De l'artillerie lourde, voilà ce que les hagiographes en service dans les " canards bleus " de la refondation ont sorti hier pour exprimer leurs émotions au sujet de ce qu'ils considèrent (même s'ils n'osent dire pas le mot), comme une trahison : l'appel de Bédié à voter massivement pour Ouattara au second tour de la présidentielle. " Devenir président aux côtés de Ouattara : les faux calculs de Bédié ", signé César Etou. " Bédié déjà momifié par Ouattara ", une contribution du professeur Séry Bailly. Si le professeur Séry Bailly dont on sait qu'il ne parle pas beaucoup a dû prendre sa plume pour dénoncer (il aurait aimé que Bédié appelle à voter Gbagbo), l'appel de Bédié, c'est que l'heure est vraiment grave dans la refondation. Que le bateau est littéralement en train de couler. La preuve, l'objectif des deux articles est de faire comprendre aux militants du Pdci que Ouattara ne fera pas de cadeau à Bédié une fois devenu président et que Bédié fait de faux calculs s'il pense que Ouattara le laissera avoir une vie politique après sa victoire. Pourquoi ? Parce que Ouattara aurait renversé Bédié en 1999. La question qui ressort d'une telle analyse est la suivante. Si après son élection, Alassane Ouattara ne tient pas ses promesses, où est votre problème ? Si Bédié prend définitivement sa retraite politique après cette élection, où est votre problème ? En déposant sa candidature, Gbagbo n'a-t-il pas déclaré que " l'enjeu de cette élection est de mettre fin à l'ère d'Houphouët Boigny ? ". Que signifiait une telle proclamation si ce n'était la disparition du Pdci vu que Houphouët ne vit plus depuis 17 ans ? En réalité, en appelant à voter massivement pour Ouattara, Bédié a fait de bons calculs : Il a rappelé à Gbagbo qu'un homme d'Etat se caractérise par le respect de sa signature et par le respect de sa parole. Qu'un homme d'Etat ne peut pas passer son temps à rouler tout le monde dans la farine. Il a voulu également rappeler à Gbagbo que son alliance avec Ouattara n'est pas une alliance contre-nature puisque Gbagbo lui-même, pour le faire tomber, s'est allié à Ouattara dans le cadre du Front républicain de 1994 à 1999. Bédié a voulu enfin rappeler à Gbagbo que ce qui l'a marqué après le coup d'Etat qui a emporté son régime, c'est son comportement : " Ce coup d'Etat est salutaire parce qu'il fait avancer la démocratie " avait déclaré Gbagbo, avant de participer au partage du pouvoir issu d'un coup d'Etat. Au final, la vraie question à laquelle les refondateurs devraient répondre pour comprendre le sens de l'appel de Bédié est celle-ci : Si c'est Alassane Ouattara qui a renversé Bédié, au moment où il le faisait, avec qui était-il en alliance ? Et quand ce coup d'Etat a réussi, qui a déclaré que c'était une avancée démocratique ? Quand Bédié fait ses calculs, le résultat est toujours le même : Gbagbo. Donc en réalité, c'est Gbagbo qui a inspiré le coup d'Etat. Il a dit à Ouattara de le faire puisque c'était le seul moyen de faire avancer la démocratie. Il s'est donc servi de Ouattara pour renverser Bédié. Mais Bédié et Ouattara ont aplani leurs différends parce qu'ils viennent de la même famille politique et qu'ils ont compris que c'est Gbagbo qui œuvre depuis des années pour détruire l'œuvre d'Houphouët. Voilà pourquoi les militants du Pdci voteront pour Ouattara. Parce que c'est Gbagbo qui a manipulé et divisé les enfants d'Houphouët. Que Séry Bailly et César Etou revoient donc leurs calculs. C'est Gbagbo qui a célébré le coup d'Etat de 1999. Les Ivoiriens s'en souviennent encore. C'est pour cette raison que les pleurnichements des refondateurs ne leur font ni chaud ni froid et qu'à 62%, ils n'ont pas accordé leurs suffrages à celui pour qui toutes les compromissions sont bonnes pour accéder et rester au pouvoir.
PAUL KOUDOU
PAUL KOUDOU