une forte carrure. Bien qu’on rencontre ces vendeurs du vrai "choukouya", " made in Niger", dans les quartiers et communes abidjanaises, beaucoup d’Ivoiriens sont réticents quant à la consommation de cette viande. C’est pourquoi, celle que prefère les Ivoiriens est celle qui passe directement à l’épreuve du feu. Cette viande braisée s’accompagne d’ingrédients tels que le piment frais, l’huile, le Cube Maggi et l’oignon venu du Niger (Ndlr : un peu mou par rapport à l’oigon local qui est plus ferme). Il y a également la poudre de piment sec, mélangé avec du Cube Maggi et autres épices pour rehausser le goût du piment en poudre. A cela, s’ajoute le célèbre piment que reclame le client, le fameux "kankankan".
Les vertus du "Kankankan"
Acheter le "choukouya", le vendeur vous proposera toujours la poudre de "kankankan" avec un certain air. Comme pour dire que la poudre contiendrait "quelque chose" qui pourrait rendre un grand service à l’homme. Mieux, cette poudre pourrait lui donner assez de vitalité pour combler sa libido. Chose avérée ou juste un moyen pour eux, de vendre leur produit ? Selon M. Gnizako.J, professeur de philosophie dans un lycée de la place, cela s’explique par le fait que la population ivoirienne est beaucoup portée sur le sensationnel. « Les Ivoiriens sont beaucoup curieux et promptes à se jeter dans toutes sortes d’expériences. Et quand bien même, cela n’est pas toujours vérifié. Du coup, ces vendeurs usent de cette faiblesse pour accroître leur clientèle et c’est vraiment dommage ! », s’insurge t-il. Pour Bachirou Ibrahim, spécialiste du "choukouya" situé dans la commune d’Adjamé, les vertus aphrodisiaques du "kankankan" sont avérées. Il explique que "la poudre du "kankankan" conçue pour son caractère aphodisiaque est préparée par les parents, depuis le Niger. Et tous nos clients qui l’ont déjà consommée peuvent témoigner de son efficacité ». C’est pourquoi, ajoute t-il : « nous ne la donnons pas à tous les clients. Nous ne la disposons pas non plus sur la table comme les autres condiments. Seuls les clients, connaissant la puissance du piment le reclament », précise t-il. Cependant, il déplore le fait qu’en lieu et place du vrai "kankankan", certains vendeurs proposent à leurs clients une autre poudre qui n’a rien à avoir avec l’originale. La raison est que, les ingrédients qui rentrent dans la composition du "kankankan" ne font pas partie des ingrédients d’assaisonnement ivoirien. « On retrouve ces condiments uniquement au Niger. Le secret de cette "potion" est donc bien gardé par les spécialistes du "choukouya", soutient-il.
Les Ivoiriens divisés
Qu’à cela ne tienne ! Dans tous les points chauds de la capitale économique du pays ; de Marcory à Yopougon, en passant par Cocody, Adjamé, Abobo, Port-Bouët, Koumassi, Treichville, Attécoubé, vous trouverez à côté des buvettes et autres espaces de show (maquis, bar, boîte de nuit…), des vendeurs de "choukouya". A Yopougon Siporex, il est 18heures. Déjà, le plein air aménagé pour les noctambules refuse du monde. En bordure de route, trois grands feux laissent échapper une fumée odorante de viande. Ceux qui activent ces feux, sont bien des vendeurs de "choukouya". Ces derniers s’emploient à préparer les différentes commandes des clients. La familiarité avec laquelle, le vendeur et le client s’entretiennent confirme bien que le client est un habitué du coin. Et ce n’est pas M. Idriss Ben qui nous dira le contraire. « Le "choukouya", c’est ma nourriture quotidienne. Je le consomme tous les soirs parce que je n’ai personne pour me faire à manger à la maison. En plus, le "choukouya" me revigore en tant qu’homme », explique-t-il avec humour. Si Idriss est un adepte de viande braisée, d’autres ne s’en acommodent pas. Et là, les avis sont partagés. L’informaticien, Affi Pascal explique : « je mange rarement le "choukouya". Et quand il m’arrive d’en consommer, je le prends sans leur piment "kankankan". Parce que, j’ignore la composition de ce piment. Alors, je ne prends aucun risque. L’institutrice Azoagbo. M.Helgane est, quant à elle, très critique au sujet de l’origine de cette viande. « Sincèrement, je n’ose pas manger cette viande. Avec le prix élévé de la viande de bœuf et de mouton, je ne sais pas si c’est veritablement de la viande autorisée. Qu’ils nous servent. Parce que dans le temps, nous avons entendu dire que ces vendeurs nous donnaient plutôt de la viande de chien à consommer pour mieux réaliser des bénéfices. Alors, depuis ce temps, je n’en consomme plus », tranche-t-elle. Si elle n’aime pas cette viande braisée, M. G Ghislain pose des reserves quant aux conditions d’hygiène qui entourent cette viande. « J’ai plusieurs fois rencontré les vendeurs du vrai "choukouya". Ceux qui se promènent ne m’ont jamais interressé, parce qu’avec les mouches et la poussière qui se posent sur leur viande, cela me coupe vraiment l’appetit », affirme t-il, très remonté.
Domination sans partage des pays sahéliens
Le commerce de bétail en Côte d’Ivoire est un réseau très fermé. Le commerce du "choukouya" s’adosse à ce reseau très fermé où, la plupart des commerçants sont des ressortissants des pays sahéliens. Et cela va de soi, dans la mesure où, le monopole du commerce de betail est l’affaire des pays sahéliens. Au cours de notre randonnée, nous n’avons aperçu nulle part, un ivoirien dans ce commerce. Les nationaux exercent dans la vente du poulet braisé. Or, au niveau du "choukouya", seuls y dominent des Nigériens, Maliens, et Burkinabé. Pour ce qui est des chiffres d’affaires quotidiens, ils observent le mystère. Aucun n’a été bavard pour ce qui est de la rentabilité de leur activité. Tous se contentent de dire seulement :" ça marche un peu". Ils sont aussi unanimes pour dire que la viande qu’ils prennent à l’abatoir leur revient très chère. Raison évoquée, la situation de crise qui secoue la Côte d’Ivoire. Jadis Mamadou, vendeur de "choukouya" à Yopougon Siporex, s’approvisionne à l’abatoir de Port-Bouët. Il nous explique que les prix des commandes varient selon la qualité. « Nous avons le choix entre la viande fraîchement abattue dont le coût du kilogramme varie entre 1500 à 2000f.cfa et celle importée qui coûte moins chère». Pour la majorité des commerçants de "choukouya", le choix est vite fait. Pour une question de rentabilité, ils préfèrent se ruer vers la viande importée.
Mahi Mikeumeuné