L’absence de majorité absolue- 38, 04%, lors du scrutin du 31 Octobre- contraint Laurent Gbagbo à un second tour. Avec quels arguments ? Atouts et faiblesses du candidat.
Aller au second round d’une bataille électorale en ayant occupé la première place lors du round précédent constitue en soi...un atout psychologique. Laurent Gbagbo s’en ira au scrutin du 28 novembre avec cet avantage qu’ont assez souvent les premiers : celui de se sentir plus près du but, plus à même de réussir l’exploit. « J’ai eu toujours confiance. On va au deuxième tour. Même si j’ai deux voix de plus, je gagne. C’est l’autre qui a des voix à rattraper. Moi, je suis devant », analysait le chef de l’Etat sortant à la conférence de presse qu’il a animée, mardi soir, à son quartier général de campagne. Il est vrai que développé exagérément, l’avantage psychologique peut se muer en un dangereux complexe et conduire à la déroute mais le candidat-président- qui a une certaine connaissance des grandes compétitions- est probablement sensibilisé sur ce risque.
L’un des atouts qu’il a et dont s’est faite largement l’écho sa direction nationale de campagne, c’est que du point de vue de la représentation sur l’étendue du territoire, il a fait la démonstration- lors du premier tour- qu’il était capable de creuser l’écart même dans le bastion de ses adversaires. Ses scores dans certaines localités du pays ont surpris un bon nombre : à Abengourou, fief traditionnel du Pdci-Rda, il totalisait 22.685 voix face à Henri Konan Bédié, candidat de l’ancien parti unique (16.734 voix) ; à Man, bastion de l’Udpci, Laurent Gbagbo s’est adjugé 37.855 voix bien au delà des 18.524 voix d’Albert Mabri Toikeusse, candidat du parti « arc-en-ciel ». Les exemples où le candidat de Lmp a repris à ses adversaires certains de leurs fiefs sont légion. Et c’est assurément un atout dans la perspective du scrutin du 28 novembre. Il n’y a qu’à jeter un coup d’oeil sur la cartographie
électorale pour s’apercevoir que le « bleu »- symbolisant Lmp- part d’Est en Ouest en s’étendant sur la presque totalité du Sud. Egalement, une brève étude des statistiques du premier tour nous apprend que le chef de l’Etat sortant arrive en tête dans les Lagunes qui représentent précisément 33,96% de l’électorat. S’il arrivait au second tour à conforter cette avance- il avait eu 45,07% des suffrages exprimés- il ne ferait que se rapprocher de la victoire finale.
Au nombre des atouts de Laurent Gbagbo, il faudrait peut-être relever un discours nationaliste qui- de l’avis d’analystes- lui a été souvent profitable. L’ancien opposant historique à Houphouët a encore ceci d’avantageux qu’il capitalise les acquis de la résistance. La crise armée, aime-t-il à marteler, a empêché le président élu de dérouler son projet de société dans ses principales articulations. Quoique le discours irrite quelques adversaires- qui y voient une excuse facile- le candidat de Lmp a tout l’air d’être compris de ses partisans.
Enfin, il faudra noter une vague de défections de cadres de l’opposition en faveur d’un Laurent Gbagbo qui a déjà à son actif une longue série de débauchages. Des barons de partis d’opposition- Séry Gnoléba, Siki Blon Blaise, Noutoua Youdé Célestin, Palé Dimaté- étaient présents dans la campagne lors du premier tour au côté du candidat de Lmp. Ils ont réussi pour certains à lui faire prendre des bastions aux mains de l’adversaire. Pour ce second tour, de nouvelles têtes devraient se faire voir. L’une d’entre elles- fils de l’ancien ambassadeur Usher Ashouan- a animé un point de presse hier pour marquer son ralliement à Laurent Gbagbo. Me Kossougro Séry, maire Pdci de Daloa, n’est pas bien loin de franchir le pas...s’il ne l’a déjà fait. « En ce qui me concerne, si nous ne sommes pas officiellement saisis du contenu (de l’accord avec Ouattara), qu’on doit se limiter à la prestation des candidats, le
programme de Gbagbo remporte ma conviction », dixit Me Kossougro Séry (in Nord Sud quotidien du Jeudi 11 Novembre 2011). Des surprises, le second tour en réserve probablement quelques unes. Laurent Gbagbo pourra compter sur de nouveaux « lieutenants » pour amplifier son message lors d’une campagne que tout ou presque promet épique.
Des points de faiblesse
Quand bien même il s’en ira au second tour avec une précieuse avance sur son poursuivant- 274.885 voix entre Alassane Ouattara et lui- Laurent Gbagbo a du travail à réaliser. Au surplus, le chef de l’Etat sortant est loin d’être ce candidat parfait auquel des fanatiques pourraient penser.
Point de faiblesse. Ses directions départementales de campagne sont la plupart du temps un creuset de responsables du Front populaire ivoirien- parti dont est issu Laurent Gbagbo- et de dirigeants de formations politiques alliées. La collaboration entre gens de partis différents s’est révélée difficile dans certaines Ddc où responsables Fpi étaient peu enclins à travailler avec les…nouveaux venus ou vice-versa. La campagne de Laurent Gbagbo en a fait les frais par endroits. A ce phénomène qui tient d’une incompatibilité d’humeur, il faut adjoindre les récriminations de ces nombreux responsables locaux (Dlc) qui- à l’issue du premier tour- se plaignent d’un manque criard de moyens. Certains, très en colère, et qui assurent s’être endettés lors du premier tour, susurrent que pour le tour suivant, ils feront avec les moyens du bord.
Autre élément que le candidat-président devra considérer avec une grande attention s’il tient à accroître ses chances de gagner la partie : l’électorat du grand centre. Laurent Gbagbo n’a pas réalisé d’excellents scores dans le centre. En témoignent ces chiffres : 14.414 voix remportées à Yamoussoukro, loin derrière Henri Konan Bédié (52.079 voix) et à une bonne longueur d’Alassane Ouattara (20.045 voix) ; seulement 1962 voix à Tiébissou devant un score éclatant du candidat du Pdci (20.351 voix). La bataille du centre sera rude pour le candidat de Lmp et son staff. Elle le sera davantage si les milliers d’électeurs qui ont accordé leurs suffrages à « N’Zuéba » s’inscrivaient aveuglement dans son appel à voter pour « Alassane Ouattara » investi candidat du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix.
Ce n’est pas tout. Un point de faiblesse pour Laurent Gbagbo qu’il devra nécessairement corriger, ce sont ses résultats- pour le moins modestes- dans le grand Nord. S’il est vrai que le candidat n’entend pas arracher de bastion lors de ce second tour- il n’en demeure pas moins vrai qu’un manque de réussite total dans les Savanes- deuxième après la région des Lagunes au niveau de la population électorale- pourrait coûter cher au chef de l’Etat sortant.
Laurent Gbagbo a, certes, des atouts. Il a surtout une première place à conforter et des bastions entiers à…conquérir.
Kisselminan COULIBALY
Aller au second round d’une bataille électorale en ayant occupé la première place lors du round précédent constitue en soi...un atout psychologique. Laurent Gbagbo s’en ira au scrutin du 28 novembre avec cet avantage qu’ont assez souvent les premiers : celui de se sentir plus près du but, plus à même de réussir l’exploit. « J’ai eu toujours confiance. On va au deuxième tour. Même si j’ai deux voix de plus, je gagne. C’est l’autre qui a des voix à rattraper. Moi, je suis devant », analysait le chef de l’Etat sortant à la conférence de presse qu’il a animée, mardi soir, à son quartier général de campagne. Il est vrai que développé exagérément, l’avantage psychologique peut se muer en un dangereux complexe et conduire à la déroute mais le candidat-président- qui a une certaine connaissance des grandes compétitions- est probablement sensibilisé sur ce risque.
L’un des atouts qu’il a et dont s’est faite largement l’écho sa direction nationale de campagne, c’est que du point de vue de la représentation sur l’étendue du territoire, il a fait la démonstration- lors du premier tour- qu’il était capable de creuser l’écart même dans le bastion de ses adversaires. Ses scores dans certaines localités du pays ont surpris un bon nombre : à Abengourou, fief traditionnel du Pdci-Rda, il totalisait 22.685 voix face à Henri Konan Bédié, candidat de l’ancien parti unique (16.734 voix) ; à Man, bastion de l’Udpci, Laurent Gbagbo s’est adjugé 37.855 voix bien au delà des 18.524 voix d’Albert Mabri Toikeusse, candidat du parti « arc-en-ciel ». Les exemples où le candidat de Lmp a repris à ses adversaires certains de leurs fiefs sont légion. Et c’est assurément un atout dans la perspective du scrutin du 28 novembre. Il n’y a qu’à jeter un coup d’oeil sur la cartographie
électorale pour s’apercevoir que le « bleu »- symbolisant Lmp- part d’Est en Ouest en s’étendant sur la presque totalité du Sud. Egalement, une brève étude des statistiques du premier tour nous apprend que le chef de l’Etat sortant arrive en tête dans les Lagunes qui représentent précisément 33,96% de l’électorat. S’il arrivait au second tour à conforter cette avance- il avait eu 45,07% des suffrages exprimés- il ne ferait que se rapprocher de la victoire finale.
Au nombre des atouts de Laurent Gbagbo, il faudrait peut-être relever un discours nationaliste qui- de l’avis d’analystes- lui a été souvent profitable. L’ancien opposant historique à Houphouët a encore ceci d’avantageux qu’il capitalise les acquis de la résistance. La crise armée, aime-t-il à marteler, a empêché le président élu de dérouler son projet de société dans ses principales articulations. Quoique le discours irrite quelques adversaires- qui y voient une excuse facile- le candidat de Lmp a tout l’air d’être compris de ses partisans.
Enfin, il faudra noter une vague de défections de cadres de l’opposition en faveur d’un Laurent Gbagbo qui a déjà à son actif une longue série de débauchages. Des barons de partis d’opposition- Séry Gnoléba, Siki Blon Blaise, Noutoua Youdé Célestin, Palé Dimaté- étaient présents dans la campagne lors du premier tour au côté du candidat de Lmp. Ils ont réussi pour certains à lui faire prendre des bastions aux mains de l’adversaire. Pour ce second tour, de nouvelles têtes devraient se faire voir. L’une d’entre elles- fils de l’ancien ambassadeur Usher Ashouan- a animé un point de presse hier pour marquer son ralliement à Laurent Gbagbo. Me Kossougro Séry, maire Pdci de Daloa, n’est pas bien loin de franchir le pas...s’il ne l’a déjà fait. « En ce qui me concerne, si nous ne sommes pas officiellement saisis du contenu (de l’accord avec Ouattara), qu’on doit se limiter à la prestation des candidats, le
programme de Gbagbo remporte ma conviction », dixit Me Kossougro Séry (in Nord Sud quotidien du Jeudi 11 Novembre 2011). Des surprises, le second tour en réserve probablement quelques unes. Laurent Gbagbo pourra compter sur de nouveaux « lieutenants » pour amplifier son message lors d’une campagne que tout ou presque promet épique.
Des points de faiblesse
Quand bien même il s’en ira au second tour avec une précieuse avance sur son poursuivant- 274.885 voix entre Alassane Ouattara et lui- Laurent Gbagbo a du travail à réaliser. Au surplus, le chef de l’Etat sortant est loin d’être ce candidat parfait auquel des fanatiques pourraient penser.
Point de faiblesse. Ses directions départementales de campagne sont la plupart du temps un creuset de responsables du Front populaire ivoirien- parti dont est issu Laurent Gbagbo- et de dirigeants de formations politiques alliées. La collaboration entre gens de partis différents s’est révélée difficile dans certaines Ddc où responsables Fpi étaient peu enclins à travailler avec les…nouveaux venus ou vice-versa. La campagne de Laurent Gbagbo en a fait les frais par endroits. A ce phénomène qui tient d’une incompatibilité d’humeur, il faut adjoindre les récriminations de ces nombreux responsables locaux (Dlc) qui- à l’issue du premier tour- se plaignent d’un manque criard de moyens. Certains, très en colère, et qui assurent s’être endettés lors du premier tour, susurrent que pour le tour suivant, ils feront avec les moyens du bord.
Autre élément que le candidat-président devra considérer avec une grande attention s’il tient à accroître ses chances de gagner la partie : l’électorat du grand centre. Laurent Gbagbo n’a pas réalisé d’excellents scores dans le centre. En témoignent ces chiffres : 14.414 voix remportées à Yamoussoukro, loin derrière Henri Konan Bédié (52.079 voix) et à une bonne longueur d’Alassane Ouattara (20.045 voix) ; seulement 1962 voix à Tiébissou devant un score éclatant du candidat du Pdci (20.351 voix). La bataille du centre sera rude pour le candidat de Lmp et son staff. Elle le sera davantage si les milliers d’électeurs qui ont accordé leurs suffrages à « N’Zuéba » s’inscrivaient aveuglement dans son appel à voter pour « Alassane Ouattara » investi candidat du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix.
Ce n’est pas tout. Un point de faiblesse pour Laurent Gbagbo qu’il devra nécessairement corriger, ce sont ses résultats- pour le moins modestes- dans le grand Nord. S’il est vrai que le candidat n’entend pas arracher de bastion lors de ce second tour- il n’en demeure pas moins vrai qu’un manque de réussite total dans les Savanes- deuxième après la région des Lagunes au niveau de la population électorale- pourrait coûter cher au chef de l’Etat sortant.
Laurent Gbagbo a, certes, des atouts. Il a surtout une première place à conforter et des bastions entiers à…conquérir.
Kisselminan COULIBALY